Connais-tu la fin de l’histoire ? – ( RC )
photos perso montage – musée archéologique de Lisbonne
Connais-tu la fin de l’histoire,
puisqu’il en manque de grands morceaux ?
On peut toujours combler les manques,
en déduire des trajectoires,
en tout ce qui s’est perdu
dans la grande fosse de l’oubli .
Pour ceux qui vivent ici,
c’est au présent,
qu’ils cultivent leur jardin.
Leur origine s’est diluée
dans les générations.
Les racines de l’arbre vont si loin,
et se ramifient tellement,
que les suivre se fait en pure perte.
Ce qu’il en émerge est la partie visible
de l’iceberg des siècles.
Pour en revenir à celui qui cultive son arpent,
le voila qui remonte au jour
des fragments de marbre.
Un voisin en a trouvé d’autres.
Ce sont des mains finement sculptées,
qui tiennent entre leurs doigts
de drôles d’objets,
mais il manque le corps
auxquel elles correspondent.
Sauras-tu me dire ce que signifient
ces lambeaux d’une mémoire
à jamais enfouie
sous une épaisseur de terre ?
Nous en avions oublié, même l’existence
dans le désastre de l’abandon des aubes .
Celles-ci ne nous ont pas vu naître.
Peut-être que le vieux faune endormi s’en souvient .
S’il n’était pas de marbre, > il nous répondrait peut-être…
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RC – juin 2018
Un chemin tracé entre les étoiles – ( RC )
photo Ile Vaadhoo des Maldives: provenance
Il y a une musique,
dont je ne connais pas l’origine ,
elle me vient du vent, sans doute.
Elle m’entoure parfois de son écume,
comme si j’étais une île,
et qu’il suffise d’avoir les yeux ouverts ,
pour recevoir la brise
et comprendre la chanson .
Alors je suis poreux,
comme peut l’être une éponge,
mais elle boit les mots
qui me viennent à l’esprit.
Au loin des navires passent, indifférents ;
de toute façon
ils ne sauraient traduire
le poème qui s’écrit par ma main ,
ni le souffle qui gonfle les voiles :
Dans un autre sens ,
c’est peut-être trouver un chemin
tracé entre les étoiles .
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RC – mai 2017
Chercher la source blanche – ( RC )
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Tu cherches la source;
La source blanche,
En creusant plus avant,
Toujours plus profond,
Comme au sein de ta propre vie.
Mais peux-tu atteindre
l’Origine,
Et remonter à celle du monde ?
Cette quête pourrait bien
se prolonger sans fin,
Si, quelque part la terre,
était une gigantesque boule de glace ;
Une banquise unique,
Contenant en son centre,
A supposer qu’il existe – au sommeil de ta vie
le soleil glacé des inuits .
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RC- fev 2015
Dans l’armoire secrète de nos corps – ( RC )
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L’harmonie de nos matières, nous fait intégrer dans l’armoire secrète de nos corps, toutes nos fragilités, et certitudes.
Parfois sous forme d’une pierre rugueuse, parfois, la corolle fragile d’une fleur rebelle, parfois le coffret étanche d’une boîte où rien ne semble pénétrer .
C’est un paysage intérieur, qui se heurte à des parois,
Mais qu’on ne peut pas voir, percevoir clairement.
Peut-être parce que j’en ai perdu les origines, l’explication propre à ma présence en ce monde .
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De l’extérieur me parviennent les cris d’amour des vivants,
les mines profondes, les pays ravagés par la guerre,
les chemins hésitants ou les rails brillants à travers la nuit .
Il est difficile de saisir où tout cela mène , car cela s’est construit sans moi ;
et beaucoup de langages se croisent
sans que j’en connaisse le langage et les intentions .
D’autres ont leurs certitudes, leur passé, et poursuivent leur aventure, se confrontent à la souffrance, à la joie :
Ils se côtoient, dans un temps commun,
sans forcément disposer librement de leurs destinées .
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Celles-ci se croisent, se confrontent, se combattent, sous des auspices contradictoires.
Eux non plus n’ont pas d’explication de leur présence en ce monde .
Ils essaient de l’exploiter à leur bénéfice, de façon détournée, comme des contrebandiers .
Mais, malgré les apparences, sont toujours dans l’armoire secrète de leur corps, de leurs croyances, et de limites invisibles ;
Celles-ci se déplacent avec eux, car ils les portent en eux, , comme une ligne d’horizon,
avec le mystère prolongé de leur origine, qu’ils ne peuvent pas atteindre .
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RC – nov 2014
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Est-ce que le nom suffit à ton existence ? – ( RC )

gravure: Zoran Music: paysage de Dalmatie Tate Gallery
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Si à chaque chose on peut donner un nom,
Dessiner un destin,
La distinguer des autres,
Lui prêter une couleur,
Pour les hommes,
Il y a toujours ceux qui renient
Les autres,
Pour leur présence même,
Il ne suffit pas d’une carte d’identité,
Pour les faire exister,
Au-delà d’un morceau de papier,
Ou d’un tiroir à fichiers,
Classés non seulement par ordre alphabétique,
Mais aussi selon leur origine,
Quel que soit le désert,
Ou la ville, dont tu viens.
