Hamid Skif – Me voici –

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Me voici étrange et revenu
aux sources du cuivre et des versets
je m’habille de ronces, d’éclairs, d’une froide lumière
jaillie de l’épée
.
Les mots ceints m’assurent la fragile mesure de mes propos
la chamelle blanche s’abreuve à l’ombre oblique
du palmier
me guide sur l’énigme voluptueuse de sa marche
.
Je cherche
la colline d’ocre et d’or
l’œil du faucon
un reste de tison
le lit du vent
les voix de l’homme déserté
.
Aux portes du ciel je frappe
et le bâton se rompt pour ne pas entendre
le bruit qu’il fait
.
À Tipaza c’est l’heure des oliviers
leurs feuilles chantent les psaumes et
drapent les sépultures ouvertes
je marche vêtu de souffles volés aux tombes
de fragments d’étoiles
perdues
de pétales trouvés sur les murailles du temps
je chante des cantilènes suaves de liberté
je suis les traces des chevaliers de sable
le hennissement de leurs montures
l’odeur de leur sang figé
Toute halte est ma demeure
.
Je cherche l’encrier des siècles
la rose noire du sel
un cri de feu
une larme de pierre
laver ta présence de ses plaies.
.
.
Poèmes d’El Asnam et d’autres lieux. ENAL, Alger. 1986.
Quand la nuit se brise
Anthologie
Poésie Algérienne
Points
un combat silencieux entre pierres et racines – ( RC )

C’est un combat silencieux
entre pierres et racines,
étroitement enlacées :
elles puisent dans le sol
de quoi survivre
aux légendes du passé.
J’ai vu les débris
des colonnes renversées,
les temples envahis de lierre,
les oiseaux de pierre
qui ont perdu leurs ailes,
gardiens d’anciennes stèles…
Un sphinx vivant
me fixe de ses yeux verts:
l’éternité s’étend
jusqu’à une princesse d’Egypte:
( une chatte veille sur une crypte
à l’ombre des oliviers ),
et à mon propre nom
gravé sur une tombe
au destin inachevé .
RC- mai 2022
Carnets de dessins de Provence – ( RC )

A chausser les sandales de l’enfance,
te rappelles-tu des champs de Provence ?
Tu n’avais pas à ouvrir ton herbier,
le vent poussait ses vagues dans le blé,
comme dans la farandole
de la voix du mistral
soufflant par rafales
sur le plateau de Valensole.
Tu l’as parcouru à pied,
en sortant ton carnet à dessins.
De jeunes lavandes
déroulaient leurs points
avec de curieuses perspectives,
où le feuillage argenté
des oliviers, voisine celui, plus léger
de la promesse des amandes.
Contre les montagnes lointaines,
je me souviens de la teinte rousse
tirant sur le brun de Sienne,
opposée aux vertes pousses
des rangées de vignes
étagées sur les pentes ,
offertes à la cuisson du soleil.
Tu en parcours les lignes,
un soleil de miel
sous tes sandales de silence.
Les ceps crient
dans l’impatience
d’une lumière de braise
aux senteurs de la garrigue.
Bousculés dans les croquis
d’encre et de fusain,
sont-ils l’essence
de la morsure du midi
que rien n’apaise ,
calmés seulement
par la douceur de lait des figues…?
Ezra Pound – La rose éclose pendant mon sommeil
peinture: pêcheurs en barque Codex Skylitzès Matritensis
–
Et la rose éclose pendant mon sommeil,
Et les cordes vibrant de musique,
Capripède, les brindilles folles sous le pied ;
Nous ici sur la colline, avec les oliviers
Où un homme pourrait dresser sa rame,
Et le bateau là-bas dans l’embouchure ;
Ainsi avons-nous reposé en automne
Là sous les tentures, ou mur peint en bas comme des tentures,
Et en haut une roseraie,
Bruits montant de la rue transversale ;
Ainsi nous sommes-nous tenus là,
Observant la voie depuis la fenêtre,
Fa Han et moi à la fenêtre,
Et ses cheveux noués de cordons d’or.
Nuage sur le mont ; brume sur coteau ouvert, comme une côte.
Feuille sur feuille, branche d’aube dans le ciel
Et obscure la mer, sous le vent,
Les voiles du bateau affalées au mouillage,
Nuage comme une voile renversée,
Et les hommes lâchant du sable près du mur des flots
Ces oliviers sur la colline
Où un homme pourrait dresser sa rame.
