voir l'art autrement – en relation avec les textes

Articles tagués “papier

Je reviendrai – ( RC )


Effacé dans la nuit fugitive du théâtre,
personne n’ira chercher des indices de mon passé.
Car je ne suis plus d’ici.
Certains diront que je ne suis
qu’un tigre de papier…

Les archéologues pourront mettre à jour
ceux qui prétendent tenir de moi,
je ne les contredirai pas.

Nul ne sait que la vénération
dont s’entoure mon souvenir
n’a pour objet qu’une tombe vide.

Je suis toujours ailleurs
là où on m’attend pas.
On se consolera devant un cénotaphe
qui tend à matérialiser
ce qui n’est qu’une absence.

Ne vous inquiétez pas :
Je reviendrai.


Un effet d’hiver – ( RC )


photo Caroline D – tempête douce

C’est sans doute un effet d’hiver.
Les lèvres sont fermées.
Ne m’en veux pas de t’avoir jeté la pierre…
Le livre a les pages raides,
les corneilles ont laissé leur empreinte noire
sur un ciel gris au-dessus de nous.
Qu’est devenu ton sourire ?
maintiendra-t-il aussi les lèvres fermées
comme au moment de ton départ:
j’irai le découper dans le papier
pour le coller sur la photo floue
que tu trouvais laide.
Ce n’est rien qu’un détour d’écriture
qui cachera un peu ma blessure…


Colette Daviles-Estinès – le poème de papier,


Le poète distribuait des poèmes de papier
avec des mots d’encre dessus
et de la joie, et de la peine
dedans les mots
du désespoir, des espoirs
des questions, de la colère
jamais de réponse mais des doutes

Il y avait du passé dedans
et des errances
et du vivant

Il voulait que ses mots ouvrent des chemins
que ses poèmes soient des clefs
dans la serrure des cerveaux
en faire des grenades de soleil

Dégoupiller le soleil
et BOUM sur les frontières

Mais c’est un poème de papier
qu’un passant a jeté par terre
après avoir froissé les mots
dans sa main

J’ai ramassé le poème de papier
l’encre, l’espoir
et le vivant

Défroisser les mots
Etre le cœur qui bat
dans la voix qui les porte

 Colette Daviles Estines


Carl Norac – Chansons pour Robert Walser 2


gravure sur bois : Lynd Ward

J’écris sur des bandes de papier dit-il
je n’enfile pas les perles toute parole digitale
le passé rôde où on l’enterre il y a
des visages à compter des cibles à contenter
je viens gâcher mes yeux en signes minuscules qui me lira tombera
sur la paroi d’un grain de sable
( Walser ainsi va au clocher
au merle à l’arbre à la rivière
il a perdu cent noms cachés
sait comment peser sur la terre
les ailes sont pour les passants
et lui ne passant plus vraiment il écrit à défaut de vivre )


De la lumière, là où il n’y en avait pas – ( RC )


Puisque nos paroles repoussent l’obscurité,
nous avons fait de la lumière,
là où il n’y en avait pas,
en décrivant les songes
qui nous font voyager.

Peut-être ne suffit il pas de parler,
mais de mettre nos rêves sur le papier,
les mots d’encre rendus visibles
se mettront ensemble à danser:
petits soleils dans notre nuit partagée…

voir parallèlement l’écrit de Candice N’Guyen dans « traverses 8 »:

Tout au fond de la nuit
nos rêves comme banc de lucioles
éclairant l’obscurité des jours
déchirant leur désastre


Pierre Bergounioux – Liber


dessin d’élève de 5è : Marie Loizeau

Des acceptions primitives du mot liber, un seule a survécu : le livre.

Mais elle combine toutes les autres. C’est à la chose de papier de dispenser l’ivresse, la sève, la liberté que la réalité contemporaine a exilées.

Il y a un goût amer au temps que nous vivons. Mais il contient, comme chacun des moments dont notre histoire est faite, une requête intemporelle.