Quand, encore , on ne juge pas utile,
De dresser une barrière de béton,
Autour de ta non-existence,
Ou de te coudre une étoile jaune .
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RC – février 2014
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NB la gravure qui accompagne ce texte n’est pas directement évocatrice, comme certaines de ses oeuvres, relatant la déportation et la Shoah, lui-même ayant été interné au camp de Dachau
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Alda Merini – rêves
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Le rêve se lève souvent et marche sur ma tête comme un elfe,
un tout petit elfe qui me dérange mais m’amuse aussi.
Combien de rêves ai-je faits ! J’y ai vu quelquefois une lueur magique, il s’agissait parfois de rêves lourds comme des pierres posées dans le centre du cœur.
Moi ces rêves je les ai tous acceptés : les formes me plaisent, qu’elles viennent ou non de l’inconscient.
Si elles venaient de l’inconscient, j’en recherchais l’origine.
Il s’agissait de toute façon de rêves magnifiques, pleins de couleurs, de rêves qui disaient “allez lève-toi ! la vie est belle ; elle est comme nous l’enseigne la nature, elle est toujours au-delà de l’angoisse”.
Et alors je m’asseyais sur mon lit et les rêves disparaissaient et l’air pur du matin entrait et mon corps devenait une merveilleuse statue, la statue d’un guerrier prêt à combattre et à se battre pour sa propre journée.
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extrait de « D é l i r e a m o u r e u x »
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Alain Mabanckou – Le livre de Boris
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Le Livre de Boris
Est ton pays
Celui qui t’ouvre les portes
Sans fouiner dans la besace
De tes songes
Est ton pays
Celui qui t’indique où
Mettre tes songes en lieu sûr
Nul ne naît en terre étrangère
L’espace appartient à l’homme
Dont le sort est d’errer
Ne me demande pas mon pays d’origine
Regarde dans mes yeux baissés
La fêlure des horizons
… Qui t’a parlé du mot exil
Je ne le prononce plus
Bâtis dans ton cœur
Des terres de réserve
Des îles vierges
Ne demande à l’espace qu’un peu d’immobilité
Le temps d’une halte
II faut bêcher le territoire au jour le jour
Y planter un drapeau blanc
Et non des épouvantails
Qui apeurent les oiseaux
L’exil est aussi ce chemin
Qui délivre de la solitude
Tout homme seul
Porte la langueur du temps
Sur ses épaules
II pleure le cloisonnement
De l’espace
Mais toi
Regarde plutôt la splendeur
Des songes égarés
Dans l’herbe de ton enfance…
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Alain Mabanckou, (Congo)
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La solitude du pin ( RC )
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La solitude du pin, secoué par le mistral
Sans remords, lourd de bruissements,
Se tait, offrant ses épines, au soleil
Et aux senteurs de thym…
Tout tourne autour du centre,
Certains diront « nombril du monde »
< Mais où est donc le centre ,
Si je n’en connais pas l’origine ?
L’humanité commence par le nombril,
Disent-ils avec justesse, dans la tradition congolaise.
Et le monde, … Commence-t-il par le temps,
Et l’horloge du soleil, qui indique , du pin, ses ombres ?
Ou bien le regard, celui de l’enfant,
Que l’on porte , comme nos premières années,
Toujours vivantes, avec la mère, présente
Dans l’humanité, dont elle est l’Origine,
et se tient toujours ici…
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RC – 18 juin 2013
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En rapport avec le texte de Norbert Paganelli
Non ce n’est pas facile
De cueillir la main et son ombre
La solitude du thym
Charcuté sans remord
Il faut savoir tendre l’oreille
Et se taire
Captant un silence
Lourd de bruissements
Il faut aussi creuser
Et creuser encore
Et unir la force de l’homme
Au regard incrédule de l’enfant
La femme elle
Se tient toujours ici
Norbert Paganelli http://invistita.fr/
(du recueil »A notti aspeta / La nuit attend »)
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L’interrogation du soleil ( RC )

photo rgbstock
En lissant, du dos de la main,
Un sable blond, – l’interrogation du soleil
Qui s’étale, en grains
Par millions, ni semblables, ni pareils
Et si ceux ci, recouvrent
L’haleine de mon corps
Qui fait racine, puis s’ouvre
En profondeur, de toutes ses pores
C’est un flux de la mémoire
En fouillant dans son ombre
A chercher dans le noir
Qu’aucune lumière n’encombre
Quand tu te penches, elle ressurgit soudain
Aux rayons de tes cheveux dénoués
Et qu’ au dessus de moi, planent tes mains
Porteuses du soleil, d’un désir avoué.
C’est ton regard, que le ciel achemine
Qui réchauffe le mien
Je n’en sais pas l’origine
Mais j’en connais les liens.
