Des rêves qui s’effacent – ( comme au fond d’un encrier ) – ( RC )

Nos rêves se plient,
se frottent à la cendre,
aux cartes du ciel
qui bascule
un jour d’automne
- pour mettre le vent
dans sa poche.
Ils seraient semblables
à ces moissons du ciel,
qui couchent les blés
après la canicule
d’un été de soif ;
Que chantent ils ?
Des ailleurs où jamais
nous ne sommes ?
Nos traces sur la page
qui s’effacent
au fond d’un encrier.
L’ombre de nos paroles
n’en est jamais sortie :
autant boire au goulot
de la bière tiède
et regarder la mer,
qui, toujours indolente
sommeille
sous un quartier de lune.
Jamais nous ne pourrons l’attraper,
et nos rêves dérivent
à sa surface, chimériques,
comme une rose qui s’éteint,
dans leurs reflets changeants.
Journal d’un voyage, quand je tourne les pages – ( RC )

photo Virginie Gautier
Journal d’un voyage,
des deux pieds dans le sable – ,
( mais le soleil n’est pas le même
quand je tourne la page ):
je ne suis plus capable
d’en faire un poème,
parce que je ne suis plus là
pour te raconter le vent tiède
précédant l’orage :
deux mois ont passé déjà …
….Non, ce n’est pas de Suède
que je rapporte les images…
imagine plutôt la jungle proche:
elle s’accroche sur la moindre roche
et la photo n’en montre rien ;
pas un coquillage,
pas de varan pour témoin
dont je guetterais l’approche:
C’est par hasard, que j’ai trouvé égaré
un morceau de corail, et un tout petit bénitier,
au fond de ma poche !
–
voir « suite malaise » de Susanne

Exercice préparatoire ( calligraphie paysagère ) – ( RC )

Pour commencer
je vais ouvrir la page
avec une belle journée,
je l’étale, comme un nuage :
– Cette feuille de papier
parlera peut-être
à ma place
quand j’aurai trempé
le pinceau dans l’encrier,
et laissé une trace
grise et noire -:
C’est l’exercice préparatoire
pour que les eaux
s’écoulent des collines,
s’envolent des oiseaux
d’encre de chine:
petite calligraphie modeste
pour peintre amateur :
un paysage en quelques gestes
en ajoutant de jeunes fleurs :
elles s’échappent des mains
comme de celles d’un semeur,
s’éparpillent sur le terrain
en touches de couleur:
J’irai me promener dans mon dessin
laisserai le papier s’envoler
son encre sécher
par le soleil du matin…
tourner la page de la plage – ( RC )
Est-il temps de tourner la page
comme ces souvenirs
que le vent a enfouis sous la plage ?
–
RC – aout 2018
Parfois les choses durent – ( RC )
Parfois les choses durent
autant qu’elles le peuvent :
– C’est comme la preuve
de ce qu’elles endurent .
Il y avait quelques traits,
ceux de ton écriture,
posés dans le carnet,
avec désinvolture :
Comme ils m’étaient dédiés
ils sont restés,
au coeur même du papier :
on les dirait incrustés
unissant les paroles d’hier,
comme celles du temps qui passe
et se dépose sur la matière
avec une légère trace .
- C’était un échantillon
de la brillance de l’été :
– Souviens-toi du papillon
qui s’était frotté
sur la page :
avant qu’il ne s’en aille
pour un autre voyage :
– Il a laissé quelques écailles
qui brillent encore :
des pensées oubliées
– Comme un trésor
au fond de l’être aimé .
–
RC – avr 2017
( à partir des « cahiers du déluge » « constat #17 ) de Marlen Sauvage
Rat de bibliothèque – ( RC )
image extrait de « Maus »
Comment souris-tu,
… – Ignorant
De toutes tes dents ?
En mangeant tout cru
Les encyclopédies :
et tout le travail de l’imprimeur
dont se repaissent les rongeurs
les entrailles alourdies …
Serais-tu, rat de bibliothèque
féru de l’écriture
au point d’en faire nourriture
comme tu le ferais avec
n’importe quelle page
déchiquetant les mots,
comme de l’âme, les maux,
– Il te serait offert comme un fromage :
C’est un repas parfait
à l’abri des reliures :
Çà c’est de la culture :
Cela vaut bien un autodafé !
–
RC – avr 2016
–
en écho à Norge:
http://nuageneuf.over-blog.com/article-norge-chere-souris-63855758.html
Alessandra Frison – Les dernières maisons
Les dernières maisons ont disparu
et les barrières pressées par les minutes
rongent l’âme.
Je ne peux l’écrire
ce cœur qui s’enfonce sous terre
colore une dernière écaille de moi
dans les cheveux ou sous
la poussière du plâtre
qui est toujours écran de vie,
complète distance de qui te fleurit
de qui à la fin disparaît comme le pli
dans le livre la page blanche
ton nom.
*
Sono sparite le ultime case
e i cancelli coi minuti addosso
si mangiano l’anima.
Non lo posso scrivere
questo cuore che si interra
colora un’estrema scaglia di me
tra i capelli o sotto
la limatura del gesso
che ancora è schermo di vita,
completa distanza da chi ti infiora
da chi si perde alla fine come la piega
sul libro la pagina bianca
il tuo nome.
Nouvelle naissance, au sortir du gris – ( RC )

