Venise en hiver – ( RC )

As-tu encore des souvenirs
du film de Visconti ,
de Venise en hiver,
de la neige sur les gondoles
alignées sur les pontons de bois ?
Plutôt que des photographies,
tu en fis un carnet de voyage,
avec des traits subtils
les traces versatiles
de lavis poursuivant les nuages.
La ville est silencieuse
dans ses habits d’ocre rouge,
et des palais aux colonnes de marbre
penchés sur la lagune
comme à regret.
La Salute est en équilibre,
un peu effacée par la brume.
Elle a abandonné ses reflets
à la matité d’un hiver
couronnant les rives de gel.
Tout est immobile,
le silence est dans le cœur
de la terre et du ciel,
les pieds dans la vase et les flots
sans qu’on en voie les limites.
C’est un instant prélevé sur l’éternel,
où tout ce qui scintille
s’évanouit dès qu’on approche la main.
Tu nous décriras San Michele,
le cimetière en dehors de la ville
où les poètes
dans leur profond sommeil
ne sont pas dérangés par les touristes
venus pour le Carnaval ,
les vaporetti du Grand Canal.
Les peintres n’ont pas de mots
pour dire la beauté des lieux
traversés par les siècles
et la ville qui doucement sombre
dans le miroir les eaux.
RC
( texte en rapport avec l’ouvrage de dessins de Jean-Gilles Badaire » Venise » )
Marcel et Robert sont en vacances – ( RC )

S’habiller en marcel,
pour faire circuler l’air
au creux des aisselles…
voila qui devrait plaire
à tous les âges
( les adeptes du bronzage
se retrouvent sur la plage ,
comme les roberts )…
car les seins nus
ne sont plus tenus:
la poitrine prisonnière
reconnaît la température saisonnière…
Il faudra se faire
à cette tenue légère…
Nous serons les pieds dans le sable
qui tient lieu de sol
sous le soleil ardent
( un plus serait le parasol,
mais le plus petit coup de vent
le rend instable )
—–Vue sur les étendues de peau rôtie
que l’on admire ici
avec toutes nuances d’ocre et de rose
dûes aux longues poses,
générant ici , ma prose…
Les deux prénoms font des envieux
niant ceux qui mal y pensent…
question maillot
on ôte le haut
pour profiter au mieux,
car Marcel et Robert
sont en vacances
ou bien au vert
( ce qui revient au même…
c’est pourquoi je leur dédie ce poème
dans ces endroits bénis des dieux).

RC
Le peintre oublie les étoiles – (Susanne Derève)

.
Ce n’est pas la nuit
Ce n’est que la profondeur du temps
à grands coups de pinceaux sur la toile
Le peintre oublie les étoiles
et puis il les ajoute une à une
patiemment
On craint un grand chambardement
mais ce n’est qu’un peu de blanc titane
d’ocre ou de rouge magenta
qui reste collé sur les doigts
Dans le mystère des bois – ( RC )

Il y a encore quelques hommes,
pour recueillir des dons d’un ciel
de novembre, étrangement clément .
Ceux qui arpentent les forêts,
se guident sur les chemins
presque complètement enfouis
sous l’ocre des feuilles.
La terre aimable a caché l’été ,
sous les jaunes et les oranges.
La sève se retire des arbres,
se préparant à l’hiver,
le petit peuple des champignons en profite .
Ce sont peut-être de petits gnomes
qui montrent leur visage,
en dansant en cercles serrés.
Dans le mystère des bois,
commencent à roder les brumes
entre les roches de Huelgoat .
Certains y verraient les fées
qui font leur cueillette d’herbes
de cèpes et d’amanites.
C’est de leur cuisine
que les brumes
s’enroulent dans la futaie .
Si les doigts du vent font silence,
c’est peut-être leurs pas sur les feuilles sèches
que tu entendras,
mais ne t’attends pas à les surprendre,
car leurs robes les cachent
et nos yeux ne peuvent les apercevoir.

