Xavier Bordes – gravité folâtre

Vaillance du papillon dévoué à la rose
en dépit de ce monde qui depuis des âges
n’est plus un jardin
. Écoute le frôlement,
le froissement soyeux, mystérieux des années,
en organza de soleils à la moire fanée
Malgré le ciel – brûlant et glacé tour à tour –
elles ruissellent réfractaires aux ténèbres
comme à la lumière
. Telles ces fenêtres
en lesquelles s’éteint la fleur rouge du soir
indéfiniment au même instant où dans nos veines
le sang chasse le sang en réglant les secondes
sur le pas de l’inéluctable avenir
. Celui qui pétrifie
en une même inanité l’aimer le vivre et le mourir
Ashley – automne

automne
un jour sans vent,
au sommet de chaque fleur
un papillon
(Autumn)
A windless day —
On top of every flower,
A butterfly.
Julien Bosc – écrire avant de se taire
écrire
avant se taire
rallumer son feu dès l’aube peler l’orange
raccommoder sa langue et sa peau
compter les gouttes de pluies glissées sous le rameau nu du pommier
laisser venir
offrir un toit au vent et
si du dedans le papillon frappe au carreau de la fenêtre ou de la porte
lui parler peu sans surtout forcer la voix
le prendre dans le creux d’une main
entrebâiller la fenêtre ou la porte et ouvrir après la main
ainsi
des ocelles rouge et jaune à ras des crêtes et
dans de la nuit bleue
l’éventualité d’un poème
à vingt jours du printemps
offrir un nouvel air à la terre du jardin en
ratissant les feuilles mortes puis
allumer un feu de petits bois et vieux genêts
les y jeter et voir partir en fumée
(penser qu’on pourrait se pendre
allez savoir pourquoi à ce moment-là)
compter les premières jonquilles tel un enfant les pièces au fond de sa poche
et avec huit être riche comme Crésus
rentrer tandis que les pâquerettes hâtives se replient pour la nuit
allumer sa lampe comme d’autres mettent à la voile
faire le vide et
tenter d’en tirer quelques bribes — gagnées sur la mélancolie
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Ne pas froisser l’air avec des certitudes – (Susanne Derève)

Imogen Cunningham – first magnolia
Ne pas froisser l’air avec des certitudes
Se garder immobile
Pour tenter de saisir la plus infime vibration de la lumière
le plus léger flottement dans l’air
le froissement imperceptible d’une aile de papillon
dont l’onde se répercute et fait vaciller un pétale
une corolle tremblante
poudrée d’un jaune cendre d’étamines
et pas de certitude qu’il s’agisse d’une rose
Pierre Garnier – Jean-Louis Rambour – Ce monde qui était deux
peinture Duncan Grant – Still life with omega paper flowers
Chacun portait sa croix, laissait sa croix,
la table était couverte de fenêtres qui donnaient
sur d’autres parties du monde –
l’idée que se faisait du monde l’escargot
n’était pas la même que celle d’une huître
« autant de coquilles, autant de monde », pensait l’enfant.
nous, les enfants de la guerre, quand nous
écrivions un poème
c’était avec le compas,
nous enfoncions la pointe sèche dans la chair,
et la mine douce, dont nous pouvions effacer le
trait,
faisait la carte du ciel où elle ne marquait que
les étoiles
nous, les enfants de la guerre, nous avons vécu
en papillons
pour échapper aux bombes le mieux était encore
d’être papillon,
et nous laissions notre écriture en grandes
taches blanches sur les feuilles
notre écriture était de nature
celle du poème
qui est vague feuille fleur grenouille,
notre écriture se déposait :
écailles des ailes de papillon et pollen
quand nous écrivions le poème sur une feuille,
ce que nous marquions c’étaient nos doigts,
notre main, notre poing,
c’était ce point acéré, dur, aigu, percé
qui marquait le centre du monde
nous, les enfants de la guerre, avons échangé
l’homme et sa mort
contre la vie des moules et des huîtres
et nous sommes restés dans la mer
notre écriture, ce fut longtemps de la craie sur les doigts.
texte paru aux éditions des vanneaux
Parfois les choses durent – ( RC )
Parfois les choses durent
autant qu’elles le peuvent :
– C’est comme la preuve
de ce qu’elles endurent .
Il y avait quelques traits,
ceux de ton écriture,
posés dans le carnet,
avec désinvolture :
Comme ils m’étaient dédiés
ils sont restés,
au coeur même du papier :
on les dirait incrustés
unissant les paroles d’hier,
comme celles du temps qui passe
et se dépose sur la matière
avec une légère trace .