peinture: Emilio Scanavino
Etouffant ton angoisse,
Et, confronté au vide,
Une corde tendue au-dessus du précipice,
La bruine d’une cascade mugissante,
Saisis l’instant précis,
Pour peut-être passer sans encombre,
De l’autre côté,
Et laisser de l’autre ton passé
Progressant, la vie suspendue à un cable,
Mais toujours reliée à la mémoire.
Une ligne à trait tendu,
Une parole laissée au vent,
Portée jusqu’aux mots qui sauvent,
Et tu verras au plus loin,
De cet endroit,
L’horizon élargi
A perte de vue,
Ou plutôt, la retrouver,
Réinventer la vie,
En nouvelle page blanche
Te laissant éblouï,
Où la toute première trace,
Sera nouvelle naissance ,
> Au sortir du gris.
–
RC- avril 2014
–
Je repars chaque matin, d’une étendue blanche ( RC )
Il faut que je ferme l’enclos des couleurs,
Que je reparte vers un ailleurs,
N’ayant pas connu le dessin du cœur,
…… Chaque page a son heure,
Et je repars chaque matin,
D’une étendue blanche,
Que chaque jour déclenche,
– toujours plus incertain.
Ou bien j’ai sans doute oublié,
Derrière une glace sans tain,
Comment prendre le monde dans ses mains,
Les miennes, que j’ai liées.
Ou alors, je les ai vides.
Le miroir ne reflète rien
Des jours lointains
Et saisons humides.
Je sais que sous ses taches,
Et les plis de ses draps,
L’hiver reviendra.
Pour l’instant il se cache.
J’invente pourtant ce que je ne vois pas,
J’avance en vertiges,
Comme sur un fil, en voltiges,
Il y a un grand vide, sous mes pas.
Si je retourne la mémoire
Il se peut que je n’aie plus de passé,
Et que, de traces effacées,
Je ne voie que du noir.
Peut-être qu’en peinture,
J’invente, hors d’atteinte,
De nouvelles teintes,
Au fur et à mesure.
En tout cas c’est vers l’inconnu,
Que j’ouvre mes pages,
Me risquant au voyage,
Comme un enfant, nu.
Une page vierge à écrire,
Des traits, que je lance
Un pinceau, toujours en danse,
Dont j’ignore le devenir,
Comme si, à la couleur des rêves,
On pouvait donner un titre,
Décider de clore le chapître
Et dire que la toile s’achève…
RC – 30 septembre 2013
–
Ravages ( RC )

photo – tempête cyclone – auteur non identifié
–
Les mots de maudits,
L’écho des taudis,
Les eaux qui ravagent
Les maux qui divaguent
L’éclos des rivages
L’enclos des partages
Le flot de ta page
Le seau des orages
Au grand saut de la vie
Pèle-mêle et non-dits,
Déborde et envahit,
Rivière sortie de son lit
De tes yeux, nagent, et puis
Tes larmes et tes cris
–
RC – mai – 2013
–
Le geste avait pris sa main ( RC )

dessin calligraphique à partir d’une sculpture de Matisse, exposition Matisse et Rodin, musée Rodin, décembre 2009
–
Ce qu’il se passe sur sa page,
je ne peux l’expliquer …
il y a de l’oubli nécessaire, et un temps céleste,
qui brouillaient sa présence et dirigeaient ses pas.
Des pas d’encre quand je débarquais demi- inconscient,
franchissant des seuils sans s’arrêter,
usant de l’entaille comme des signes, portés par une mémoire.
Elle était là, à ma place, basculant au bord du monde,
et se frayait un chemin parmi la surface,
toute à elle sans un parcours de sève ,
unie au tracé rapide sur la feuille qui tremble.
J’avais vécu le temps d’un baiser anonyme,
qui ne laisse de son passage, que la trace du dessin,
C’était un grand geste précis qui allait se lancer
dans une arabesque, et le mouvement seul,
avait pris sa main.
Il se demanda encore s’il y était pour quelque chose,
confondant le destin et le dessin.
Une seule lettre en sépare le sens….
On lui dit que oui .
–
RC – 10 avril 2013
–
Cristina Castello – Orage ( extrait )
Miguel Veyrat – une peur blanche

