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Ophélie de pierre- (Susanne Derève) –


                                                      Paul KLEE – House on the water 

 

Je ne convoque pas les images     

 je les laisse

insensiblement m’envahir                                                                                                     

dériver lentement

comme les voiles gris  d’une Ophélie  

de pierre                                                                              

 

et son visage  est celui des murs

de ma maison 

d’un pot de grès

des fleurs séchées que j’y dépose

de la nappe usée sous le doigt

 

de la lumière que verse à flots par la  fenêtre           

un trop rare soleil

 –  les arbres du jardin  en ployant sous le vent

 y   jettent de grands papillons d’ombre :

l’érable,  ses samares  blondes,

et le charme, obstinément adossé aux embruns –

 

Son visage est pareil aux murs de ma maison

emplie de rires d’enfants et de  nuits

sans sommeil,

de bonheurs et de larmes,

de rêves adolescents,

de veilles inquiètes dans l’ombre mauve des  matins ,

– à  l’horizon luisent encore les phares

dans le  jour incertain  –

 

 

Alors je laisse doucement refluer  les images

Je referme les murs de ma maison

 

Ophélie grise,

elle vogue vêtue des voiles du silence

au gré du hasard et du temps  

et  j’en suis longtemps le sillage

jusqu’à perdre sa trace  

insensiblement

 


Une nouvelle Ophélie – ( RC )


image.png
photo  :Gregory Crewdson
Tout est en place,
rien ne bouge,
c’est le calme plat
après la tempête,
–   ainsi le dit-on,
et tout est paisible
dans le salon:
 
des vêtements suspendus
des objets divers sur la table basse,,
les livres  dans la bibliothèque,
et la pendule égrenant les minutes,
le papier peint dont on voit les motifs 
qui prolifèrent,  répétitifs,
où sont  accrochées des photos de famille.
 
Cet intérieur a cet aspect tranquille
que rien  ne va perturber
et pourtant dans ce décor, 
somme toute, banal,
 
les fauteuils  se font la malle;
où est passée la maîtresse de maison
qui abandonne ses chaussons
sur les marches de l’escalier ?
 
Des fenêtres , une lumière feutrée 
comme celle  d’une  chambre  mortuaire, 
basculeront les  étagères
quand  l’eau  sera montée.
Cette  scène, nous la verrions
comme si nous y étions  rentrés
juste après l’inondation.
 
Ou bien l’observant derrière
une paroi de verre,
comme celle où l’on contemple les poissons
– sans  submersion -.
 
C’est la journée ordinaire
de la maîtresse de maison
qui ne justifie ni mise en scène,
ni éclairage  au néon.
Une aventure  quotidienne
qui connait cependant
un certain flottement
dans l’occupation des lieux.
 
Le photographe se place au centre géographique
à hauteur  d’homme
évoquant l’atmosphère aquatique
d’un aquarium.
 
Ophélie n’est pas au milieu de l’étang
émergeant des lentilles d’eau,
mais bien chez  elle,
dans  son appartement,
regardant  fixement,
le plafond,    immobile…
curieux vaudeville
 
De la comédie,
      c’est cet après-midi
où tout semble  s’arrêter :
Le temps  est immobilisé
        et la vie humaine
     un élément de la scène
qui dérive en flottant
dans le  décor indifférent .

Il n’y a plus dans l’onde …. – ( RC )


 

1  nuages or  -d-60.jpg

 

 

 

Tu es partie , mon amour

Portée par le courant

Dérivant lentement ,

Jusqu’à l’extinction du jour.

Je ne voyais plus dans l’onde

L’empreinte de ton corps,

Mais juste les nuages, brodés d’or ,

En reflets, glissant sur l’eau profonde.

Serais-tu une nouvelle Ophélie … ?

De la vase monteraient des bulles,

Jusque vers le crépuscule ,

Aux rivages lointains de l’oubli…

RC –  oct  2015

 

You’re gone, my love

Carried by the current

Slowly drifting,

Until the extinction of the day.

I could not see in the wave

Any mark of your body,

But just the clouds, embroidered with gold,

In reflections, gliding on the deep water.

Would you be a new Ophelia?

