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Des clefs pour compter les minutes – ( RC )


As-tu toutes les clefs pour compter les minutes,
les changer en années ?
Les heures sont de retour.
Ce sont peut-être les mêmes qui reviennent,
si, comme le pense Patti, il n’y a peut-être,
ni passé, ni futur. Juste un passage,
un éclairage, passant de l’ombre à la lumière,
ainsi le soleil, qui réapparaît
après s’être dissimulé derrière un nuage.
En chevauchant une parcelle de temps,
tu n’en perçois qu’une étincelle,
pas ce qui en est à l’origine,
ni sa courbe dans l’éternité.
Juste un soupir,
dont nous gardons un instant
le souvenir.

variation sur Mr Train ( écrit de Patti Smith )


Bernard Noël – la chute des temps – extrait 1


photo et montage RC

tu regardes

cette chose sans toi qui est toi

de quoi parlions-nous dis-tu

ta main même est muette

est-ce moi que vous avez tué

il n’y a plus moyen de faire la différence

peut-être suis-je quelqu’un qui n’est plus là

mais qui

peut ouvrir son propre corps pour lire

les présages de son identité

il est temps que chacun se souvienne

d’une autre histoire que la sienne

la mémoire s’en va comme le sang

à quoi bon ce que l’on a su

quelqu’un toujours voudrait venir

sous notre peau il lui suffirait

d’être la forme de l’air tout le temps

qu’il demeure dans notre corps

pourquoi n’y a-t-il plus de miracles

ils étaient le retour d’un souffle

dans la bouche capable

de le reconnaître mais les mots

sont trop forts quand ils vont

seuls on les attache l’un à l’autre

comme la respiration attache l’air qui vient

à celui qui va misère

misère où est la bouche libre

et ce trou dans la terre

qui parlait

au cœur ainsi que monte

la sève ou bien le regard

dans les yeux ne m’oublie pas

criais-tu et je n’entendais qu’un pas

d’oiseau et il froissait l’air devant

mes lèvres

qu’est-ce qui change

sinon la qualité quand l’énergie

détruit une différence pour en créer une autre

chaque jour est une différence

où le changeant est moins que le divers

le temps n’est jamais dans la ligne

droite il explose et moi

comment pourrais-je dire aujourd’hui

sans être à bout de souffle

car la fin et le commencement se tiennent

entre les dents qui tiennent ce mot

d’autres ont cherché le chiffre pour rabattre

le devenir sur lui-même tenir la vie

j’ai seulement rêvé de voir cette chose

aérienne un mot qui s’envole

de ta langue et je verrais enfin

ce qui sous nos yeux échappe à nos yeux et tu parlerais

tu parlerais pour que je voie

et nous aurions existé pour cela

dessous la lente migration de l’air dans l’air

mais dis-moi qui

et tout le dehors est une page blanche

où nous allons parmi les puits taris

sur le plafond de la nuit marchent

les morts parle-moi parle

que je croie encore à ces choses

dont nous avons meublé la vie syllabe

après syllabe l’ombre ne prend pas

sous les mots car ils sont le fil

qui raccommode la blessure

mais tu t’en vas les bras chargés

de ma poussière et je ne sais plus si

le regard est fait par le silence

ou la lumière

dis-moi qui

me dira ce qu’il faut faire

de toute cette vie réduite à une fois

et le temps aura la douceur d’un vieux linge

malgré la gâchette et le dernier baiser

puis il ne sera plus jamais trop tard

qu’attendions-nous un nuage est passé

le temps futur est devenu le présent

tu as dit ma conscience n’a pas bougé

et j’ai vu ton visage être cette pierre

dont j’aurais voulu faire ma maison

où mettrons-nous la porte disais-tu

quand chaque instant nous change en

ce que toi et moi ne sommes plus

et je pensais la vie est vaine

pour que le rien devienne créateur

et l’heure suspendue mais la langue

penchait comme une terre basse

après le recul du sens

qui

toujours la même affaire cependant

le neuf part encore de la fin

l’histoire coupe à travers maintenant

comme l’étrave fend la mer

les mouvements de l’une et l’autre

ne sont qu’un dans l’ignorance réciproque

et la contradiction nous sommes nés

des morts comment dire autrement

cette chose simple et qui appelle

car l’histoire n’est pas dans la continuité

elle est une explosion d’instants

que le pouvoir ramasse après

pour les ranger en ordre convenable

ainsi naît l’irréversible le jour

baisse entre les dates les épitaphes

les signatures derrière la main

pousse l’héritage et le temps n’en revient pas

parce qu’il regarde le calendrier

comme on regarde une photographie qui

n’est pas la sienne

miroir miroir

nul ne sait fouiller dans la chair

pas plus que dans l’image où chacun

se connaît à l’envers mais tu rêves

d’ouvrir le chantier de l’origine

les mots s’enroulent aux nerfs

ils les gainent d’un rien qui est

aussi la doublure de tes yeux

comment savoir de quelle étoffe

est le savoir quand l’intouchable

est le savoir lui-même et pourtant

quel plaisir dans la tête à s’habiller

de cela

qui mais qui pourrait

comme l’amour retire sa robe

qui pourrait découvrir l’en-dessous

tu es au monde et tu es en toi

disais-tu touchant mon cœur

et je ne comprenais pas tes mots

mais cela seulement qui mettait en moi

leur bouquet d’air

puis la peau repousse et tu es loin

derrière tes dents ou les miennes

l’un compte ses pas l’autre voit ses os

au bord d’une chose immense et floue

la vie qui revient dans la bouche

est une vie changée par le sens

je regarde par-dessus mon épaule

et ne me vois pas venir

mais qui disait