Il exige que nous tâchions à réaliser, quoiqu’il advienne, la forme entière de notre condition.

Quand les choses qui exaltèrent Rimbaud, l’oiseleur, l’enfant-fée, ont déserté le paysage, c’est au livre qu’il appartient de prodiguer aux enfants leur dû imprescriptible d’images, d’errances, de rêves et de beauté.


Houle et boucles, gestes liquides – ( RC )


Shôdo encre – Homme, OTOKO

Houles et boucles,
une main emportée par les flots
tenant un pinceau :

un ressac ,
un lavis d’encre de chine …

un geste liquide
laisse son empreinte légère
sur le papier.

calligraphy, author not remembered

Souvenir d’école – ( Susanne Derève) –


Françoise Pétrovitch – Fillette à l’oiseau ( exposition Fonds Leclerc pour la culture – Landerneau)

 

Une fleur de papier  qu’on fixait à la toile

ou l’aile d’un moineau 

le froissement du crépon sur la peau

la soie délicatement abandonnée

au point de colle 

…  un  souvenir d’école

Et  dans la cage de l’oiseau l’éblouissement du vol

vertige funambule  l’éclipse des pinceaux 

un frémissement d’ailes

le vert brillant des plumes

l’ocelle noire de deux  yeux affolés

et sous le fin duvet le cœur désordonné  

de l’oiseau

petit corps tiède entre mes mains

qui  me disait la vie  dans une histoire sans paroles   

l’air de rien

                                                    

 

 


Raymond Queneau – mouches


dessin enfant mouche
dessins 1985 2008 Leonardo- Ericailcane

Les mouches d’aujourd’hui ne sont plus les mêmes que les mouches d’autrefois

elles sont moins gaies plus lourdes, plus majestueuses, plus graves

plus conscientes de leur rareté elles se savent menacées de génocide


Dans mon enfance elles allaient se coller joyeusement par centaines,

par milliers peut-être sur du papier fait pour les tuer

elles allaient s’enfermer par centaines, par milliers peut-être

dans des bouteilles de forme spéciale elles patinaient, piétinaient,

trépassaient par centaines, par milliers

peut-être elles foisonnaient elles vivaient

Maintenant elles surveillent leur démarche

les mouches d’aujourd’hui ne sont plus les mêmes que les mouches d’autrefois.


Francis Ponge – la main


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main –  sculpture antique

 

 

 
La main est l’un des animaux de l’homme ; souvent le dernier qui remue.
Blessée parfois, traînant sur le papier comme un membre raidi quelque stylo bagué
qui y laisse sa trace.
A bout de forces, elle s’arrête.
Fronçant alors le drap ou froissant le papier, comme un oiseau
qui meurt crispé dans la poussière, — et s’y relâche enfin.

Francis PONGE « Pièces » (Gallimard)


Colporteur du temps – ( RC )


peinture perso sur enveloppe – mail art – acrylique sur papier 2004

Le colporteur du temps
N’a pas sa montre à l’heure
Et a laissé se faner les fleurs
Des rendez-vous d’avant

En semant les traces à tout vent,
C’est tout un champ d’enfants
Qui grandissent en chantant
Déposés en sommeil, on les oublie souvent

Lorsque le hasard nous amène
A revenir sur nos traces
Les souvenirs reviennent,       et nous embarrassent
Le temps avait figé, – quel phénomène – !

un geste dans l’espace
La terre humide, qui fume
Le village, perdu dans la brume
Et de lointains ressentis passent

Ton sourire d’avant                           est resté le même
Dans mon souvenir;                                      il est ce défi
Que me lance encore,                         ta photographie
Les fleurs d’antan ,                                 pour ce poème

Sont encore fraîches,   et la couleur
Que n’a pas retouchée le colporteur
Du temps, qui s’est étiré,     sans toi.
Couleur du bonheur,             en papier de soie.

