A ceux qui s’enivrent des vapeurs d’essence – ( RC )

photo perso – Singapour nocturne
A ceux qui s’enivrent des vapeurs d’essence,
je dédie un murmure
qui s’élève au-dessus des buildings.
Dans les replis de la ville, on ne compte plus les étages,
et ceux qui montent vers les sommets
se désaltèrent d’illusions.
Ils pensent ainsi dominer une partie de la planète,
jouissent d’un capharnaüm de luxe, ponctué de dentelles de néons,
du trafic des automobiles sur les bretelles d’autoroute,
de leur grondement continu ,
qui passerait pour la pulsation du monde.
Sans doute aimeront ils voir s’allumer une à une, les lumières des façades,
plain-chant d’un anonymat qui se voudrait feu d’artifice.
Mais c’est parce que la nuit favorise les contrastes,
le jour enlève les fards, révèle la laideur du béton,
les puits d’ombre entre les bâtiments où végètent d’insalubres masures.
Dans les grandes métropoles, on perd toute mesure :
l’empilement vertical s’étire avec prétention ;
vertige de puissance des multinationales jusqu’à l’outrance
des écrans géants et lettres lumineuses .
( on nous ferait croire qu’on se nourrit de parfums et de billets de banque ).
La voiture y est maître, rutilants cafards errant dans les avenues.
Le piéton paraît incongru dans un monde qui n’est pensé que pour elle,
à moins de sortir du centre, et de retrouver peut-être
une vie à dimension plus humaine,
moins saturée d’imagerie consumériste tapageuse…
A ceux qui s’enivrent des vapeurs d’essence,
je dédie ce murmure…
Retirer son nez de la rose – ( RC )

Celui qui plonge son nez dans une rose
ne s’attend pas à ce qu’elle se referme sur lui.
Quand je me mets à la peinture,
il en est un peu ainsi:
je n’ose les couleurs franches
que pour précipiter les autres
à leur rencontre .
Il m’est difficile de laisser les choses en l’état.
Car tout semble s’organiser
en combat de brosses
et caresses de pinceaux .
Chaque geste veut donner de la voix,
mais conserver son quant à soi,
sa part d’élégance,
son enclos préservé,
même s’il s’aventure
dans une lourdeur faussement maladroite.
En fait j’assiste au lever d’un jour,
qui a sa part d’ombre,
et ne me lâche plus d’un pouce.
On se demande encore
s’il me reste quelque choix conscient,
car même si c’est par mon intermédiaire,
il semble que la main ne fait qu’obéir
à la montée naturelle des formes
et des contrastes.
Que proposer alors ?
Un dilemme entre le flou et le net,
l’affirmatif et l’hésitant,
la réserve ou la superposition ?
La décision est délicate,
elle ne dépend pas de ma seule volonté,
car les éléments ont leur vie propre,
et se laissent difficilement convaincre….
Le seul moment crucial arrive
à l’instant où tout semble en suspension.
L’équilibre est précaire,
il menace à tout instant de se rompre,
et comme dans l’écriture,
je dois faire attention aux parenthèses,
aux répétitions, et à la ponctuation…
C’est le moment de retirer son nez de la rose…
J’en conserve le parfum…
Plus proches des insectes que des étoiles – ( RC )

Je multiplie les voix,
colle mon oreille sur le sol.
J’entends le crépitement de l’univers
à même la terre.
Viennent des vibrations,
et l’enfance de l’herbe,
dont l’enthousiasme se nourrit
du temps et des vents.
De petits riens
que la pluie dépose.
Des feuilles s’ébrouent,
se développent et se ternissent.
C’est dans l’ordre des choses,
ainsi l’éclosion des roses,
leur parfum suave
comme l’éclat des astres.
Je ne vais rien décrire,
la couleur existe,
vibre de lumière,
elle se passe de moi.
Le monde est un chapiteau,
et le spectacle est à deux pas.
Nous sommes plus proches des insectes
que des étoiles.
Celle qui boit le soleil – ( RC )

Le ciel se fait l’écho
de la lumière, et joue,
à chacun de tes pas,
où le chemin te conduit .
