Mike Stern – la marche du danseur
spectacle de Lucinda Childs
La marche du danseur
J’adore voir un danseur marcher
sur une surface ordinaire
hors scène et hors service
Gracieux même quand il pousse un caddy
le corps spontanément
devient si détendu si léger
que la pesante loi de gravité
semble n’être qu’une rumeur
La terre tourne sous les pieds du danseur
La lune et autres satellites
ajustent leurs orbites
Tout cherche sa place de nuit
Le danseur, de retour chez lui,
coupe des tomates en tranches et fait frire des oignons
debout dans la cuisine
comme un héron faisant une pause entre le rivage
et le soleil couchant.
Potée – ( RC )
Peinture: P Picasso – nature morte aux oignons 1908
Si vous voulez connaître mon opinion,
Ecoutez mon dialogue avec les oignons,
Moi qui néglige leur douleur,
– leurs pleurs et leur odeur
– mettons nous un peu à leur place
faisons preuve d’un peu d’audace
( à prendre comme un jeu de rôle )
Quelque part dans la casserole
Je vais ainsi leurs habits ôter,
Ce serait comme préparer la potée
Tout ce qu’il faut d’eau
pour complaire aux poireaux
Déjà la marmite fume,
Ce sera la fête des légumes,
Allez…ajouter un morceau de citrouille,
….. et attendre que l’eau bouille .
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RC – mai 2016
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en relation avec un texte de S Mallarmé: le marchand d’ail et d’oignons
Henri Rode – Le monstre
LE MONSTRE (fragment)
« Je vois le monstre de préférence (et c’est toujours ici de préférence qu’il s’agit) dans l’objet, le légume, le résidu dont on a su d’abord tirer usage, le fruit pressuré et la montre écrasée, pour les rejeter ensuite dans un coin où l’objet, le fruit, la montre, etc., poursuivent leur existence inutilisable.
Prenons ce tas de pelures d’oignons roux laissé au milieu du fenil apparemment oublié de Dieu et des hommes, une humble toison à peine dorée d’un rayon et qui ne donne au préalable aucune impression de protestation ni même d’existence, qu’un distrait pourrait fouler aux pieds, une araignée traverser sans risque, un balai balayer sans remords. Je songe : trop facile de te passer de toi pour expliquer. Et c’est pourquoi je repasse. Je ne veux pas donner dans le panneau.
C’est au contraire avec un grand souci de sympathie que je me penche sur le tas de pelures. Je les fouille, les sens, des monceaux de vers doivent les travailler mais ici mon observation est courte. Je pourrais expliquer la larve plus l’éclosion sans aboutir à aucune satisfaction personnelle. Chercher une ressemblance n’est jamais le fait du hasard mais d’un besoin intérieur, d’un rassurement dirai-je.
Pour me rassurer quant à la destination de ces pelures prêtes à se dissoudre en poussière, il me faut une expérience neuve et définir pourquoi, pourquoi ? Chaque fois que je passais près du tas et quel que fût mon état d’absence une tristesse incompréhensible me prenait, pourquoi tout déchet, tout objet délaissé dans un coin ne me semblait jamais tout à fait fini ni inutile, et pourquoi en fin de compte mon utilité au jour ne me paraissait ni plus certaine ni plus étonnante que celle du moindre objet, pour peu que je descende aux sources de la création. »
Henri RODE in « Cahiers du Sud » n° 293 (1949)
légende du capitaine Fracasse

Gravure d’Abraham Bosse – le capitaine Fracasse… le texte ci dessous est exactement celui de la légende…
Je suis un vrai foudre de guerre
Invincible dans les dangers
Et mon haleine est un tonnerre,
Contre les efforts étrangers
Aussi je viens pour défier
La Faim, qui dompte les plus Braves
Ayant pour me fortifier
Des aulx des oignons et des raves.
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