Tubes, couleurs, palettes, tableaux – ( RC )
On n’imagine pas
comment les familles de pâtes
prisonnières
libèrent leurs couleurs
sur les palettes :
– arcs-en-ciel bousculés ,
petits tortillons calmes,
dans l’attente de la toile
où grésillent déjà des ocres
et les rouges.
On n’imagine pas non plus,
comment ces mêmes couleurs,
extraites des tubes,
– à la manière des bernard-l’hermite
sortant la tête de leur abri – ,
vont tout à coup envahir
les zones encore vierges ,
lutter contre d’autres,
ou s’y fondre
en chatoiements discrets.
C’est que chaque peintre
a son regard,
que la lumière provoque,
et bouscule .
De palettes identiques ,
la douceur des pinceaux,
la fureur des brosses
laissent des empreintes
chaque fois différentes
organisées en accords vibrants .
Tubes alignés dans l’attente,
les flacons de vernis sont en transe,
encore immobiles,
mais constatent que le peintre
les allient à l’ivresse des songes
ourlés d’essence de térébenthine ,
en couches opaques ou translucides.
Le tableau en est l’écran
où se concrétise sa vision
( et du même coup, la nôtre ).
–
RC – juin 2019
Laetitia Lisa – En habits d’oubli
peinture rupestre grotte de Chaturbhujnath Nala, Inde, environ 10,000 av JC
Je longe le champ de blés verts
hâtant le pas dans l’herbe haute
pour recevoir encore
un dernier baiser du soleil
avant qu’il ne se couche
en draps ocre et dorés
demain la pluie
demain le froid
pour l’heure la douceur du vent
le chant des grillons et les hirondelles en formation
avec elles je me baigne en le ciel
allongent les brasses lorsque les courants frais
effleurent mes bras nus
avec elles je reste immobile un instant
sous les caresses des courants tièdes
je plonge
dans le bleu des montagnes
jusqu’à ce que la nuit revienne parfaire l’esquisse
de ses gris colorés
je ne peux rien contre le froid et la grêle
tueurs des promesses si près d’éclore dans mon verger
je ne peux rien contre le feu du soleil
tueur des promesses si près de porter fruit dans le tien
sur le dos de quelques mots ailés revenus nous chercher
nous dansons en habits d’oubli
ourlés de nuit .
————
plus d’écrits de L L ? voir son site-blog
Fête au goût de sang et de poussière – ( RC )

peinture: Francis Bacon: triptyque » miroir de la tauromachie «
–
Passés les habits de lumière,
Les virevoltes et les faux semblants,
La cape rouge , et sa découpe,
Contre le sol d’ocre.
Les fanfares criardes,
Les éclairs du soleil ardent,
Sur la muleta,
La valse des banderilles…
La fête est finie,
Elle a le goût du sang,
Et de poussière …
Le taureau gît
Affaissé dans une flaque rouge,
Les spectateurs ont déserté l’arène .
–
RC – mars 2015
François Cheng – À l’écoute de l’ocre de Sienne