Les herbes ploient,
contre ce champ à la pente douce:
un semis de fleurs d’étoiles
d’où émerge la robe blanche.
Tu avances, la chevelure rousse…
Celle qui boit le soleil,
Comme s’étalent, ondulent,
vagues sur la nuque blanche,
robe comme une voile,
que le vent porte, et pousse…
Légère comme le parfum du bonheur,
Elle se rapproche de moi….
–
Rc – mai 2015
Passagers de la nuit – (Susanne Dereve)

La nuit dérivait lentement
pas une nuit d’argile ni de mousse
ni de la froide clarté des constellations de Juillet
ni de l’ombre des pins , noire , où balançait le vent
ni du roulement des vagues ou de celui du temps
perdu , éperdu , amassé
– telles ces piécettes d’or miroitant
sous l’eau des fontaines –
Une nuit d’étreintes et de baisers
du lourd parfum des pluies d’été
saturé d’humus et de braise
– sait-on jamais ce que pèse
le poids des mots et des regrets –
La lune s’était levée ,
paupières closes , lèvres scellées ,
et ses lançons d’argent vibraient sur l’eau
épousant le flot incertain du courant ,
la gravant en nous comme un sceau
Passagers de la nuit arpentant les étoiles ,
nous étions deux amants …
Thomas Vinau – de ce côté-ci du ciel
photo Bruno Daversin ( Cévennes )
De ce côté-ci du ciel ne perdure qu’une miette, une impression rosâtre, un soupçon de nuage qui disparaît avant d’y accrocher un seul mot.
De ce côté-ci du ciel, le crépuscule est venu me chuchoter que le temps nous rattrape comme un ogre affamé, que dès que je m’assoie il a les dents qui poussent, que la poussière attend, patiente, que chacun lui revienne.
De ce côté-ci du ciel, le vent a battu la cadence pour que l’obscurité avance jusqu’à me piétiner la tête de ses chaussons brillants et laisser dans mes cheveux des paillettes embrumées, des sentiments d’étoiles.
De ce côté-ci du ciel, les parfums se mélangent dans le grouillement du monde. L’air se frotte à la terre. Les arbres s’enlacent entre eux et l’eau creuse des lits sombres pour l’amour des poissons.
De ce côté-ci du ciel, la lune gomme le fracas des hommes, elle efface tendrement les vestiges du vacarme et la terre se repose un peu pendant qu’une poussière explore le monde sur le dos sombre de la lumière.
De ce côté-ci du ciel, les ailes des chauve-souris qui lui chatouillent le ventre font frissonner la nuit et son rire délicat est comme une prière, une chanson lancinante qui nous dit que le vide est le seigneur du monde.
Parfum – (Susanne Derève)

Photo Robert Mapplethorpe
Il suffirait d’un mot
Lait fleur
enfant mémoire
Il suffirait d’un son
le do nu du dormeur
Et le si de silence
Il suffirait la nuit
de franchir le miroir
dans une douce errance
de flâner en chemin
de cueillir dans le noir
une rose sans tain
et dans un vertige soudain
il suffirait
d’un mot
qui nous dirait
parfum
Frédérique Kerbellec – Cette terre
photo de Boston.com
–
Cette terre de tant de douleur
cette terre de l’arrachement
terre rude
On harangue aujourd’hui sa dépouille
le grand désastre de l’âme
vendu aux boutiques d’ordures
aux marchés des esclaves
qu’on achète pour rien
Son cri arrache des larmes aux astres
appelle sans secours
les pelotes somnolentes des étoiles
Et ses yeux s’agrandissent
terrifiés
sa voix perdue
brûlée piétinée asséchée
par la prostitution des maudits
par la vanité des immenses
des casseroles de fer
qui volent au vent du Nord
La commisération
les parfums fous
les épines des buissons
Albert Camus – l’envers et l’endroit
un petit extrait poétique significatif …
« Ce jardin de l’autre côté de la fenêtre, je n’en vois que les murs.
Et ces quelques feuillages où coule la lumière.
