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Alda Merini – dans les ombres du sommeil


gravure Gustave Doré ( de l’enfer de Dante )

Tu es entrée dans les ombres du sommeil
un jour
et tu y as reconnu mon visage exsangue
aligné aux autres sur l’aire du sacrifice.
avec la torche de ton savoir.

Tu as éclairé les ombres de l’enfer.
toi, mère immaculée et triste
pour qui les jours ont été
comme autant de fils
.


Samaël Steiner – Au bout du bout de la côte


photo RC – proche du phare de l’île vierge Finistère nord

Tout à l’heure je serai sur la pointe friable,
au bout du bout de la côte.
Je regarderai l’Océan déraciner des arbres de sable,
des arbres centenaires, qui
depuis des centaines se déracinent plusieurs fois par seconde,
avec toujours des yeux pour l’aventure.

Tout à l’heure j’aurai fini de traverser le marais,
j’en aurai fini avec cette route qui va s’en aller,
qui se traîne et crache des ombres aux tournants.

Tout à l’heure je serai à cet endroit de la côte
d’où les vagues, entre elles,
paraissent un attelage de bœufs,
et je regarderai les bêtes toutes d’écume,
labourer les sables éteints.

Tout à l’heure il sera tard.
Les mouettes mangeront les dernières minutes
agitées dans le soleil et le cri de la terre
que le jour quitte, s’élèvera de toutes les issues,
comme une clameur de fête.

Tout à l’heure, arrivé à cette place haute,
en surplomb de l’océan,
je regarderai rentrer les bateaux fatigués,
comme des chiens qui ont couru le vent.
Je regarderai le vent traverser l’air,
les cheveux et les doigts de pieds déjà plein de sel.

Et lorsque les rocs irascibles se mettront à chanter,
lorsque les arbres se prendront pour les phoques
et se mettront à marcher droit de côté,

j’y serai,
debout,les yeux ouvert à l’étranger.
J’y serai
sur l’aile friable,
à la pointe de la pointe,
au dernier caillou de la côte,
que l’ombre de l’oiseau peut,
à elle seule, recouvrir.

J’y serai.

(Extrait de : Textes par trois – Printemps 2010)

poème extrait du site  » le manoir des poètes »


Annick Nozati – C’est un pays sans fin, peuplé d’ombres


C’est un pays sans fin
peuplé d’ombres qui errent
le soleil descendu n’éveille plus les couleurs
les minutes arrêtées n’avançant plus les heures,
nous ne pouvons plus boire qu’aux mirages des eaux
et nous n’entendons plus que nos peurs en échos
.

Annick Nozati est connue comme musicienne , vocaliste, improvisatrice, j’ai extrait ce texte d’un livret du CD « la peau des Anges »


Marcher vers le blanc – ( RC )


Avant le blanc,
je ne savais rien du passage
qui se fraie dans le cœur
invisible du temps :
l’émergence de la couleur
ne s’apprend que
lorsqu’on en a oublié
le langage et la signification
des phrases apprises par cœur,
mais qui nous masquent
les bords du silence.
Ainsi rien ne nous indique
le chemin, car nous suivons
celui qu’on nous a appris,
à la place de l’inventer
avec patience
en sortant des voies
où les formes
luttent contre les ombres.

Mais la couleur ne se saisit pas.
Elle traverse juste le regard :
on ne la décrit pas,
car elle ne se livre
qu’avec discrétion,
et avec des variations infinies,
sans contours précis.
On sait juste que la lumière
lui donne naissance,
et que chacun la perçoit
en ajoutant la nuance
de sa vision .
Jusqu’à ce que les teintes
prennent leur indépendance,
se superposent
entament une danse
qui n’a d’autre fin
que l’assouvissement.
C’est alors
qu’on peut marcher vers le blanc.


