Jean-Claude Vallin – fleurs de peaux pour Norge

Les riens du tout qui nous habillent
ont les poches bourrées de trésors
des bouts de ficelle des billes
nos épices notre Pérou l’or
que charrient les yeux des filles
Au dehors nous paraissons normaux
comme cloches pour la messe
mais à Pâques qui perd le nord
pour qui les bordées les kermesses
qui vient de loin qui va-t-à Rome ?
Au dehors nous sommes des hommes
sociaux comme les zosiaux
mais l’en-dedans curriculum
nous sauve d’être bêtes à zoo
Et nous pouvons aller tout nus
nos doublures ont tant fleuri !
et nous pouvons pleurer toujours
pour démêler les nœuds du rire !
Kate Tempest – Ballade pour un heros – ( War music )

peinture M Gromaire
Ton papa est soldat, mon petit
Ton papa est parti à la guerre,
Ses mains fermes tiennent son arme,
Il vise précis et sûr.
.
Ton papa est dans le désert maintenant,
L’obscurité et la poussière,
Il se bat pour son pays, oui,
Il le fait pour nous.
.
Mais ton papa va bientôt rentrer à la maison,
Dans pas longtemps il sera là,
Je te mettrai ta plus belle chemise
Pour aller le chercher sur le quai.
.
Il te portera sur ses épaules et
Tu chanteras, tu applaudiras, tu riras,
Je le tiendrai par la taille,
Et je l’aurai enfin tout près de moi.
.
Ton père n’a plus quitté la maison,
Ton père ne se brosse pas les dents,
Ton père est toujours en colère,
Et la nuit, il ne dort pas.
.
Il fait sans cesse des cauchemars,
Et il semble faible et épuisé,
Oui, j’ai tenté de le soutenir, mais
On se parle à peine.
.
Il ne sait pas quoi me dire,
Il ne sait pas comment le dire,
Toutes ses médailles pour sa bravoure,
Il veut juste les oublier.
.
Il boit plus que jamais, mon fils,
Avant, il ne pleurait jamais. Mais maintenant,
Je me réveille la nuit et je le sens
Qui tremble à côté de moi.
.
Il m’a enfin parlé mon fils !
Il s’est tourné vers moi en larmes,
Je l’ai serré contre moi et j’ai embrassé son visage
J’ai demandé ce qu’il craignait.
.
Il a dit qu’il fait toujours plus sombre,
Quelque chose n’a pas disparu,
Il dit qu’il le comprend bien mieux
Maintenant que sable et fumée se sont dissipés.
.
Il y avait ce gosse qu’il avait appris à connaître,
Un jeune d’à peine dix-huit ans,
Brillant et gentil, il s’appelait Joe,
Il tenait son fusil bien propre.
.
Sa petite amie attendait un bébé,
Joe aimait plaisanter et rire,
Joe marchait devant ton paternel,
En patrouille sur un chemin.
.
Tout était calme jusqu’à
ce qu’ils entendent l’explosion.
L’homme qui a marché devant Joe
A été complètement soufflé.
.
Des éclats d’obus ont frappé Joe au visage,
Arraché les deux yeux à la fois,
La dernière chose qu’ils aient vue
C’est l’homme qui était devant :
.
Membres et chair et os et sang,
Déchiquetés, éparpillés,
Et après cela – juste la nuit.
Le goût, la puanteur, le bruit.
.
Je te dis ça mon fils parce que
Je sais comment tu seras,
Dès que tu seras assez grand
Tu voudras aller te battre
.
Qu’importe la bataille où tu t’engageras,
Tu donneras ton sang, tes os,
Pas au nom du bien ou du mal –
Mais au nom de ta patrie.
.
Ton père croit au combat.
Il se bat pour toi et moi,
Mais les hommes qui envoient les armées
Ne l’entendront jamais pleurer.
.
Je ne soutiens pas la guerre mon fils,
Je ne crois pas que ce soit juste,
Mais je soutiens les soldats qui
Partent en guerre pour combattre.
.
Des troupes comme ton papa, mon fils,
Des soldats jusqu’au fond de l’âme,
Portant fièrement leur uniforme,
Et faisant ce qu’on leur commande.
.
Quand tu seras grand, ma petit, mon amour,
S’il te plaît, ne pars pas à la guerre,
Mais combats les hommes qui les décident
Ou combats une cause qui est la tienne.
.
Cela semble si plein d’honneur, oui,
Si vaillant, si courageux,
Mais les hommes qui envoient à la guerre
Le font au nom de l’or
.
Ou vous envoie pour du pétrole,
Et nous raconte que c’est pour notre pays
Mais les hommes rentrent comme papa,
Et passent leurs journées à boire.