- C’était un échantillon
de la brillance de l’été :
– Souviens-toi du papillon
qui s’était frotté
sur la page :
avant qu’il ne s’en aille
pour un autre voyage :
– Il a laissé quelques écailles
qui brillent encore :
des pensées oubliées
– Comme un trésor
au fond de l’être aimé .
–
RC – avr 2017
( à partir des « cahiers du déluge » « constat #17 ) de Marlen Sauvage
Cathy Garcia – Printemps Païen
peinture – détail de Cl Monet
Papillotes bleues qui dansent,
Papillons heureux qui s’élancent
Dans le vaste le ciel
Mouillé de pastel !
Clochettes qui vont par les chemins,
Porteuses de bonnes nouvelles,
Froissant leurs ailes sur les herbes
Parfumées.
Cortège étincelant, Vibrionnant de soleil !
Clavecins huilés
Qui bruissent
Dans les champs d’azur !
Corolles lisses, touches
De blanc pur,
Si fragiles
Et maintes fois déflorées
Par un doux et vigoureux
Bourdon déluré.
Bat le tambour de la terre,
Cœur de mésange chaud et palpitant
Et dansent les filles légères,
Leur robe en fleurs !
Sonnent les fifres,
Chantent les alouettes,
Les rats des champs
Sortent en guinguette!
Les nuages pompeux
Entrent dans la danse
Et tournent,
Tournent de plus en plus vite !
Ils enflent, s’assombrissent
Jusqu’à se brouiller entre eux
Et moi qui dansais avec eux,
Le nez en l’air,
Le cul par terre,
J’entends le crépitement
De leur rage qui ruisselle
Sur ma pauvre pomme
Inondée de joie !
Patrizia Valduga – Cette neige
photo Luis Fernandez – Toronto
XVI.
Sur le blanc du givre en lents flocons
se perd un peu de neige silencieuse,
tu avais une ombre noire au front,
chaque jour t’enlevait quelque chose…
Il fait si froid, je couvre tes jambes
tu suis ton ombre mystérieuse,
ce papillon noir vif t’afflige
tu ne l’as même pas vue, cette neige.
Cet écrit est issu du beau site » une autre poésie Italienne »
Pierre Mhanna – Amour et silence .
–
Amour & Silence
( 12 petits textes comme des haÏkai de Pierre Mhanna)… consultables dans la langue d’origine, sur son site…
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Silence cristallin,
au cœur d’une goutte de rosée
la fusion dans le ciel.
~ Cadence de silence –
Un troupeau de papillons
Brûlant dans mon âme.
~ Dans ton éclat de simplicité
coule ma vie
toi fleur de jasmin.
~ Silence crépusculaire,
ma vie luisante
dans la première étoile de la soirée.
~ Vaisseau de silence,
Que les cires d’un coeur vide
soient plus étendues que le ciel.
~ Comme l’aube
Cajole la fleur
Votre souffle dans mon coeur
~ Silence résonnant,
La dernière voix du crépuscule
fusion des gouttes de vin dans le ciel.
~ Disparus bientôt
ces nuages mouvants,
crépuscule du silence.
~ Soleil du matin,
chaque goutte de rosée
une fleur.
insouciant le papillon
au milieu des fleurs blanches,
un nuage dans le ciel.
~ ton parfum
Avec la brise de l’aube
M’appelait à la maison
~ Mes yeux
– deux étoiles arrosées
dans la mer de ton feu.
– (tentative de traduction – interprétation : RC )
LOVE & SILENCE
Crystalline silence,
the heart a dewdrop
melting in the sky.~
Cadence of silence –
A flock of butterflies
Burning through my soul.~
In your simple glow
my life flows
you jasmine flower.~
Twilight silence,
my life shining
in the first evening star.~
Vessel of silence,
The empty heart waxes
Wider than the sky.~
As the dawn
Coaxes the flower
Your breath in my heart~
Resonant stillness,
The last voice of dusk melting
Winedrops in the sky.~
Soon to vanish
these moving clouds,
twilight silence.~
Morning sun,
every dewdrop
a flower.~
Carefree butterfly
amid the white flowers,
one cloud in the sky.~
Your scent
With the dawn breeze
Calling me home~
My eyes –
two stars doused
in the sea of Your fire.
Ce cher Apollon, sur son char, et sa concurrence à Icare – (RC)
photo perso – champs de la banlieue d’Amsterdam
–
Le cher d’Apollon
qui joue au papillon
ne s’appuie en ses sphères
que sur l’atmosphère
On ne sait s’il déménage
Avec tous ses bagages
Et traverse les airs
De son allure autoritaire.