Hannah Arendt – Heureux celui qui n’a pas de patrie


montage R C

La tristesse est comme une lumière dans le coeur allumée,
L’obscurité est comme une lueur qui sonde notre nuit.
Nous n’avons qu’à allumer la petite lumière du deuil
Pour, traversant la longue et vaste nuit, comme des ombres nous retrouver chez nous.
La forêt est éclairée, la ville, la route et l’arbre.

Heureux celui qui n’a pas de patrie ; il la voit encore dans ses rêves.

Die Traurigkeit ist wie ein Licht im Herzen angezündet,
Die Dunkelheit ist wie ein Schein, der unsere Nacht ergründet.
Wir brauchen nur das kleine Licht der Trauer zu entzünden,
Um durch die lange weite Nacht wie Schatten heimzufinden.
Beleuchtet ist der Wald, die Stadt, die Strasse und der Baum.

Wohl dem, der keine Heimat hat; er sieht sie noch im Traum.


Carl Norac – prière pour le soldat Kostrowitzky


encre: Tadeuz-Kantor

la mort me suit parfois et je lui dis
patiente
je n’ai pas encore mis
de mots sous les cailloux
j’écris « je suis vivant »
tout en fermant les yeux
la mort me suit parfois et je lui dis
patiente
tous les matins je suis vieux mais les soirs
je m’enfante laisse-moi jouer un peu
dans la cour des grandes ombres
patiente ô sage mort
écoute si ténu
le bruit de l’encre bue
sur cette page
et puis dors

( extrait de « une valse pour Billie » )


Jeux du songe – ( RC )


photo – auteur non identifié – écorce d’eucalyptus

( variation – réponse sur un texte d’Andrée Chédid )

Les jeux du songe
sont transparents
au flux du présent.
Les remous du cœur
me plongent
dans la toile de la vie
où passe l’empreinte de l’ange
quand nos ombres
lentement se mélangent
comme deux âmes sœurs.

-RC-

Je navigue
Sur les jeux du songe
Sur le flux du présent
Sur l’élan de l’âme
Sur les remous du cœur
D’instant en instant
Au rythme du temps qui nous modèle
Nos ombres se démènent
Sur la toile de vie.

( Andrée Chedid )


Wang Wei – vague de saules


en rangées distinctes

    se succèdent les arbres

            magnifiques

leurs ombres inversées

         traversent 

les ondes cristallines

pas comme dans les canaux du Palais impérial

où le vent du printemps

      attriste toutes les séparations

Wang Wei est un poète chinois du 8è siècle


Bernat Manciet – sonnet IX (laurier du vent )


peinture: Henri Plisson


J’entre dans le laurier du vent
dans son frémissement de foret
dans la poix des guis picorés
et les bleus dorés d’un jeune juillet

en tous mes lieux tu répands ta querelle
partout l’oiseau devient feuille
et la rose ailes par son néant
liserée des rires de ta peau

mais parmi les ombres en foule
fourrés buissons et halliers
voici paraître comme une lueur de lune

et de lointain en lointain apaisé
le tourbillon se fait mutisme
ce silence qui t’est louange


Michel Camus – Proverbes du silence et de l’émerveillement


Valeria Arendarphoto  Valeria  Arendar

Et le Silence s’est fait poésie : Védas, Tao-Te-King, Cantique des cantiques, Héraclite
Le-Même en moi séparé de moi n’est personne en personne
Sans être nous-mêmes, il est en nous-mêmes notre propre silence
Le silence est sans fond où prend fond la poésie
Pierre nue, vérité nue, pierre sans nom sous mon nom dans l’image-mère de la pierre
Si je fus, qu’ai-je été.
Nous sommes tous le-Même au cœur du silence
L’Autre du Même : Toi sous mon nom
L’ombre du Même ou la fiction de l’autre ou de soi