Plus haut, c’est encore les feuillages. Plus haut, c’est le soleil.
Mais de toute cette jubilation de l’air que l’on sent au-dehors,
de toute cette joie épandue sur le monde, je ne perçois que des ombres
de ramures qui jouent sur mes rideaux blancs.
Cinq rayons de soleil aussi qui déversent patiemment dans la pièce un parfum d’herbes séchées.
Une brise, et les ombres s’animent sur le rideau.
Qu’un nuage couvre, puis découvre le soleil, et de l’ombre émerge le jaune éclatant de ce vase de mimosas.
Il suffit : une seule lueur naissante, me voilà rempli d’une joie confuse et étourdissante.
C’est un après-midi de janvier qui me met ainsi face à l’envers du monde »
Sylvia Mincès – empoisonnement
Un peu de concentré d’amour
pour aromatiser votre vie ?
eh bien, je ne dis pas non ; la chicorée, voyez-vous,
c’est délicieux mais son usage reste limité…
cependant, je désirerais en choisir le parfum !
Rien de plus facile : consultez votre cœur
puis traduisez-m’en le vœu, car vous savez,
je ne suis que vendeur !..
…D’une part, outre-océan d’une autre :
coloré à l’angoisse (it’s my favorite flavour !)
Parfait, cela vous sera livré au début de la semaine prochaine,
accompagné d’un mode d’emploi
dont vous devrez respecter les dosages sévères
et la consigne stricte.
Je suis morte il y a deux jours.
Renée Vivien – un éclair qui laisse les bras vides
Ta forme est un éclair qui laisse les bras vides,
Ton sourire est l’instant que l’on ne peut saisir…
Tu fuis, lorsque l’appel de mes lèvres avides
T’implore, ô mon Désir !
Plus froide que l’Espoir, ta caresse est cruelle
Passe comme un parfum et meurt comme un reflet.
Ah ! l’éternelle faim et soif éternelle
Et l’éternel regret !
Tu frôles sans étreindre, ainsi que la Chimère
Vers qui tendent toujours les vœux inapaisés…
Rien ne vaut ce tourment ni cette extase amère
De tes rares baisers !
____________(Études et préludes, 1901)
Louis Aragon – Les roses de Noël
photo perso – Chanac
LES ROSES DE NOËL (extrait)
Quand nous étions le verre qu’on renverse
Dans l’averse un cerisier défleuri
Le pain rompu la terre sous la herse
Ou les noyés qui traversent Paris
Quand nous étions l’herbe ]aune qu’on foule
Le blé qu’on pille et le volet qui bat
Le chant tari le sanglot dans la foule
Quand nous étions le cheval qui tomba
Quand nous étions des étrangers en France
Des mendiants sur nos propres chemins
Quand nous tendions aux spectres d’espérance
La nudité honteuse de nos mains
Alors alors ceux-là qui se levèrent
Fût-ce un instant fût-ce aussitôt frappés
En plein hiver furent nos primevères
Et leur regard eut l’éclair d’une épée
Noël Noël ces aurores furtives
Vous ont rendu hommes de peu de foi
Le grand amour qui vaut qu’on meure et vive
À l’avenir qui rénove autrefois
Oserez-vous ce que leur Décembre ose
Mes beaux printemps d’au-delà du danger
Rappelez-vous ce lourd parfum des roses
Quand luit l’étoile au-dessus des bergers
Louis ARAGON « La Diane française »(éd. Seghers)
Pierre Mhanna – le feu de son parfum
—
photo: Josef Breitenbach
Sa robe tombante
Un souffle de brouillard et de rosée
L’entre-laçage de la forêt,
Nue elle se promène alors
L’eau bleue de l’aube,
Dans le baiser de sa peau
Le lever du soleil du matin.
Dans d’innombrables corniches
Le feu de son parfum
Remplit mon encrier,
Hors de la dureté de la pierre
Persuadant ma volonté de monter
Et faire face au monde à nouveau,
Façonner le renouveau du monde
Hors de la profondeur
De mon amour et de ma passion,
La maturité de ma virilité,
La vigueur rajeunissante de sa présence
Floraison dans mon coeur,
Imprégnant mon être
À la lumière de l’éternité.
