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Cerises noires – (Susanne Derève) –


Nature morte aux cerises – Léon Marie BENOIT (vers 1865 – 1917)

 

Le morceau de ciel blanc d’une aube.                                                     

Sous les persiennes un reste de sommeil.

Dans le jardin des simples

de minuscules cerises noires,

dont le goût panse les tourments

plus sûrement  que la nuit.

 

Il faut se réfugier très loin dans l’ombre :

 à se laisser gagner par le sommeil,

on oublie que la nuit se doit d’être profonde,

tendue vers la douceur,

pour émonder le froid couperet du jour,

son trouble, sa fièvre, l’éclat des voix,   

l’entame des aurores,

de cette pulpe noire des cerises aux branches

des vergers,

que les merles dévorent.

 

                *

Interprété par Laurent Steed Chapelon :


Léonard de Vinci – tristesse


La tristesse ressemble au corbeau qui, quand il voit ses petits naître
blancs , part dans un grand chagrin, et les abandonne avec tristesse,
lamentation, et ne les nourrit pas jusqu’à ce qu’il en voit quelques-uns
avec des plumes noires.

( extrait des notes de L de Vinci sur les oiseaux )

une autre:

Le pinson doré est un oiseau dont on raconte que, lorsqu’il est
en présence d’une personne malade,
si l’homme malade est en train de mourir, l’oiseau détourne la tête
et ne le regarde jamais; mais si l’homme malade doit être sauvé
l’oiseau ne le perd jamais de vue mais il est
la cause de sa guérison.

C’est ainsi que c’est l’amour de la vertu. Il ne regarde jamais aucune chose vile ou
élémentaire, mais plutôt s’accroche toujours à des choses pures et vertueuses et
s’installe dans un cœur noble; comme le font les oiseaux dans les bois verts
sur les branches fleuries. Et cet Amour se montre plus dans l’adversité
que dans la prospérité; comme le fait la lumière, qui brille le plus là où l’endroit
est le plus sombre.


Les doigts gourds – ( RC ) – le clavier tempéré ( SD )


P Picasso Les menines et la vie No. 29

variation réponse à SD, dont le texte suit

J’ai en mémoire
           le buffet noir
     qu’a peint Picasso,
et qui me rappelle
ce sévère piano droit,
où l’on devait faire les gammes,
faire courir les doigts
sur un clavier
qui restait froid
( et n’avait rien de tempéré ).

Faire que les mains
parcourent les touches d’ivoire,
prenant les blanches pour les noires,
en suivant la Méthode Rose
( on n’espère pas encore devenir virtuose )
on imaginerait qu’elles dansent,
          chacune devant
faire preuve d’indépendance
    dans le mouvement…

Mais je vois bien le tableau :
montée sur le tabouret haut
          ma petite sœur,
tes pieds ne touchant pas terre
sous le regard sévère
de ton professeur :
             encore et toujours
             faire ces gammes,
alors que tu rêvais déjà d’amour :
( tout ce qu’il faut
pour te rendre allergique
à la musique ) :
tu préférais le chant des oiseaux.

RC



Petite fille aux doigts gourds

toi qu’on pressait de faire des gammes

quand tu rêvais déjà d’amour

et qui disais Bonjour Madame

docilement

Toi qui tempérais le clavier

quand te tendait les bras l’infâme

piano droit et l’œil distrait

innocemment

par un oiseau dans l’or du soir

prenais les blanches pour des noires

Susanne Derève


Bordée par la nuit – ( RC )


Image associée

peinture:  Arthur Dove « moon & see II »

 

L’œil blanc est sans expression,
et dissémine un clair distant ,
qui ne rappelle pas les ombres .

L’univers est bordé par la nuit .
On ne sait pas s’il s’éveillera
dans le balbutiement des étoiles .

Les entrecroisements des branches
se courbent dans une silhouette
les confondant avec celles d’autres arbres .

La lune pointe parfois entre les nuages,
aiguisant le regard des oiseaux nocturnes.
Ils se répondent de colline en colline.

Jusqu’à ce qu’elle descende
contre toute attente
prélever sur la terre

un peu d’atmosphère
un reflet dans le lac,
qu’elle emporte aussitôt

avec des meutes de fleurs noires,
avant de s’effacer
comme si elle n’avait jamais existé .


RC – janv 2018