Et la vie des mots qui masquent le silence
Où il y a silence, je ne suis plus moi-même
Où il n’y a rien ni personne règne infiniment le-Même
Impensable, la déité du silence ne peut se penser qu’en Dieu
Dieu ne pense que pour panser l’angoisse de son propre silence
Je précède ma naissance, se dit Dieu.
J’illuminerai ma mort
Dès à présent, sans notre
Double-de-silence, rien ne nous survivrait, même pas Dieu en nous
Il y a en tout homme une flamme de silence qui sait ce que son ombre ne sait pas
Seule porte ouverte pour sortir de soi, le silence
Seule porte ouverte pour sortir de la langue, le silence
Et si le poème s’écrivait sans sortir du silence
Présence informelle du silence au cœur de l’homme comme l’art en témoigne au dehors
La musique dans le ruissellement des silences

Le poème en son propre dépassement dans le silence
L’érection sur les sables des tours de silence
Et si l’éblouissement sans forme donnait forme à ce qu’il nous inspire
Dans l’absolu silence où vie et mort coïncident, dans l’absolu silence où personne n’est absolument vivant ni mort, les yeux du vide sont ouverts
Métaphore de nos éblouissements sans nom
Seul et unique levier d’Archimède pour soulever l’univers-du-langage, trouer le tissu des songes ou du monde, s’enraciner dans le mythe du poème ou s’ouvrir à l’Indéterminé : le silence
Toujours le silence est abrupt.
Il n’est réponse à rien et ne répond de rien
Les mots trépassent en lui comme les amants plus loin qu’eux-mêmes dans l’amour
Si le silence est l’envers du langage la poésie est l’endroit du silence
Le vent fou ni l’orage ne troublent les étoiles.
Mais les ombres des mots cachent le feu du silence comme les nuages le soleil
Si le silence est source de la parole où est la source du silence
Et si la dernière porte de la mort s’ouvrait comme une fenêtre aveuglée de soleil
Poésie, fille-mère du silence, son âme sœur et son chant d’amour dans la toute-clémence du néant
L’image-mère de la vie dans un désert d’inconnaissance

Poésie, indéracinable mémoire d’éclairs de silence, traces de brûlure, souvenirs d’éblouissement lisibles dans les balbutiements de la langue
Il y a du silence dans la musique de la langue comme dans l’arbre et la pierre et le feu et le vent, qui l’entend ?
Qui a jamais vu l’informelle substance du silence.
Fertile abîme.
Cordon ombilical du merveilleux
Et si le silence était sans métaphore notre seul transport dans l’infini
L’art n’est pas le seul langage du silence, mais l’univers, l’œil, l’extase et la beauté
Comme des fenêtres ouvertes aveuglées de soleil
Tout fait l’amour à tout instant pour que fleurisse la mort et que grandisse le silence
Aussi l’absolue poésie est-elle l’accueil du silence.
Sa demeure hors les mots en la nuit du dedans-sans-dehors dans l’Indéterminé
Aussi l’absolue poésie échappe-t-elle à l’emprisonnement de la langue, aux épaisseurs de ses murs,  à la fausse profondeur de ses ombres
Aussi l’absolue poésie est-elle aussi virginale aussi silencieuse que la mort toujours présente à la racine aveugle du regard
Notre propre infini nous échappe
La langue ne choisit pas d’être épousée par le silence,
c’est lui qui la pénètre et s’en retire, d’où la silencieuse jouissance
du jaillissement du cri survenant du fond des âges pour y rentrer aussitôt comme une lueur sauvage dans la nuit
Le silence serait à vif si les vivants se voyaient morts
Mâle est l’érection du langage, relative plénitude

Absolue la maternelle vacuité du silence
Imprononçable le mot de l’énigme au cœur de la vie
Indéchiffrable le signe muet de sa présence
Abyssal le songe éternel du regard
Immortelle la part de silence au cœur de l’homme
Quel poète n’est pas écartelé par l’exil de sa langue dans l’éden du silence
Le poème comme instrument du silence dans la musique de la langue
Le silence, dites-vous, est un concept
Et si le concept était un germe issu du silence
Loin d’être la négation de la langue le silence est son double secret, germeintime et matrice infinie
Car du corps-du-silence naît le souffle et du souffle la parole que le sens insensé du silence ensemence
Que sait-on sans mot dire
Par le silence le poète s’efface par la poésie le silence se dépasse
Duplicité du silence, duplicité du poème nous comblent d’incertitude

Proverbes du silence et de l’émerveillement      , Éd. Lettres Vives, coll. Terre de poésie.

