Guillevic – Carnac
( extrait de la « suite » Carnac )
provenance photo sites historiques d’Ecosse
–
Mer du pêcheur,
Mer des navigateurs,
Mer des marins de guerre,
Mer de ceux qui veulent y mourir.
Je ne suis pas un dictionnaire,
Je parle de nous deux
Et quand je dis la mer,
C’est toujours à
Carnac.
Nulle part comme à
Carnac,
Le ciel n’est à la terre,
Ne fait monde avec elle
Pour former comme un lieu
Plutôt lointain de tout
Qui s’avance au-dessous du temps.
Le vent vient de plus bas,
Des dessous du pays.
Le vent est la pensée
Du pays qui se pense
A longueur de sa verticale.
Il vient le vérifier, l’éprouver, l’exhorter,
A tenir comme il fait
Contre un néant diffus
Tapi dans l’océan
Qui demande à venir.
Rabindranath Tagore – Au petit matin
photo Nicolas Grandmangin
Au petit matin on murmura que nous allions partir en barque, toi seulement et moi,
et qu’aucune âme au monde ne saurait jamais rien de notre pèlerinage nous menant éternellement vers un autre nulle part.
Sur cet océan sans rivages, devant ton sourire attentif, silencieux, mes chants s’amplifieraient en mélodies, libres comme les vagues, libres de la servitude des mots.
Le temps n ’est-il pas venu ? Qu ’il y a-t-il encore à faire ?
Vois, le soir est descendu sur la plage et dans la lumière faiblissante les oiseaux de mer regagnent leurs nids.
Qui sait quand, les amarres rompues, la barque, telle la dernière lueur du couchant, s’évanouira dans la nuit ?
Cédric Merland – Si elle y pense
Si elle y pense demain
elle se lèvera de bonne heure
restera plusieurs minutes à sa fenêtre
regardera le brouillard qui se lève.
Si elle y pense les ombres se confondent
tard après le silence de la nuit tombée
le bleu des murmures recouvre les souvenirs
et elle aperçoit l’océan un peu plus loin .
Si elle y pense d’autres rires viendront
après tout le matin sera à portée de main
bien après les nuages les collines
les larmes l’océan .
Si elle y pense les jours finiront bien
se laisseront porter par d’autres souvenirs
d’autres promesses aussi dans les rues
et les silences du matin .
poésie parue dans la revue « Lichen »n°16
Jacqueline Harpman – le cri
Sculpture Franz Xaver Messerschmidt
—
Et l’unique cordeau des trompettes marines résonne encore en moi. Je suis debout à la pointe de l’île et je tremble de douleur.
J’ai entendu la voix qui montait des grands fonds marins, peut-être avait-elle traversé l’univers depuis les plus lointaines étoiles, elle avait parcouru tous les temps qui se sont écoulés, elle portait la trace de la première nuit, elle avait voyagé à travers l’immensité pour trouver une âme qui l’écoute et je me suis redressée, élue entre toutes, j’ai ouvert les bras, j’ai ouvert tout mon corps qu’elle a pénétré d’un seul coup, je suis devenue le lieu même qu’elle cherchait de toute éternité,nous nous sommes fondues l’une dans l’autre, j’ai connu l’appartenance absolue, j’étais elle, elle était moi, pendant l’intervalle
effroyablement court entre avant et après je suis devenue l’évidence, l’incontestable, l’affirmation définitive, mais elle ne s’est pas arrêtée, peut-être l’avais-je déçue ou devait-elle poursuivre sa route car je me suis retrouvée vide.
Le silence a repris son empire et j’écoute, malade de manque, rongée par l’espoir comme par un cancer, des trous s’ouvrent en moi, je suis en état d’hémorragie interne et je vais mourir noyée dansmon sang.
On n’entend plus que le vent ou le fracas des vagues, je les distingue mal l’un de l’autre.
Parfois une femme s’approche de moi et me tend de la nourriture, mais je ne peux pas la prendre,ma bouche se ferme irrésistiblement, il semble que mon corps refuse l’accès à tout ce qui n’est pas la voix.