–
traduction M Bertoncini dans « jeudi des mots »
une musique lancinante qui a quelque chose à dire…et qui retrouve une certaine actualité ( en faisant le pont entre le souvenir de la guerre de 14, finalement assez peu évoquée ces derniers temps juste après le 11 novembre…, et l’actualité ukrainienne…………………………….sans parler des autres… )
Laetitia Lisa – aux lignes de fuite

photo Benjamin Hilts
d’abord
la lumière s’était parée de tout son or
pour le déposer sur le feuillage
l’herbe elle-même
semblait animée d’une autre vibration
passant de la lumière crue de novembre
à celle de la chaleur elle-même
puis le soleil a disparu
entièrement
derrière les montagnes
que le ciel avait teintées d’un bleu gris tendre
laissant juste au-dessus d’elles
une portion de rouge orangé flamboyant
en remontant plus haut dans le ciel
une barre de nuages
découpée dans le même bleu
faisait écho aux montagnes
suspendue entre rien et tout
on avançait dans le paysage
dont on ne percevait plus les reliefs
tout baigné qu’il était
dans des tonalités de gris de Payne
dans l’alignement des lignes de fuite
de grands arbres
dont je connais l’image
mais pas le nom
se détachaient du ciel
resté étrangement lumineux
leur tronc semblant interminable
comme grandi par la nuit
leurs branches nues
s’élançaient vers les premières étoiles
et leurs rameaux tissaient vers elles
tout un réseau de dentelles et de velours
d’un noir profond
ils semblaient être la porte vers un autre monde
au matin duquel
ils relèveraient leurs filets
Ce que les oiseaux n’ont pas vu…- ( SD-RC )

Entre tilleul et cerisier,
J’ouvre une parenthèse:
mains, peau, émois, éveil, ….
Quelques éclats de soleil
nous caressent à notre insu.
Ce que les oiseaux ont vu,
je ne le dirai pas…
Dirai-je ce qu’ils n’ont pas vu :
la valse tendre de nos doigts
dans l’ombre du feuillage,
les étoffes froissées,
dansant,
ton corps léger , flottant dans l’air,
sous la lumière complice,
baignant le couvert de petites parcelles d’or
que tu n’as pas saisies.
C’est qu’ils n’ont pas surpris
la douce chanson du désir…
L’été s’est installé
dans un soupir…
–
SD-RC août 2020
Paul Gravillon – la tristesse et le jour se ressemblent

Un visage accroché à des algues
un balcon troué par une bombe
des paupières de violettes
des Joues de crépuscule
des yeux d’orient
perles noires dans un jour glauque
tournées vers le futur
illisibles
tous les genres se mélangent
les classes les races
les femmes se donnent et restent vierges
tout le monde est pardonné
la tristesse et la joie se ressemblent
tout se poursuit
plus rien n’importe
la femme cancéreuse se caresse le sein
les grands hommes ne meurent plus
ils remplissent les rues
faire l’amour c’est faire son salut
la main de parkinson
sème l’or à tous vents
les tigresses ont la caresse facile
et les biches sont sanglées comme des femmes
leur tresse comme une loutre endormie sur l’épaule
fatiguée de tant de pays
leur nudité ne se vend plus
elles entrent à l’académie des beaux-arts
les rois hydrocéphales
se couvrent le front d’une feuille d’or
et les princesses aztèques
les yeux brouillés de sable
sont à genoux et prient entre leurs cuisses
déjà la nuit
a mis ses doigts sur leur joue gauche
déjà se cambre leur jeunesse ‘
et le vieil homme a revêtu
son pyjama d’agonisant
près de sa main s’arrête
la fille aux yeux de lit
aux cuisses aspirantes
ou bien selon les jours
la viergeronnette en madras bleu
dont le pied effleure l’ordure
et dont la chair
sent le pain chaud
mais l’homme se meurt et d’autres baisent
voici la fin et le commencement
les sphinx dans le vent
ont perdu leurs cheveux
II y a aussi des combats dans le ciel
souvent volent des débris d’anges
lumineux ou funèbres
tandis que le vent crie en silence
et que brillent
les cuirasses du soleil
les cavaleries de dentelles fuient
au ralenti
sur le silex du ciel
croisées par les corbeaux qu’attire
l’immense tache rousse
qui sourd à l’horizon
alors les éventails verts
constellés de cris d’oiseaux
éventent les colombes
échauffées par le sang
il pleut tant de lumière
sur les coffrets de bijoux de l,a terre
que toutes les portes
restent closes
Verts – ( Susanne Derève) –

Feuillées, Le vert y est-il vraiment vert -et la joie que je chante est-elle joie ?- J’y devine des gris d’ailes et de nuages, ceinturés de regrets, un bleu d’azur filé, des ocres, des terres brûlées, un miel dentelé de fougères,(de la géographie légère d’un rêve inachevé); j’y vois des pailles sèches tout près de s'embraser, des troncs cendrés, les bractées pâles des tilleuls vibrant d’un reste d’enfance, un mur festonné de mousse où des fleurs minuscules,de frêles saxifrages à peine dentelées de rose pointent leurs corolles tendres vers la lumière et loin,très loin, sous le couvert à l’heure où les verts se répondent le cerne d’or d’un fruit sauvage jailli de l'ombre, -la joie que je chante est joie!-
Éoliennes sur champs de colza -(Susanne Derève)-

Eoliennes sur champs de colza, jaune apparat pour fleurs d’acier, et de joyeux nuages en gardiens du troupeau céleste. J’imaginais des clairs-obscurs agrestes des ciels champêtres de tendres bosquets de printemps... Qu’une bourrasque les emporte ! Les fleurs distilleront la lumière du vent et les prairies engraisseront la toile de mes rêves pour les changer en or.
Nizzar Qabbani – tout livre traitant des prophètes
13

J’essaie -depuis mon enfance- de lire tout livre traitant des prophètes des Arabes,
Des sages des Arabes… des poètes des Arabes…
Mais je ne vois que des poèmes léchant les bottes du Khalife
pour une poignée de riz… et cinquante dirhams…
Quelle horreur!!