Jean-Claude Pirotte – retour du vent


Afficher l’image source
peinture Andrew Wyeth – Pentecôte 1989 private coll

ce que nous enseigne le vent
vers les parages de la mer
c’est le secret du mouvement
des ombres c’est le passage

d’un automne liquide et sombre
et si lumineux cependant
un automne trop émouvant
nous ne savons guère qu’attendre

son retour et qu’il nous enchante
encore aux fenêtres des chambres
où nous guettons des signes vagues
parmi les grands arbres qui tremblent
et le miroitement des vagues


Un livre difficile absorbe son temps de lumière – ( RC )


C’est un livre difficile
qui absorbe son temps de lumière
avant que le savoir se diffuse
en pensées lentes
qui grandissent en toi :
heures de vie studieuses
où juste t’accompagne
dans la cellule vide
la flamme d’une chandelle .

Sa lueur vacille
au moindre courant d’air,
et si tu lèves les yeux du livre
pour la regarder,
seules, les ombres
accompagnent ta veillée,
hors du savoir
contenu dans ces pages .

Fais vite avant que la lumière chancelle
et finisse par s’éteindre,
transmets ce que tu apprends
à ceux qui viendront t’écouter.
Tu seras l’éclairage
précédant leur chemin solitaire,
un peu de liberté acquise
qui agrandit
leur vision du monde.

1632 Rideau de douche avec le tableau Le Philosophe en méditation de Rembrandt van Rijn
voir le « philosophe » , de Rembrandt

d’après « la solitude du rêveur de chandelle » ( Bachelard )


Le jour passe sa ronde – ( RC )


montage RC

Le jour passe sa ronde,
et cherche sa géographie
sans l’écrire .

Une bulle viendrait crever
à la surface de la vie,
et voilà que ton sourire m’inonde.

Ce serait le clair-obscur des nuits,
où l’attente finit par trouver une issue.

C’est ainsi que je suis né
pour toi,
toi, qui portais le monde sur ton dos,.

Tu as délaissé ton passé,
la grisaille de l’enfance,
pour m’entraîner sur les chemins de l’avenir.

Ces chemins qui se sont ouverts,
avec nos pas,
précédant nos ombres.

Le jour passe sa ronde,
et nous l’avons suivi.

( un écho au texte de S Derève « géographie du silence  » )


Marc Hatzfeld – l’attente


montage perso à partir de documents de brookenshaden

L’amie l’attente
Laisse ignorer son nom
Toujours seconde
Derrière la pompe et l’or des grandes émotions.
Souvent heureuse
L’attente
Ne porte pas d’autres visages
Que ceux mélangés des images
Qui glissent dans l’oubli
Et se brisent enfin
Sur la fin d’un soupir.
Mais elle revient
Malicieuse et modeste
Elle réclame ses restes
S’immisce sous ton ombre
Et te parle
Te regarde: elle veut rire avec toi
L’attente
Elle te croque les ongles
Elle te mouche
Et prend les formes tièdes
D’un monde sans importance
Elle se fait mur. elle se fait pain
Elle devient le stylo ou la main
Ou le bruit d’un pas qui résonne et repasse
Mais ne finit jamais plus par frapper à la porte
Devenue sourde.

extrait du recueil de Marc HATZFELD « GIROUETTE »


Barbara Auzou – Où ?


voir le site de B Auzou « lire, dit-elle »

Où sont-ils maintenant
Sinon sous les paupières piétinées du vent
Ceux qui fabriquaient la nuit de l’âge
Sous des pavés dissous d’ombres vaines
Et qui tentaient de déchiffrer
Les humeurs sévères de la mer inconsolée?