25-01-2012

issu de la création de Pantherspirit: le colporteur du temps


Comme se consument les heures – ( RC )


Image associée

peinture: Paul Klee

S’il faut laisser passer les heures ;
ce sont des images  fugitives,
elles se consument,   comme du papier qui brûle,
et il n’en reste rien.
Même pas un peu de cendre.

Alors, justement ,  où est l’empreinte,
d’où peut naître la future lumière ?
Il faut que je la creuse,
que j’y dépose des paroles,

que je sème quelque chose
pour marquer ce qui passerait
pour un désert  :
              fertiliser le temps
d’un poème,          avant que le jour ne s’éteigne .

Certains diront  que je n’ai pas vécu pour rien.

RC   avr  2017


Ménagerie de papier – ( RC )


( un hommage  à Tennessee Williams, et  Chr Boltanski )

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installation:  Chr Boltanski

 

 


             Petit zoo miniature,
de la ménagerie …
objets de prix,
en villégiature
     deux par deux
se suivent à la queue leu-leu,
sur les étagères…
petites choses en verre…

          Vous auriez pu choisir,
pour parader à loisir
entre deux pots de bière,
une autre matière:
       celle un peu plus malléable
que l’on trouve sur la table,
juste des morceaux de papier,
que je pourrais plier.

         Trente millions d’amis,
tous en origami,
certifiés d’origine,
occupant la vitine,
en état de marche:
            tout le bestiaire,
à l’abri des courants d’air :
–      une nouvelle arche.

         Comment s’est-elle échouée là
à côté de la penderie,
la vitrine de la ménagerie
où se reflète le matelas
et deux ou trois caisses ?
les restes d’un naufrage:
l’arche après l’orage
( et toute la chambre en détresse ).

         En fait, vous avez compris,
j’occupe mes nuits
à transformer les légendes,
en une sorte de sarabande,
où l’hiver se tient au chaud,
quand je découpe aux ciseaux
tout un parc arboré, et un zoo,
pour tous ces animaux.

         Ce sont des rêves fragiles,
qui dérivent comme les îles
que je prélève dans un cahier
en faisant des bandes de papier :
promis à la déchirure,
où la part de l’écrit se disloque elle-même
on dira que les poèmes
trouvent une seconde nature.

       Mais les rêves refusent de se faire attraper,
dragons et tigres de papier
ont pris leur indépendance
( quand le chat n’est pas là, les souris dansent ! ),
          si on regarde toutes ces bêtes,
la nuit leurs ombres se projettent
sur le plafond
et comme il se doit, le manège tourne en rond.

Les corbeaux et les canards
partagent le cauchemar,
du cahier sur la table:
          le château sera de sable
un souffle, une petite averse,
et tout se renverse,
sans même un cri,
         ( rêves en confettis ).

        C’est la fin de la procession :
cela tourne à l’obsession:
le manège occupe maintenant la malle,
et tout ce petit monde s’emballe,
aussi,    le matin,        de bonne heure,
quand tout le monde semble dormir
je me transforme en inquisiteur,
et décide de l’avenir .

         Ce sera bien un drame
quand je livrerai aux flammes
pieds et poings liés
ce monde de papier…
       Souhaitons qu’une autre matière
puisse échapper à l’enfer:
Choisissons-la moins éphémère
–        une ménagerie de verre fera l’affaire         –


RC – août 2017

 


Marine Laurent – Femme de papier


 

CA0OEVYP.jpg

peinture: Egon Schiele


Suis une femme de papier
De celui dont on fait les arbres
Et j’ai puisé à leur aubier
Et mangé leurs feuilles vivantes
Arraché l’écorce du fût
Pour tenir debout à ma table

L’hiver sur du papier glacé
Je laisse mes traces effaçables
La sève qui coule des doigts
Trace des mots sans importance
Je flotte au vent car mes racines
Courent à peine sous le sable

Suis une femme de papier
Qui se froisse à moindre risée
Qui brûle à petite flambe
Dans un foyer désaffecté

Mais si l’oiseau à ma fenêtre
Vient poser une plume blanche
Je sens mes folioles renaître
Et la plante à mon encrier

Je partirai sur une branche
Emportée par nuit sans étoile
Et vous dirai dans mon absence
Ce que j’ai laissé sur la toile.