Quand l’hiver a commencé, un homme est venu poser sur mes épaules un vêtement chaud, peut-être y est-il encore.
Je ne sais pas si je l’ai remercié, cela est probable car j’étais une femme très polie.
Du moins, il me semble. Je ne sais plus grand-chose de moi.
Qui me parlera, désormais?
Je ne veux plus rien entendre et je dis que tout est silence qui n’est pas la voix.
Il semble que je vais me dessécher sur place, debout dans le vent, les oreilles tendues, j’ai mal à force d’écouter et j’ai le terrible pressentiment que la voix ne me parlera plus.
Je ne suis même pas sûre de savoir ce qu’elle promettait et voilà que je ne veux rien d’autre.
Cela va me faire mourir, c’est sûr, on ne survit pas en restant tout un hiver debout devant l’océan sans manger, sans dormir.
Mais qu’y puis-je?
Suis-je responsable de l’avoir entendue?
Je n’aurais pas même pu me boucher les oreilles car elle est arrivée à l’improviste, rien ne m’avait avertie.
On n’est pas responsable de ces choses, on vit innocemment, on écoute parler les enfants, les maris, les voisins, rien n’avertit que l’éternité peut entrer par les oreilles.
Le temps coulait comme une eau libre, il arrivait que je parle, je connaissais beaucoup de mots que je pouvais assembler selon des règles familières que j’observais sans y penser, de sorte qu’on me comprenait aisément.
Depuis que j’ai entendu la voix, j’ai la gorge nouée et la tête vide.
Il me semble que je crie de manière ininterrompue, au maximum de mes forces, mais je n’en suispas sûre : je suppose que je m’entendrais et, depuis un moment, je n’entends plus rien.
Rien du tout.
Je vois que l’herbe de la plaine est ployée, couchée et mouvante comme quand il y adu vent, que les vagues viennent se briser sur la grève et je n’entends plus un seul bruit.
Peut-être la voix m’a-t-elle rendue sourde ou je veux tellement l’entendre que je refuse d’entendretout ce qui n’est pas elle ?
Les gens viennent et me parlent, je vois leurs lèvres bouger.
Cela m’ennuie beaucoup et je tente de me rassurer en me disant que la voix est très puissante, quele petit bavardage humain ne peut pas la couvrir, mais l’agacement grandit en moi.
Je détourne mon regard d’eux, je le porte vers l’horizon ou vers le ciel puisque c’est de là qu’elle viendra, et je m’applique à ne pas voir les petits visages grimaçants de ceux qui veulent me distraire.
Je n’ai plus envie de bouger, après tout mes propres mouvements font un certain bruit
qui pourrait me distraire du bruit essentiel.
Si discrète qu’elle soit, ma respiration ne m’empêche-t-elle pas d’entendre?
Et les battements de mon cœur? Je suis sûre qu’ils m’assourdissent.
Il faudrait que je fasse tout taire en moi, que j’arrive au silence absolu des statues,
je veux que tous mes bruits s’arrêtent, le sang, les entrailles, les poumons sont insupportablement agités, mon corps vocifère, ce doit être lui qui encombre mon ouïe, il bouche l’éther, les sons ne se propagent plus, mon corps rend l’air si lourd que les délicates vibrations de la voix ne peuvent plus l’ébranler, tout cela doit s’immobiliser et je crois qu’alors, dans l’instant qui suit le dernier battement de cœur, la dernière exhalaison, il y aura ce qu’il faut d’immensité pour que, juste avant que je meure, se déploie de nouveau le bonheur et l’unique cordeau des trompettes marines.
–
extrait du recueil de nouvelles « La Lucarne » Stock 1992
Jacques Lovichi – Piazzale Michelangelo
Piazzale Michelangelo
les ombres courent sur la ville
océan des cloches
soudain
Dire juste le tremblement
cette fêlure dans la vitre
la pluie de cendres sans oubli
Un autre jour meurt.
Alain Roussel – la dérive du Verbe

Carles Duarte – l’abîme
L’Abîme
Au-delà de la mer
– je peux sentir son vertige -,
il y a un abîme.
J’abrite mes regards
derrière mes paupières fatiguées.