Ont-ils cru que tout se tient
Et qu’on se choisit l’angle du visage
propre à fabriquer des matins

Dans une poche d’air entre deux murs?
L’oiseau de la tempe depuis si longtemps
Brosse l’azur
À la recherche d’une vérité un peu respirable
Où s’érigeraient la fleur respectable
Et les chambres efficaces où coucher les os du temps.


Poèmes du Gévaudan – I (Susanne Derève)


      Photo-montage RC 

 

 

Entre chien et loup

j’ai rêvé de toi, ouvert les yeux 

et fermé la fenêtre

 

Un chien aboyait doucement 

et le grand loup du Gévaudan

projetait son ombre noire sur les cimes

 

au delà des murs de la maison 

au delà du portail

où tinte la cloche au matin 

 

entre chien et loup

à l’instant où le coq a lancé 

son refrain 

 


Ecrin – ( RC )


 

 

py_0077_soulier  de satin.jpg

photo d’origine, légèrement modifiée… « l’année du  soulier  de satin » voir site de la société Paul Claudel

 

Eclairée de côté par un projecteur,
qui imite le soleil,
pointant ses flèches
entre le creux de la montagne,
je te vois, seule sur la scène.

Je devrais plutôt me perdre ici
dans les plis mauves
de ces rideaux de velours
qui drapent le mur vide,
côté jardin.

J’ai envie de disparaître
dans la douce obscurité de leurs plis.
L’été indien
poursuivant sa vie liquide
avec sa couleur purpurine.

Il y a encore ce bouquet
de fleurs rouges
sur la scène.
Un rouge tellement intense,
qu’il crie la teinte du désir.

Le reste du décor
est comme un écrin,
dont on ne voit pas les ombres .
Je risque un pas
et c’est ta main que j’étreins .

Illuminated from the side by a projector,
who imitates the sun,
pointing his arrows
between the hollow of the mountain,
I see you, alone on the stage.

I should rather get lost here
in the purple folds
of these velvet curtains
who drape the empty wall,
Garden side.

I want to disappear
in the soft darkness of their folds.
Indian summer
continuing his liquid life
with its purpurine color.

There is still this bouquet
of the red flowers
on the stage.
Such intense red,
let him cry out the hue of desire.

The rest of the decor
is like a jewel case,
whose shadows cannot be seen.
I risk a step
and it’s your hand that I hold.


Allain Leprest – l’homme aux deux ombres


Sur l'établi | baldini Jean Pierre – Sculpteur

sculpture  :  Jean-Pierre Baldini

 

Le type d’en haut le solitaire
Si j’vous disais il a deux ombres
Qui le suivent sous les réverbères
De la ville quand la nuit tombe

Une ombre bleue à chaque jambe
La sienne et celle d’une dame
Deux ombres qui soupirent ensemble
Sur le drap sale du macadam

On dit que c’est un vieil amour
Un coup au coeur jamais guéri
Qui n’a laissé que son contour
Découpé dans un matin gris

V’là c’est pour ça qu’il a deux ombres
Qui déambulent derrière lui
Qu’il promène dans les décombres
De sa mémoire toutes les nuits

Deux ombres enlacées côte à côte
Cousues au bas de son manteau
Les mains mises l’une dans l’autre
Qui s’embrassent derrière son dos

Une ombre bleue à chaque jambe
La sienne et celle d’une dame
Deux ombres qui soupirent ensemble
Sur le drap sale du macadam

Le type d’en haut il a deux ombres
Et il les rentre au petit jour
Quand le premier rayon fait fondre
Les contours de nos vieilles amours


Sandra Lillo – du rêve de l’été


Original Nature Painting by Julianne Felton | Fine Art Art on Canvas | Evening Shadows

peinture: Julianne Felton

 

 

Les ombres boivent le soir
la lumière

Tu te demandes comment
t’échapper

les cercles s’agrandissent
la nuit monte aux chevilles

te réveiller oiseau peuplier
saule pleureur

mais pas du rêve de l’été


Vesna Parun – Ephèbe endormi


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peinture: Botticelli:  Arès & Aphrodite  ( détail droit )

 

Sur la plage où l’ombre de la baie s’allonge

Il est couché tel une vigne en son clos,

Solitaire et tourné du côté des vagues.