–
( tentative de traduction: RC )
–
Her falling dress
a breath of fog and dew
lacing the forest,
naked she then wades
the blue water of dawn,
in the kiss of her skin
the morning sun rising.
In countless streamlets
the fire of her fragrance
replenishes my inkwell,
out of the hardness of stone
coaxing my will to rise
and face the world again,
shape the world anew
out of the depth
of my love and passion,
the maturity of my manhood,
the rejuvenating vigor of her presence
flowering in my heart,
pervading my being
with the light of eternity.
Justo Jorge Padrôn – une pluie aux syllabes bleues
la pluie tombe en syllabes bleues.
Herbe et feuillages se réveillent,
splendeur qui demeure dressée,
vivante dans la fleur, l’arbre, les parfums silencieux
qui glissent dans les lits du soir comme des fleuves.
la pluie polit de son bleu les pierres noirâtres
et les écale avec douceur depuis leurs centres durs.
Elle palpe leur chair captive, la délivre, la dénude
en corolles à la pulpe rouge.
Sève que le soleil invoque, soleil qui moissonne la pluie.
Feu cruel asséchant le vert en sa sveltesse,
prairie qui s’asphyxie en sillons désertiques,
pétale rouge qui s’achève en roche,
roche qui se replie, qui s’emprisonne
et se tait, sourde et noire, jusqu’au jour du miracle :
où toute audace, arrive le printemps
qui nous apporte une pluie de syllabes bleues.
Mokhtar El Amraoui – Miroirs
A ces songes de la mer dont les vagues colportent la rumeur
Ô miroirs !
Engloutissez, donc, ma mémoire,
Dans vos veines de tain et de lumière.
Là-bas,
Dans le jardin des échos,
Arrosé des plaintes des vagues,
Je dévalerai la plaine de l’oubli
Où j’ai laissé fleurir un coquelicot,
Pour ma muse
Qu’un peintre agonisant a étranglée.
D’elle, me parvient
Le parfum ensanglanté
De toiles inachevées.
C’est dans le lait de ses rêves
Qu’ont fleuri le cube et la sphère.
Ô interstices du monde !
Laissez-moi donc percer
Ses inaudibles secrets !
©Mokhtar El Amraoui
Mokhtar El Amraoui – Miroirs
photo: Robert ParkeHarrison
A ces songes de la mer dont les vagues colportent la rumeur
Ô miroirs !
Engloutissez, donc, ma mémoire,
Dans vos veines de tain et de lumière.
Là-bas,
Dans le jardin des échos,
Arrosé des plaintes des vagues,
Je dévalerai la plaine de l’oubli
Où j’ai laissé fleurir un coquelicot,
Pour ma muse
Qu’un peintre agonisant a étranglée.
D’elle, me parvient
Le parfum ensanglanté
De toiles inachevées.
C’est dans le lait de ses rêves
Qu’ont fleuri le cube et la sphère.
Ô interstices du monde !
Laissez-moi donc percer
Ses inaudibles secrets !
©Mokhtar El Amraoui
Tout gravite sur l’immobile – ( RC )
voir article de « la montagne »
—-
Chaque ville a ses particularités..
Là, tout gravite sur l’immobile,
Derrière des rubans noirs et argentés,
Un échantillonnage complet d’urnes en file.
Ambiance propice à la concurrence entre deuils,
Chacun vante la qualité des cercueils,
juxtaposés sur les rayonnages,
quelquefois empilés, faute de place à l’étalage.
Leur confort capitonné, – bien tentant
Le choix des étoffes, allant du cru :
– des couleurs intenses pour ceux qui ont vécu ..