retourne-toi afin que l’avenir change

de place on a planté des morts

à tous les points de l’horizon

chaque direction reste immobile

le temps a les mêmes lèvres que la mer

sauf pour qui s’en va dans

son propre regard et devient l’eau de la lumière

mais les dimensions le ramènent

vers la pierre illisible

et NON

comme le pied du nageur dit non

quand il touche le fond

rien n’aura suffi puisque tu ne suffis pas

à ce que tu es un jour la trace

est perdue et ton souffle passe mes lèvres

quel vivant reconnaît en lui-même

ce qui est plus vieux que lui

et pourtant j’écris avec cela

mon visage est un souvenir

dont personne n’a gardé la mémoire

l’oubli roule des cargaisons de mots

chaque corps est une rive

où font signe la langue

et les gestes du naufrageur


Li Bai – Assis devant le mont Jingting


photographe non identifié

Les oiseaux s’effacent en s’envolant vers le haut
Un nuage solitaire s’éloigne dans une grande nonchalance
Seuls, nous restons face à face, le mont Jingting et moi,
Sans nous lasser jamais l’un de l’autre

( extrait de l’ouvrage de JM Le Clézio : le flot de la poésie continuera de couler ) ed Philippe Rey


Leon Felipe – Je ne suis pas venu chanter


 

Gravure  MC Escher  (  partielle):  goutte de rosée

 

Je ne suis pas  venu chanter,             vous pouvez remporter votre guitare.
Je ne suis pas non plus venu et je ne suis pas ici pour remplir mon dossier pour qu’on me canonise quand je mourrai.
Je suis venu regarder mon visage dans les larmes qui marchent vers la mer,
Le long du fleuve,
et le nuage…
et dans les larmes qui se cachent
dans le puits,
dans la nuit
et dans le sang…

Je suis venu regarder mon visage dans toutes les larmes du monde,
et puis aussi pour mettre une goutte de mercure, de pleurs, ne serait-ce qu’une goutte de mes pleurs
dans la grande lune que fait ce miroir sans limites où ceux qui viennent me regardent et se reconnaissent.
Je suis venu écouter encore une fois cette vieille sentence dans les ténèbres :
Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front
et la lumière à la douleur de tes yeux.
                  Tes yeux sont les sources des pleurs et de la lumière.


Pentti Holappa – depuis le rivage


 

 

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Semant ses bienfaits un nuage vole
puis un aigle, messager.

Seules les îles gémissent vers le rivage à leur départ,
quand le vent sous le gel se fige, pleurant sur leur sort.
Et la mort du nuage

et la fin de l’aigle
et le dernier cri

sont une suffisante genèse.

 

Les lueurs de l’Est ne dorent pas les eaux du rivage,

et les lumières de l’Ouest
ne recouvrent pas l’homme qui
regarde.

Seul jusqu’au destin du rivage résonne le chant de ceux

qui s’en vont :

Adieu, étranger aux visages enfouis.

 

Tout près (1957)


Herberto Helder – Maudit soit celui qui a jeté la pomme dans l’autre monde


1915  Marc Chagall  N'importe ou hors du monde  Huile sur carton, maroufle sur Toile  61x47.3 cm  Takasaki, Gumma Museum of Modern Art.jpg

 

peinture: Marc Chagall:  N’importe ou hors du monde

 

S’il y avait des escaliers sur la terre et des anneaux dans le ciel
Je gravirais les escaliers et aux anneaux, je me pendrais
Dans le ciel je pourrais tisser un nuage noir
et qu’il neige, qu’il pleuve et qu’il y ait de la lumière sur les montagnes
et qu’à la porte de mon amour l’or s’accumule

J’ai embrassé une bouche rouge et ma bouche s’est teintée
J’ai porté un mouchoir à ma bouche et le mouchoir a rougi
Je suis allé le laver à la rivière et la rivière est devenue rouge
Et la frange de la mer, et le milieu de la mer
Et rouges les ailes de l’aigle
Descendu boire
Et la moitié du soleil et la lune entière sont devenues rouges

Maudit soit celui qui a jeté la pomme dans l’autre monde
Une pomme, une mantille d’or et une épée d’argent
Les garçons ont couru après l’épée d’argent
Et les filles ont couru après de la mantille d’or
Et les enfants ont couru, ont couru après la pomme.

 


Pentti Holappa – depuis le rivage


 

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Depuis le rivage
Semant ses bienfaits un nuage vole puis un aigle,     messager.
Seules les îles gémissent vers le rivage à leur départ,
quand le vent sous le gel se fige, pleurant sur leur sort.
Et la mort du nuage et la fin de l’aigle
et le dernier cri sont une suffisante genèse.
Les lueurs de l’Est ne dorent pas les eaux du rivage,
et les lumières de l’Ouest
ne recouvrent pas l’homme qui regarde.
Seul jusqu’au destin du rivage résonne
le chant de ceux qui s’en vont :
Adieu, étranger aux visages enfouis.

( Le fils de la terre 1953)


Une sculpture fragile ,une chemise de nuit, et un nuage de dentelles – ( RC )


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peinture:  Anselm Kiefer

 

Sur le socle, une sculpture fragile ,
une chemise de nuit, et un nuage de dentelles.
Elle protège ton corps, hautement inflammable .
Ceci a à voir avec la magie :
tu repousses la pénombre,
celle des fumées, qui ont fini – autodafés –
par fermer le monde d’un couvercle.

Le bitume se fendille, la terre ouvre des crevasses.
Elle a soif.
Les gens ont des robes de béton,
et des voiles noirs
qui pèsent autant que s’effacent les couleurs.
Ils essaient de sauver quelques objets,
ce qu’ils ont pu emporter
sur une charette.

Ils m’ont pris pour l’un des leurs,
car j’avais sous le bras
ton portrait inventé,
dans une chemise de nuit,
et un nuage de dentelles.