Parfois les choses durent – ( RC )


R Papillon - grosse main rec.jpg

Parfois les choses durent
autant qu’elles le peuvent :
– C’est comme la preuve
de ce qu’elles endurent .

Il y avait quelques traits,
ceux de ton écriture,
posés dans le carnet,
avec désinvolture :

Comme ils m’étaient dédiés
ils sont restés,
au coeur même du papier :
on les dirait incrustés

unissant les paroles d’hier,
comme celles du temps qui passe
et se dépose sur la matière
avec une légère trace .

  •   C’était un échantillon
    de la brillance de l’été :
    – Souviens-toi du papillon
    qui s’était frotté

sur la page :
avant qu’il ne s’en aille
pour un autre voyage :
– Il a laissé quelques écailles

qui brillent encore :
des pensées oubliées
– Comme un trésor
au fond de l’être aimé .


RC – avr 2017

( à partir des « cahiers du déluge »  « constat #17 ) de Marlen Sauvage


Le texte se soustrait au regard – ( RC )


peinture: Malevitch   : composition suprématiste ( carré blanc  sur fond blanc )  1918

peinture: K Malevitch :           composition suprématiste ( carré blanc sur fond blanc ) 1918

 

 

 

 

J’ai eu un peu de mal à lire :
Les caractères sont  trop petits,
mais  en plissant les  yeux,
j’arrive à distinguer les mots  ;
avant qu’ils ne retournent  dans le blanc.

Peut-être  que ces  écrits
se dissolvent  d’eux-même,
et n’ont pas de rapport  
avec ma vision
Reste à savoir pourquoi.

Le message  se soustrait au regard,
rentre dans le blanc  du papier,
d’abord pâlissant,
puis  carrément  blanc :
>     il se dissimule ,

jouant les  extrèmes
comme  pouvait le faire
Malevitch  avec son fameux
 » carré  » ( qui n’en est pas  tout à fait un )
posé  en oblique ,

mais qui, avec les années,
        reste  apparent.
Le texte  est sans  doute  toujours là,
en encre blanche,
celle  qu’on dit  sympathique.

Il suffirait
d’un procédé simple,
pour le faire réapparaître :
la chaleur  d’une  flamme,
comme  dans  chaque page

( que l’on croit  vierge  d’intentions )  .


RC – juin 2015

 

 


Citation

Jean Cocteau – Fête de Montmartre


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Image retravaillée –  RC

 

Ne vous balancez pas si fort,
Le ciel est à tout le monde ;

Marin d’eau douce, la nuit profonde
Se moque de vos ancres d’or,
Et boit, debout, en silence,
Comme du papier buvard,
Votre dos bleu qui encense
Puissamment le boulevard.

Jean COCTEAU


Sylvie Durbec – Notes pour mon père


NightShot_6_2048.jpgUne pluie parfumée à mes pieds:

le vent est dans l’acacia.
Un vol de voix au-dessus de moi:
je cherche des yeux les anges.
Un vent riche, profond
palpite dans l’arbre long,
puis aventure des formes
en jouant avec le ciel.
C’est l’odeur d’un boulevard
de papier buvard
où marche joyeux le nom
de mon père mort.
J’ai un seul mort
dans la mémoire.
Il me donne de la joie
et envie de marcher, vite.
Ce mort, jamais
ne m’a enterrée
sous le poids
de la terre.
Mon père, c’est vrai
sur l’eau courait
en me tenant par la main
pris dans sa distraction.
( retranscrit du site « la petite librairie des champs » )

