Paul-Armand Gette – Je suis où le bonheur m’a dit

photo Paul-Armand Gette
Je suis où le bonheur m’a dit,
dans cet effroi de trop où la
mort nous galope.
Je suis là ébahi, comme péché
par mon arête, mais je suis là conquis,
mercenaire adoubé aux fièvres convenues.
Désincarné vidé de tous mes doutes amis;
empaillé jusqu’aux yeux du foin des trouilles avides.
À l’aube d’être éteint non pas
vaincu ni même las, éteint
de la vie en-aller, ces mots
qui ne me disaient plus se turent et me tarirent.
Des ombres qu’un figuier matisse
chahutent sur le mur et agacent
le chien.
À l’extrême de l’autre, dans son dos d’avril,
se gaffe la peur que j’ai de lui.
Il y joute l’obscur où froncent
les soupirs et ramasse buté
ce que je crois cailloux.
Dans l’exact intervalle qui nous,
cet autre qui ne me, n’en revient
pas de moi.
Ainsi silence est dit et dit ainsi maudire.
Alors si las que long, un mot haut plus
que l’autre, des autres ainsi mourir.
Tirer de l’eau du puits – ( RC )

Se pencher par dessus la margelle,
tirer sur la ficelle,
au milieu même du petit oeil rond
– découpe du ciel tout au fond -.
Lui, renvoie mon reflet,
jamais je ne ferai
taire cet éclat de lumière,
même en lui jetant une pierre.
Un reflet minuscule
tout au fond du noir
d’où je crois voir
crever quelques bulles
Il faut hisser le seau
du puits le plus profond.
Remonterai-je quelques poissons
voulant voir à quoi ressemble en-haut ?
Que ce seau est donc lourd !
est-ce seulement de l’eau
ou un chargement de lingots,
qui me vient en retour ?
une eau si précieuse
valant son pesant d’or,
comme un trésor
tapi dans l’ombre ténébreuse.
… Se pencher par dessus la margelle,
mais voilà qu’une main invisible
me fait perdre l’équilibre :
je bats des bras et chancelle ,
chute brusquement dans l’obscur,
à toute allure .
… au fond du puits
me saisissent soudain, les griffes de la nuit.
Franck Venaille – égaré dans la nuit