(- plus tendres pour les enfants)…
Et la place de s’y glisser,
sans être à l’étroit…
L’ergonomie étudiée:
Le tout doit être de choix :
Angles subtilement vernis ;
Des bois veinés, les meilleurs
Des poignées aux formes arrondies …
Un look confié aux meilleurs designers…
Certaines de ces boîtes allongées,
possèdent une fenêtre arrondie,telle
qu’au verre biseauté,
l’écho de la lueur des chandelles…
On peut y voir à travers
le visage du défunt ; vérifier sa présence
C’est un dernier témoin d’existence
avant qu’il n’occupe son dernier univers :
Un sombre caveau, bien ordonné
encadré d’allées gravillonnées,
et au dessus duquel prolifèrent
couronnes , bouquets et objets divers…:
Les plaques aux regrets sincères,
des signes affirmés d’appartenance religieuse
– ( cocher la version pieuse ) …
> Les boules de verre
où une rose en plastique
est maintenue prisonnière,
et brille sur la pierre,
à la gravure emphatique.
Ou bien ( selon les deniers ) ,
marquant la dernière volonté,
le granite luisant, où se reflètent,
des cyprès, les crètes…
Les boutiques rivalisant d’ingéniosité,
Proposent aussi des produits recyclés,
( ayant accompagné d’autres vies )
– avec un souci affiché d’écologie –
Les cercueils les plus innovants,
comportent toutes options pouvant,
joindre la fantaisie et l’imaginable
un peu comme les voitures ( climatisables) :
Les dispositifs d’aération
– télécommandés -,( mais sur option )
Le diffuseur « parfum subtil »;
Les roulettes rétractiles,
Les suspensions hydrauliques,
Le profil aérodynamique,
Avec parfois des tiroirs,
Pour les petits objets de la mémoire…
On peut y glisser des voeux,
Ou des piécettes, facilitant,
c’est sûr, le passage élégant
vers un au-delà heureux…
Toute métempsychose souhaitée,
Peut faire l’objet d’une médaille animalière,
Que l’on dispose sur la bière,
dans un emplacement réservé ,
généralement sur un côté vertical…
C’est dire que l’on n’oublie aucun détail,
chacun exerçant ses prières,
– et réservant son suaire…
Le décès est vécu comme une promesse,
Et on quitte la vie avec allégresse ;
et puis … pour ces circonstances;
On ne regarde pas à la dépense.
La mort ainsi mise en scène,
En vaut toujours la peine:
pour ces actions souterraines,
c’est pour l’éternité ( quand même ! )…
On ne va pas se faire prier
Pour se faire enterrer…
quel est votre avis ?
( ça n’arrive qu’une fois dans sa vie ! )
– enfin justement quand elle n’est plus là –
ce que l’on nomme le trépas
après une durée assassine…
ce qu’il faut pour alimenter les racines
et laisser le temps,
faire que les petits enfants,
n’aient plus qu’en tête,
de devenir un jour squelette…
( se rappelant un jour les ancêtres,
dont l’âme flottante, peut-être ,
veille sur le petit quadrilatère,
de location, au cimetière ).
–
RC
( si ça vous inspire )…
je n’ai pas dit vous expire, notez bien…
Jean Soldini – Locus Solus
Je me tenais immobile
dans un minuscule pré ovale
locus solus bordé de fleurs.
Les abeilles vibraient
tout près de mon corps,
comme si je n’existais pas,
enveloppé du parfum chaud de l’herbe et des fleurs
du bourdonnement qui les couvrait,
les découvrait puis les recouvrait.
Je me tenais
ostensiblement introuvable :
les yeux fermés
le dos collé au sol
les jambes croisant des trajectoires champêtres.
- de » Tenere il passo, LietoColle 2014″
( » Locus solus » peut être trouvé, avec d’autres du même auteur, sur le site d’ une autre poésie italienne » )
Pierre Autin-Grenier – Toute une vie bien ratée ( extrait )
–
C’est bien parce que j’avais encore tout l’après-midi devant moi pour ne rien faire que je me suis laissé doucement glisser
dehors tel un oursin se détachant de son rocher pour s’en aller vagabonder au gré des flots.
Toujours il pleuvait à verse.
Mais je préférais me faire saucer jusqu’à la moelle plutôt que m’esquinter l’âme à trimballer un parapluie ; n’ayant nulle
part où aller, peu m’importait d’y arriver mouillé et je gardais ainsi entière ma liberté.