Papier, une ombre blanche opposée à la nuit – ( RC )


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Je suis loin du pays de la connaissance.
Il est de l’autre côté du continent,
dont j’ai perdu, quelque part,
le fil :       un sentier qui pourrait m’y conduire .
Certains parlent ainsi d’inspiration …

Il y a le jour.
Mais celui-ci est caché derrière la terre.
Une moitié est soumise à l’épreuve de l’ombre.
Comme un poumon qui se relâche,
–       ce serait plutôt expiration…
Ce qui est , demeure  ;  – bien entendu – ,
mais tout est indistinct .

Je ne saurais pas reconnaître les arbres entre eux,
sans voir leur feuillage,    et le port des branches  :
Il faudrait que je tâte leurs troncs,
que je colle mon oreille sur l’écorce pour écouter leur message.
Et chacun me murmure une chose différente ,
une histoire soumise à l’épreuve des saisons,
du bois qui se tend,  gémit sous le vent,
se rompt parfois sous le poids de la neige,
résiste comme il le peut aux tempêtes
et à la morsure des flammes .

Ils ont été la patience ,         ont abandonné
des parties de corps aux tronçonneuses,
pansé malgré tout      leurs blessures,
et développé leurs cernes,
Jusqu’à digérer les barbelés,
et infiltrer leurs racines entre les fissures des rochers,
jusqu’à se nourrir des charniers
                 pour les ressusciter en âmes végétales.

Je vais me réfugier parmi eux.
J’enduirai mon corps de leur sève
et danserai dans leur chanson.

Ils me prêtent déjà,       pour écrire,
le papier qui est leur ombre portée,
une ombre blanche,    opposée à la nuit ,
et mon écriture pourra peut-être,
avec le récit retrouvé,
refaire naître d’une certaine façon,
              le jour.

RC – avr 2016


Eugenio de Andrade – Jeune est la main


 statue  de Gudea ,art sumérien - 2000 av JC

statue de Gudea ,art sumérien – 2000 av JC

 

 

Jeune est la main sur le papier
ou sur la terre !
Jeune et patiente : quand elle écrit
et quand au soleil
elle se transforme en caresse.


Jorge-Luis Borgès – Insomnie


f--- Arcades_O

 

photo:    montage  perso

 

Légendairement petit et lointain est désormais ce moment où les horloges versèrent un minuit absolu.
Ces six murs étroits emplis d’une éternité étroite me suffoquent.
Et dans mon crâne vibre encore cette pitoyable flamme d’alcool qui ne veut pas s’éteindre.
Qui ne peut pas s’éteindre.
Réduction à l’absurde du problème de l’immortalité de l’âme.
Trop de couchants m’ont rendu exsangue.
La fenêtre synthétise le geste solitaire de la lanterne.
Film cinématique plausible et parcheminé.
La fenêtre aimante toutes les oeillades inquiètes.
Combien m’étranglent les cordes de l’horizon.
Pleut-il? Quelle morphine ces aiguilles injecteront-elles aux rues?
Non.
Ce sont de vagues lambeaux de siècles qui gouttent, isochrones, du plafond.
C’est la lente litanie du sang.
Ce sont les dents de l’obscurité qui rongent les murs.
Sous les paupières ondoient et s’éteignent à nouveau les tempêtes brisées.
Les jours sont tous de papier bleu, minutieusement découpés par les mêmes ciseaux sur le trou inexistant du Cosmos.
Le souvenir allume une lampe:
Une fois de plus nous traînons avec nous cette rue si joyeusement pavoisée de linge tendu.
Le piano luxuriant du Tupi s’est évanoui au loin.
Le soleil, ventilateur vertigineux, élague les demeures décaties.
En nous voyant tanguer en tant de spirales les portes rient aux éclats.
Pedro-Luis me confie: – Je suis un homme bon, Jorge.
Tu es un homme bon, Jorge… ça nous passera avec une petite tasse de café.
Les yeux éclatent quand les frappent les pales du soleil.
Quel hangar abritera à jamais les émotions?
Il existe à n’en pas douter une dimension ultra-spatiale où toutes sont des formes d’une force disponible et soumise.
Comme l’eau et l’électricité dans notre dimension.
Colère. Anarchisme. Faim sexuelle.
Artifice pour nous faire vibrer sous la magie.
Aucune pierre ne brise la nuit.
Aucune main n’avive les cendres du bûcher de tous les étendards.