From the mud would rise bubbles,

Amount towards dusk,

The distant shores of oblivion …


tes mots à survivre (RC)


dessin: planche  de botanique  ancienne

dessin: planche de botanique ancienne

 

 

Peut-être que tu ne survivras pas à tes mots
Si ceux ci portent une charge toxique
Et qu’ils procurent à leur auteur mille maux
En se reproduisant de famille, prolifiques

Mais on peut imaginer que l’inverse le soit
Et qu’en vin des marges, ils remplissent
Les recueils, et d’indépendance, soient
Au point qu’ils te survivent avec délices

Ces signes qui nous inventent
Vont aussi nous guider
A traverser la mort lente
Mourir pour des idées

C’est bien Georges qui le chante
Et toujours, on le fredonne
Brassens nous enchante plus que hante
Et ses paroles résonnent

A la série des pages ouvertes
On peut voir le temps qui tasse
Du jardin, à la grande fenêtre
Les écrits ne s’envolent ni s’effacent

La parole se donne, orale
Les poètes anciens ,heureux élus
Hugo, Rabelais, de Nerval
La parole écrite est encore lue.

L’étonnant cristal d’immatériel
De la parole qui touche l’âme
Traverse encore tous les ciels
Et nous joue encore ses gammes

Shakespeare, Othello et Ophélie
Au théâtre des hommes, éternel
Et la voix cassée de Billie
Si vivante, belle, très actuelle…

Se nourrissent de mots précieux
Distribués à travers l’espace
Comètes et météores audacieux
Mais nous en avons toujours la trace

 

——–

 

Réponse  à JJ Dorio  pour  son  « vin des marges »


le travers d’paradis Ophélie (RC)


Aux vérités  de travers,
Il faut les remettre en place
Et au tain  de la glace
Passer à travers

Sur les  étendues gelées
C’est bien ce qui se passe
Lorsque la glace casse
Et se voit soulevée


Qui voit le paradis
Et nous en fait récit
Est sans  doute rétréci
Parce que refroidi

C’est du plus bel effet
Même –  traitement sévère
De passer derrière
L’image de ton reflet
Image concassée, brisures
Mais d’éclats boussures
En faire peinture,pâture,
C’est contre-nature

Et le calme  revenu
J’nirai pas aboyer
Porter   —             face de noyé
Mais  –                    — Qu’est-il devenu ?

J’le trouve un peu         pâli
D’avoir séjourné        dans l’eau
Et s’être renversé ( çà c’est pas d’pot)
Avoir conversé            (avec Ophélie)

La d’moiselle est belle
Elle a une quinte de toux
Ses cheveux sont roux
Et d’mes jambes se mêlent

Ophélie       -pâlie  -a- dit
Tu r’viendras demain
Mais là est         mon jardin
C’est pas l                ‘paradis

C’est pas ton domaine
Toi, et tes mystères
Ils sont bien sur terre
—           Quel bon vent t’amène ?

Mais tu vas  (céans) partir
Et            sans plus discuter
Rejoindre         l’autre côté
Où tu vas revenir !

Là n’est pas ta place
Chez les trépassés
Il te faut r’passer
D’laut’côté dla glace

C’est ainsi Madame
Qu’ainsi  m’ revoilà
Dans votre belle villa
Juste après le drame

Chaqu’chose à sa place
Aux vérités  d’travers
J’ai brisé du vers
Ce qui toujours agace

Ophélie flottante
Qu’a peint Waterhouse
C’est pas Mickey Mouse
Aux eaux miroitantes

D’mes yeux figés, jvois encore
Son beau miroir d’eaux
Qu’était plus qu’un seau
Où flottait en fleur de corps
Belle au milieu des plantes
Et les assiettes nénufars
Son visage, si blafard

Qui souvent me hante.

RC  2 fev 2012

et  que je complète  avec ce texte  de Claude Ber:

Flaire le risque

s’est fourvoyée à pas de loup

rebrousse chemin d’un seul coup.

Ne récolte plus son blé

n’a plus rien à rire.

Fait volte-face et s’esquive

Est sortie du champ de mines

peut s’allonger sans risques dans ses cheveux

tisser ses nerfs

déplier son corps

desserrer ses lèvres

et ouvrir sa vie.

Un temps…