RC – mai 2017


Abritant des agents indésirables – ( RC )


 

Les doigts papillons,
multiplient les approches  veloutées.

Je ne sais pas faire des histoires longues.
Peut-être, les insectes  les  grignotent  ,
avant qu’elles  ne puissent prendre  de la consistance.

Ces petites  bêtes restent bien petites …  quelques  larves,  des moustiques,  des petites mouches inoffensives,  et des papillons bruns, de ceux  qu’on trouve dans les  céréales.
Elles ont juste  comme tendance à se multiplier,  de se répandre  sur mes  récits,

Dès que j’ai le dos  tourné. Copulant dans les  coins, elles parcourent joyeusement les phrases, et se nourrissent  de ce qu’elles  trouvent.

C’est une  famille  qui se porte bien, en apparence,  et qui fait la fête souvent.

Je dois , en multipliant des mots, leur  apporter  autant de nourriture qu’elles le désirent .
Je les emporte sans doute en moi, quelque  part,
à la manière  des fleurs, trop aimables, qui s’ouvrent aux vents, pour que les insectes viennent y chercher le pollen.
En échange, ils déposent  leurs œufs.
——– ( C’est une offrande intéressée…)

Ceux-ci restent à l’abri,  au cœur même du fruit qui s’est conçu. Ils ont la nourriture assurée et le logement  sur place .

L’idée  même  du récit  s’effrite,
en quelques miettes, qu’il m’arrive de me remémorer,
le matin suivant. – presque des confettis, qu’il faudrait se résoudre  à assembler par  couleur, pour  reconstituer l’étoffe originale,  une trame tissée bien fragile, attirant tôt la petite faune .

Si, à la place de coucher les mots  sur le papier,  j’avais  l’audace de les prononcer, une nuée de ces insectes  viendrait avec,
ne tarderait pas à former un nuage, d’où même  la lumière  aurait du mal à s’immiscer.
Les paroles  auraient  un son mat, comme  celui là, même  des mots,
déchiquetées, et souvent incompréhensibles,  à qui n’en saisit pas le fil, la logique interne   ( si par hasard, il y en a une ).

——>      Il vaudrait mieux  que je garde  tout ça pour moi

— car on a connu des cas,
où l’écriture, comme la parole, à petites  doses, pouvaient  s’avérer contagieuses, si une part de l’esprit rentre dans celui de l’autre, et dépose à son tour, quelques  œufs, ou de simples  bactéries.

Spontanément elles s’activent…  c’est  souvent à ce moment, je présume,
que se crée un  « terrain d’entente ».
– ( on dira que tout n’est donc pas à considérer de façon négative ) –

Si la science  se penche  dessus, il y aurait toutes  les  conditions  réunies, pour que cela continue  son chemin, d’une autre façon …  ainsi la vie  sur notre planète…

Une simple  vue  de l’esprit ?

Un esprit parasité par des agents indésirables ?
Ou qui contribuent  à sa propagation…


RC – déc  2014


Ce cher Apollon, sur son char, et sa concurrence à Icare – (RC)


photo perso –   champs  de la banlieue  d’Amsterdam

 

Le cher d’Apollon
qui joue au papillon
ne s’appuie en ses sphères
que sur l’atmosphère
On ne sait s’il déménage
Avec tous ses bagages
Et traverse les airs
De son allure autoritaire.


Et peut-être qu’il essuie
D’intempéries, la pluie
Et aussi les présages
De lourds nuages
Pour monter plus haut
Que sur son escabeau
Et voir au-dessus
L’horizon moussu

Le tapis des dieux

Et un temps radieux
Eloigné de terre
Mais c’est solitaire
Que son char avance
Immobile danse
Divin omnibus
(elle le dira, ….Vénus)
Qu’il aurait pu prendre…


– mais faudra attendre
le prochain T E R
çui qui vient derrière
Le train de la passion
Fait toutes les stations
C’était avant Christ
Et sa passion triste
Qui filait tout droit
Vers sa mise en croix
Et resta en tas
Sur le Golgotha.


Apollon invente
De nouvelles sentes
Et va sans pareil
Vers le soleil
Sans solliciter courroux
D’un Jupiter jaloux ,
– A l’instar d’Icare
Qui vécut cauchemar
Et retomba sitôt
Tête première dans l’eau
Réviser sa copie
De la mythologie –

Sauve qui peut !
N’est pas Apollon qui veut !

——–

Article  provoqué  par la réponse  d’Arthémisia  à mon post….

Ainsi que celle  de JoBougon, par rapport à cette même réaction

la chute d’Icare, dessin d’élève de 5è –2010

voir aussi le 22 novembre le nouvel article avec les poésies d’Alice…


Tomas Tranströmer – Voyez cet arbre gris


peinture: Paul Cézanne

                                 peinture:               Paul Cézanne

 

 

 

 

Voyez cet arbre gris.

Le ciel a pénétré par ses fibres jusque dans le sol –

il ne reste qu’un nuage ridé quand la terre a fini de boire.

L’espace dérobé se tord dans les tresses des racines, s’entortille en verdure.

– De courts instants de liberté viennent éclore dans nos corps,

tourbillonnent dans le sang des Parques et plus loin encore.

 

 

 

——————————


Leon Felipe – le poète prométhéen


LE POETE PROMETHEEN

Joseph Marie Thomas Lambeaux (1852-1908) : « Prométhée »

Le poète prométhéen… vient rendre témoignage

de la lumière…
Et la Poésie entière du Monde… il se peut que ce soit la
Lumière…
Je pense que c’est un Vent enflammé et génésique
qui tourne sans cesse tout au long de la grande courbe de
l’Univers…
Quelque chose de si objectif, si matériel et si nécessaire…
comme la Lumière… Peut-être est-ce la Lumière…
La Lumière !
La Lumière dans une dimension que nous-mêmes nous ne connaissons pas encore.

