Tout semble immobilisé – ( RC )

photo : netfolk.blog.hu
Sur un chemin banal
encombré de flaques
déjà tourbillonnent
les feuilles veinées d’automne.
Sous le miroir des nuées
je devine les graviers.
Le dialogue du gel
étire ses filaments
sous les rafales de vent.
Un insecte traverse prudemment
quittant les herbes folles
pour un abri incertain.
Les oiseaux ont disparu du ciel
pour des régions plus clémentes.
Il s’est perdu
parmi les branches nues ;
les arbres sont dans l’attente
et ne sont plus que bois.
Soudain, il fait si froid .
Viendras-tu me retrouver,
si loin de la maison de l’été ?
Tout semble s’être immobilisé,
le défilé des heures,
comme le sourire du bonheur.
Maintenant, on ne me voit plus – ( RC )

photo André Fromont
Je désigne d’un geste les oiseaux.
Ils glissent derrière la vitre,
silencieux.
Mes mains les imitent,
je les accompagne dans leur reflet.
Ce n’est qu’une image
où flottent mes mains blanches
qui semblent détachées des manches.
Leur vol remplit une partie de la chambre
Je les suis du regard..
Pantomime où le corps s’anime
dans le cadre étroit de la fenêtre.
Puis de plus en plus léger,
volant à son tour, peut-être,
démultiplié.
Je voyage, presque en transparence ,
avec un courant d’air
porté par un temps arrêté.
Rien ne me retient.
Les ailes sont mes mains.
Maintenant, on ne me voit plus.
Encore – (Susanne Derève) –

Encore dit la pluie, encore me dit le vent
et leur plainte
dans les rameaux de cendre de l’hiver,
dans le lit assoiffé du torrent sonne
comme un long cri où s’éboulent les pierres.
Roses fanées de Décembre : les doigts du givre
ce matin façonnaient leurs corolles sèches
de délicates enluminures.
C’est ainsi le temps s’emploie à nous duper.
La main d’où volait la semence des blés,
le geste auguste : ensevelis, abandonnés
aux strates de l’oubli, à leur sceau blanc
de neige ensommeillée.
Au long des prés, les passereaux volages
désertent les sentiers.
Mais les miens, mes moineaux égayés,
je leur tiens au chaud un nid de paille
sous la grange.
Pour peu qu’ils y reviennent, je chanterai
leur louange, encore.
Luis Mizon – je voudrais quitter ma ville et mon corps

Je voudrais quitter ma ville
et mon corps
pour aller vivre ailleurs
si le ciel était la lumière de l’instant
je partirais en quête du ciel
si le ciel habitait notre regard
je chercherais la transparence
pour voir le vol des oiseaux traverser tes yeux
et l’instant de lumière
se poser près de nous
jour après jour
j’imite je colle je reconstruis avec des mots
les morceaux dépareillés de l’instant
une maison éphémère entourée de cigales
de bidons et de vieux pneus
Florence Noël – d’écorce

on avait dit au revoir aux arbres
à chaque feuille
et de tomber avec elles
nos mains s’enflammaient
puis murmuraient des choses lentes
apprises dans l’humus
le manteau de leur torse
était trop vaste
pour contenir le souffle des oiseaux
et tous ces souvenirs
délestés de bruissements
ces troncs buvaient nos bouches
adoubement de sèves
de part et d’autre
d’un baiser de tanin
on avait confié à leur chair
le soin de graver
l’étendue d’une vie
et dans l’ombre inconnue des cimes
nos dents entaillaient
le fragile désir de croître.
extrait de « Au hasard de la lumière »
Nelly Sachs – champs de silence

Anselm Kiefer – peinture & collage de paille Nüremberg 1982
Ces champs de silence
impénétrables
Les prières doivent faire des détours
laissent déjà des traces
comme des pattes d’oiseaux
ancrées encore dans la chair
Néant néant
Le souffle savait encore quelque chose de I’amour
La mort habite trop près
Ici le monde dit : Que cela soit – Amen –
Troncs d’arbres fossiles – ( RC )