–
Et peut-être qu’il essuie
D’intempéries, la pluie
Et aussi les présages
De lourds nuages
Pour monter plus haut
Que sur son escabeau
Et voir au-dessus
L’horizon moussu
Le tapis des dieux
Et un temps radieux
Eloigné de terre
Mais c’est solitaire
Que son char avance
Immobile danse
Divin omnibus
(elle le dira, ….Vénus)
Qu’il aurait pu prendre…
–
– mais faudra attendre
le prochain T E R
çui qui vient derrière
Le train de la passion
Fait toutes les stations
C’était avant Christ
Et sa passion triste
Qui filait tout droit
Vers sa mise en croix
Et resta en tas
Sur le Golgotha.
–
Apollon invente
De nouvelles sentes
Et va sans pareil
Vers le soleil
Sans solliciter courroux
D’un Jupiter jaloux ,
– A l’instar d’Icare
Qui vécut cauchemar
Et retomba sitôt
Tête première dans l’eau
Réviser sa copie
De la mythologie –
–
Sauve qui peut !
N’est pas Apollon qui veut !
——–
Article provoqué par la réponse d’Arthémisia à mon post….
Ainsi que celle de JoBougon, par rapport à cette même réaction
la chute d’Icare, dessin d’élève de 5è –2010
voir aussi le 22 novembre le nouvel article avec les poésies d’Alice…
Malika Farah – Papillon

papillon azuritis
Deux extraits de l’ensemble de textes intitulé « papillon », de Malika Farah, visible dans le recueil « dans tous les sens » ed La Passe Du Vent Parution : 17/05/2001
Hissez là-haut ! Encore plus de recul !
Portées au-delà de l’ennui, sérénité et lucidité s’élèvent.
Dans ce lieu rêvé, l’âme est en sursis.
Rêve, papillon, de lumière d’étoiles.
Papillonne au-delà de la simple jungle terrienne et menaçante !
Rien autour du débordement de la vie,
Que le va et vient du vent
Portant un air de désir inassouvi,
Vole, papillon, les ailes déchirées.
Survole l’horreur,
Survit ! le mal s’enlise seul.
Sous la lumière divine, l’envol est possible.
——————–
Arbre de l’humanité, l’esprit en chacune de tes feuilles.
Quand le corps se décompose en une poussière d’ange.
Plane au-dessus des branches d’oxygène,
Pour nous pauvres mortels.
L’automne arrive au gré du vent, on vole et se régénère
En des âmes profondes !
Malika FARAH
–
camisole ( RC )
–
Ouvre donc ces portes , que le vent s’engouffre
Qu’un peu d’air glisse sur ces carreaux lisses !!
Que je sente un peu du dehors les bruits qui frappent !!
Un peu au mur de la vie, celle qui est à l’écart…
Ouvrez donc un peu, que mon regard franchisse
La salle, et les couloirs, et les carreaux blancs encore,
Il y a trop de monde dans ma tête qui se heurtent à ces murs blancs.
A ce monde préservé, sans aménité.
C’est d’un neutre, cette absence, en blanc,
Cette perte de fantaisie, de vie, de chaleur
C’est peut-être tout ce blanc, pour mieux repérer mes cris, la solitude qui se blesse aux arrondis de chromes.
Qui se répercute aux fenêtres hautes, garnies de grillage fin,
pour l’oiseau en cage.
C’est aussi pour me maintenir là,
Sur place, immobile, maintenue par des épingles sur un socle, comme les papillons.
Les échos des voix des infirmiers me rendent plus atone que leurs piqûres, et les grands couloirs.
Récurés journellement à renfort de désinfectant.
Drôle de vie que celle, empêtrée dans du blanc, du blues blanc plein les dents,
Et ma tête qui cogne, si loin de cet endroit, où seules les hirondelles me font signe,
Rayant la fenêtre haute, à coup de liberté.
Isolée dans ma camisole.
RC – 4 juillet 2012
–
–
Papillon ( RC)
Au bonheur éphémère
Le papillon s’est envolé
Il a laissé aux vents, à l’amer
Sa chrysalide, abandonnée..