Tandis que j’observe les vagues,
j’écoute le corps,
sa routine incessante
chaque fois que je respire.
Je suis ressorti dans la rue.
Je tente en vain d’y retrouver des images.
Je n’y reconnais pas cet enfant blond,
ni la cour pleine de lumière.
Il me reste, pourtant, des miettes bleues
et les visages des mes parents que j’imagine.
Je m’assieds sur le sable
pour refaire les châteaux d’autrefois,
pour me rappeler.
Au-delà de la porte de l’air,
de la lumière primordiale de cet après-midi,
d’une joie que je regrette,
l’océan transparent de l’oubli
me détruit.
A pertes de vues – ( RC )
– Qui connaît le milieu
d’une mer ? : elle se referme sur mes yeux,
> Je n’en situe pas le centre,
ni ce qui les hante…
bien étanches à des sensations…
autres que celle du glissement de l’eau..
C’est peut-être que ceux-ci deviennent poissons,
et se cachent comme ils peuvent sous les flots,
en fuyant mon visage,
( comme si j’écrivais : fuyant le rivage… )
La peau en serait la surface,
Elle se ramollit et s’efface,
On n’en saisit plus les bords
Les yeux fuient bien plus au nord :
On voit bien qu’ils plongent
à mesure que les jours s’allongent,
et le regard se fait plus flou,
en échappant aux remous,
et aux mouvements de l’onde :
> on dirait qu’ils fondent
ils se dissolvent dans le liquide
en délaissant les rides
accrochées aux paupières :
il y a de moins en moins de lumière
quand on s’écarte du soleil :
> C’est la porte du sommeil :
Plus rien ne les anime,
au plus profond de l’abîme:
l’eau ruisselle et glisse,
mais sur une face, désormais lisse :
il n’est pas sûr qu’ils émergent de l’océan :
désormais perdus dans le néant:
Il n’y a plus d’ailleurs
que pour le regard intérieur
comme s’il s’en était allé
dans une immensité d’eau salée…
C’est ainsi que du lointain se dilue
ce que l’on imagine » à pertes de vues « .
–
RC – fev 2016
l’épaisseur des murailles – ( RC )
Ce sont des sombres bastilles,
bâties de pierres lourdes,
refermées sur la peur,
aveugles aux terres promises,
qui pourtant les entourent.
Pas de fenêtres ouvertes sur elles,
ni sur les autres,
juste des meurtrières
qui enferment d’abord la joie,
et finissent isolées sur leur promontoire.
L’épaisseur des murailles,
désaffectées, en désaffection
n’a pas plus de prise sur les rêves,
qu’une fragile coquille,
un frêle esquif sur l’océan.
—
RC- nov 2015
Benjamin Fondane – des pays qui fondaient comme un fruit dans la bouche
graffiti Mona-Lisa cf site
II y eut autrefois des choses sans musique
des pays qui fondaient comme un fruit dans la bouche
des étés haletants
des silences plus frais que neige
des êtres qui entraient en nous et qui sortaient
sans qu’on s’en rendît compte,
nourritures, paresses savantes, jus d’oiseaux
idiomes heureux, échanges,
de sorte qu’on était ce qui entrait en nous
parfois un cil, parfois un ange
parfois un baobab où la hache faisait
des blessures délicieuses
et quand, souvent, des femmes ou des sangsues roses
se collaient à nos corps
on éprouvait soudain la joie d’être mangé
et le délice affreux de devenir un autre.
Ces choses n’avaient ni commencement ni fin
cela ne finissait pas d’être
pas un trou, pas la moindre fissure
pas un visage lézardé !
les hommes se tenaient coude à coude, serrés,
comme pour empêcher qu’on y passe
pas une absence entre deux vagues
pas un ravin entre deux mots
pas un passage entre deux seins
lourds, gras,
et pourtant au travers de la muraille lisse
quelque chose suintait
l’écho ranci d’une fête étrange, une sueur de musique,
les gouttes d’un sang frais qui caillait aussitôt
sur la peau morte du monde.