Forêt pétrifiée de Varna
Vieilles âmes habillées de bois,
parcourir cette forêt morte,
cette terre inondée,
branches tombées, entremêlées
corps agonisants dans la litière
épaisse des mousses,
linceul de feuilles pourrissantes…
troués par le temps
debout encore , cependant.
Les oiseaux ont déserté les cieux
pour des pays plus accueillants.
Restent les rudiments de ces arbres,
fantômes, fuseaux d’écailles
témoins immobiles d’antan,
d’où a reflué la sève,
aubier poisseux de sédiments,
petit à petit asphyxiés,
imperceptiblement
transmutés en pierre,
désastre de colonnes éparses,
marbre gris évoquant
celles de temples écroulés,
aux rites enfouis profondément
dans une gangue épaisse
gardienne de leur mémoire pétrifiée .
RC
on renverra aussi vers un article évoquant la découverte, en Essonne, de forêts calcifiées)
Edward Thomas – Adlestrop –

.***
.
. Richard Burton lit ‘Adlestrop‘:
.
. Essai de traduction personnelle :
Oui. Je me souviens d’Adlestrop,
De ce nom, parce qu’un après-midi
De chaleur l’express s’y arrêta
Inopinément. C’était à la fin juin.
Le train-vapeur siffla. Quelqu’un s’éclaircit la gorge.
Personne ne descendit et personne ne se montra
Sur le quai vide. Tout ce que je vis
Fut Adlestrop – seulement ce nom
Et des saules, des épilobes et de l’herbe,
Et des reines-des-prés, des meules de foin séché,
Non moins paisibles dans leur blonde solitude
Que les petits nuages ,hauts dans le ciel.
Et juste à cet instant , un merle chanta
Tout près , et tout autour de lui ,
de plus en plus loin, dans une brume sonore,
Tous les oiseaux de l’Oxfordshire
Et du Gloucestershire.
.
in Poems (1917)
Anthony Phelps – le veilleur

sculpture : Germaine Richier ( Montpellier )
Veilleur je vis dans cette patrie de poètes
au-delà de toute perception physique
dans la laine violette des songes
Un être en moi
qui né de moi est plus que moi
te parle
teintant sa voix des couleurs de l’aurore
coulant ses mots dans des moules d’oiseaux
afin qu’ils soient légers et purs
simples
à la façon des fleurs
Ce que les oiseaux n’ont pas vu…- ( SD-RC )

Entre tilleul et cerisier,
J’ouvre une parenthèse:
mains, peau, émois, éveil, ….
Quelques éclats de soleil
nous caressent à notre insu.
Ce que les oiseaux ont vu,
je ne le dirai pas…
Dirai-je ce qu’ils n’ont pas vu :
la valse tendre de nos doigts
dans l’ombre du feuillage,
les étoffes froissées,
dansant,
ton corps léger , flottant dans l’air,
sous la lumière complice,
baignant le couvert de petites parcelles d’or
que tu n’as pas saisies.
C’est qu’ils n’ont pas surpris
la douce chanson du désir…
L’été s’est installé
dans un soupir…
–
SD-RC août 2020
un combat silencieux entre pierres et racines – ( RC )

C’est un combat silencieux
entre pierres et racines,
étroitement enlacées :
elles puisent dans le sol
de quoi survivre
aux légendes du passé.
J’ai vu les débris
des colonnes renversées,
les temples envahis de lierre,
les oiseaux de pierre
qui ont perdu leurs ailes,
gardiens d’anciennes stèles…
Un sphinx vivant
me fixe de ses yeux verts:
l’éternité s’étend
jusqu’à une princesse d’Egypte:
( une chatte veille sur une crypte
à l’ombre des oliviers ),
et à mon propre nom
gravé sur une tombe
au destin inachevé .
RC- mai 2022
Midi aux oiseaux- (Susanne Derève)

Trois nids Un va et vient sonore de pépiements et de bruits d’ailes entre le toit et la remise un oisillon tombé du nid, à peine mort,que déjà les fourmis carnassières sont à l’oeuvre C’est midi au soleil Le coq au cadran veille On voudrait faire silence mais c’est un roi sans trône que le silence tant l’air résonne de trilles et de vols affairés Le rouge-queue,inquiet,caquette comme une poule Le moineau lance inlassablement de la gouttière son cri fluté Il faudrait graver dans le bleu du ciel ces chants d’oiseaux, avant que dans sa course folle un couple d’hirondelles ne les disperse au vent
Exercice préparatoire ( calligraphie paysagère ) – ( RC )