Lumière…

Quand mes larmes t’atteindront
la fonction de mes yeux…
ne sera plus celle de pleurer…
mais de voir… Marin…larmes… larmes… larmes… le nuage… le fleuve… la mer… Là-bas…au-delà de la Merà la fin de mes larmes…se trouve l’île que cherche le navigateur.

Dans quel but nos yeux sont-ils faits pour pleurer et pour voir ?…

Je demande ça, comme ça.
Pour quelle raison, de ces deux œufs petits et blanchâtres
qui se cachent dans nos cavités ténébreuses sous
le front, comme deux nids à l’aine de branches d’arbre,
naissent au même moment et les pleurs et la
clarté resplendissante ?
Je demande, seulement.
Pourquoi dans la goutte amère d’une larme l’enfant voit,
pour la première fois, comment se brise un minuscule rayon
de soleil… et comment en partent, en s’envolant pareils à sept
oiseaux, les sept couleurs de l’arc-en-ciel ?
Je demande simplement.
Dans quel but naît la Lumière… cette pauvre lumière que nous
connaissons… avec la première larme de l’homme ?
Et pourquoi ne doit-elle pas naître, l’autre… la poétique… celle
que nous cherchons… avec la dernière larme du Monde ?

***Le poète prométhéen doit toujours mourir  bafoué et lapidé. Calomnié… crucifié et maudit !Le véritable poète est le Verbe… le Fils.La Poésie est la parole… Mais quand les marchands et les pharisiens du temple l’eurent salie et corrompue en l’utilisant pour vanter leurs marchandises et faire respecter les ordres injustes du Grand Prêtre… le Christ se mit à parler en paraboles… La parabole…n’est pas encore corrompue.La parabole est une façon oblique de parler par périphrases que les marchands ne peuvent utiliser

parce qu’elle ne s’adapte pas au mécanisme éhonté et cynique de leurs transactions.

 

Avec une parabole, je veux définir la Poésie et expliquer les trois classes de poètes qui existent

et qui ont existé dans le monde. Avec la parabole du Fils Prodigue. Le Christ, dans les Evangiles, ne rapporte que la première partie…

Mais il y a trois actes… Je vais la raconter ici dans sa totalité…Avec humilité et respect…Il n’y  rien d’hérétique dans ce que je vais dire…

Le Christ raconte cette parabole du Fils Prodigue pour glorifier le Père…

La miséricorde du Père… Quand les pharisiens commençaient à dire de Jésus qu’il s’asseyait à manger avec les prostituées et les publicains…

Mais on peut la raconter aussi pour glorifier l’Esprit…
C’est celle-là, la parabole complète :
En ce temps-là, il y avait un père qui avait de grandes richesses
et de la sagesse… Il avait aussi trois fils… Trois. Et les trois,
un jour, réclamèrent leur héritage et, avec cet héritage
sur l’épaule, chacun d’eux, l’un après l’autre, s’en alla
d’aventure de par le monde.
Le premier… nous le connaissons… il revint à la maison
terrorisé par un nuage noir qui passait… et avec la dernière
caravane du soir…
Le père, plein de pitié, le voyant de retour, fit sacrifier le
veau gras de cette année-là… et il y eut un festin et des
actions de grâce dans le clan car le père était riche et
respectait la loi… et parce qu’il était miséricordieux.
Là s’arrête la parabole évangélique, qui, davantage que la
parabole du fils est la parabole du père, la parabole où on
glorifie le père, la parabole du pardon qui sait parler ainsi :
« Bienheureux les pauvres d’esprit »…
Car il n’était autre qu’un « pauvre d’esprit » ce fils
qui en avait été réduit à n’être, après avoir dilapidé son avoir
avec prodigalité, qu’un gardien de cochons et à dormir dans
une porcherie… Un jour, à bout de force, il était retourné au
foyer paternel porté par les sirènes domestiques. Le père,
lorsqu’il l’avait vu prosterné à genoux sur les dalles de la cour
et arrosant le sol de ses larmes, avait ouvert grands ses bras et
l’avait relevé, miséricordieux… Mais il s’était senti triste et
affligé de son retour.
Le second fils demeura seul et épuisé dans un pays dur  et sec
où ne passaient ni marchands ni voyageurs. Lorsque
la nuit tomba sur cette terre dure, il s’endormit. Il fit un rêve.
Dans ce rêve, un aigle et un serpent se battaient. Le matin,
lorsqu’il s’éveilla, il dit : Je resterai ici. Et à cet endroit, il
planta sa tente. Autour de sa tente grandit une ville puissante.
Il aima et eut sept fils… Sept fils qu’il se prit à élever avec
les sept couleurs de l’arc-en-ciel. Puis il les  éleva encore
avec une flûte. Il fut l’inventeur de la parole, de la peinture
et de la chanson. Il mourut crucifié. On l’enterra parmi les
arbres et il se décomposa sous l’herbe.
Ce fils ne revint jamais… mais le père sut ce qu’il en était
advenu. Quand des marchands étrangers lui apprirent
qu’il était Prince d’une ville lointaine merveilleuse, pour
glorifier son fils, rempli d’allégresse, il ordonna le
sacrifice du veau gras de cette année-là et il y eut festin et
prières d’actions de grâce dans le clan, car le père était
homme riche qui observait la loi et… avait l’orgueil de
sa caste.
Cette parabole, c’est la parabole du fils, la parabole du
Verbe, du Verbe fait chair, de la chair multipliée qui se
plante dans la terre, s’enterre et se décompose dans la terre
pour que l’esprit se libère.
Le père avait su ce qu’il lui était advenu. Il avait écouté
son histoire, bouleversé, mais il s’était senti heureux et
satisfait parce que ce fils-là, vainqueur de la tentation des
sirènes domestiques, avait élevé sa propre maison loin du
clan, de nuit, dans le désert et dans la tempête…
Le père vit avec pitié le retour du premier fils… et avec
orgueil que le second ne soit jamais rentré… qu’il se soit
multiplié sur la terre, que la terre l’ait enseveli et qu’elle
l’ait recouvert comme une graine.
Le troisième fils ne revint pas, lui non plus… mais
c’est celui qui doit venir. Il s’est perdu comme Elie, rabattu
par le Vent sur la route du Soleil (Elie-Hélios)… Il reviendra
au Père quand l’Histoire sera consumée en faisant le tour
du monde et en fermant son cycle par le soleil.

