Ophélie de pierre- (Susanne Derève) –

Paul KLEE – House on the water
Je ne convoque pas les images
je les laisse
insensiblement m’envahir
dériver lentement
comme les voiles gris d’une Ophélie
de pierre
et son visage est celui des murs
de ma maison
d’un pot de grès
des fleurs séchées que j’y dépose
de la nappe usée sous le doigt
de la lumière que verse à flots par la fenêtre
un trop rare soleil
– les arbres du jardin en ployant sous le vent
y jettent de grands papillons d’ombre :
l’érable, ses samares blondes,
et le charme, obstinément adossé aux embruns –
Son visage est pareil aux murs de ma maison
emplie de rires d’enfants et de nuits
sans sommeil,
de bonheurs et de larmes,
de rêves adolescents,
de veilles inquiètes dans l’ombre mauve des matins ,
– à l’horizon luisent encore les phares
dans le jour incertain –
Alors je laisse doucement refluer les images
Je referme les murs de ma maison
Ophélie grise,
elle vogue vêtue des voiles du silence
au gré du hasard et du temps
et j’en suis longtemps le sillage
jusqu’à perdre sa trace
insensiblement
Une nouvelle Ophélie – ( RC )
Il n’y a plus dans l’onde …. – ( RC )
Tu es partie , mon amour
Portée par le courant
Dérivant lentement ,
Jusqu’à l’extinction du jour.
Je ne voyais plus dans l’onde
L’empreinte de ton corps,
Mais juste les nuages, brodés d’or ,
En reflets, glissant sur l’eau profonde.
Serais-tu une nouvelle Ophélie … ?
De la vase monteraient des bulles,
Jusque vers le crépuscule ,
Aux rivages lointains de l’oubli…
–
RC – oct 2015
You’re gone, my love
Carried by the current
Slowly drifting,
Until the extinction of the day.
I could not see in the wave
Any mark of your body,
But just the clouds, embroidered with gold,
In reflections, gliding on the deep water.
Would you be a new Ophelia?
From the mud would rise bubbles,
Amount towards dusk,
The distant shores of oblivion …
tes mots à survivre (RC)
Peut-être que tu ne survivras pas à tes mots
Si ceux ci portent une charge toxique
Et qu’ils procurent à leur auteur mille maux
En se reproduisant de famille, prolifiques
Mais on peut imaginer que l’inverse le soit
Et qu’en vin des marges, ils remplissent
Les recueils, et d’indépendance, soient
Au point qu’ils te survivent avec délices
Ces signes qui nous inventent
Vont aussi nous guider
A traverser la mort lente
Mourir pour des idées
C’est bien Georges qui le chante
Et toujours, on le fredonne
Brassens nous enchante plus que hante
Et ses paroles résonnent
A la série des pages ouvertes
On peut voir le temps qui tasse
Du jardin, à la grande fenêtre
Les écrits ne s’envolent ni s’effacent
La parole se donne, orale
Les poètes anciens ,heureux élus
Hugo, Rabelais, de Nerval
La parole écrite est encore lue.
L’étonnant cristal d’immatériel
De la parole qui touche l’âme
Traverse encore tous les ciels
Et nous joue encore ses gammes
Shakespeare, Othello et Ophélie
Au théâtre des hommes, éternel
Et la voix cassée de Billie
Si vivante, belle, très actuelle…
Se nourrissent de mots précieux
Distribués à travers l’espace
Comètes et météores audacieux
Mais nous en avons toujours la trace
——–
Réponse à JJ Dorio pour son « vin des marges »
le travers d’paradis Ophélie (RC)
Aux vérités de travers,
Il faut les remettre en place
Et au tain de la glace
Passer à travers
Sur les étendues gelées
C’est bien ce qui se passe
Lorsque la glace casse
Et se voit soulevée

Qui voit le paradis
Et nous en fait récit
Est sans doute rétréci
Parce que refroidi
C’est du plus bel effet
Même – traitement sévère
De passer derrière
L’image de ton reflet
Image concassée, brisures
Mais d’éclats boussures
En faire peinture,pâture,
C’est contre-nature
Et le calme revenu
J’nirai pas aboyer
Porter — face de noyé
Mais – — Qu’est-il devenu ?
J’le trouve un peu pâli
D’avoir séjourné dans l’eau
Et s’être renversé ( çà c’est pas d’pot)
Avoir conversé (avec Ophélie)
La d’moiselle est belle
Elle a une quinte de toux
Ses cheveux sont roux
Et d’mes jambes se mêlent
Ophélie -pâlie -a- dit
Tu r’viendras demain
Mais là est mon jardin
C’est pas l ‘paradis
C’est pas ton domaine
Toi, et tes mystères
Ils sont bien sur terre
— Quel bon vent t’amène ?
Mais tu vas (céans) partir
Et sans plus discuter
Rejoindre l’autre côté
Où tu vas revenir !
Là n’est pas ta place
Chez les trépassés
Il te faut r’passer
D’laut’côté dla glace
C’est ainsi Madame
Qu’ainsi m’ revoilà
Dans votre belle villa
Juste après le drame
Chaqu’chose à sa place
Aux vérités d’travers
J’ai brisé du vers
Ce qui toujours agace
Ophélie flottante
Qu’a peint Waterhouse
C’est pas Mickey Mouse
Aux eaux miroitantes
D’mes yeux figés, jvois encore
Son beau miroir d’eaux
Qu’était plus qu’un seau
Où flottait en fleur de corps
Belle au milieu des plantes
Et les assiettes nénufars
Son visage, si blafard
Qui souvent me hante.
RC 2 fev 2012
—
et que je complète avec ce texte de Claude Ber:
—
Flaire le risque
s’est fourvoyée à pas de loup
rebrousse chemin d’un seul coup.
Ne récolte plus son blé
n’a plus rien à rire.
Fait volte-face et s’esquive
Est sortie du champ de mines
peut s’allonger sans risques dans ses cheveux
tisser ses nerfs
déplier son corps
desserrer ses lèvres
et ouvrir sa vie.
Un temps…