Je n’ai jamais rien compris à ces mélanges
j’entrais et d’autres sortaient,
puis d’autres qui tournaient autour du crépuscule
ou se penchaient sur les saisons
et nul ne se doutait que ce n’était pas là
la terre ferme,
que l’océan n’était pas un jardin suspendu
j’entrais à tout instant dans la vie des autres
et j’oubliais de fermer les portes après moi
chacun portait en lui un monde doux et tendre
des coins où l’on était surpris par la douceur
je n’avais pas de nom, comment s’appelaient-ils ?
C’était si bon de ne pas avoir de figure,
si bon d’être poreux, ouvert,
qu’à l’heure de dormir chacun
se disait en rêvant : – que sera-t-elle encore
cette grande journée, sans dieu, du lendemain ?
*Benjamin Fondane
Teintes d’apocalype – ( RC )
–
Tant d’eau rassemblée,
n’attend pas le jour
pour se teindre d’oranges.
Le soleil n’y est pour rien,
Ayant sombré bien avant
Il était quelque peu ivre,
ayant dépassé les bornes,
perdu derrière l’horizon.
Ce n’est pourtant pas une éclipse,
mais l’accomplissement du présage
où le paysage
bascule dans l’apocalypse.
Le reptile se déploie,
dénoue ses collines,
délègue des îles
derrière un rideau de fumée.
Et c’est d’un ciel chargé
de cendres et de gris,
que surgit la girafe enflammée,
espérant, de son grand cou
dépasser les nuées,
déplacer la solitude,
renverser les ruines,
boire les étoiles.
Le réveil des volcans
secoue le continent,
illumine l’océan,
transforme les îles en montagnes
s’échancrant de couleurs factices,
rumeur de colère de la terre,
soudain prête à l’effusion des pierres,
le rideau des feux d’artifice,
des entailles profondes,
à la surface du monde,
où la mer s’engouffre,
sous l’acre odeur de souffre…
RC
dessin :Salvador Dali dîner dans le désert avec girafes en feu 1937
Serge Mathurin Thebault – Dialogue

peinture: Eugène Isabey: baie de St-Enogat
Le rocher n’a pas son pareil pour dialoguer avec l’océan
Cela se fait sans mots
Cela se fait après une lente étude de la caresse.
–
Serge Mathurin THEBAULT
– l’auteur nous fait part également de son site, ici
–
Le bruit dans mes tempes ( RC )

peinture: Odilon Redon. Le coquillage
–
Le bruit et le sang
Pénètrent dans mes tempes,
Et l’âme éclatée,
Tourbillonne sur elle-même,
Prisonnière de mon Je,
Tête et corps assemblés,
En bonne logique,
Et pourtant séparés.
Ce n’est pas par la distance,
Mais la terre qui parle
A travers nous,
De l’antre et de l’arche.
L’oeil du silence
Et pourtant le bruit
Des désirs qui se heurtent
Aux mémoires sensibles.
L’océan des plaines douces
Aux tensions secrètes,
Le ventre coquille,
Qui boit mes émotions.
Et comme les silex
Qui se heurtent
Les bouquets d’étincelles,
-nous engendrons nos ciels –
Dans un voyage
Aux lointains d’écume
Où il n’est pas besoin de paroles,
Pour s’entendre en échos….