Des idées un tantinet loufoques, inscrites à la craie dans ma folle cervelle, commençaient à se diluer sous cette bouillabaisse tombée des nues et me ruisselaient maintenant le long du cou jusqu’à me faire frissonner l’échine d’insouciance et de volupté.
La pluie faisait flicflac au-dedans de mes souliers et ce curieux clapotis, aussi bizarre que cela puisse paraître, s’accordait bien aux petits morceaux de Bach qui parfois revenaient violoner dans ma tête.
D’un trottoir l’autre, plus j’avançais dans la journée, plus je
trouvais que mon système de me laisser flotter était parfaitement au point et l’ivresse du vide qui s’ensuivait vraiment me
comblait au-delà de toute espérance.
Quand j’ai regagné mes pénates et que j’étais à tordre pire qu’une serpillière, je me suis un bon moment senti un peu poète et cette étrange impression m’a rendu le coeur léger au point qu’il ne m’a pas paru utile d’user mes forces et mon temps à me sécher.
J’ai simplement ouvert large la fenêtre pour laisser pénétrer les senteurs du soir, si particulières quand la terre est trempée, et ça faisait comme un parfum de pétunias relevé d’une pointe de pivoines ; ce mélange m’a semblé tout à fait propice à encore naviguer à la godille et rêvasser en diable jusqu’à nuit tombée. Ce que j’ai fait, mon Dieu, sans trop de difficulté.
C’est quand le sloughi de la voisine s’est mis à hurler à la lune que la pluie soudain a cessé. Je me suis posé sur l’appui de la fenêtre, les guibolles ballant dans le vide, et dans le ciel des étoiles à tire-larigot me faisaient des clins d’oeil complices et les constellations, la Grande Ourse et le Dragon notamment, des petits signes amicaux.
J’ai trouvé ça plutôt encourageant.
Je venais d’échapper toute une journée à l’industrie, je m’étais soustrait des secondes, des siècles, aux soubresauts haineux du monde ; au mitan de ma vie j’avais en somme apprivoisé pour moi l’idée simple qu’il n’est pas plus mal d’avoir tout raté.
Ce n’était pas rien ! Je suis allé me coucher, flottant toujours et bien fatigué. Comme tout le monde.
Réminiscences des fleurs d’ailleurs – ( RC )
–
C’est une coque vide,
Aux murs carrelés de blanc, jusqu’au plafond.
Les meuglements des animaux,
La vapeur qui s’échappait de leur corps,
Tout à coup arrachés à l’étable,
Aux pentes douces, et leur pâture humide…
Leur chaleur, et l’odeur animale
S’est perdue dans le silence ;
Leur masse suspendue à de solides crochets,
Se comptait en poids de viande.
–
Le lieu est devenu incongru, et froid.
Même les aérateurs,
Les conduits immobilisés,
Rouillent lentement sur place .
Le sol de ciment bien sec, proprement nettoyé,
Permet qu’on le traverse, sans qu’on y glisse,
Sur des excréments,
Ou une flaque de sang :
L’abattoir municipal
est devenu un lieu d’arts.
–
Des oeuvres sombres
Aux fleurs brunes et violines,
Parfois aux accents métalliques,
Comme de vénéneux prolongements,
Aux plantes privées de lumières ;
Elles s’étalent sur les toiles noires,
Engluées de pourpre mat,
Et de vermillon terne.
Comme les animaux de jadis,
Extraites de leur terre,
Le souffle coupé,
Suspendues à un reste de couleur .
Ce qui a existé, des réminiscences…
Quelque part ailleurs…
On sait que les fleurs mortes,
Diffusent encore un peu de parfum .
–
RC – avril 2015
–
texte écrit à selon les sensations laissées par l’exposition de Jean-Gilles Badaire, … voir la parution précédente avec son propre texte…
Pablo Neruda – la lettre en chemin
–
Au revoir, mais tu seras
présente, en moi, à l’intérieur
d’une goutte de sang circulant dans mes veines
ou au-dehors, baiser de feu sur mon visage
ou ceinturon brûlant à ma taille sanglé.