Et je ne vois que des tribus qui ne font pas la différence entre la chair des femmes…
Et les dattes mûres…
Quelle horreur!!
Je ne vois que des journaux qui ôtent leurs vêtements intimes…
Devant tout président venant de l’inconnu..
Devant tout colonel marchant sur le cadavre du peuple…
Devant tout usurier entassant entre ses mains des montagnes d’or…
Quelle horreur!!
en savoir un peu plus sur l »Nizzar Qabbani
Alfonsina Storni – L’or de la vie –

L’or de la vie De la corolle noire de la vie Je fais souvent jaillir une petite étamine d’or. Je féconde des fruits, je ferme le calice d’or, Rit ma vie. Je redeviens noire. Mais dans la nouvelle vie Jaillit de nouveau la petite étamine d’or. Rit ma vie Lorsque viennent la toucher les papillons d’or. Noirceur, ensuite l’or Précieux de la vie. El oro de la vida De la corola negra de mi vida Suelo brotar, estambrecillo en oro. Fecundo frutos, cierro el cáliz de oro, Ríe mi vida. Vuelvo a ser negra. Pero en nueva vida Brota de nuevo estambrecillo en oro. Ríe mi vida Cuando la tocan mariposas de oro. Negrura, luego el oro Precioso de la vida.
LE DOUX MAL,
Alfonsina Storni
Traduction de Monique-Marie Ihry
Éditions Cap de l’Etang
Qui a saisi ce sourire doux-amer ? – ( RC )

Les trains du soir
se sont enfuis dans la nuit,
et ton sourire a ces lèvres absentes
de la beauté fanée
d’une photographie
qui a mal vieilli.
Une pellicule dans un album photo
oublié au fond d’une armoire.
Je ne sais plus qui a saisi cet instant,
ce sourire doux-amer
qui rappelle celui de la Joconde,
derrière son épaisse armure de verre
– le mystère d’une perspective
difficile à saisir – ,
une fleur épinglée sur la poitrine
laissant échapper son parfum.
Qui se souvient des fêtes et de la joie,
des portes qui grincent,
des fenêtres ouvertes sur l’azur ,
des verres qui tintent,
de la guerre tendre des regards ?
une guerre qui pâlit
comme s’effacent les voix
de ceux qui t’ont connue.
L’or des cheveux
retrouverait-il son feu,
ton oeil, son incandescence
le vent , son insolence ,
si le sort était levé,
tu reviennes à la vie,
extraite comme par magie
de la photographie ?
un poisson au-dessus des dunes – ( RC )

Je me roule dans les mains de lune
glisse dans l’océan des rêves
je suis un poisson qui s’envole
au-dessus des dunes.
Ta poitrine de sirène
blanche et ta chevelure brune
sont celles d’une reine
au regard limpide.
Je vais planer, planer encore,
puis je retomberai
dans l’étendue liquide
l’instant d’une petite mort.
Ton corps d’or,
en devenir
connaît les sentiers secrets
des ressacs du désir.
Tu sais que l’on se noie
dans le plaisir,
mais je survivrai,
rien que pour toi.
RC – août 2021
Yves Bonnefoy – La pluie d’été (II)

Et tôt après le ciel
Nous consentait
Cet or que l’alchimie
Aura tant cherché.
Nous le touchions, brillant,
Sur les branches basses,
Nous en aimions le goût
D’eau, sur nos lèvres.
Et quand nous ramassions
Branches et feuilles chues,
Cette fumée le soir puis, brusque,ce feu,
C’était l’or encore.
Les planches courbes
nrf
Poésie /Gallimard
Un peu de soleil à l’intérieur – ( RC )

Le soleil a disparu
à force de tourner sur lui-même.
On ne le voit plus.
Le peintre s’est tu.
Juste une poudre de lumière
atteint encore la terre :
une brume de misère
qui la hante.
Beaucoup de plantes
ne savent plus ce qu’il faut faire.
Elles se crispent dans le sol
et se souviennent des jours
où la terre tournait encore autour.
Pourtant des tournesols ont fleuri,
comme des marguerites jaunes,
en tout petit,
qui, dans leur douleur
ne montreraient plus leur coeur.
Entre les doigts de la brise,
elles dialoguent
et refusent de flétrir :
la nouvelle s’est répandue
de la mort de Van Gogh
c’est qu’elles ont encore
assez de soleil et d’or ,
pour qu’à l’intérieur ,
son souvenir
soit leur propre lueur.
Traces de l’or du temps – ( RC )
J’ai cherché trop souvent
les traces de l’or du temps.
Un temps en éternelle fuite,
qui se pose sur les fleurs,
– juste une légère trace :
de la lumière, de la couleur.
Ce sont ces pépites
qui s’effacent
quand l’hiver les rattrape:
l’or du temps est insaisissable :
comme s’envole le sable
avec le vent
– qui , lui aussi , m’échappe…
–
RC – avr 2019
–
voir la phrase d’André Breton » « Je cherche l’or du temps »
dont MChr Grimard a fait cette variation
Blaise Cendrars – Pâques à New-York
art: Evangiles de Loisel Reims, IXe siècle
Seigneur, c’est aujourd’hui le jour de votre Nom,
J’ai lu dans un vieux livre la geste de votre Passion
Et votre angoisse et vos efforts et vos bonnes paroles
Qui pleurent dans un livre, doucement monotones.