Il est sorti de nuit par la petite porte du jardin et il entrera de jour quand les ombres s’en seront allées par l’escalier principal.

Il a embarqué avec la Lumière… et sur la Lumière il arrivera au Père mais par l’autre côté du Soleil… Il est l’argonaute des grandes promesses et des découvertes stellaires. De la rotondité de la terre, de la sphère et de la quatrième dimension … où il n’existe ni temps ni lieu, où l’on marche en suivant la lumière sans déclivité.

Ceux qui naviguent avec lui perdront un jour la foi, voudront l’assassiner comme ils voulurent assassiner Colomb et l’un d’entre eux ira jusqu’à dire : Tuons le Capitaine qui nous trompe car il n’y a pas d’autre terre ni d’autre monde et parce que l’ombre et les eaux noires n’ont pas de fin… Mais lui, il se sauvera, car il est l’évidence de la lumière.

Le père l’attendra tourné vers le couchant où il s’en était allé, mais il reviendra dans l’aurore, par l’autre côté de la terre. Le père sera de dos et ne le verra pas arriver et quand il se retournera, surpris, pour l’embrasser, le Fils ne s’agenouillera pas, et une colombe blanche scellera leur embrassement.

Alors, et pour glorifier l’Esprit par la grande fête de la Lumière, nous sacrifierons le veau prémicial. Parce que la voilà la parabole de l’Esprit où il est dit que le Fils ne retourne pas à la terre mais au Père, qu’il ne revient pas pour être pardonné par le Père mais pour fusionner amoureusement avec Lui…

Voilà la synthèse du grand processus poétique de l’Esprit qui marche parallèle au processus dialectique de la matière. Parce qu’ils sont trois : Le Père, le Fils et l’Esprit… la Thèse, l’Antithèse et la Synthèse.

Et les poètes sont trois selon cette dialectique spirituelle : Le domestique, le pauvre d’esprit qui reste là tout seul pour glorifier le Père, pour mettre à découvert son côté tendre et miséricordieux, pour faire voir ses entrailles amoureuses.

Une fois de retour et pour toujours dans sa maison, ce poète composera des complaintes et des chansons pour la liturgie orthodoxe en grande pompe rhétorique.

Ce sera un scribe… et un bon citoyen. L’autre, le second, est le Poète Prométhéen… le rebelle, le véritable rebelle… le Verbe… Le Fils. Il est né de l’imagination.

Il est sorti du mythe et des entrailles des livres sacrés… Puis il s’est fait réalité historique… les Grecs l’appelèrent Prométhée… plus tard Œdipe… c’est le Christ… et en Espagne il a pris le nom et la figure grotesque de Don Quichotte de la Manche…Le troisième est la parole lancée dans le Vent… la Lumière dans ses quatre dimensions remplissant l’Univers…

la Poésie, de l’Homme et de tous les Hommes dorénavant, sous toutes les latitudes de l’espace et du temps… la Sagesse amoureuse et musicale… la loi des sphères et de la larve dans le sang de l’homme, tout comme celle de l’instinct et de la grâce…

La synthèse ultime…Mais ce monde n’est pas encore notre monde.Parlons seulement du Poète Prométhéen pour le présent.

Le Poète Prométhéen est l’antithèse toujours … Le Fils, celui qui s’oppose à son Père, ce qui est la première 

affirmation créatrice, cruelle et non-miséricordieuse.

Il représente l’amour contre le froncement de sourcil menaçant de Jéhovah dans la Bible…

Et l’amour chez Prométhée contre la dictature capricieuse de Jupiter chez les Grecs…

Et l’amour chez Œdipe contre les ombres préhistoriques et subconscientes…

Et l’amour passionné et fou de l’Espagne chez Don Quichotte contre la raison absolutiste et froide de

l’Europe de la Renaissance.


Pierre Seghers – Une maison où je vais seul


image - modification perso

image – modification perso

Une maison où je vais seul en l’appelant
Un nom que le silence et les murs me renvoient
Une étrange maison qui se tient dans ma voix
Et qu’habite le vent
Je l’invente, mes mains dessinent un nuage
Un bateau de grand ciel au-dessus des forêts
Une brume qui se dissipe et disparaît
Comme au jeu des images
Pierre Seghers

François Corvol – Setis


-

illustration-  à partir  d’éléments  rappelant les estampes japonaises

Setis

24 août 2012

Je me souviens d’elle allumant la nuit rouge-bleue
en tirant sur la corde
la plante des pieds sur les tuiles froides
assise sur la cheminée de grès
des chats transalpins nombreux sur ses jambes s’emmêlaient
les crayons de ne plus savoir s’ils voulaient une caresse ou le lait
du nuage de son essor ou de son corps
ou de ses cheveux parsemés de photophores je lui dit
ceci -Chaque nuit des fantômes
mille fois plus vivants retombent
de tes arceaux, je veux moi aussi
ma part de bonheur sur la Terre mon rêve mon rêve-
mais elle ne compris pas elle ne compris rien
de mon langage et d’un coup sec
tira sur la corde afin que la nuit tombe
coule
le lait.

on peut  retrouver  les  écrits  de François Corvol dans   décadences.net

 

 

 


André Velter – Marche d’approche


 

Isenfluh

 

 

 

Marche d’approche.