Accueille, ô douce,
le grand amour qui surgit de ma vie
et qui ne trouvait pas en toi de territoire
comme un découvreur égaré
aux îles du pain et du miel.
Je t’ai rencontré une fois
terminée la tempête,
La pluie avait lavé l’air
et dans l’eau
tes doux pieds brillaient comme des poissons.
Adorée, me voici retournant à mes luttes.
Je grifferai la terre afin de t’y construire
une grotte où ton Capitaine
t’attendra sur un lit de fleurs.
Oublie, ma douce, cette souffrance
qui tel un éclair de phosphore
passa entre nous deux
en nous laissant peut-être sa brûlure.
La paix revint aussi,
elle fait que je rentre
combattre sur mon sol
et puisque tu as ajouté
à tout jamais
à mon cœur la dose de sang qui le remplit
et puisque j’ai
à pleines mains ta nudité,
regarde-moi,
regarde-moi,
regarde-moi sur cette mer où radieux
je m’avance,
regarde-moi en cette nuit où je navigue,
et où cette nuit sont tes yeux.
Je ne suis pas sorti de toi quand je m’éloigne.
Maintenant je vais te le dire :ma terre sera tienne, je pars la conquérir,
non pour toi seule
mais pour tous,
pour tout mon peuple.
Un jour le voleur quittera sa tour.
On chassera l’envahisseur.
Tous les fruits de la vie
pousseront dans mes mains
qui ne connaissaient avant que la poudre.
Et je saurai caresser chaque fleur nouvelle
grâce à tes leçons de tendresse.
Douce, mon adorée,
tu viendras avec moi lutter au corps à corps :
tes baisers vivent dans mon cœur
comme des drapeaux rouges
et si je tombe, il y aura
pour me couvrir la terre
mais aussi ce grand amour que tu m’apportas
et qui aura vécu dans mon sang.
Tu viendras avec moi, je t’attends à cette heure,à cette heure,
à toute heure, je t’attends à toutes les heures.
Et quand tu entendras la tristesse abhorrée
cogner à ton volet,
dis-lui que je t’attends,
et quand la solitude voudra que tu changes
la bague où mon nom est écrit,
dis-lui de venir me parler,
que j’ai dû m’en aller
car je suis un soldat
et que là où je suis,
sous la pluie ou le feu,
mon amour, je t’attends.
Je t’attends dans le plus pénible des déserts,
je t’attends près du citronnier avec ses fleurs,
partout où la vie se tiendra
et où naît le printemps,
mon amour, je t’attends.
Et quand on te dira « cet homme
ne t’aime pas « , oh ! souviens-toi
que mes pieds sont seuls dans la nuit, à la recherche
des doux petits pieds que j’adore.
Mon amour, quand on te dira
que je t’ai oublié, et même
si je suis celui qui le dit,
même quand je te le dirai
ne me crois pas,
qui pourrait, comment pourrait-on
te détacher de ma poitrine,
qui recevrait
alors le sang
de mes veines saignant vers toi ?
Je ne peux pourtant oublier
mon peuple.
Je vais lutter dans chaque rue
et à l’abri de chaque pierre.
Ton amour aussi me soutient :
il est une fleur en bouton
qui me remplit de son parfum
et qui, telle une immense étoile,
brusquement s’épanouit en moi.
Mon amour, il fait nuit.
L’eau noire m’environne
et le monde endormi.
L’aurore ensuite va venir,
entre-temps je t’écris
pour te dire : » je t’aime. »
Pour te dire « je t’aime « , soigne,
nettoie, lève,
protège
notre amour, mon cœur.
Je te le confie comme on laisse
une poignée de terre avec ses graines.
De notre amour des vies naîtront.
De notre amour on boira l’eau.
Un jour peut-être
un homme
et une femme
A notre image
palperont cet amour, qui aura lui, gardé la force
de brûler les mains qui le touchent.
Qui aurons-nous été ? quelle importance ?