peinture: Antoni Tapiès
Ivre de clarté terrestre,
L’ange du visible est passé.
L’étranger, lui, venu des sources
Et des nuages, a nostalgie
Du vallon irrévélé ;
Assis au creux de la pénombre,
À l’écoute de l’ocre de Sienne.
–
Charing Cross, au matin ( RC )
Je vois une large avenue en arc, verte
Où balbutient des branches sans feuilles,
Et de vielles autos bleues
Le long d’un quai de Tamise
C’est un Londres , au matin
Encore sous l’émotion de sa brume changeante,
En touches suspendues
D’ors d’ocres et verts incertains,
Charing Cross, dans un tableau de Derain
Devant les barres bleues d’ombre
Ces bâtiments vides
Je ne distingue plus les voix,
Seulement le murmure, d’une ville
Qui s’éveille et s’étire aux heures,
Et la patience immobile
Des statues sur leur socle
Encombrées de mousse,
Au charme des squares,
Encore à l’ombre, à cet instant.
Une nappe de vapeur s’étale
Et glisse , nonchalante
Des péniches lourdes,
Jusqu’aux berges lasses.
Les verticales des réverbères
Sont, aux quais, des signes bleutés
Qui attendent,
La musique du jour
Et les cris des marchands de journaux
En décalquant l’invisible
–
RC – 24 octobre 2012
–
Prélude à la nuit ( RC )
Des verticales rares, fichées au sol,
suivent les partitions lentes,
celles des portées électriques,
Celles des portées électives,
Je me souviens, comme elles dansaient
Lorsque le regard restait sur l’horizontale
Et que défilait le paysage du point de vue ferroviaire
Au « Cloc-loc », régulier, des interstices des rails.
Je vois maintenant le plateau
Caressé par la lumière du soir
Qui déborde des stries des plantations
Et prend vie des ondulations douces,
Presque un soupir, au sens musical
Quand la terre reprend son souffle
Après une journée torride, juste apaisée
Par un léger mouvement des airs.
Il y a l’ombre portée des arbres
Sur le sol, qui s’allonge démesurément.
Il y a encore, plus loin l’étendue qui varie
Et qui d’une autre lumière aussi, se marie
Et qui fait suite, avec ,on s’en doute,
Des transitions brusques, celles, qu’on ne voit pas
Qu’on ne vit pas avec nos yeux,
Car buvant une ombre déja profonde.
Puis, les messagers ailés, tirent des traits
En s’appuyant sur l’air, ne craignent pas la chute
Et encore viennent, virevoltent et volutent
Franchissant d’élans plus faciles
Espaces et distances que de plus audacieux ouvrages
Appuyés sur le sol, l’épaule des rochers,
Quelque part, au souvenir des courbes et des contours,
En progression obstinée, dans la paume d’ocre,
Le pays, sans doute s’arrondit plus loin
Au vécu tragique, d’un ciel antique
Lorsque le disque solaire
Masqué de temps en temps par les collines
Qui dansent aussi, à notre trajectoire
Finit par quitter la scène
Et que les oiseaux fuient
Au prélude à la nuit .
RC – 8 aout 2012
Disposant sur ma toile, des couleurs habitées (RC)
–
Cette peinture, que j’avais commentée sur art-encore…
–
A fait l’objet d’une variation poétique de Jean-Jacques Dorio,dans ses « correspondances« ,
–
et d’un article de Libellus dans « sa vue de la fenêtre dans la nuit ».,
–
J’ai fait mon propre écho poétique à celui de Jean-Jacques, avec le texte ci-dessous, en me rappelant la région des Pouilles, et particulièrement Polignano-a Mare ( au sud de Bari)
La fenêtre s’ouvre sur nos voyages secrets
Buées du vacarme salin des rafles sur l’espace
Ce qui nous tient éveillés, et rend sagaces
Sous cet après-midi luxueusement malaxés,
L’ajout et le reflux, matières minières
À laisser la mer nous envahir d’hier :
Le petit carré d’ocre résiste sans pensées
Mais en couleurs seulement dépensées
Sans paroles, et sans la moiteur intruse des terres d’été
En cet instant unique, à l’ombre évasive des oliviers,
Témoins millénaires de l’Italie proche de Sicile,
Du monde en regard mythologique, et en îles…
Immobile encore, sous les saccades du vent
Témoin de notre passage et notre instant
Sans pour autant me risquer à convier l’éternité
Disposant sur ma toile, des couleurs habitées…
—
en tentant une traduction ;toute interprétation ( meilleure, ou différente ) sera bienvenue…
–
The window opens on our secret travels
Mist of saline uproar raids on the space
What keeps us awake and makes us sagacious
Under this afternoon luxuriously blended,
The addition and ebb, mineral materials
To leave the sea , invade us of yesterday:
The small square of ocher resists , without thoughts
But in colors, only expended
Without words, without wetness intruse of summer lands
Evasive shade of olive trees, in this unique moment,
Witnesses of thousand years, of Italy close to Sicily
A look,put in mythological world, and islands …
Still yet, under the wind jerks
Witness of our way, and our instant
Without risking me to invite eternity
Arranging on my canvas, colors inhabited ….
–
NB: pour ceux qui apprécient Nicolas de Staël, bien que ma peinture ne se situe pas dans le même état d’esprit, j’ai retenu sa citation, qui me semble chez lui, résumer beaucoup de choses, ainsi que chez un grand nombre d’artistes utilisant la peinture…:
L’espace pictural est un mur, tous les oiseaux du monde y volent librement, à toutes profondeurs.
Nicolas de Staël, Lettre à Pierre Lecuire, 1949
–
Disposant sur ma toile, des couleurs habitées ( RC)
—
texte publié sur l’anthologie poétique de JJ Dorio: JJ Dorio ayant lui-même écrit qq chose sur cette peinture,
———
La fenêtre s’ouvre sur nos voyages secrets
Buées du vacarme salin des rafles sur l’espace
Ce qui nous tient éveillés, et rend sagaces
Sous cet après-midi luxueusement malaxés,
L’ajout et le reflux, matières minières
À laisser la mer nous envahir d’hier :
Le petit carré d’ocre résiste sans pensées
Mais en couleurs seulement dépensées
————-
Sans paroles, et sans la moiteur intruse des terres d’été
En cet instant unique, à l’ombre évasive des oliviers,
Témoins millénaires de l’Italie proche de Sicile,
Du monde en regard mythologique, et en îles…
Immobile encore, sous les saccades du vent
Témoin de notre passage et notre instant
Sans pour autant me risquer à convier l’éternité
Disposant sur ma toile, des couleurs habitées…
—
la peinture jointe, bien que datant de 2000, précède ce texte qui lui fait écho, notamment aux couleurs de l’Italie du Sud, – Polignano a Mare ( Pouilles)
———
Et le texte est un écho à celui de Jean-Jacques Dorio;
sur un coin de table la grande bleue
sur l’aire des poudroiements
quand se déploie la liberté
d’interpréter le monde
tel jour telle heure en telle année
la fenêtre s’ouvre sur nos voyages secrets
ceci cela en somme qui nous tient éveillés
flux et reflux matières manières
de laisser la mer nous imaginer :
sans pensées et sans paroles
nous aurons été en cet instant unique
ce petit carré d’ocre et de bleu…
et pour l’éternité