Vivre est une aventure,
On s’écarte des chemins tracés
Vers des sentiers peu sûrs
Mais où tu me fais me lancer
Et c’est encore un peu ivre
Encore en titubant
Que je vais te suivre
Emporté vers l’avant
Mes lèvres ont le goût des tiennes
J »ai laissé derrière, l’hiver des pensées
Un nouveau jour m’entraîne
………….. Et je n’ai plus de passé.
–
RC -21 octobre 2012
–
photo Jose Chiyah
Tahar Ben Jelloun – Quel oiseau ivre naîtra de ton absence ? — l’interrogation du soleil ( RC )
Quel oiseau ivre naîtra de ton absence
toi la main du couchant mêlée à mon rire
et la larme devenue diamant
monte sur la paupière du jour
c’est ton front que je dessine
dans le vol de la lumière
et ton regard
s’en va
sur la vague retournée
sur un soir de sable
mon corps n’est plus ce miroir qui danse
alors je me souviens
tu te rappelles
toi l’enfant née d’une gazelle
le rêve balbutiait en nous
son chant éphémère
le vent et l’automne dans une petite solitude
je te disais
laisse tes pieds nus sur la terre mouillée
une rue blanche
et un arbre
seront ma mémoire
donne tes yeux à l’horizon qui chante
ma main
suspend la chevelure de la mer
et frôle ta nuque
mais tu trembles dans le miroir de mon corps
nuage
ma voix
te porte vers le jardin d’arbres argentés
c’était un printemps ouvert sur le ciel
il m’a donné une enfant
une enfant qui pleure
une étoile scindée
et mon désir se sépare du jour
je le ramasse dans une feuille de papier
et m’en vais cacher la folie
dans un roc de solitude
–
.
Tahar BEN JELLOUN
–
Auquel j’ajoute mon « interrogation du soleil » – qui a été composée sans que je connaisse le texte ci-dessus,
En lissant, du dos de la main,
Un sable blond, – l’interrogation du soleil
Qui s’étale, en grains
Par millions, ni semblables, ni pareils
Et si ceux ci, recouvrent
L’haleine de mon corps
Qui fait racine, puis s’ouvre
En profondeur, de toutes ses pores
C’est un flux de la mémoire
En fouillant dans son ombre
A chercher dans le noir
Qu’aucune lumière n’encombre
Quand tu te penches, elle ressurgit soudain
Aux rayons de tes cheveux dénoués
Et qu’ au dessus de moi, planent tes mains
Porteuses du soleil, d’un désir avoué.
C’est ton regard, que le ciel achemine
Qui réchauffe le mien
Je n’en sais pas l’origine
Mais j’en connais les liens.
Vivre est une aventure,
On s’écarte des chemins tracés
Vers des sentiers peu sûrs
Mais où tu me fais me lancer
Et c’est encore un peu ivre
Encore en titubant
Que je vais te suivre
Emporté vers l’avant
Mes lèvres ont le goût des tiennes
J »ai laissé derrière, l’hiver des pensées
Un nouveau jour m’entraîne
………….. Et je n’ai plus de passé.
–
RC -21 octobre 2012
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On efface tout, et on recommence ( RC )

peinture : Ludolf Bakhuizen : bateaux en détresse 1667
Il y a le ressac, et toujours la mer
Qui se lance à l’assaut des îles
El le monde qui tangue,
Puis cède, des pans entiers de falaises,
Et, à marcher, ce pas, et le suivant, puis un encore
Un temps, une heure, une semaine, puis toute une vie
C’est aller plus loin, et peut-être errer
Dans nos heures minuscules,
Que les vagues basculent,
Comme elles sont poussé les navires,
Vers les dangers des cotes,
Lorsque le serein cédait à la tempête.
–
A notre échelle, c’est un regard
Qui voyait la fureur, et les horizons se mélanger
Au delà des repères, au delà des lignes
Qui marquent ces évènements marquants
Que l’on reporte consciencieusement dans les carnets
Pour témoigner, de tout ce qui fut,
Mais qui fuit
Comme gouttes d’eau entraînées vers la pente.
Et se fondent , alors indiscernables – en ruisseau
Qui suit son cours, comme l’histoire la sienne
Au point d’en perdre l’origine,
Comme une mémoire d’amnésie.
–
L’histoire , la grande, – enfin celle que l’on croit –
N’existe pas, au regard des ères géologiques…
Les plateaux se soulèvent sans fracas
Du moins, on ne peut pas les entendre
Fleuves et rivières empruntent d’autres chemins,
Les profondeurs toussent lave et basaltes,
Avec pour seuls témoins, ceux dont la mémoire s’est éteinte
Et enfouie, tels fossiles, au creux de la pierre.
La mer s’est déplacée, a glissé plus loin
Quelques étages plus bas,…. – on dirait cette expérience
Des vases communicants, assaut de lenteurs…
Et toujours le ressac, se lançant à l’assaut des îles.
RC 26 août 2012