Un moine d’un vieux temps me parle de votre mort.
Il traçait votre histoire avec des lettres d’or
Dans un missel, posé sur ses genoux,
Il travaillait pieusement en s’inspirant de Vous.
A l’abri de l’autel, assis dans sa robe blanche,
Il travaillait lentement du lundi au dimanche.
Les heures s’arrêtaient au seuil de son retrait.
Lui, s’oubliait, penché sur votre portrait.
A vêpres, quand les cloches psalmodiaient dans la tour,
Le bon frère ne savait si c’était son amour
Ou si c’était le Vôtre, Seigneur, ou votre Père
Qui battait à grands coups les portes du
monastère.
Je suis comme ce bon moine, ce soir, je suis inquiet.
Dans la chambre à côté, un être triste et muet
Attend derrière la porte, attend que je l’appelle !
C’est Vous, c’est Dieu, c’est moi, – c’est l’Eternel.
Je ne Vous ai pas connu alors, – ni maintenant.
Je n’ai jamais prié quand j’étais un petit enfant.
Ce soir pourtant je pense à Vous avec effroi.
Mon âme est une veuve en deuil au pied de votre Croix ;
Mon âme est une veuve en noir, – c’est votre Mère Sans larme et sans
espoir, comme l’a peinte Carrière.
Je connais tous les Christs qui pensent dans les musées ;
Mais Vous marchez, Seigneur, ce soir à mes côtés.
Je descends à grands pas vers le bas de la ville,
Le dos voûté, le cœur ridé, l’esprit fébrile.
Votre flanc grand-ouvert est comme un grand soleil
Et vos mains tout autour palpitent d’étincelles.
Les vitres des maisons sont toutes pleines de sang
Et les femmes, derrière, sont comme des fleurs de sang,
D’étranges mauvaises
fleurs flétries, des orchidées,
Calices renversés ouverts sous vos trois plaies.
Votre sang recueilli, elles ne l’ont jamais bu.
Elles ont du rouge aux lèvres et des dentelles au cul.
Les fleurs de la passion sont blanches comme des cierges,
Ce sont les plus douces fleurs au Jardin de la Bonne Vierge.
C’est à cette heure-ci, c’est vers la neuvième heure
Que votre tête, Seigneur, tomba sur votre Cœur.
Je suis assis au bord de l’océan
Et je me remémore un cantique allemand,
Où il est dit, avec des mots très doux, très simples, très purs,
La beauté de votre Face dans la torture.
Dans une église, à Sienne, dans un caveau,
J’ai vu la même Face, au mur, sous un rideau.
Et dans un ermitage, à Bourrié-Wladislasz,
Elle est bossuée d’or dans une châsse.
De troubles cabochons sont à la place des yeux
Et des paysans baisent à genoux
Vos yeux.
Sur le mouchoir de Véronique
Elle est empreinte
Et c’est pourquoi Sainte Véronique est votre sainte.
C’est la meilleure relique promenée par les champs,
Elle guérit tous les malades, tous les méchants.
Elle fait encore mille et mille autres miracles,
Mais je n’ai jamais assisté à ce spectacle.
Peut-être que la foi me manque, Seigneur, et la bonté
Pour voir ce rayonnement de votre Beauté.
Pourtant, Seigneur, j’ai fait un périlleux voyage
Pour contempler dans un béryl l’intaille de votre image.
Faites, Seigneur, que mon visage appuyé dans les mains
Y laisse tomber le masque d’angoisse qui m’étreint.
Faites, Seigneur, que mes deux mains appuyées sur ma bouche
N’y lèchent pas l’écume d’un désespoir farouche.
Je suis triste et malade. Peut-être à cause de Vous,
Peut-être à cause d’un autre. Peut-être à cause de Vous.
Seigneur, la foule des pauvres pour qui vous fîtes le Sacrifice
Est ici, parquée, tassée, comme du bétail, dans les hospices.
D’immenses bateaux noirs viennent des horizons
Et les débarquent, pêle-mêle, sur les pontons.
Il y a des Italiens, des Grecs, des Espagnols,
Des Russes, des Bulgares, de Persans, des Mongols.
Ce sont des bêtes de cirque qui sautent les méridiens.
On leur jette un morceau de viande noire, comme à des chiens.
C’est leur bonheur à eux que cette sale pitance.
Seigneur, ayez pitié des peuples en souffrance.
Seigneur, dans le ghetto, grouille la tourbe des Juifs
Ils viennent de Pologne et sont tous fugitifs.
Je le sais bien, ils ont fait ton Procès ;
Mais je t’assure, ils ne sont pas tout à fait mauvais.
Ils sont dans des boutiques sous des lampes de cuivre,
Vendent des vieux habits, des armes et des livres.
Rembrandt aimait beaucoup les peindre dans leurs défroques.
Moi, j’ai ce soir marchandé un microscope.
Hélas! Seigneur,
Vous ne serez plus là, après Pâques !
Seigneur, ayez pitié des Juifs dans les baraques.
Seigneur, les humbles femmes qui vous accompagnèrent à Golgotha
Se cachent.
Au fond des bouges, sur d’immondes sophas,
Elles sont polluées de la misère des hommes.