XXXIII –
Michel Hubert – captif d’un homme – 8
peinture : Nicolas Ge
—
Paysages de chutes
paysages extrêmes à suivre
du doigt d’un torrent/jet
la pliure rétinienne
Alarme
-hors ce bruit de fondation
qu’on coule dans sa gorge
béante-alarme
du plus profond de l’être
rompant soudain l’intime indifférence
(sans excuse
à quoi tiendrait encore
sur le triangle
de houle
l’assiette blanche du bassin ?
déjà ne fait-elle pas la roue
de ses dix doigts
comme pour relever
jusqu’au dernier créneau
la brume froufroutante
de ses mousselines ?)
ah ! quelles marées d’équinoxe
aux aines de la mer
ne cédèrent pas à ce violent divorce
du bonheur
en limite du désirable
des algues
dans un dernier mouvement de l’aube ?
Mais elle
l’affileuse d’ombre
s
oumise aux neiges
dans son corps
-abstraction
progressive et diffuse
d’une inguérissable pâleur
que je croyais voir fluer
de la nuit du sexe dans mes mains
–
plutôt que de condescendre
à sa métamorphose
en telle image multiforme
de l’Arche fabuleuse
préférera briser sa lame fine
d’arme blanche
sur la couleur trop faste de mon sang
la délivrance ne porte plus seulement
sur l’infini
qui infuse la montagne des douleurs
au-delà de tout lieu signifiant
demain
et si jamais l’inconnu dans son corps
se cherche au jour des liens du sang
-comme ces forêts que traverse
en d’impulsifs mouvements
de leurs branches
la mystérieuse matière d’ombre
-tout faire pour que ses mains déjà refermées
sur leur vrac de cendres
s’embrasent encore une fois
-ô prodige des légendes-
dans la bouche
-même d’intouchables cracheurs de feu
Plus au sud du rêve
ah pas qu’un soleil plus au sud du rêve :
certes
rien n’est si simple
aussi simple
que la géométrie bleue
d’un ciel andalou
c’est d’Arcos a Ronda pourtant
dans la Serrania
que l’homme sculpté
dans les troncs d’oliviers
se tord en ombre des mille scolioses du sud
.
Enrico Testa – des temps concordants
dans des temps concordants, l’été,
bien qu’en des lieux différents
du même Apennin,
nous avons essayé, enfants,
de remonter les torrents
pour en trouver la source.
Il y avait une obscurité de sous-bois,
des fougères, un vert à peine plus intense,
un peu de mousse
et des pierres ruisselantes
et rien d’autre :
la déception de l’origine
elle suit un mouvement fluide et vertical
cette montée de la colline
tournant après tournant
vers le soir.
Même les assassins disent
que le vent de septembre est doux :
il nous pousse
parmi les oliviers et les cyprès
et il nous défend
jusqu’à l’anse neutre du balcon
qui sous le ciel gris clair
s’ouvre face à la mer.
Mais à présent, dans le noir,
nous sommes encore en quête
de ton aide :
nous t’appelons du jardin
cachés, par jeu, derrière le mur
sur le terre-plein de la voie ferrée
longeant le bois
les troncs des acacias
sont noirs après la pluie
comme des traits d’encre qui s’écartent.
Pâques est désormais le papier d’argent,
poussiéreux et pâli,
des oeufs, suspendu
aux branches des cerisiers.