 


.


Le sentiment d’appartenir à une même espèce – ( RC )


photo et création Mickaëlle Delamé

 

 

Plutôt qu’insérer sa tête,
Dans une photographie,
et l’ovale découpé,
pour y placer son visage
il faut punaiser sur le mur
une  feuille  de papier kraft,
se dessiner  en taille  réelle,
toi debout, toi assis,
et parfois  tourner la tête,
pour que les gens
puissent  se regarder,
se mettre en couleurs,
s’échanger quelques paroles,
en bulles phylactères,
animer un bras, un torse,
puis les jambes  ….
L’habit qu’on a choisi,
ne fait pas son moine   ;
D’ailleurs il n’y
en a pas   ( de moines)
chacun alors,
sort à sa manière
de son rôle, et du dessin,
devient lui-même,
sorti du regard de l’autre,
se côtoient,
les personnages
trouvant leur auteur,
décalés d’ombres chinoises,
et quelque chose de commun,
le sentiment d’appartenir,
sans doute
à une même  espèce .


RC –

nov 2014


Ps posthume ( RC )


image: encre perso 1978

image: encre perso 1978

 

 

 

C’est  un dialogue brisé,

D’un grand coup de hache,

Qui t’a jetée au sol.

…. Et ce dialogue continue dans l’absence.

 

Il y a toujours

Sur la table,   tes paroles,

Prisonnières du papier,

Qui pourtant , s’envolent,

Aussi fraîches  qu’elles sont écloses.

Et qui parlent encore,

Sitôt sorties de l’enveloppe.

 

Je pourrais presque

Encore te répondre,

Mais mes lettres envoyées

Tomberaient dans le vide,

Comme dans un puits sans fond,

Ne restituant aucun écho.

———-    – plus aucun écho.

 

>           (alors,      je les pense  )

Peut-être aussi, que tu te caches si bien,

Que tu te confonds

Avec la nuit,

Comme un jour elle ,     ( tu ) m’enveloppera (s).

RC –   mars 2014

 

—–

 

– auquel je joindrai le beau poème de Pierre Dhainaut, qui va dans le même sens:

 

A la mort de M.

Pour qui parler sinon pour ceux qui nous précèdent
en l’invisible ?
Absent, ils n’ont qu’un peu d’avance.
Aucune inscription, seulement la terre
moins lourde, ici.
L’amour par-delà les regards,
l’amour affranchira les souffles :
acquiescer à la mort comme au feuillage qui s’agite,
nous faisons plus que retrouver la voix,
le silence y devient un arbre d’air ou de lumière.

Au bord de l’aquarelle – (RC )


aquarelle: William Turner – Venise

Les couleurs transparentes se posent,
Et laissent les reflets en papier blanc,
Il faut les contourner,
Pour que la caresse de l’éclat
De la lumière,
Prenne tout son sens,
Et que le ciel éblouissant,
Se tienne à distance,
Des  eaux tranquilles,
Et des palais de Venise.