Des chiens leur ont rongé les os, et dans le rhum Elles cachent leur vice endurci qui s’écaille.
Seigneur, quand une de ces femmes parle, je défaille.
Je voudrais être Vous pour aimer les prostituées.
Seigneur, ayez pitié des prostituées.
Seigneur, je suis dans le quartier des bons voleurs,
Des vagabonds, des va-nu-pieds, des receleurs.
Je pense aux deux larrons qui étaient avec vous à la Potence,
Je sais que vous daignez sourire à leur malchance.
Seigneur, l’un voudrait une corde avec un nœud au bout,
Mais ça n’est pas gratis, la corde, ça coûte vingt sous.
Il raisonnait comme un philosophe, ce vieux bandit.
Je lui ai donné de l’opium pour qu’il aille plus vite en paradis.
Je pense aussi aux musiciens des rues,
Au violoniste aveugle, au manchot qui tourne l’orgue de Barbarie,
A la chanteuse au chapeau de paille avec des roses de papier ;
Je sais que ce sont eux qui chantent durant l’éternité.
Seigneur, faites-leur l’aumône, autre que de la lueur des becs de gaz,
Seigneur, faites-leur l’aumône de gros sous ici-bas.
Seigneur, quand vous mourûtes, le rideau se fendit,
Ce qu’on vit derrière, personne ne l’a dit.
La rue est dans la nuit comme une déchirure
Pleine d’or et de sang, de feu et d’épluchures.
Ceux que vous avez chassé du temple avec votre fouet,
Flagellent les passants d’une poignée de méfaits.
L’Etoile qui disparut alors du tabernacle,
Brûle sur les murs dans la lumière crue des spectacles.
Seigneur, la Banque illuminée est comme un coffre-fort,
Où s’est coagulé le Sang de votre mort.
Les rues se font désertes et deviennent plus noires.
Je chancelle comme un homme ivre sur les trottoirs.
J’ai peur des grands pans d’ombre que les maisons projettent. j’ai peur. Quelqu’un me suit. Je n’ose tourner la tête.
Un pas clopin-clopant saute de plus en plus près.
J’ai peur. J’ai le vertige. Et je m’arrête exprès.
Un effroyable drôle m’a jeté un regard Aigu, puis a passé, mauvais comme un poignard. Seigneur, rien n’a changé depuis que vous
n’êtes plus Roi. Le mal s’est fait une béquille de votre Croix.
Je descends les mauvaises marches d’un café Et me voici, assis, devant un verre de thé.
Je suis chez des Chinois, qui comme avec le dos Sourient, se penchent et sont polis comme des magots.
La boutique est petite, badigeonnée de rouge
Et de curieux chromos sont encadrés dans du bambou.
Ho-Koussaï a peint les cent aspects d’une montagne.
Que serait votre Face peinte par un Chinois?
Cette dernière idée, Seigneur, m’a d’abord fait sourire.
Je vous voyais en raccourci dans votre martyre.
Mais le peintre pourtant, aurait peint votre tourment Avec plus de cruauté que nos peintres d’Occident.
Des lames contournées auraient scié vos chairs,
Des pinces et des peignes auraient strié vos nerfs,
On vous aurait passé le col dans un carcan,
On vous aurait arraché les ongles et les dents,
D’immenses dragons noirs se seraient jetés sur Vous,
Et vous auraient soufflé des flammes dans le cou,
On vous aurait arraché la langue et les yeux,
On vous aurait empalé sur un pieu.
Ainsi, Seigneur, vous auriez souffert toute l’infamie,
Car il n’y a pas plus cruelle posture.
Ensuite, on vous aurait forjeté aux pourceaux
Qui vous auraient rongé le ventre et les boyaux.
Je suis seul à présent, les autres sont sortis,
Je suis étendu sur un banc contre le mur.
J’aurais voulu entrer, Seigneur, dans une église ;
Mais il n’y a pas de cloches, Seigneur, dans cette ville.
Je pense aux cloches tues : – où sont les cloches anciennes ?
Où sont les litanies et les douces antiennes ?
Où sont les longs offices et où les beaux cantiques ?
Où sont les liturgies et les musiques ?
Où sont les fiers prélats, Seigneur, où tes nonnains ?
Où l’aube blanche, l’amict des Saintes et des Saints ?
La joie du Paradis se noie dans la poussière,
Les feux mystiques ne rutilent plus dans les verrières.
L’aube tarde à venir, et dans le bouge étroit
Des ombres crucifiées agonisent
aux parois.
C’est comme un Golgotha de nuit dans un miroir
Que l’on voit trembloter en rouge sur du noir.
La fumée, sous la lampe, est comme un linge déteint
Qui tourne, entortillé, tout autour de vos reins.
Par au-dessus, la lampe pâle est suspendue,
Comme votre Tête, triste et morte et exsangue.
Des reflets insolites palpitent sur les vitres…
J’ai peur, – et je suis triste, Seigneur, d’être si triste.
« Dic nobis, Maria, quid vidisti in via ? »
– La lumière frissonner, humble dans le matin.
« Dic nobis, Maria, quid vidisti in via ? »
– Des blancheurs éperdues palpiter comme des mains.
« Dic nobis, Maria, quid vidisti in via ? »
– L’augure du printemps tressaillir dans mon sein.