Pour commencer
je vais ouvrir la page
avec une belle journée,
je l’étale, comme un nuage :
– Cette feuille de papier
parlera peut-être
à ma place
quand j’aurai trempé
le pinceau dans l’encrier,
et laissé une trace
grise et noire -:
C’est l’exercice préparatoire
pour que les eaux
s’écoulent des collines,
s’envolent des oiseaux
d’encre de chine:
petite calligraphie modeste
pour peintre amateur :
un paysage en quelques gestes
en ajoutant de jeunes fleurs :
elles s’échappent des mains
comme de celles d’un semeur,
s’éparpillent sur le terrain
en touches de couleur:
J’irai me promener dans mon dessin
laisserai le papier s’envoler
son encre sécher
par le soleil du matin…
Nathaniel Tarn – poissons translucides

Entrelacs des sternes sur une eau de velours
écrivant dans l’air les chemins des poissons
traquant leurs victimes en cercles d’anxiété,
leurs cris nous réveillent en sursaut, leur hargne
contre un destin qui refuse subsistance.
Groupes de gens au coucher du soleil sur une plage
aux dimensions du rivage universel, et pâles
de l’attente des miracles – les oiseaux en contraste, noirs
de suie même au crépuscule, patrouilles en vol
avertissant l’assemblée que ce ne peut arriver.
Mais ce grand vaisseau de notre empire d’épouvante
chante dans le vent qui le porte contre ces gens,
toutes voiles déployées, prêt à partir
et aucun homme ayant un peu de cœur à bord
ne pourrait frapper en perçant cette obscurité,
officier ni capitaine – vaste, vaste entreprise,
vaste et vide, et terreur sur tous les océans,
sauvetage de capital en danger de perte.
La mer se ferme sur les yeux, les yeux devenus ciel :
du ciel descendent les poissons translucides,
adoucie par les lèvres de la mer, à l’eau si généreuse,
sa chaleur versant une huile d’hydromel,
les poissons commencent à l’instant nous entrons –
étant à peine visibles nous ne les voyons pas
jusqu’au moment où nous passons dans leurs bancs
les derniers de la création, l’eau-création,
et puis nous sommes au-dessus d’eux,
glissant à hauteur d’œil dans un sens
suivant notre rêve avant de revenir.
Jean-Yves Reuzeau – Au réveil

J’ai revu cette rivière sauvage, avec ses truites de liberté fraîche. J’en ai bu l’écume et caressé les galets fatigués. Je me suis étendu sur la mousse du sous-bois, parmi les murmures langoureux de l’ombre. Je me suis perdu ; ivre de senteurs, ivre de mots... Je me suis perdu dans la liberté d’un rêve, et au réveil les oiseaux portaient des muselières.
Ecume de sommeil, 1975
**
Je est un autre
Anthologie Bruno Doucet
le temps dépassé des châteaux – ( RC )

C’est le temps dépassé,
des habitats et châteaux
qui dominent les sommets
pour clore une partie du paysage.
Plantés sur des pitons inaccessibles,
qui fréquente aujourd’hui
ces demeures médiévales,
sinon les amateurs de cartes postales ?
Il faut longtemps pour que la nature
reprenne ses droits,
que la forêt vierge édicte sa loi
qui n’a que faire des siècles
de fiefs et quelques bouts de terre…-
J’enlèverais toutes ces pierres
qu’ignorent les rivières
et les oiseaux,
ou je laisserai ces ruines
pour les touristes
en mal de sensations
qui se font photographier
à côté d’un mannequin
paré d’une armure…
- c’est que la nostalgie des conflits
a la vie dure…-
Amina Saïd – Tous les présages sont faux

Tous les présages sont faux
ni les traces des oiseaux
ni la direction de leur vol
ne traduiront jamais la pensée des dieux
et sur l’autel de leur propre démesure
de longs couteaux de silence sacrifient nos passions
croyant partager le pain du monde
c’est ton corps que tu rompais
il s’en écoulait un peu de cendre
dont jalonner les sentiers orphelins
la vie est un voyage avec une mort à chaque escale
Le ciel se ressoude, la mémoire s’en va … – ( RC )