Bien sur j’irai seul
Affamé volontaire
J’irai pour te plaire
Serré dans ton linceul

Le sommet t’appartient
Au-dessus des alpages
J’atteindrai le nuage
Qui ne recouvre rien

Il n’y aura plus d’ombre sur la terre
le soleil sera peut-être entre mes mains
Ravivé
Avec moins de violence
Souverain
Sans impatience

Par l’altitude reconquis
par la solitude rappelé au désir
Comme le silence à perte de vue dans le bleu dans le blanc..

je lutte à armes inégales
Si peu familier des harnais et des clous
Des bivouacs en pleine paroi
Des réflexes d’insomniaque contre froid

la nuit l’horizon reste en coulisse
le ciel n’est pas le manteau espéré
Je joue à contre-emploi
Une pièce qui s’écrit avec les pieds
Mais sans renoncer à porter les mystères
Sans abandonner le souffle à la pesanteur
Sans craindre de déboucher hors d’atteinte
Un pas plus haut

Un pas toujours plus haut
Dans cette approche impossible
Qui passe de l’effroi à l’extase
Comme d’un réel à l’autre
D’un univers à l’autre
Et pour le même amour..

André Velter. « Une autre altitude »

extrait.. » l’ascension du Mont A n a l o g u e »


Edith de Cornulier – Deltaplane


le rêve  d’Icare

-…

Deltaplane

à Siobhan H.

Ne plus jamais poser mes deux pieds sur la terre.
Ni herbe, ni béton, je veux mourir dans l’air.
Rêver, voler, nager dans le nuage bleu
Et les nuages blancs – enfin vous dire adieu.

Dans le champ de foin jaune à côté de la route,
Ma splendide auto rouge halète au soleil d’août.
Je me sens me confondre avec mon deltaplane :
J’ai des ailes et des larmes et je plane et je plane.

Ne plus jamais revoir l’humain artificiel.
Ne plus vous revenir, être un oiseau décent
Et au bout du voyage, expirer dans le ciel,
Une aile déchirée, le cœur-moteur en sang.

Pauvres tristes oiseaux qu’on a mis dans les cages !
Victimes de l’atroce et vil esprit humain !
Moi, j’ai pu m’échapper pour faire un long voyage ;
L’engin volant tiendra jusqu’au petit matin.

Alors le deltaplane épuisé tombera,
Alors je coulerai dans la tombe océane.
J’ai quitté les cités et les humains d’en bas,
J’ai des ailes et des rires et je plane et je plane.

Edith de CL, été 1999


Antonio Colinas – Automne dense


 

 

 

 

Automne dense.

 

Le soir tamise son or entre les branches.

Un nouvel hiver ne tardera pas à venir.

Les feuilles humides du parc brûlent

et au couchant le ciel se disloque

en grappes de nuages pourpres.

Frémissement de lumière sous les auvents.

Les pigeons fécondent la silhouette

obscurcie de chaque promenade.

Les mamelles de l’automne sont pleines.

Des séraphins de lumière meurent

au-dessus de nos têtes étonnées

afin que tisse, une fois encore, le rêve,

la douce mélodie d’une nouvelle nuit,

la nuit hallucinée des légendes.

 

 

Antonio Colinas

(né en 1946 à La Bañeza, León, Espagne), Automne dense in  » Preludios a una noche total, »   –  Préludes à une nuit totale.


Cribas – (J.I 72)


installation- objet: Rebecca Horn

Cribas, encore, avec un de ses publications anciennes..  et toujours une  utilisation des mots, très particulière et attachante…

 

voir  son site

Tout ce qu’on a dit de bruyant

Même le silence retrouvé

Ne nous le pardonnera pas tant

Que nos combats seront ébruités

Se battre contre qui

Se débattre pourquoi ?

Quelle farce cette vie

Qui trace des petites croix

Dépressions au dessous

De l’art ceinturé

Les petites fleurs d’été

N’ont pas vu le jour

Il entend un cri qui vient de tout en bas. Il saute le pont. Il fait le mauvais pas. L’air vole une dernière fois, sans faire le bruit du mur.

La vie ne sait pas le bruit. Le silence est une poche d’existence.

Tout ce qu’on a rit en fuyant

Pour abrutir le clown

Lui sur sa balustrade d’argent

Trois fois rien dans les fouilles

Se combattre pour qui

S’abattre pourquoi ?

Quelle force cet ennui

Qui passe pour qui sait quoi

Des torsions de fou

Vomies des remparts

L’embolie des dessous

Les réveils sans hasard

 

Il prétend être déjà mort dix fois. De maux de tête et de mauvaise foi. Les poètes en colère et leurs pas de travers, bruyants.

Le mauvais poète sourit, et d’un coup de baguette magique fait retentir sa pauvre cloche.

Ça lui fait mal au nœud dans sa tête.

C’est l’heure du baptême

Avec du feu dans l’air

Un souffle sur ses batailles

Chuinté par ceux qui l’aiment

Dépressions au dessus

Des ceintures noires d’aubépines

L’homme s’élève à l’insu

Des coups bas de la rime

Il descend les étages

De sa tour quatre à quatre

Souriant sa victoire

Aux lucarnes des nuages

Installation-volume: Rebecca Horn "Simone de Beauvoir"

Il s’entend revivre pour une fois, le poète, juste avant de mourir comme une dernière phase. Le temps poisse et la caravane de tête se prélasse. On ne les reconnaît pas, même s’ils sont las ils se lassent en cachette, les poètes au rez de chaussée avec les clowns !