Le coeur se serrerait
A oublier ce paysage,
Saisi dans un instant,
D’un crépuscule,
D’un soleil sanglant.
Et le vent,
Echappé d’une bouche noire
Resterait palpable,
Presque,
Au dessus des navires,
Approchant du port…

Chaque détail, accrochant la lumière,
Reste ici, inscrit
Il traverse notre regard,
Comme celui du peintre,
Et nous parvient dans une aube nouvelle,
Un coin de la mémoire,
Une vague suspendue,
L’ombre des pins,
Superposée à elle-même,
Lovée dans le perpétuel
Mouvement du temps …

…Au bord de l’aquarelle.

RC- janvier  2014

aquarelle John Singer Sargent – Venise: Ponte San Giuseppe di Castello 1903


Projections – ( RC )


dessin:       Carl Mehrbach /      drawing_No1-1977.jpg

On peut toujours faire appel aux interprètes,
Pour savourer la couleur des mots,
Rendre la douceur des peaux,
Et dire la pesanteur des jours,

En plaçant une feuille de papier,
Entre ce qu’on perçoit du monde,
Et son espace , rouillé des couleurs
Qui se mélangent hors de notre atteinte.

Mais se traduisent néanmoins,
Par ce que j’y projette …
Une empreinte dont l’obscurité,
Accompagne notre marche.

Des pas lourds, et ,à tout âge
On peut me suivre à la trace,
Les pistes s’emmêlent, se contredisent…
Je me perds souvent dans la forêt des songes.

C’est sans doute justement,
Parce qu’il y a cette feuille,
Sur laquelle la joie cotôie la tristesse,
Et les écritures s’y recouvrent.

RC-  Janvier 2014


Kaléïdoscope – ( RC )


Art: Gilbert & George – Flagleaf

 

Regarde bien!

La scène se découpe,

Elle se démultiplie,

Les images se mélangent,

Se chevauchent et se renvoient,

A elles-mêmes,

C’est un décor de théâtre,

Enfin, je crois,

On y voit des acteurs

Ils sont en travers,

Projetés sur les murs,

Recomposés, remplis de couleurs,

Elles s’enfuient ensuite,

Se soudent et se rassemblent

Un peu plus loin,

Et c’est une fontaine joyeuse,

Des idées . Elles viennent,

Se cristallisent,

S’enchevêtrent,

Puis se séparent …

Des poèmes surgissent,

On dirait, de nulle part,

Fusent, à travers la tête.

Il suffit de les attraper,

De les laisser vivre,

Une danse effrénée,

Les mots sont là,

Des images s’assemblent,

Comme débordant,

De compartiments étroits,

Je vais les assembler,

Les faire s’épouser,

Dans une maison de papier,

Translucide

Je te les enverrai,

Par la poste,

Tu verras ainsi,

Sous tes yeux, venir

Une magie                     une fantaisie,

A mesure que les images

Se reforment,

Et se projettent …

Les acteurs sont à l’envers,

Maintenant.

Dans ta tête,

C’est toute une histoire,

Ce que tu interprêtes,

A ta façon,

En quelque sorte une aventure,

Dont tu deviens le héros,

Si tu prends à ton tour,

Le stylo,

Pour me répondre

Tout en changeant les couleurs.

,

RC – décembre 2013


Aux rêves, il n’est plus d’absence ( RC )


peinture:     Mark Rothko

peinture: Mark Rothko

Le matin tire sur la corde des rêves ;

                                A la lumière naissante,

Le papier             absorbe l’encre,

Comme la mer vient lécher la grève.

Si,                  absente en ton sommeil,

                   Tu voyages dans le noir,

Et s’il n’est de mémoire,

                Que le vent des soleils,

Au-delà des montagnes…,

                          Il n’est plus d’absence,

Je comble le vide de la distance

                Comme je t’accompagne,

                                  Ame consolatrice

                        A la longue nuit

               Que tu traduis

Sans artifices.

Il reste             le silence boréal

Et       de tes rêves côtoyés,

Le regard déployé

      Et la pluie des étoiles…

RC – 21 août 2013

photo J F Peyron -  Arménie

photo J F Peyron – Arménie