Son visage est empreint d’une grâce grave,

Le vent de midi à ses traits se caresse,

Il est plus beau que branche de grenadier

Gorgée de pépiements d’oiseaux, et sa taille

Plus souple que l’ondulation d’un lézard.

.

 

Grises est la mer, le sable crisse.

Des ombres blondes s’étendent sur la vigne.

Dans le lointain des colonnes de ciel saillent.

L’orage maintenant vient battre la plage.

.

Et moi je tête l’odeur d’été qui croît

Et je bois le vin des plantes dénudées

Et j’emplis mon regard de ces mains qui luisent,

De ces flancs brillants et polis d’une écume

Ou se déplace l’huile des oliviers,

Moi, mes yeux apaisés reposant sur lui

Enveloppé par la vague, qui sommeille

Dans ce tonnerre lent et vieux comme agave,

Moi livrée au vol multiple des désirs,

Je me demande combien d’ailes ouvertes

Palpitent dans les creux bleutés et les monts

De ce corps si calme qu’il s’en va troubler

L’herbe solitaire et la mer en son verbe.


Lucie Taïeb – s’éveiller


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Edward Munch – nuit à St Cloud

 

en Normandie s’éveiller la nuit ne pas être éveillé ne pas savoir se réveiller
seul, dans un lit différent dans une configuration différente des ombres et du noir et
d’une voix qu’on ne se connaît pas dire dans la nuit au corps qui devrait être là
« j’ai peur » puis frôler du dos de la main non ce corps ami mais le mur et
reconnaître le crépi savoir, alors, quel est ce lit et pourquoi seul
se rendormir.


Quine Chevalier – ensorcelées sous le soleil


 

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Ensorcelées sous le soleil
les ombres sont féroces

l’aube sans voix décline ses miroirs
et le vent dans tout ça
qui palabre
violente.

Ensemble nous marchons
dans nos creux
soulevant
l’herbe des secrets

que nous buvons le soir
dans la lampe qui brûle.

Quel hameau a quitté
l’enfant de nos désirs
sur quel arbre d’oubli
a-t-il planté ses rêves ?

La main n’est plus qu’un nid
l’ombre se repose
les yeux ardent la plaine

où passe le gerfaut.


Il y avait , sur le dessin – ( RC )


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 Brooklyn Street-art

 

 

Il y avait sur le dessin

des ombres, mais aussi des couleurs

qui sont venues habiller le mur.

A travers les grilles,

je le voyais

avec ses fleurs blanches et pourpres,
mais aussi le ciel plombé

d’un proche orage,

Il faisait ce contraste au bonheur
et aussi le mettait en valeur .

Il y avait ,

—– ( car un jour de colère,
quand le cœur se déchire,

j’ai voulu effacer les clématites
avec un chiffon et de l’essence ).

Quand le regard s’y pose,
on voit que tout a dégouliné :
Ce n’était pourtant pas suite à l’averse :

tout n’est pas complètement gommé:

je ne repars pas d’une toile vierge :
on devine bien des choses,

malgré le repentir

on y voit des restes de bonheur

que je n’ai pas pu

( ou pas voulu )
complètement effacer …

 

 

RC – août 2018


Leon Felipe – Don Quichotte est un poète prométhéen – 2


 

peinture  Serge Plagnol    La verte et rouge 2002 - Huile et pigments sur toile.JPG

 

 