Nocturne en noir et or : la fusée qui retombe (en), James Abbott McNeill Whistler, 1874.
égaré dans la nuit
dans ce qui est
l’obscur complet
j’avance lentement
me tenant par la main
la musique a été transportée ailleurs – ( RC )
peinture: Paul Delvaux
J’entends le silence,
comme un souffle en négatif,
.. et c’est la nuit.
Evidemment la musique est toujours là.
Mais elle a été prélevée, et se trouve ailleurs
en-dehors de la ville,
dans une petite pièce
où deux femmes en miroir lisent un petit livre,
accompagnées dans leur pensée
par la mélodie du chalumeau.
( vous savez, cette toute petit flûte
qui a accompagné
la traversée de l’eau
dans l’histoire du musicien d’Hamelin
entraînant avec lui rongeurs, et enfants ) .
Ici c’est un homme
en grand manteau rouge
comme sorti
d’une peinture allemande.
Une étrange lueur nimbe les lectrices .
Une fausse perspective,
au sol en damiers rigides
curieusement ouverte
permet pourtant aux roses
de s’épanouir, malgré l’obscur .
–
RC – oct 2017
( d’après une peinture de Paul Delvaux )
Bernat Manciet – Braises ma peau
XVI
Braises ma peau —mais une âme de gel
forte ma foi —- je n’ai plus rien à croire
bon œil — ma vue se refroidit
l’hiver me brûle et le printemps m’est fade
coffre solide — mais ne soit plus de brise
de chêne cœur — je suis las du certain
aimer me tient — l’amour me reste tiède
prière suis — mais demander me déplaît
Partir je veux — mais je sais tous sentiers
j’ai soif de pluie —et toute pluie m’est cendres
faim de mouton —toute chair me répugne
le soir s’éteint —pouvoir n’être personne!
l’aube va naître —et je cherche l’obscur
la nuit rayonne et ta lumière est morte
Rafales d’ailes, mains négatives – ( RC )
–
Rafales d’ailes, froissant les airs.
Aquarelle délavée où serpente une fumée…
Un instant fugitif, promis à l’oubli.
Une peinture dans l’obscur,
L’intimité close, de la grotte,
Des chevaux superposés, galopent .
Les millénaires s’entassent .
La mouvance des airs,
passe en surfaces.
Une peinture dans l’obscur,
Et le geste de l’homme, déposé ,
Celui marquant la présence.
Message des mains négatives,
Empreintes,
Charbons de bois.
–
RC – mai 2015
Abdelkader Zibouche – un présent à l’impensable
–
O peuple de l’arrière-monde du monde
existe-t-il un présent à l’impensable
verras-tu un lendemain à l’obscur
Où dormiras-tu du sommeil des morts apaisés
si nul ne prononce ton nom
ni ne calme les gerçures de tes mains
ni ne convie au banquet de midi
la fraîcheur de l’ombre que tu aimas .
Ce qui reste de l’essence de la nuit – (RC )
–
Au retour du sommeil,
Vite,
Attrape de quoi,
Fixer au passage,
ce ruban de mots,
Qui s’enchevêtrent,
Et n’est pas encore poème,
Avant que ce chant,
Ne se détruise,
Lorsque la conscience,
Aura repris le dessus.
L’espace entre les mots,
Amène les sensations,
Et les images la saveur,
Des couleurs encore inconnues,
Dépèche-toi de les transcrire,
Qu’elles ne restent pas prisonnières
De ta tête.
Le futur immédiat,
Fait que l’on néglige souvent,
Ces formations fragiles…
Ces boucles lovées sur elles-même
Se fanent si vite.
Dès qu’elles sont exposées,
A la lumière du jour.
Doit-on en conclure,
Qu’elles devraient
Rester proches de l’obscur
Et appartiennent à la nuit ?
C’est sans doute
Dans les corps oubliés
A eux-même,
Et proches dans l’immobilité,
D’une mort dessinée,
Que travaillent le mieux,
Les cerveaux libérés.
C’est une danse farandole ,
Au creux du repos,
Où les âmes recueillent,
Ce qui reste de l’essence des jours.
En extraire quelques gouttes,
Est toujours un exercice
D’équilibriste…
Les mots répugnent à se fixer
Sur le papier,
Regroupés en strophes.
Ils nous observent de loin,
Les prélever intacts,
Et garder leur fraîcheur,
N’est pas des plus simple.
Peut-être faut-il les laisser ,
Vagabonder à leur aise,
Si volatils.
Ils agissent à leur guise.
Et se moquent de notre quotidien
De nos détours du jour,
Pour mieux s’emballer
Dès que le noir fait son retour.
.
RC – janvier 2014
Feuilleter le recueil des causses ( RC )
–
Texte en rapport avec « A la mer retirée »
Causse Méjean – reliefs et neige – ( toutes photos présentes ici : perso – me contacter pour une réutilisation éventuelle )
–
Des bouffées de lumière,
décrivent ,mieux que je ne ferais,
le recueil des causses.
Encore striés sous les neiges,
piquetés d’impatientes pousses, et de bruns.
A chaque détour, le savoir lire ,
du vent de l’ivresse,
épouse les accidents des collines,
chapeautées de bois sombres.
Le dialogue menu des eaux, serpentant dociles,
puis, rassemblées, mugissantes,
De chants clairs cascadeurs,
et résurgences vertes.
Le pied des pentes abruptes,
surplombées de témoins sévères, verticaux
Une route mince, s’essaie à contourner
ces vases de pierre,
Pour plonger dans une vallée étroite,
encore habitée par l’obscur,
Dispensée des lignes orgueilleuses,
des ponts de béton.
Et le silence matinal, n’est habité
que de spirales lentes
Des vautours, glissant sous des écharpes
blanches, effilochées ,portées par la brise.
Peu importe la route
Ses dévers et sa course,
Soumise au caprice de la rivière,
Ou lancée sur les plateaux.
La constance du roc
Ou le moelleux des terres.
Le paysage reste une porte
Feuilletant le passé calcaire
D’un océan, son souvenir
Enfui
–
RC – 19 mai 2013
–
Causse Méjean – restes de neige
Causse Méjean – restes de neige
Causse Méjean – restes de neige
Causse de Sauveterre, vers Montmirat
Vallée du Tarn au dessus de St Chély
Arbre illuminé entre rocs St Chély-du-Tarn
« couple »: rochers ruiniformes vallée du Tarn
Sainte Enimie, Vallée du Tarn, résurgence de la Burle
Sainte Enimie, Vallée du Tarn
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Causse de Sauveterre, environs de Champerboux |
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Causse de Sauveterre, environs de Champerboux
Article visible aussi sur mon site de photos des causses .
–
Franck Venaille – Quelqu’un habite en nous
quelqu’un se tient de nuit
lourdement obscur
debout
contre un portail
en fait on ne distingue que ses chaussures noires, leurs lacets élégants
quelqu’un
ça ! il ne laisse rien voir de lui, il
observe les passants, les habitués de la brasserie, il
se tient comme un cavalier de l’Apocalypse dont le cheval se serait noyé Il et Il
ô monde malade, mon devoir est de rendre compte de l’état de tes nerfs
de ta pensée et de certains de tes actes
cet autre moi-même, debout, adossé à la porte, s’y emploie
mais qui est-il vraiment ? double – jumeau ? faussaire en identité scabreuse ?
on ne voit que ses chaussures, leurs larges lacets élégants, cela suffit
cela suffit pour l’instant
quelqu’un habite en nous : amoureux de la vie, stratège de la mort
qui chaque nuit
dirige la Baraque des rêves ouverte toute l’année
ô monde si peu scrupuleux, si versatile, si mal ouvert aux autres
accepte aussi mon étrange présence
pour en finir jamais
Franck Venaille, Ça, Mercure de France, 2009
–
-grimalkin- |
Date du message : octobre 23, 2011 02:35 |
François Cheng – eux qui viennent de la nuit

peinture: Edward Munch, dans le style de Whistler
Eux qui viennent de la nuit
Retourneront à la nuit
Nuit de bougies, de flambeaux
De grenouilles eventrées
De vins de riz dont s’abreuvent
Toutes sangsues de rizières
De papiers-monnaies brûlés
Pour toute âmes errantes
Après la troisième veille
Point de saule qui retienne
Point d’effraie qui se souvienne
A bout d’exil et de cri
Ceux qui viennent de la nuit
A la nuit retourneront
Vaste est l’obscur
Pur l’oubli
François Cheng – Que dira notre nuit – 2001 – A l’orient de tout – Gallimard