–
RC – 4 mars 2013
Tristan Cabral – le pays d’où je viens
le pays d’où je viens n’est d’aucune mémoire
et la mer en novembre y monte jusqu’aux toits
les maîtres de naufrages attendent sur les dunes
qu’un bateau étranger se perde dans les Passes
le pays d’où je viens à la couleur des lampes
que les enfants conduisent aux limites du sable
on y marche toujours au pays des légendes
la trace des hommes s’y perd dans une Ville d’Hiver
le pays d’où je viens a la douleur des landes
on y porte parfois des épaves insensées
il y a parfois des bêtes blanches à la lisière des eaux
et des forêts de feu près des océans morts
le pays d’où je viens a la blessure des rames
on y voit quelquefois des traces de passages
qui mènent à des marées mortes depuis longtemps
souvent les chalutiers battent pavillon noir
le pays d’où je viens est plein d’hommes de guerre
des maisons de ciment que l’on dit allemandes
tombent depuis toujours dans les océans gris
une femme m’y attend et depuis m’y conduit
en face de Saint-Yves lors de la messe en mer
des prêtres sur les vagues jettent des pains de sang
tandis que des enfants en uniformes noirs
crèvent le long des plages des bancs de méduses blanches
le pays d’où je viens n’a jamais existé
un vieil enfant de sable y pousse vers le large
un bateau en ciment qui ne partira pas
le pays d’où je viens s’endort en chien de fusil
le pays d’où je viens n’est d’aucune mémoire
un Casino Mauresque y brûle sous les eaux
une femme s’y promène au bras d’un étranger
le pays d’où je viens n’a jamais existé…
–
–
Hareng ( RC )

peinture: James Ensor; deux squelettes se disputant un hareng
Rien ne prédestinait, je crois
A ce que ce poisson, quitte les fonds marins
Pour être présent, ( et sujet ) du festin
L’assiette posée sur la table en bois.
Je suis allé le chercher
En hésitant longtemps
— de la morue ou du hareng ?
Au supermarché …
En ce qui me concerne
Je l’ai choisi au hasard
Sans considérer son regard
– qui était plutôt terne
Il était disposé
Comme le veut l’usage
Dans un bel emballage
– article non pesé…

reprise en cravate des harengs de Van Gogh
Celui-ci était vert
Ca donnait une touche de couleur
A côté du beurre
Ca devait rappelait la mer
Un emballage de plastique
Avec un film dessus
Qui est bien conçu
En matières synthétiques
Je me suis dit qu’un vin
Blanc, comme boisson,
En pensant au poisson
Irait bien pour demain
Bien qu’au naturel , il préfère
– ce que je comprends
– Comme tous les harengs –
Son bain d’eau de mer…
Je l’ai mis à l’aise
Pour pas qu’il ne s’enrhume
Avec des légumes
Et de la mayonnaise
Comme les poissons essaiment
J’ai pensé à leur nombre,évoluant par bans
Au coeur de l’océan
Et je lui dédie ce poème….
J’évoque aussi Ensor
Qui, dans ses peintures
– ( » Ouh là !! que de culture !! » )
Pense avec bonheur, aux harengs saurs…
Mais avant, qu’il participe à la fête,
Il faut que je vois, s’il n’a pas trop de sel
Et aussi que j’enlève
Toutes ses arêtes…
–
RC- 18 novembre 2012
William Blake – Je suis debout au bord de la plage…

peinture: G Courbet: bord de mer à Palavas, Musée Fabre, Montpellier
Je suis debout au bord de la plage
Un voilier passe dans la brise du matin et part vers l’océan.
Il est la beauté, il est la vie.
Je le regarde jusqu’à ce qu’il disparaisse à l’horizon.
Quelqu’un à mon côté dit :
« Il est parti ! »
Parti ? Vers où ?
Parti de mon regard. C’est tout…
Son mât est toujours aussi haut,
Sa coque a toujours la force de porter sa charge humaine.
Sa disparition totale de ma vue est en moi,
Pas en lui.
Et juste au moment où quelqu’un près de moi dit : « il est parti ! »
Il en est d’autres qui, le voyant poindre à l’horizon et venir vers eux,
S’exclament avec joie :
« Le voilà ! »…
C’est ça la mort.
–
William Blake.
–
Océan – mer – terre, destin d’une embrassade ( RC )
–
Océan – mer – terre, destin d’une embrassade
Vogue le destin d’une embrassade,
étreinte et baiser humide de l’eau au sable
la fin de quelque chose, le début d’un autre
s’évanouit la terre ferme, pour le choix du liquide,
une masse matière qui vit de ses soubresauts
l’histoire de tant de marins qui s’y sont fié, en espérant voir un jour la ligne dorée d’un continent lointain, ou, gagnant leur vie au milieu des embruns salés, pour rapporter une manne vivante dans les filets, mais toujours en équilibre, sur l’instable, à portée des caprices de l’écume et du noir des abysses,
peu se sont attardés, à convoquer la couleur bleue, comme celle d’un paradis uni et tranquille…
Et partir en croisière, pour le souvenir dans la mémoire, des ports ensoleillés.