Allons nous asseoir sur les dunes,
de là, nous verrons en rêve
se lever les rideaux de brume
déchirer des morceaux de ciel;
il y aura peut-être les colombes,
qui survoleront les palais,
pour se réfugier dans les tilleuls,
ou bien ce sera le soir,
à l’heure où le soleil tire sa révérence.
Rappelle-toi de ces oiseaux
courant, sautillant sur la plage,
ignorant les hommes
le vent, les herbes sauvages.
( Nous aurons contourné
ce bunker renversé,
qui lentement s’enfonce
dans le passé ),
comme ce château de sable…
Y aura-t-il des lendemains
à l’histoire enchantée
où tout passé s’efface ?
Le ciel se reforme,
se ressoude, la mémoire s’en va :
la ville ne laissera pas de trace.
Seuls, quelques gravats
seront poussés par le ressac
et la marée .
Les doigts gourds – ( RC ) – le clavier tempéré ( SD )

variation réponse à SD, dont le texte suit
J’ai en mémoire
le buffet noir
qu’a peint Picasso,
et qui me rappelle
ce sévère piano droit,
où l’on devait faire les gammes,
faire courir les doigts
sur un clavier
qui restait froid
( et n’avait rien de tempéré ).
Faire que les mains
parcourent les touches d’ivoire,
prenant les blanches pour les noires,
en suivant la Méthode Rose
( on n’espère pas encore devenir virtuose )
on imaginerait qu’elles dansent,
chacune devant
faire preuve d’indépendance
dans le mouvement…
Mais je vois bien le tableau :
montée sur le tabouret haut
ma petite sœur,
tes pieds ne touchant pas terre
sous le regard sévère
de ton professeur :
encore et toujours
faire ces gammes,
alors que tu rêvais déjà d’amour :
( tout ce qu’il faut
pour te rendre allergique
à la musique ) :
tu préférais le chant des oiseaux.
RC
–
Petite fille aux doigts gourds
toi qu’on pressait de faire des gammes
quand tu rêvais déjà d’amour
et qui disais Bonjour Madame
docilement
Toi qui tempérais le clavier
quand te tendait les bras l’infâme
piano droit et l’œil distrait
innocemment
par un oiseau dans l’or du soir
prenais les blanches pour des noires
Susanne Derève
Jean-Luc Sarré – qui sera son autel ce soir ?

Les oiseaux se sont tus, soudain, les vaches ont cessé de brouter, les filles ne fanent plus que d’un œil et les vieilles qui le croisent se signent, bourdonnent cinq Ave, pressent le pas... Dans le hameau où la pierre froide mêle son odeur à celle des bois il cogne aux portes, toque aux carreaux à travers lesquels il peut voir sur les murs ricaner le Christ, mais la Vierge demeure introuvable qui sera son autel ce soir ?
extrait de l’ouvrage » poèmes costumés avec attelages et bestiaire en surimpression »
Li Bai – Assis devant le mont Jingting

Les oiseaux s’effacent en s’envolant vers le haut
Un nuage solitaire s’éloigne dans une grande nonchalance
Seuls, nous restons face à face, le mont Jingting et moi,
Sans nous lasser jamais l’un de l’autre
( extrait de l’ouvrage de JM Le Clézio : le flot de la poésie continuera de couler ) ed Philippe Rey
Raymond Queneau – L’ouverture –

Sang fumée ce sont les chasseurs qui jouent du cor, de l’arbalète autour d’eux sont les corps morts de bêtes d’animaux qui jouaient et mangeaient dans les taillis dans la luzerne et qui point ne se doutaient de la giberne adieu la vie adieu l’amour le gibier gît devant les gîtes des reîtres et des pandours cyniques oiseaux oiseaux que je déplore tout ce mal qui vous assiège ces gens qui veulent la mort de vos arpèges lièvres dansant dans la rosée biches bramant au fond des bois la guerre vous est déclarée au mois de septembre
Courir les rues
Battre la campagne
Fendre les flots
nrf Poésie Gallimard
Maria Gheorghe – dernier chant, dernier sourire