Seigneur, l’aube a glissé froide comme un suaire
Et a mis tout à nu les gratte-ciel dans les airs.
Déjà un bruit immense retentit sur la ville.
Déjà les trains bondissent, grondent et défilent.
Les métropolitains roulent et tonnent sous terre.
Les ponts sont secoués par les chemins de fer.
La cité tremble. Des cris, du feu et des fumées,
Des sirènes à vapeur rauques comme des huées.
Une foule enfiévrée par les sueurs de l’or
Se bouscule et s’engouffre dans de longs corridors.
Trouble, dans le fouillis empanaché de toits,
Le soleil, c’est votre Face souillée par les crachats.
Seigneur, je rentre fatigué, seul et très morne…
Ma chambre est nue comme un tombeau…
Seigneur, je suis tout seul et j’ai la fièvre…
Mon lit est froid comme un cercueil…
Seigneur, je ferme les yeux et je claque des dents…
Je suis trop seul. J’ai froid. Je vous appelle…
Cent mille toupies tournoient devant me yeux…
Non, cent mille femmes… Non, cent mille violoncelles…
Je pense, Seigneur, à mes heures malheureuses…
Je pense, Seigneur, à mes heures en allées…
Je ne pense plus à Vous. Je ne pense plus à Vous.
Les Pâques à New-York.
Joyeux Norouz à tous mes amis Iraniens !
–
Patricia Fort – Dans ma valise
peinture David Lisboa » boîte en valise »
Dans ma valise il y a…
Vos prénoms et le mien
Qui se tiennent par la main
Nos nuits de bohémiens
Des contes et fleurettes
Des rires sous couette
Des sax et des rôles
Bad pas t’es pas drôle
Des boucles bleues
Des cernes sous les yeux
Nicolaï qui s’enjaille
Et nos voix qui s’éraillent
Une écharpe de ciel
Qui me sied à merveille
Des clés de portail
Ma mémoire qui défaille
L’or des blés
La blancheur de l’été
Une corde de guitare
Mais non il n’est pas tard
Le grenier de la France
Et celui de mon enfance
Une madeleine et un marcel
Des souvenirs en dentelle
Un décapsuleur
Des biscuits et du beurre
Une espadrille orpheline
Nos doutes en sourdine
Cinq chemins au levant
Le soleil au couchant
Un sentier pour nos pas
Avec des pierres çà et là
Valentino et des abeilles
Nos bouches groseille
Nos cœurs à l’unisson
Des rimes , des chansons
Une petite fille oubliée
En jupe plissée
Queue de cheval
Des amours qui se font la malle.
Dans ma valise bien rangée
Un voyage immobile
Une parenthèse, une île
Vos vies là, devant
La mienne qui attend. »
© Patricia Fort. – Artenay 17 juillet 2013.
Saveurs de la terre – ( RC )
—
Quelle danse en bouche
Celle du vent,
Sur les orges ,les blés
Les amandiers dont l’amer,
Se perd dans la souche.
L’arôme puissant,
La caresse dansée,
Passant au travers.
C’est peut-être, éphémère
La part des anges
Celle qui s’évapore,
Approchant l’oubli
Balade traversière,
Une frange,
Une bordure d’or,
dissimulée dans un pli…
–
RC – octobre 2015
Jean-Gilles Badaire – L’atelier
–
L’Atelier
Bien d’autres y verraient la forge du vent, le ventre du chaudron, l’irréconciliable,
mais non plutôt l’odeur des roues dans la neige et les efforts calleux.
Je vis dans ce marécage aux accents roux et mauves d’un au-delà de magicien.
La peinture est collée contre les vitres, le ciel est d’araignée,
les pots attendent qu’un maelstrom interne les habite.
Et la pensée ravaude le moindre effet du réel.
J’absorbe jusqu’à l’étouffement les torpeurs des goudrons et des graisses
et les restitue ainsi mouillées sur la toile d’or et de lin.
La mort dort certainement ici.
Les ongles noircis.
J-G. BADAIRE
Vois comme le soir s’éteint – ( RC )
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Regarde, la lumière orange,
Se coucher sur le lac,
Que les rides d’une brise, dérangent,
Ou cette feuille tombée sur la flaque…
–
Regarde comme les pierres s’envolent,
Détachées du filet
Elles ne sont plus attachées au sol,
Que par leur reflet.
–
Regarde, comme il rebondit,
Le petit soleil tenace
Bientôt englouti
Dans les eaux lasses
–
Regarde, comme les nuages filent,
Et moussent une écume d’or,
Au dessus des îles,
En géantes fleurs.
–
Vois comme le soir s’éteint,
Il se dissout sans bruit,
Pour préparer demain.
De l’autre côté , c’est bientôt la nuit.
–
RC – 26 septembre 2013
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Guy Goffette – Un peu d’or dans la boue
Un peu d’or dans la boue
I
Je me disais aussi : vivre est autre chose
que cet oubli du temps qui passe et des ravages
de l’amour, et de l’usure – ce que nous faisons
du matin à la nuit : fendre la mer,
fendre le ciel, la terre, tout à tour oiseau,
poisson, taupe, enfin : jouant à brasser l’air,
l’eau, les fruits, la poussière ; agissant comme,
brûlant pour, marchant vers, récoltant
quoi ? le ver dans la pomme, le vent dans les blés
puisque tout retombe toujours, puisque tout
recommence et rien n’est jamais pareil
à ce qui fut, ni pire ni meilleur,
qui ne cesse de répéter : vivre est autre chose.
