Muhamed Kërveshi
peinture: M Vlaminck
couvée
avec nos yeux
beaucoup de chagrin
beaucoup de feuilles
notre jour ratatiné
enterrer le vent
l’aigle d’amour
à l’avant-garde du Kosovo
le carré du paradis
Drin et l’automne
sous les mêmes ponts
passer embrasser
l’ombre du continent
et la planète stellaire
dans les yeux de nos oiseaux.
Un escalier vers l’infini ( RC )
Installation : David McCracken
-
Je ne sais combien de marches il faut
pour gravir l’infini.
On dira qu’il y a le temps,
puisqu’on nous a promis
l’accès au paradis :
Il y a une contrepartie :
On ne peut y accéder qu’après
avoir laissé son corps
au magasin des antiquités ,
ceci dit on est beaucoup plus léger
et on ne compte plus ses efforts
pour emprunter l’escalier
qui a necessité d’abord
je ne sais combien
de menuisiers.
Au début on est très nombreux
à vouloir accéder à l’infini
que certains appellent
le Royaume des cieux
mais certains s’impatientent
ils trouvent la progression trop lente
– ( étant pris de doute
sur la destination de la route ,
et pourquoi cette pente ).
Bien entendu pour accéder au ciel
il faut penser à l’essentiel,
non pas au monotone :
et comme pas mal abandonnent
– ont-ils perdu la foi ?
– pourtant ils ne portent pas de croix !
Toujours est-il que , sur les inscrits
les candidats se raréfient,
c’est ce qui explique,
en toute logique
que l’escalier se rétrécit .
La progression est plus facile,
quand la population est divisée par mille,
– où sont passés les autres encore
– ça je l’ignore
car ils ne visent pas le haut.
-
Comme dans les jeux vidéo
ils sont bloqués au niveau inférieur
et pour leur plus grand malheur
ne disposent pas de vie de rechange,
de quelque astuce ou ficelle
( ni de l’aide des anges
qui ne prêtent pas leurs ailes ).
Et puis — est-ce une vision d’optique,
correspondant aux mathématiques :
les côtés de l’escalier
sont difficiles à mesurer :
la vie éternelle
ne tient pas compte des parallèles :
ne vous inquiétez pas pour autant:
comme je l’ai dit : vous avez tout votre temps
déjà vous avez dépassé les nuages
vous êtes sur le bon chemin
à cheval sur votre destin
n’oubliez pas vos prières,
ne croyez pas aux chimères
ne regardez pas en bas
– Attention au vertige !
Progressez comme ça :
c’est déjà un prodige
d’avoir quitté la terre
Comment, vous ne voyez toujours rien ?
Ah , mais tous les paroissiens
qui entreprennent ce voyage
clés en mains
ne peuvent tirer avantage
de rencontrer les saints
enfin pas tout de suite :
la visite, certes, ….est gratuite,
mais de ce belvédère
il est difficile de voir St Pierre :
Ce n’est pas un défaut de vision,
mais cela doit beaucoup aux conditions
atmosphériques : même avec un guide
c’est encore Dieu qui décide,
et ses desseins son impénétrables…
Comment ça, c’est discutable ?
Si vous avez une réclamation à faire
après votre grimpette
adressez-vous au secrétaire
qui examinera votre requête…
–
RC – janv 2017
Nous sommes sans doute sortis de leur esprit – ( RC )
–
Une existence tourbillonne,
Et se tourne sur elle même,
En trajectoires,
Elles semblent diverger,
Mais restent parallèles,
Si habiter son propre corps,
Renvoit à plusieurs,
Et qu’il est difficile
De s’y retrouver,
De s’y réfléchir, même,
Comme penché sur un miroir,
Donnant un tout autre aspect,
Selon l’éclairage,
Le lieu,
Et le temps, habités.
Le défilé des images,
Penchées sur le passé,
Peut revenir sans cesse,
Si on le souhaite.
Il suffit de revenir
Quelques séquences en arrière,
Ou montrer le film à l’envers.
Les trajectoires parallèles,
Sont-elles les mêmes,
A travers des personnes semblables
Habitées par leur rôle ?
Chacun s’habille de la peau
De l’être qu’il incarne,
Conduit son propre fil,
Et arrive à se confondre,
Au coeur même de sa vie,
Avec le jeu, qui le poursuit.
Courts-circuits des apparences,
Echanges des existences,
Comédie et faux-semblants
A l’aspect changeant, caméléon,
Selon les habits,
Que l’acteur aura revêtus,
Le récit est mené,
Et s’interprète,
Tortueux, et modifié,
Avec la passion,
Elle-même mise en scène…
Superposant la fiction,
Et le drame,
Auquel on aura survécu…
Comme la vie traversière,
Parcourue de réminiscences,
Avec le part des choses,
Où se superposent,
Le jeu du comédien,
Grandiloquent,
Et celui de l’histoire personnelle,
Que l’on perçoit, translucide,
Du corps, et des années ,
Reconduites,
Où – le présent est aussi le passé.
Les cartes se rebattent,
Et apparaissent dans un ordre différent,
Mais ce sont les mêmes.
Si les frontières s’abolissent,
Entre le vécu et l’imaginaire,
Quand l’aujourd’hui,
Se dilue dans les transparences,
De ce qui fut…
Si ce qui a été n’est pas le pur produit,
De ce qu’on a rêvé,
Partageant encore, divers rôles.
Inventés par d’autres.
Les auteurs inventant constamment,
De nouvelles créatures,
Pour les besoins du récit.
Nous sommes sans doute,
Sortis de leur esprit
– encore que
Nous n’en soyons pas si sûrs,
Et on se croise soi-même
Aux détours de leur mémoire…
Et de la nôtre
–
RC – 10 décembre 2013
.
( en pensant à la pièce de Pirandello » six personnages en quête d’auteur «
… et au film de David Lynch » Inland Empire »
—
Le visage d’un autre ( RC )
Un autre visage vous regarde
C’est le sien, et c’est un autre
Un regard s’égare
Il erre sur un monde
Qu’il ne reconnaît pas,
Vaguement le souvenir de gens connus
Sous un autre nom,
Un autre masque,
Qui a prêté son visage.
Comme il pourrait le faire par centaines
A ceux qui n’en ont pas,
Des séries d’anonymes
Défileraient ainsi
Et leurs masques semblables
Aux regards qui s’égarent,
Des faces et pensées semblables;
ou peut-être parallèles,
Comme ils marchent, clones
Avec celles de l’autre
Ayant vendu ses pensées
Avec son image
C’est sa tête et c’est une autre
Reproduite en centaines
Ces visages, qui nous regardent
Ce sont les autres,
Qui vous prennent pour un autre
D’où l’homme s’en enfoui
Dans un passé commun.
RC – 30 octobre 2012
A partir du film japonais de Toshigahara « Tanin no kao » ( le visage d’un autre) – 1966
–

photo: image tirée du film
–
Au bouquet de l’âme (RC)
Aux bouquets, de ceux qui parfument
J’hume
Au bouquet de l’âme, je repêche à la surface
Les fleurs éparpillées par le vent de glace
Nos étoiles, sont deux parallèles de regard, qui se croisent
Sont deux langues qui s’additionnent ( et dégoisent)
Aux bouquets, de ceux qu’on croise
J’écrirai encore sur ton ardoise
Des secrets de craie si nacrés
Qu’ils portent, animals, leur sucré