Le Poète Prométhéen apparaît toujours dans l’Histoire comme un personnage imaginaire… mais l’imaginaire prométhéen gagne du réel… et la réalité domestique… se perd dans les ombres de l’Histoire.
Les rêves des hommes fabriquent l’Histoire… Les rêves sont la semence de la réalité de demain et ils fleurissent quand le sang les arrose et les féconde…
L’Histoire… est sang et rêves.
Et il arrive que le rêve se fait chair et la chair rêve.
Le Poète prométhéen s’échappe des ombres de la Mythologie… de l’imagination infantile des hommes, des livres sacrés… et de la maison même de Dieu… Et le Verbe… se fait chair…
Chair et symbole…


Cédric Merland – Si elle y pense


 

 

 

 

Portrait of Hard Life  Aging 5921453554.jpgSi elle y pense demain

elle se lèvera de bonne heure

restera plusieurs minutes à sa fenêtre

regardera le brouillard qui se lève.

 

Si elle y pense les ombres se confondent

tard après le silence de la nuit tombée

le bleu des murmures recouvre les souvenirs

et elle aperçoit l’océan un peu plus loin .

 

Si elle y pense d’autres rires viendront

après tout le matin sera à portée de main

bien après les nuages les collines

les larmes l’océan .

 

Si elle y pense les jours finiront bien

se laisseront porter par d’autres souvenirs

d’autres promesses aussi dans les rues

et les silences du matin  .

 

 

poésie  parue  dans la  revue  « Lichen »n°16

 


A cet instant précis – ( RC )


Daniel Ridge Falls Frozen

Un peu de blanc, et du noir dedans,
et des lignes qui s’étirent :
des images , un instant
figées, et c’est une cascade
qui ne tombe plus,
saisie dans son élan par le gel .

Le regard saisit les formes,
où la lumière s’est posée :
il cherche dans les ombres ,
un peu de vie cachée ,
et déjà, arriver à deviner
la couleur des choses .

A cet instant précis.


RC – nov 2017


Premier homme sur la terre – ( RC )


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Si j’étais le premier homme
à marcher sur la terre,
– venant d’une autre planète – ,
je marcherais avec prudence,
sur les berges sablonneuses,

laissant des traces  en creux.

Je m’enfoncerai dans les forêts tropicales,
où le soleil n’y pénètre
que par effraction,
j’apprivoiserai les animaux,
qui m’accueilleront sans méfiance,
comme si j’étais des leurs :

un peu étrange, sur ses deux pattes,
le cœur presque à nu,
et ma mémoire cousue de fil blanc,
essayant de se faire comprendre
par des mimiques
trahissant mes pensées.

Je n’aurais pas la pupille dilatée
du fauve de service,
je viendrai sans arme:
( personne ne les aurait inventées) , 
et avec les meilleures intentions .

Je me guide aux phrases de la lune :
elle, au moins, me comprend .
Je lui parlerai le soir,
lorsque le soleil s’éteindra .
Il reparaîtra le lendemain,
d’un autre côté .

Il étire les ombres ou les rétrécit,
comme avec des élastiques.
Cela semble être un jeu
dont jamais il ne se lasse
montant et descendant
tel un yoyo, au-dessus de l’horizon.

Il y a un seul astre ici.
Il règne,     sans partage
et semble très écouté .
Sa caresse varie, de tiédeur
en brûlure , rythmée par le jour
qui se déplie .

C’est sa façon d’être :
çà remplace le langage,
et les plantes le comprennent:
elles se sont multipliées
au point de couvrir
la plupart des endroits.

C’est une planète verte
avec de grands lacs,
que l’on nommera océans:
la vie a l’air moins rude
qu’ailleurs en galaxie.

J’indiquerai ça,
dans mon compte-rendu ,
devant rendre mon rapport sous quinzaine.
Je parie que bientôt
une équipe d’explorateurs
prendra ma relève.

Il ne serait pas impossible
qu’ils s’établissent ici,
avec leur petite famille, en villégiature .
S’ils construisent un village
il y aura peut-être même
une place à mon nom .


RC – sept 2017