II
Le temps qu’on se lève vraiment, qu’on se dise
oui de la pointe des pieds jusqu’au sommet
du crâne, oui à ce jour neuf jeté
dans la corbeille du temps, il pleut.
Ô l’exacte photographie de l’âme, ces deux mots
qui nous rentrent les yeux comme les ongles
dans la chair : il pleut. Le sang de l’herbe
est vert insupportablement et c’est en nous
qu’il pleut, en nous qu’une digue rompue
voit s’effondrer peu à peu, derrière la vitre
et parmi les voilures, avec des pans de vieux
regrets, d’attentes fatiguées,
les raisons de partir et d’habiller le froid.
III
Encore, si le feu marchait mal, si la lampe
filait un miel amer, pourrais-tu dire : j’ai froid,
et voler le coeur du noyer chauve, celui
du cheval de labour qui n’a plus où aller
et qui va d’un bord à l’autre de la pluie
comme toi dans la maison, ouvrant un livre,
des portes, les repoussant : terre brûlée, ville
ouverte où la faim s’étale et crie
comme ces grappes de fruits rouges sur la table,
vie étrange, inaccessible, présent
à celui qui ne sait plus désormais
que piétiner dans le même sillon
la noire et lourde argile des fatigues.
–
Guy Goffette
poème cueilli dans « La vie promise » précédée d' »Eloge pour une cusine
de province »
éditions poésie/gallimard
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Comptes d’Orient ( RC )
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Des mille et une nuits
Voila l’humeur voyageuse
D’objets, l’abondance et l’envie
C’est cette histoire merveilleuse;
L’escadrille de tapis volants
Au souvenir des parfums d’orient
Celle des roses d’Ispahan
Qui berce l’esprit des enfants …
Il est question de diamants
D’or et d’objets, de bandits
Dans l’obscurité les yeux agrandis
Captent des éclairs d’objets brillants
Abondance à remplir son cabas
» C’est un hasard heureux
Qui m’a fait pénétrer ces lieux
Se dira, rêveur, Ali Baba
Je n’ai pas pu en faire le compte
De tous ces objets de valeur
Détenus par quarante voleurs »
( enfin, c’est ce que suggère le conte)
Tant de richesses rendrait avide
Si on les savait quelque part
La misère est partout, chacun réclame sa part
Et réchauffe les esprits cupides…
Ou bien c’est un objet précieux
Qui permet d’exaucer les voeux,
D’avoir tout ce dont on manque
Et de faire « sauter la banque »
La lampe d’Aladin contenait un génie
Qui faisait de son mieux
Pour rendre les hommes heureux
Surtout pour les plus démunis…
Une demande pour l’avenir ?
Et ceci, à quel tarif ?
Devenir calife à la place du calife ?
La lampe à huile va tout vous dire…
Mais attention, à ce qu’on croit
Faites bien votre choix
Les voeux se limitent à trois
Au delà vous pouvez faire une croix…
Et attendre des jours meilleurs
Assis dans la poussière
Vivant dans la misère …
A attendre le bienfaiteur…
–
Je conte sur lui…
—
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RC – 22 et 28 juin 2012
Michel Leiris – transmutation
Transmutation
Au creuset de ma tête
où kilos et kilos de souvenirs
font un bruit de feuilles sèches,
dès que ta forme jaillit
je sens couler de l’or.
(Michel Leiris)
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Les chercheurs d’or (RC)

photo extraite du site eco-volontaire.com
–
C’est une vision de l’enfer
Qui prend pour décor une mer
Qui sentirait forge et vapeurs d’essences
Feux, supplices et tourments des sens
Ainsi se précipitant sur le « matériel « du bonheur
C’est une marée humaine, – cette ruée sur l’or
Précipitant dans le gouffre toutes ces mains avides
Pour quelques paillettes, mais de soif, pas de liquide
—
Et quand l’océan n’aura de souvenirs que vidé
De sa vie… il faudra sur sa surface sèche, nous guider
Aux poissons, plaques de sel, le musée des ossements
L’amer des ors et cristaux brillants, comme firmament
C’est ce qu’il nous restera à voir
De la lumière, passée au noir
Des reliques comme pourboire
Et d’eaux polluées — plus rien à boire
–
RC – 17 mars 2012
—
( cette ruée vers l’or, bien connue pour un des moments clefs de la conquète de l’amérique, est encore d’actualité, notamment dans les pays pauvres, par exemple de l’Afrique sub-Sahélienne, où des dégâts écologiques, suite aux exploitations minières, par exemple l’utilisation du mercure sont d’autant plus marqués, par la pénurie en eau… voir sur le même sujet, le film « Altiplano », qui se situe au Pérou, et le bel article de ballinicreation )
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Else Lasker-Schüler – SECRÈTEMENT, à la nuit
Avec la présente, je continue la publication des poèmes de cette auteure, réunis dans la plaquette qui porte justement ce nom » SECRÈTEMENT, à la nuit »..paru auxéditions « Héros-Limite »
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pour rappel mes précédentes publications sont:
Else Lasker-Schüler – Arrivée
SECRÈTEMENT, à la nuit
Je t’ai choisi ‘ Parmi tous les astres.
Et je veille – fleur aux aguets Dans le feuillage susurrant.