Il y régnait surtout l’odeur tenace des huiles et
Des poissons séchés , à la musique des filins qui claquent sur les voiles, et le concert des mouettes…
L’océan, suit la lente rotondité de la terre, il la cache ,l’obture, et remplit ses failles, antre des mollusques et des mâchoires des prédateurs qui s’y sont fait leur empire…
de l’autre coté des courants l’océan a l’odeur femelle, et ne révèle ses mystères qu’en surface.
On y sait des coraux, des épaves, des algues et méduses, et peut-être des sirènes…
Mais aussi la mémoire des conflits terrestres, des navires coulés, avec leur cargaison, d’hommes et de matériel, le rêve des contrebandiers,, les galions d’or, la vaisselle fine, les amphores pleines de vin d’Italie…
Les boules tueuses des mines, guettant les cachalots métalliques…
Les supports des îles, en stratégie qu’on se dispute, en invasions alternées : Chypre, la Crète,Hawaï et
plus récemment les Malouines…
On y soupçonne les courants obstinés, prolongation des fleuves et rivières, en fantasmant sur la dérive des continents, les migrations parallèles aux oiseaux, des bancs serrés de poissons voyageurs…
On en rêve dans sa chambre, pour voyager en romans, , dans une épaisseur liquide à vingt-mille lieues de Jules Verne, puis aux légendes grecques.
Le raffiot de la rêverie, n’a changé d’échelle que depuis la vue aérienne, avec laquelle les vagues les plus déchaînées, ne semblent qu’un vague frisottis décoratif…
Qu’en serait-il de l’effet de tsunami « pris sur le fait » ?
une onde circulaire, s’étendant comme
lorsqu’on jette un caillou dans l’eau, suivi d’une autre, puis semblant se calmer, alors que des murs d’eau viendraient,
quelques heures plus tard, rejeter violemment les chalutiers, et bateaux de plaisance au milieu des falaises et forêts…
La soupe salée, vécue du bord des côtes dévastées prenant soudain un goût de l’amer, bien éloigné
de l’aspect paisible qu’on suppose à la mer.
…..Sans l’apostrophe…
RC – 14 juillet 2012

peinture: William Turner
Epopée orageuse des statistiques ( climatiques) – (RC)
Au vent de demain, supposé souffler fort et haut
C’est réponse à ta lune moribonde
Qui éteint dans son écharpe son petit monde
Aux filaments chevelure de vagabondages météo
Il faut aduler , perchés sur une échelle
Les images vagabondes, crinières en tresses
De la cavalcade fantaisiste des déesses
Zébrant l’atmosphère, passages en nacelles
L’étonnement des étoilées – bannières
Se penche jusqu’aux états Floride
Rêvant de retrouver bientôt le ciel limpide
Pour tracer leur destin d’astres – fières
De prétentieuses constructions élancées
Il faudra de cette vision, qu’on se console
Nous apparaissent géantes , que vues du sol
Mais le vent solaire pourrait bien tout balancer
En sortant de son chapeau quelque ouragan
Quelque tempête à démonter les murs solides
Des forteresses bordant les plaines arides
Assaisonné de montagnes vertes venues d’océans
Le temps se détend, d’un coup avec délice
Vomit sur les sols secs, une tempête de neige
Etend un manteau blanc sur les crètes beiges
Etonnées – comme nous – d’un soudain caprice
C’est l’occasion à faire parler les statistiques
De mentionner, ici et là, la terre qui bouge
Et graver sur les maisons du village un trait rouge
De l’inondation la mémoire du dit historique
La tempête aplatissant les arbres en pas de géant
Les fauves lâchés dans la nature, désorientés
Rescapés de l’arche de Noé – qui s’est échouée
Et remplir les colonnes -faits divers – mais c’était avant.
Avant, c’était hier – Le soleil est revenu, son petit four
Sèche les décombres , il faudra repartir
Après le grand coup de balai tout reconstruire
Repartir sur de bonnes bases ( dit-on avec humour)
Mais que sont donc ces résolutions
Sans voir plus loin que le bout du nez ?