1
Le soleil ne brille pas pour les sourires,
ni l’herbe ne pousse pas pour la couper ras,
tel que toute chose, en combustion tenant sa lumière, n’est pas cendrée.
On approche trop de choses de notre âme;
lorsqu’on les perd, on les laisse briller dans les ténèbres du passé.
Le sourire arrive beaucoup plus tard, quand la lumière se replie
sur une autre lumière.
2
On ne porte pas les clés des jours,
on les traverse seulement en inconnus, pour nous nous rappeler, tard,
de tout ce que se coagule en lumière.
On se rapproche le sourire des fleurs, dans la vie, comme dans la mort,
le chant des oiseaux, compagnon des passages des portes invisibles.
On dissipe tout, on n’a pas de clés même pour la nuit.
3
On est jeté dans le monde,
boules de terre enrobées de lumière.
On se lève, on se replie sur soi, sur les autres.
On tâtonne à la recherche des sens,
jusqu’à ce que l’on donne un nom.
L’extinction n’est qu’une mélodie finale, que le tout nous la chante en souriant.
4
En quittant ce monde,
pour nous, les choses n’ont plus de mesure.
On ne ramasse plus rien. À quoi nous servirait dans la lumière?
On laisse le soleil qu’il soit soleil, que l’herbe soit herbe,
Le sourire, dans les fleurs, le chant, nous accompagne.
On revient pour donner un nom à une autre étoile.
M Gheorghe est une poétesse roumaine, dont on peut lire d’autres textes sur ce site
Nous avons vu s’enfuir l’eau – ( RC )
Aquarelle – E Delacroix
Adossés à un mur brûlant,
nous avons vus s’enfuir,
lentement,
l’eau.
Le sol s’est bousculé,
faisant rouler des roches instables,
comme si une poitrine
se soulevait,
montrant des plaies noires
et des crevasses.
Quelques heures encore
avant que , d’une faille profonde
jaillisse le soufre et le sel,
restes jaunis laissés
par la mer infidèle.
Quel chirurgien entreprendra
de recoudre la peau assoiffée
de la terre ?
Les champs, autrefois verts,
portent des tiges malingres,
et il n’est pas rare de découvrir
parmi elles, des oiseaux desséchés .
Tout le village est secoué.
Quelques maisons isolées
sur une pente qu’elles ignoraient,
ont perdu de leurs pierres,
prêtes à s’effondrer
en suivant des cascades de poussière.
Les ors cruels d’un crépuscule
soulignent des silhouettes d’arbres
enchevêtrés.
L’eau ne reviendra pas,
attirée plus loin,
ou bue par des gouffres sans fond.
Qui pourrait la retenir
entre ses doigts ?
Ceux qui croient aux miracles
attendront longtemps.
Le jour, même, a détourné les yeux .
Il nous laisse exsangues, au bord du précipice.
Frederic-Jacques Temple – soirs furtifs

Imaginez des soirs furtifs comme des palombes,
des aubes de moire, des envols de velours,
des crissements.
Imaginez dans le miroir des eaux glacées,
des visages de jeunes femmes
qui prennent aux heures leurs teintes :
nacre, lavande, ou givre.
Plus loin, au-delà des collines,
au terme des rivières
où s’éteignent les échos des bergeries,
commence la frairie des oiseaux marins.
Les fumées s’appuient aux herbes sur les grèves,
sous le plafond des vents.
Sans défaillance, la mer dévore et renaît.
La nostalgie toujours prête au festin,
porte des mots d’adieu,
à tout jamais désespérés,
sur les vagues du large.
Telle est la joie, douloureuse,
l’enivrante blessure.
Cacophonie – (Susanne Derève)

–
Cacophonie de chants d’oiseaux :
ce matin comme chaque matin ils occupent tout l’espace sonore
se répondant d’arbre en arbre , de gouttière en gouttière :
rougequeue, mésange, fauvette
et le vol affairé des hirondelles picorant miettes et rameaux
–
Le va et vient obstiné des fourmis sous la fenêtre que je déjoue
d’une brindille comme on dévie le cours d’un ruisseau
–
Vient l’heure où le lézard furtif , pointant son oeil inquiet
rejoint les pierres chaudes , se risque à laper d’une langue hâtive
une flaque déposée par la nuit.
–
Tandis que le concert des oiseaux s’apaise ,
c’est un long bourdonnement qui monte dans la chaleur :
le chant de basson des insectes saturant le silence.
–
Au sol l’ombre chemine . Heures indolentes ,
les jours ne passent pas ici , ils nous charrient
comme un long fleuve érodant monts et vallées,
à l’échelle d’un temps démesuré
qui polit doucement causses et dolines ,
croque le calcaire d’une dent gargantuesque
sous nos yeux de petits poucets .
–