image: spectacle de la compagnie Luc Amoros: N’ayez pas peur de la page blanche
Une peur blanche
Je suis allé là où la beauté semble être toute nouvelle
pour toujours, et le dernier jour, j’ai trouvé
le premier. Celui qui tombe dans la lumière allumée fauve
nue et douce, avec le son de sa jeunesse
dans l’air.
Belle bien qu’elle cache le bas du visage
dans la première ombre répandue sur la page vierge.
Je me suis retiré vers nulle part
comme un corps dans l’abîme,
à la recherche d’un signe pour le copier sur la
première page disparue ce premier jour.
Ainsi l’aube nous ment dans son écriture cachée,
qui n’annule jamais les pas de la nuit en sa première ombre.
Au moment précis où la beauté se brise en vain
contre le mur du désir qui a effrayé le léopard –
quand nos poitrines se révoltent
en face de la puissance de la Nature
qui règne seulement pour le malheur, et l’ infinie vanité de tout.
trad RC –
-He ido donde la belleza pareció ser toda nueva
para siempre, y en el último día hallé
el primero. Aquel que cae al fulvo ardor de luz
desnudo y leve, con su juvenil sonido
por el aire. Hermoso aunque se emboce
en la primera sombra derramada sobre la página
en blanco. He retrocedido a ninguna parte
como el salto de un cuerpo en el abismo,
que busca su signo para copiarlo en la página
esfumada de aquel día inaugural. Así nos miente
el alba en la escritura oculta que jamás cancela
los pasos de la noche en su primera sombra.
Momento exacto en que la belleza se estrella
en vano contra el muro del deseo que espantó
a Leopardi —cuando nuestros pechos se amotinan
frente al poder de la Naturaleza que impera
solo para el mal, y la infinita vanidad del Todo.
–
Tournant serré – ( RC )