En catastrophes futures, condamnés
A jouer toujours, en avenir, la répétition…
————
— Inspiré des divers dérèglements climatiques, tsunamis, ouragans, etc… et en particulier du livre grandiose de Laurent Gaudé « Ouragan », ( Actes/Sud) qui, – plus que les éléments météo eux-même, –met en scène des hommes-fauves – désorientés – mais qui restent fauves malgré tout.
—— voir en celà mes deux parutions sur Ouragan:
Instigation: la parution toute récente de JoBougon
—
parution qui a sa « suite » avec « le côté lisse »
Max Jacob: – vie et marée
Vie et marée
Quelquefois, je ne sais quelle clarté . nous faisait
entrevoir le sommet d’une vague et parfois aussi le bruit
de nos instruments ne couvrait pas le vacarme de l’océan qui se rapprochait.
La nuit de la ville était entourée de mer.
Ta voix avait l’inflexion d’une voix d’enfer et le piano n’était plus qu’une ombre sonore.
Alors toi, calme, dans ta vareuse rouge, tu me touchas l’épaule du bout de ton
archet, comme l’émotion du Déluge m’arrêtait.
« Reprenons! » dis-tu.
O vie 1 ô douleur! ô souffrances d’éternels
recommencements !
que de fois lorsque l’Océan des nécessités m’assiégeait !
que de fois ai-je dit, dominant des chagrins trop réels ! hélas!
« Reprenons! » et ma volonté était comme la villa si terrible cette nuit-là.
Les nuits n’ont pour moi que des marées d’équinoxe.
——–
Max JACOB« Le Cornet à dés »
(Gallimard)
Bibliothèque des Arts Décoratifs Échelle de sensations
Claude Roy – nuances
Nuances
L’ombre d’un nuage change la couleur du champ de blé
Vert de vert campagne puis vert d’océan calme
Le nuage est passé La mer se retire
le Haut Bout 4 juin 1983
Je suis l’orage (RC)
Le Ruisseau en murmure
et cette larme silencieuse.
Portée d’eau – la paresseuse-
aux endroits les plus creux, stries, flaques et vallées
Faisant son chemin, poussée de par sa masse,
roulée sur le visage et vers de lointains océans.
Tu scruteras ce flux, sensible,
ainsi le rai de la lumière
aux rebonds des volumes; la larme à la rondeur
du visage
l’encre, aux pentes provoquées du papier.
Ce ruisseau qui murmure, la chute qui cascade, les grands méandres en fleuves,
sont à l’inverse de ma brosse,
qui court sur le fil de la toile, en caresse les reliefs,
dépose sur ses collines
son écorce de couleurs, ses habits de fête.
qui court en pâte brute, en pâte fine, demi-matière chargée d’eau, – aimante, électrostatique
de parcours artistisques. déposée, frottée, retranchée…..
Je suis l’orage
qui précipite, macule, rature et bouscule la géographie étale
de mille pages aux mille visages.
– Notre ronde – le monde,
mille pages de mille visages, sculptés, bousculés,ravinés, basculés,
sédiments d’eau
sédiment-terres
Se taire.
Des colères qui hurlent, aux larmes silencieuses
sur les statues des arbres et géants de pierre_______
Une page de la vie, toujours détruite, et naissante;
et recommencée.
RC 2001
que le soleil éclaire mes nuits – Rahma ZERAÏ
Toujours de Rahma ZERAÏ ( ouvrage -recueil, anthologique « Dans tous les sens » )
J’aimerais que le soleil éclaire mes nuits pour voir les couleurs de l’obscurité, et que la lune cesse d’être lunatique, que les fous raisonnent les sages, que le discours des animaux fasse taire les humains, que les racines voient le jour, que le silence résonne.
Je suis le silence qui parle
l’orage qui ne mouille pas
j’attends ceux qui ne reviennent jamais
mes racines sont hors de terre
je suis le pont entre deux rives
je suis la colère qui ne gronde pas
je suis l’hiver en plein été
je suis le volcan du fond de l’océan