Robert Piccamiglio – C’est vraiment une grande forêt
Yves LeCoq
C’est vraiment
une grande forêt pour une fois
avec dedans des ours
et des hélicoptères miniatures
Je me couche sur le dos
au milieu des sapins
ils sont hauts
je regarde les fourmis courir
comme des folles
du lever du soleil
au coucher du même soleil
C’est vraiment
une grande forêt
une autoroute la traverse
elle part de l’Est
se faufile vers l’Ouest
les cons en voitures à pieds
la traversent aussi
s’arrêtent pour y manger
et pour y faire pisser
leurs gosses
Je me couche sur le ventre
cette fois
les hélicoptères miniatures
sont au-dessus de ma tête
silencieux et beaux
transparents et gracieux
comme des ombrelles de femme
Alors à ce moment là
de l’histoire
les ours bruns rappliquent
pas la peine d’ouvrir tout grands
vos yeux
d’être étonnés
– je vous ai déjà dit plus haut
qu’il y avait des ours
dans cette forêt
Ils viennent danser avec moi
et moi avec eux forcément
les hélicoptères miniatures
jouent serrés
un vieux truc de John Coltrane
on va essayer pour une fois
de ne pas trop se marcher
sur les pieds
les ours bruns et moi.
(poème affiche Annecy )
Else Lasker-Schüler – ma chanson d’amour –
–
ma chanson d’amour
comme une fontaine céleste
bruit mon sang,
toujours de toi, toujours de moi.
dansent mes rêves dénudés et en quête;
enfants somnambules,
doucement dans les recoins obscurs.
O, tes lèvres sont du miel…
l’odeur enivrante de tes lèvres…
et d’ombelles bleues t’entourant d’argent
tu souris…toi, toi.
toujours le ruissellement qui serpente
sur ma peau
sur les épaules s’en va-
j’épie…
comme une fontaine céleste
bruit mon sang,
–
Ombrelles au sol (RC)
Des géants de vie, aux larges ombrelles
il ne reste que le silence après la coupe, un semis de copeaux, éparpillés, encore collants de sève, un fouillis de branches emmêlées de leur parure inutile , et un ensemble de bûches soigneusement empilées, sans espoir de printemps .
Devenue trop étroite pour que se croisent sans effort les véhicules,
la route aux platanes ne donnera plus son ombrage au soleil provençal.
L’arrogant décret administratif, un trait de plume , a permis de mordre dans le végétal, au hurlement têtu des chaînes de tronçonneuses, dans les vapeurs d’essence, à défaut de vapeur des sens,
et seule l’acre odeur des feuilles et branches, et écorces arrachées dans la chute.