Cribas 08.10.2007

 


Olivier Domerg – Le rideau de dentelle


peinture: Fernand Léger figure et rose 1931

 

 

 

 

«  Où est le réel ? flottant, floconneux, flou. De l’air   ! de l’air !

Des nuées sirupeuses. Des dorures. Des nappages. Du flou.

Des nuages.

De l’air et de l’eau en suspension. En fines gouttelettes.

En vapeur. En « plumes d’ange » (les revoici donc ces chérubins chéris, chéru-bibis séraphiques, bénis des cieux / pieux / vieux / dieux ?).

En brumes cotonneuses. Où est le réel en ces parages où l’écriture le dispute au démiurge ? À quel ciel se vouer quand on ne croit en rien ?

Et n’est-ce pas le lieu même du leurre ? Du leurre et de la couleur (blanc azuré, orange ou rouge crépuscule) ? Du leurre et de l’emphase, du lyrisme niais, vertical ; béatitude des saintes buées ? Du leurre de la douleur expiée ?

Élévation. Dévotion. Évasion. Manipulation ? Où est le réel dans ce trop-plein de dogmes, discours, croyances nébuleuses, bondieuseries patentes, représentations saturées ? »

 

 

 

Olivier Domerg  est publié aux éditions   « Le bleu du ciel », il a été aussi été publié  « Une Campagne », aux mêmes  éditions   ( http://editionlebleuduciel.free.fr ).

En savoir plus ?   c’est  ici, avec  « autres et pareils »

—–

Le bleu du ciel  publie  également Claude Chambard,  qui a fait l’objet de trois  articles  ici,  deux  extraits  du  « chemin vers la cabane »,  et  « transformation ».

 

dessin ;Fernand Léger; Album : la ville, Paris, édition Tériade, planche 6; Les amoureux dans la rue


Mars incertain, de Tikopia


les variations nombreuses, de tikopia,lequel part souvent d’images photographiques ou pas, qui donnent l’impulsion à ses textes

photo- sépia – Italie

 

Dommage,  je n’ai pas  trouvé  comment  lui rendre un petit  hommage  de lecture…

Mars incertain

Un ciel lumineux léger en nuage
Sous le soleil des fleurs blanches
j’aimerais croire au retour d’une vie trépidante
mais les contours de mon corps restent flous
impalpable mer de nuage
qui aveugle mon monde sépia et instable
plus vide qu’une bulle d’air

d’après les photos de Claire Sloan, inspiré du la série Diary – march 09

Avec une photo de Claire  Sloan, justement

Tikopia, l'île aux images

Un ciel lumineux léger en nuage
Sous le soleil des fleurs blanches
j’aimerais croire au retour d’une vie trépidante
mais les contours de mon corps restent flous
impalpable mer de nuage
qui aveugle mon monde sépia et instable
plus vide qu’une bulle d’air

d’après les photos de Claire Sloan, inspiré du la série Diary – march 09

Voir l’article original


Nadia Tueni – En montagne libanaise


photo perso: montagne du plateau de Lassithi ( Crète)…     n’étant jamais allé au Liban… mais je suppose qu’il y a – dans la sécheressse, – des points communs

A la découverte  ( en voletant  cueillir  du pollen ), l’abeille  que je suis  découvre « encres du monde », – de Claire-Lise

dont j’extrais ce  beau texte

En montagne libanaise, un poème de Nadia TUENI (Liban)

———

Se souvenir – du bruit du clair de lune,
lorsque la nuit d’été se cogne à la montagne,
et que traîne le vent,
dans la bouche rocheuse des Monts Liban.

Se souvenir – d’un village escarpé,
posé comme une larme au bord d’une paupière ;
on y rencontre un grenadier,
et des fleurs plus sonores
qu’un clavier.

Se souvenir – de la vigne sous le figuier,
des chênes gercés que Septembre abreuve,
des fontaines et des muletiers,
du soleil dissous dans les eaux du fleuve.

Se souvenir – du basilic et du pommier,
du sirop de mûres et des amandiers.

Alors chaque fille était hirondelle,
ses yeux remuaient, comme une nacelle,
sur un bâton de coudrier.

Se souvenir – de l’ermite et du chevrier,
des sentiers qui mènent au bout du nuage,
du chant de l’Islam, des châteaux croisés,
et des cloches folles, du mois de juillet.

Se souvenir – de chacun, de tous,
du conteur, du mage, et du boulanger,
des mots de la fête, de ceux des orages,
de la mer qui brille comme une médaille,
dans le paysage.

Se souvenir – d’un souvenir d’enfant,
d’un secret royaume qui avait notre âge ;
nous ne savions pas lire les présages,
dans ces oiseaux morts au fond de leurs cages,
sur les Monts Liban.


Augusto Lunel – chant 7


silhouettes  en blanc

silhouettes en blanc, art pariétal, Australie

 

 

 

 

 

 

 

Le Poème

Le cor de chasse résonne dans le soleil
et précipice horizontal est le cerf.

Blessé à mort de ma vie,
cerf à la course bleue,
cerf paré de vent,
où la vitesse dans ses bois
jamais ne s’arrête,
l’éclatement de ton coeur
s’ouvre dans ma poitrine.

Clair royaume du mouvement
où s’arrêter est s’obscurcir,
vie qui monte à la bouche,
rosée dans la gorge de la nuit,
cerf dont la peau
ne le sépare pas de l’air,
tu dénudes les prairies à ton passage,
éblouis l’espace à l’oeil vorace,
incendies les nuages,
fleuris en embrassant toute la forêt.
Un rayon de soleil t’ouvre le dos.
Le jour ne suffît plus pour tous,
ni l’air que tu emportes dans tes bois
me laissant sans baleine,
ni le trésor
que la nuit déverse dans les rivières,
les rivières dans les oiseaux,
les oiseaux dans la poitrine ;
… aujourd’hui, seul mon vide peut remplir le tien.