Rubans qui miroitent dans le vent
et devraient tenir à distance
le peuple envahissant des merles
. . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . .(Pasqua di neve, Einaudi, 2008)
-Enrico Testa, comme un certain nombre de poètes italiens intéressants – et méconnus – peut être retrouvé sur le blog d’une « autre »poésie Italienne…
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Michel Hubert – Hypothèse de craie –
Plus au sud du rêve
ah pas qu’un soleil plus au sud du rêve :
certes
rien n’est si simple
aussi simple
que la géométrie bleue
d’un ciel andalou
c’est d’Arcos a Ronda pourtant
dans la Serrania
que l’homme sculpté
dans les troncs d’oliviers
se tord en ombre
des mille scolioses du sud
– extrait de « hypothèse de craie » – captif de l’homme
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Ce qui résiste et pique ( RC)

photo: olivier en feu. Conflit Israelo-palestinien provenance info-palestine.net
Ainsi , contre les plantes domestiques Rebelles , résistent et piquent, Orties, pierres de chemin, aubépines insolentes Nous attendent, comme une plaisanterie ironique Font de leur domaine une forteresse lente Qui dérange l'aimable... Et s'incruste , en années durables Diluées de l'abandon. On ne sait rien, d'un détour de chemin Et puis, on progresse par étapes Encore sains et saufs, pour dire, En miroirs de limpides - flaques Des orages qui bourgeonnent, Et les fleurs combattant , corolles Force boutons, au bal des abeilles Les orties se liguent, et sont barrière Ronces s'enchevêtrent, en habillant La carcasse d'une vieille auto, Qui a arrêté, ici même son parcours Au bord ce qui fut cultures, Et vallées riantes, De blés, bordés d'oliviers Incendiés - C'était un été, naguère Avant la guerre... RC - 24 septembre 2012 -
Disposant sur ma toile, des couleurs habitées (RC)
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Cette peinture, que j’avais commentée sur art-encore…
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A fait l’objet d’une variation poétique de Jean-Jacques Dorio,dans ses « correspondances« ,
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et d’un article de Libellus dans « sa vue de la fenêtre dans la nuit ».,
–
J’ai fait mon propre écho poétique à celui de Jean-Jacques, avec le texte ci-dessous, en me rappelant la région des Pouilles, et particulièrement Polignano-a Mare ( au sud de Bari)
La fenêtre s’ouvre sur nos voyages secrets
Buées du vacarme salin des rafles sur l’espace
Ce qui nous tient éveillés, et rend sagaces
Sous cet après-midi luxueusement malaxés,
L’ajout et le reflux, matières minières
À laisser la mer nous envahir d’hier :
Le petit carré d’ocre résiste sans pensées
Mais en couleurs seulement dépensées
Sans paroles, et sans la moiteur intruse des terres d’été
En cet instant unique, à l’ombre évasive des oliviers,
Témoins millénaires de l’Italie proche de Sicile,
Du monde en regard mythologique, et en îles…
Immobile encore, sous les saccades du vent
Témoin de notre passage et notre instant
Sans pour autant me risquer à convier l’éternité
Disposant sur ma toile, des couleurs habitées…
—
en tentant une traduction ;toute interprétation ( meilleure, ou différente ) sera bienvenue…
–
The window opens on our secret travels
Mist of saline uproar raids on the space
What keeps us awake and makes us sagacious
Under this afternoon luxuriously blended,
The addition and ebb, mineral materials
To leave the sea , invade us of yesterday:
The small square of ocher resists , without thoughts
But in colors, only expended
Without words, without wetness intruse of summer lands
Evasive shade of olive trees, in this unique moment,
Witnesses of thousand years, of Italy close to Sicily
A look,put in mythological world, and islands …
Still yet, under the wind jerks
Witness of our way, and our instant
Without risking me to invite eternity
Arranging on my canvas, colors inhabited ….
–
NB: pour ceux qui apprécient Nicolas de Staël, bien que ma peinture ne se situe pas dans le même état d’esprit, j’ai retenu sa citation, qui me semble chez lui, résumer beaucoup de choses, ainsi que chez un grand nombre d’artistes utilisant la peinture…:
L’espace pictural est un mur, tous les oiseaux du monde y volent librement, à toutes profondeurs.
Nicolas de Staël, Lettre à Pierre Lecuire, 1949
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Lecture des Alpilles, en Crau ( RC)
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Je lis les Alpilles assises sur la Crau
Un parcours ouvert, qui se fait sans pirogue
Au pays peint par Van Gogh
Marquant son passage, en solitaire héros
Et à revoir, encore, et encore ses peintures
Au mistral agitant les oliviers: il perdure
Et penche au bord des routes les verticales
des platanes – sans les faire pour autant bancales
Je revois la lumière qui s’étale dans la plaine
Et vibre, jusqu’aux salins, sans perdre haleine
Les tours de Tarascon et Beaucaire
Son choc ,sur les contreforts de calcaire
Par dessus l’enclos de Fos, les géants de fer
De Moralès,, gardent leurs grands airs
Attendant, d’un envol de leur cimetière
De rejoindre la mer à l’étang de Berre
Il faut aussi que je nomme
La sentinelle du grand Rhône
Arles ,ensoleillée, et magnifique
Des compétitions photographiques
Partageant solennelle et intime
Les sculptures de Ste Trophime
Aux Picasso de Réattu, lyriques
Les allées des Alyscamps, ces antiques
–
Ce poème ailé, est un paysage .
Il n’est pas que sur la page
Mais en conscience ,l’oeil , voyageur
Semblable, mon frère ma sœur, et quel qu’en soit le lecteur
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Variation à partir de « j »aperçois le semblable » de J Jacques Dorio