photo perso: Cévennes massif du Tanargue
Je prends le tournant serré
Du dernier virage avant le col
Et l’arrivée au coeur d’un pays
Qui me regarde, ( curiosité d’usage…)
Ses forêts denses et espaces larges
— la main de la terre a bien des visages –
Celui-ci , caché par les rochers
Et la brume peureuse qui s’y frotte…
S’il faut tourner la page
Des voies rapides et soleils lourds
La vie d’avant n’est plus devant…
……….. Je m’éloigne
Et je quitte les faux sourires
Et la parole loquace
Pour les manteaux de neige
Au delà des Cévennes,
Le silence grandiose des mers qui ont fui
Comme j’ai biffé les pages
D’un passé qui n’a plus cours,
de grands traits obliques
Rayant aussi le coeur,
Parmi les narcisses,
Sur le chemin d’exil
Qu’il me faut franchir.
RC – 9 septembre 2012
–
Philipp Larkin – album de photos d’une jeune femme
–
à propos de l’album de photos d’une jeune femme
Enfin vous m’avez laissé voir cet album qui,
Une fois ouvert, m’affola. Tous vos âges
En mat et en brillant sur les épaisses pages !
Trop riches, trop abondantes, ces sucreries
Je me gave de si nourrissantes images.
Mon œil pivote et dévore pose après pose –
Cheveux nattés, serrant un chat pas très content,
Ou vêtue de fourrure, étudiante charmante,
Ou soulevant un lourd bouton de rosé
Sous un treillage, ou portant chapeau mou
(Un peu gênant, cela, pour diverses raisons) –
De toutes parts, vous m’assaillez, les moindres coups
Ne venant pas de ces types troublants qui sont
Vautrés à l’aise autour de vos jours révolus :
Dans l’ensemble, ma chère, un peu indignes de vous.
Mais ô photographie! semblable à nul autre art,
Fidèle et décevante, toi qui nous fais voir
Morne un jour morne et faux un sourire forcé,
Qui ne censures pas les imperfections
– Cordes à linge et panneaux de publicité –
Mais montres que le chat n’est pas content, soulignes
Qu’un menton est double quand il l’est, quelle grâce
Ta candeur confère ainsi à son visage l
Comme tu me convaincs irrésistiblement
Que cette jeune fille et ce lieu sont réels
Dans tous les sens empiriquement vrais ! Ou bien
N’est-ce que le passé ? Cette grille, ces fleurs,
Ces parcs brumeux et ces autos sont déchirants
Simplement parce qu’ils sont loin ;
En semblant démodée, vous me serrez le cœur,
C’est vrai ; mais à la fin, sans doute, nous pleurons
D’être exclus, mais aussi parce que nous pouvons
Pleurer à notre aise, sachant que ce qui fut
Ne nous priera pas de justifier notre peine,
Même si nous hurlons très fort en traversant
Ce vide entre l’œil et la page. Ainsi, je reste
A regretter (sans nul risque de conséquences)
Vous, appuyée contre une barrière, à vélo,
A me demander si vous noteriez l’absence
De celle-ci où vous vous baignez ; en un mot,
A condenser un passé que nul ne peut partager,
A qui que ce soit votre avenir; au calme, au sec,
II vous contient, paradis où vous reposez
Belle invariablement,
Plus petite et plus pâle année après année.
Philipp LARKIN
« The Less Deceived »
(Thé Marvel Press, 1955)
Traduction in « Poésie 1 » n° » 69-70.
–
Sous les cailloux, ma page (RC)
-
Sous les cailloux,
ma page
qui se grise
de mots héroïques
au vent qui passe
Fraîche brise
Bise et baisers
–
Under the pebbles,
my page
getting drunk
of heroic words
to the passing wind
fresh breeze
Kiss and kisses
15 mai 2012
–
Jean Senac – Quelqu’un
–
Quelqu’un
Le bruit des pages tournées…
Non, c’est un rêve.
Entre deux portes l’air…
Non (reprends ta lecture).
Cette paille qui tremble sous le toît…
Rentre tes mains. Réchauffe-les.
Ce bruit…
C’est un réveil.
Cet autre…
Le cheval.
La nuit coule, froide, blanche,
entre l’oreille et le coeur.
Jean Senac
13 décembre 1960
–
Michel REYNAUD, – Ote – (Mon corps me manque)
ÔTE
cherche la conque
où résonnent les paroles
là où il fait sombre
se trouvent les orages
sous les dents
de la pluie
cherche
main ne te protège pas
ôte encore toujours
tes vêtements
qui retomberont
comme mots sur la page
si le fou ou l’impudique
répond que tu n’es pas
mais ôte encore
ôte toujours.
Michel REYNAUD, Mon corps me manque, Mars 2011
Flottements – (ombrecontrevents)
Adeline, dans son blog , nous fait partager ses publications et écrits, que je découvre de façon très récente, et qui m’autorise à republier qq uns de ses posts, en voila un..
Flottements
Tu t’insistes
Décalques pour rester ne pas t’oublier
tu aimes tes assuétudes tes désuétudes tes solitudes
papillonnes à travers des paysages toujours les mêmes
tu as si peur de t’égarer
Tes berceaux flottent en souvenirs d’inconsistance
je crois que tu aimais ces barreaux bleus en rais de ciel
Tu t’envolais
cachais sous ton oreiller des fleurs de rêve
pour assurance
Tu t’éveillais
te grisais de la lumière en traits rayés
qui dansait à travers le vert des volets
Parfois encore tu te berces de droite à gauche
te perds un peu
Tu t’es rapprochée des soleils des vents d’été
tu le sais enfin ce pays où tu es bien
Il s’est fixé sous tes paupières
Alors pourquoi flotter encore…
Sans doute parce que tu as lu la dernière page
Depuis si longtemps
Tu sais…
Michèle Deschannel — au hasard d’une faille
Michèle Deschannel au hasard d’une faille
( extrait dela compilation poétique « dans tous les sens »
Retenir un lieu,
Et laisser fuir une image.
Retenir un mot,
Et laisser fuir une page.
Pour que jamais
Ne s’impose le point
Et toujours respire
La mémoire.
Pressée au cœur d’une
Vague déferlante,
Comment rester goutte d’eau
Vivante ?
Espace en reflet
Sans qui l’inaudible
Serait tu.
Tu peux passer à la page suivante, et continuer – ( RC )
Image : Toño Camuñas
Comme carnet de voyage,
garder les étiquettes des derniers achats,
les papiers de bonbons,
le ticket d’autobus,
la pin-up qui trône
sur le flacon du shampooing,
les diablotins
trouvés dans une pochette surprise,
l’autre jour au luna-park,
un extrait de la pub du produit
qui affirme détruire tous les insectes.
La carte de la dame de trèfle
( ouvrant une nouvelle ère de prospérité)
Ne pas oublier la mèche de cheveux
de la serveuse, qui fut l’amante…
et la page de BD déchirée,
qui patientait au fond d’un tiroir.
Disposer le tout de façon ordonnée,
dans le sens de la lecture,
utiliser une colle efficace,
relier par des quelques tracés au crayon
soulignant les ombres.
Un commentaire n’est pas nécessaire.
Tu peux passer à la page suivante,
et continuer.
–
pour les images produites par Toño Camuñas, on pourra voir aussi Larry Rivers, et Mel Ramos, dans le domaine « pop-art »..
je partage et distribue
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04/10/2016 | Catégories: d'images, self creation | Tags: amante, carnet, chabriere, colle, commentaire, crayon, diablotins, insectes, luna-park, page, prospérité, pub, tiroir, trèfle, voyage | Poster un commentaire