Claude Roy – nuances


Nuances

L’ombre d’un nuage change la couleur du champ de blé

Vert de vert campagne puis vert d’océan calme

Le nuage est passé La mer se retire

le Haut Bout 4 juin 1983

photo perso: colline vers le lion de Balsièges - Lozère


Pablo Neruda, – ce présent


Pierre Clavilier, dans une page consacrée à Pablo Neruda, nous livre sa traduction du texte du poète

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Ce
présent
lisse
comme une planche,
frais,
cette heure,
ce jour
propre
comme une coupe neuve
– du passé
pas une
toile d’araignée –
nous touchons
des doigts
le présent,
nous en taillons
la mesure,
nous dirigeons
son flux,
il est vivant
vif,
il n’a rien
d’hier irrémédiable,
d’un passé perdu,
c’est notre
créature,
il grandit
moment, le voici portant
du sable, il mange
dans notre main,
attrape-le,
qu’il ne nous file pas entre les doigts,
qu’il ne se perde pas en rêves
ni en mots
saisis-le,
tiens-le
et commande-lui
jusqu’à ce qu’il t’obéisse,
fais de lui un chemin,
une cloche,
une machine,
un baiser, un livre,
une caresse,
coupe sa délicieuse
senteur de bois
et d’elle
fais-toi
une chaise,
tresse
un dossier,
essaie-la,
ou alors
une échelle!

Oui,
une échelle,
monte
au présent,
échelon
après échelon,
assure
tes pieds sur le bois
du présent,
vers le haut,
vers le haut,
pas très haut,
assez
pour que tu puisses
réparer
les gouttières
du toit,
pas très haut,
ne va pas au ciel,
atteins
les pommes,
pas les nuages,
eux
laisse-les
vagabonder dans le ciel, s’en aller
vers le passé.

Tu
es
ton présent,
ta pomme:
prends-la
de ton arbre,
élève-la
sur ta
main,
elle brille
comme une étoile,
touche-la,
mords dedans et marche
en sifflotant sur le chemin.

© Traduction Pierre Clavilier

titre original: Ode au présent / oda al presente, 1955

Este
presente
liso
como una tabla,
fresco,
esta hora,
este día
limpio
como una copa nueva
—del pasado
no hay una
telaraña—,
tocamos
con los dedos
el presente,
cortamos
su medida,
dirigimos
su brote,
está viviente,
vivo,
nada tiene
de ayer irremediable,
de pasado perdido,
es nuestra
criatura,
está creciendo
en este
momento, está llevando
arena, está comiendo
en nuestras manos,
cógelo,
que no resbale,
que no se pierda en sueños
ni palabras,
agárralo,
sujétalo
y ordénalo
hasta que te obedezca,
hazlo camino,
campana,
máquina,
beso, libro,
caricia,
corta su deliciosa
fragancia de madera
y de ella
hazte una silla,
trenza
su respaldo,
pruébala,
o bien
escalera!

Si,
escalera,
sube
en el presente,
peldaño
tras peldaño,
firmes
los pies en la madera
del presente,
hacia arriba,
hacia arriba,
no muy alto,
tan sólo
hasta que puedas
reparar
las goteras
del techo,
no muy alto,
no te vayas al cielo,
alcanza
las manzanas,
no las nubes,
ésas
déjalas
ir por el cielo, irse
hacia el pasado.

eres
tu presente,
tu manzana:
tómala
de tu árbol,
levántala
en tu
mano,
brilla
como una estrella,
tócala,
híncale el diente y ándate
silbando en el camino.


ombres mouvantes (RC)


ces ombres mouvantes, ces zones mobiles trouées de temps en temps de l’arrosoir du soleil-

Des taches lumineuses qui épousent les formes des reliefs, lèchent le pourtour des causses et sont avalées par les arbres.

Comme les nuages, il y en d’impalpables, des humides, et des qui font l’ombre épaisse… des cumulo-nimbus culminant en d’improbables échafaudages, qui se frottent d’électricité ou s’étirent en baillant…

Des ombres de notre vie, des contrastes inattendus, des soleils brefs et capricieux.

Et aussi des tentatives, insensées :

j’irai appuyer une échelle contre une nuée de nimbus, basculer dans un château d’eau mou, refuge d’éclairs encore lovés sur eux-même comme au fond d’un nid.
Tornade alanguie, densité totale, trou noir d’aspirations confuses et désirs d’absences.

Monter, changer le croissant de la lune en premier quartier…
débarquer de plein pied dans une oeuvre de Mirò, distribuer des étoiles, ou des morceaux, trouvés en passant

Demain sera un autre jour..

———————

These moving shadows, this mobile zone every once in a while perforated by the shower of the sun

Luminous spots which stick to the forms of the densities, touch the surroundings of the rocks and are swallowed by the trees

They are like clouds, there are untouchable ones, moist ones, and those which make a thick shadow . The « cumulous-nimbus » gathering up to unbelievable accumulations, which rub with electricity or will pull apart with yawning…

Shadows of our lives, unexpected contrasts, short and capricious sun shines

And unreasoned tentatives:

I shall lean a ladder against a pile of nimbus, slider over into a smooth castle water, hiding place of lightnings still cuddled up against each other like on the bottom of a nest.

Tired tornado, total density, black hole of confused aspirations and desire of absence.

To climb & change the crescent of the moon in its first quarter.

Step right out into a Miro’s painting, distribute stars, or pieces of them which were found while passing by….

peinture: Juan Mirò.. chien aboyant à la lune

Tomorrow will be another day