RC 22 octobre 2011
Auquel je joins une « variation libre »
mais assez proche tout de même…
du texte de la chanson de Jimi Hendrix « Little Wing », dont j’ai trouvé une belle version acoustique… je recommande aussi celle du bassiste Jonas Hellborg, qui figure dans son album « elegant punk »…
Vole, petite aile…
Marchant au travers des nuages
Avec l’esprit fantasque
Qui librement. Court avec
Papillons, zèbres et rayons de lune
Des contes de fée
Il est une seule chose à laquelle elle pense…
C’est chevaucher le vent
Quand je suis triste, elle vient vers moi
Qu’avec mille sourires elle me donne gracieusement
Tout va bien, elle me dit,
Tout va pour le mieux
Prends de moi, tout ce que tu veux tout
Et
Vole, petite aile
–
Le temps retrouvé (RC)

photo provenant de marc solari - (photos macro de nature,)
–
Point n’est besoin de mots,pour décrire
L’avril colportant ses échantillons…
Et se croisent au regard, maints papillons
Des giboulées caprices, sans les maudire
Au tic-tac du carillon sa mécanique glacée
L’été n’est pas encore là,il se laisse intimider
Réciter des poèmes, et s’en agacer
Il est , du silence, les fils à dévider
Les saisons hésitent et préparent en douce
Un souffle végétal reposé, qui repousse
Sous un ciel qui grimace et tousse,
Pierre qui roule n’amasse pas mousse
Du temps retrouvé de Proust, c’est toujours
En le lisant, » les plaisirs et les jours« .
—
There is no need of wordsn to describe
April peddling his samples …
Many butterflies crosses each over, in the look’s eye
Vagaries of showers, without cursing them
At the ticking of its mechanical iced chimes
Summer is not here yet, he has been intimidated
Recite poems, and be annoyed with
They are, from the silence, yarns to unwind
Seasons are reluctant , and prepare softly
A rested vegetal breath, that re-grows
Under a sky that grimaces, and coughs,
A rolling stone gathers no moss
Proust’s Time Refounded, it is always
Reading it , « the pleasures and the days ».
–
Branko Čegec – Syntaxe de la peau, syntaxe du clair de lune
Branko Čegec ( auteur croate) – sintaksa koze, sintaksa mjesečine
Syntaxe de la peau, syntaxe du clair de lune
Le triomphe des chiffres descend de l’écran. Je recule, impuissant et muet. Comme si j’étais renouvelé dans la philosophie tardive de la langue et du vin j’accepte tout slalom pathétique même si la fille du cadran s’est endormie dans les bras des nuits blanches et des reproches de pêcheurs d’où s’écoule visqueuse l’histoire idyllique de la littérature. L’essai , c'est ensuite le cercle imperméable des périls: de nouvelles explications parviennent pour des mots usés, pour des images éculées et des cadres de films empruntés: le grondement des avions et la poussière des souterrains sont la rencontre marquée sur ta paume humide: belle, joyeuse, docile, tu t’es glissée encore une fois dans l’odeur de ma peau, la colle solaire et sensuelle d’où il n’y a pas de retour, où personne ne se ressemble, ni qu’on trouve dans des journaux, et la reddition des papillons égarés à la fenêtre qui disparaît dans les ténèbres profondes, trop profondes. Je te dis: entre dans mon miroir et reçois-moi dans la mémoire glaciale pour que je me réchauffe, pour que je m’endorme souriant comme si j’étais l’oubli, la mer calme et Polić Kamov à la loterie de Barcelone. Je suis salué par les bateaux et les femmes pianistes aux jambes longues et aux doigts laser comme dans toute entreprise d’innovation et de mort: et seul le rythme de ton toucher gronde en stéréo, suivi par l’éclat timide de la peau au clair de lune près de la digue, au printemps, quand les vents sont encore tout jeunes, et que la nuit ne cesse pas, l’écriture non plus, en écrivant l’ellipse du l minuscule jusqu’à l’infini. 1992 d'autres textes de cet auteur sont disponibles, en français sur ce site -
Défaut d’insectes … ( RC )
- photo: coléoptère sur fleur jaune
( en réponse au » plein » de JoBougon... )
çà c’est ben vrai ma brav dame…
ces petites bêtes à gratter
sont d’une ingratt titude
que ç’en devient habitude
aussi plutôt qu’en faire un drame
Mieux vaut l’ voyage aux tropiques
même s’il, faut se frotter
les animaux qui sont typiques
nous font dégoiser
à défaut d’être sympathiques
ou alors faut les apprivoiser
quant à ta punaise
y en a qui trouvent solution
en prennent à leur aise
comme une punition
s’en servir et les encadrer
pour permettre aux papillons
de mieux chatoyer
cloués, déposés au mur
pour mieux parader
avec et sans futur
Et ta petite boîte
Formant une maison
Certes très étroite
Comme une prison
Bouchon de réservoir
Un abri fortuit
Confortable dortoir
Epargne les produits
Alignés sur l’ étagère
Les insecticides
Attirail de ménagère
Donnant l’odeur acide
Du placard à balais
Où les serpillères
Prennent le relai
Des capsules de bière
De l’été dernier
Que l’hiver affecte
Le tout dans le panier
A défaut d’insectes
RCh: 16-01-2012