‘
Nos lèvres s’apprêtent à préparer le miel Nos nuits chatoyantes sont écloses.
Les cieux de mon coeur s’embrasent À l’éclat radieux de ton corps –
Tous mes rêves irradient de ton Or, Je t’ai choisi parmi tous les astres.
———–
HEIMLICH ZUR NACHT
Ich habe dich gewählt Unter allen Sternen.
Und bin wach – eine lauschende Blume Im summenden Laub.
Unsere Lippen wollen Honig bereiten Unsere schimmernden Nächte sind aufgeblüht.
An dem seligen Glanz deines Leibes Zündet mein Herz seine Himmel an —
Alle meine Träume hängen an deinem Golde, Ich habe dich gewählt unter allen Sternen.
1907
et comme je l’ai fait par deux fois déjà, en écho avec les créations du peintre Andrew Wyeth.., magnifique utilisateur de la lumière…
A noter au passage que ces reproductions sont « rares » – à savoir que c’est scanné d’un livre acheté aux USA, et difficilement trouvable en Europe.
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Maria Luisa Spazian – mordre le temps comme le pain
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Je voudrais mordre le temps comme le pain.
Trouver une résistance, laisser l’empreinte de mes dents.
Avaler l’essence, sentir la nourriture
Qui doucement envahit le sang.
Mais, fleuve invisible, le temps s’écoule.
Il murmure à mes côtés. A portée de main
Il me passe un poisson-fable, une pépite d’or
Déjà réabsorbée par des tourbillons.
Maria Luisa Spazian
Planter ses yeux dans l’au-delà (RC)
—
J’ai planté mes yeux
Dans un bout de ciel
Je ne sais s’il était bleu
Ou couleur de miel
J’ai vu au-delà, un rayon d’ange
Qui passait par là, une de ses ailes
Qui avait de l’or, et de belles franges
C’était peut-être une demoiselle
Sortie des nuages, sur son matelas
L’ange me souriait, sans vanité
Me faisant un signe, de l’au delà
La tête en bas, ignorant la gravité
Et la physique de Newton…
Oui, celui des pommes…
Un ange vêtu de neige
Echappé de son manège
Donnant la lumière
Sans saveurs d’hier
Ecartant des orages, le bruit
Et du sombre, la nuit
Dessinant un tracé d’avenir
Sur une terre naissante
Grande-offerte à son sourire
Que peut-être j’invente
Car, en regardant mieux
En dessus d’horizons
Je n’ai vu de radieux
Qu’un sourire en frissons
Mais je l’ai gardé, comme une buée
Sens dessus-dessous, la tête à l’envers
En voulant aussi, le distribuer
La terre en a soif …
—
RC 24-03-12
—
I pitched my eyes
In a piece of sky
I do not know , if it was blue
Or honey-colored
I saw , beyond , a ray of angel
Passing by, one of its wings
Dressed in gold, with beautiful fringe
Perhaps was it , an angel-girl ?
Out of the clouds, on a mattress
The angel smiled at me, without vanity
Making me a sign to me , from the heaven
Head down, ignoring gravity
And Newtonian physics …
Yes, the one of the apples …
An angel dressed with snow
Escaped from his carousel
Giving light
Without flavors of yesterday
Dismissing storms, noise
And from the dark, the night
Drawing a path for the future
On a emerging land
Great offered to her smile
Maybe …. I invent ….
Because, looking better
Above, In horizons
I have just seen , bright
A smile , in chills
But I kept it , as a mist
Turned upside down, head upside
Wanting to deliver it
So thirsty is the world .
–
–
Chercheurs d’or à la sauvette – ( RC )
En parcourant les chemins,
C’était dans un autre monde
Celui des hommes intègres
Ceux d’ici peut-être
Mais il y a ceux d’ailleurs
Qui viennent creuser – pour l’or
Dont il y a quelque part
Au milieu de la roche brune
Quelques grammes, quelques paillettes
Qui peut-être, sueur, labeur
Transport, lenteur, avidité
Permettront à quelques uns de vivre
De vivre mieux, c’est dire
Difficile, mais l’espoir
Justement, fait vivre
Même s’ il faut n’en pas vivre, mais gratter
Au sein même d’obscurs tunnels instables
Quelques roches, et remonter d’escalade
> Même si certains en restent ensevelis
Ils ont cru pouvoir vivre
En prenant aux entrailles de la terre
Un peu de précieux qui pourrait
De quelques carats orner une main
D’une bague aux souvenirs de peine
Qui se souviendra de la poussière brune
Des transports éreintants
Afin de convertir le risque encouru
En quelques kilos de riz
—
je viens de trouver aussi un poème de André Velter,
qui nous dit une impression parallèle
( je ne cite que la fin du poème)
Mais perdre perdre surtout
La moindre révérence
Le plus frêle désir
De collier de gourmette
De broche de clip de boucle
De tocante et d’alliance,
Laisser l’or aux gogos
Laisser l’or au décor
Aux fesses des angelots
Au dôme des Invalides
Aux dos des doryphores,
Laisser l’or aux émois
Des honnêtes esclaves
Qui se carrent les carats
D’une aura toute en frime,
Laisser l’or à l’ordure
Motus et monétaire
Qui fait de l’or avec
De la sueur de sang –
extrait de « La vie en dansant » Gallimard
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