Ils palperont ce feu.
Et le feu, ma douce, dira ton simple nom
et le mien, le nom que toi seule
auras su parce que toi seule
sur cette terre sais
qui je suis, et nul ne m’aura connu comme toi,
comme une seule de tes mains,
que nul non plus
n’aura su ni comment ni quand
mon cœur flamba :uniquement
tes grands yeux bruns,
ta large bouche,
ta peau, tes seins,
ton ventre, tes entrailles
et ce cœur que j’ai réveillé
afin qu’il chante jusqu’au dernier jour de ta vie.
Mon amour, je t’attends.
Au revoir, amour, je t’attends.
Amour, amour, je t’attends.
J’achève maintenant ma lettre
sans tristesse aucune : mes pieds
sont là, bien fermes sur la terre,
et ma main t’écrit en chemin :
au milieu de la vie, toujours je me tiendrai
au côté de l’ami, affrontant l’ennemi,
avec à la bouche ton nom,
avec un baiser qui jamais
ne s’est écarté de la tienne.
–
Il se pourrait, il suffirait – ( RC )
Il se pourrait que tu regardes
Ce qu’il reste d’une flamme éteinte,
Un pétale humide, laissant son empreinte,
Dans ce livre aimé, sous la page de garde…
Une trace décolorée,
Un parfum évanoui,
Un sourire enfui,
Une porte dorée….
Il se pourrait que tu pleures,
Et que tes yeux se lâchent,
Les pages en garderont des taches,
Presque invisibles , du coeur…
Changent les saisons,
Le printemps s’est éteint,
Tu as suivi d’autres chemins,
Emportée par les vents, contre la raison…
Il se pourrait que tu lises,
D’anciennes lettres, d’anciennes missives,
Egarées sur d’autres rives,
Que c’est loin, le temps de Venise…
Les détours des ruelles,
Les ponts sur le Rialto
Comme ses palais, notre amour a pris l’eau,
Celui, qu’on pensait éternel.
Il se pourrait que tu trouves,
Dans toute cette paperasse,
Dans ce qui ne s’est pas dissous, un lien, tenace,
Qui dans ces pages couve…
Pour redonner un espoir
Ressouder les mains,
Et permettre aux lendemains,
De repeindre le soir.
Il suffirait que tu viennes,
Pour redonner des couleurs,
A ces anciennes fleurs,
Si tu es toujours magicienne.
Il n’y a pas de danger,
Pas de risque de drame,
Même, à activer la flamme,
…Tu vois, je n’ai pas changé.
–
RC – 23 novembre 2013
–
Jacques Charpentreau – L’air en conserve

Art: Marcel Duchamp » air de Paris » 1919, Musée de Philadelphie ( avec un clin d’oeil à Arthemisia )
_
Dans une boîte, je rapporte
Un peu de l’air de mes vacances
Que j’ai enfermé par prudence.
Je l’ouvre! Fermez bien la porte
Respirez à fond! Quelle force!
La campagne en ma boîte enclose
Nous redonne l’odeur des roses,
Le parfum puissant des écorces,
Les arômes de la forêt…
Mais couvrez-vous bien, je vous prie,
Car la boîte est presque finie:
C’est que le fond de l’air est frais.
(Jacques Charpentreau)
–
Jorge de Sena – Je sais le sel …
–
Je sais le sel de ta peau sèche
Depuis que l’été s’est fait hiver
De la chair au repos dans la sueur nocturne.
Je sais le sel du lait que nous avons bu
Quand nous bouches les lèvres se resserraient
Et que notre cœur battait dans notre sexe.
–
Je sais le sel de tes cheveux noirs
Ou blonds ou gris qui s’enroulent
Dans ce sommeil aux reflets bleutés.
Je sais le sel qui reste dans mes mains
Comme sur les plages reste le parfum
Quand la marée descendue se retire.
Je sais le sel de ta bouche, le sel
De ta langue, les sel de tes seins,
Et celui de ta taille quand elle se fait hanche.
Tout ce sel je sais qu’il n’est que de toi,
Ou de moi en toi ou de toi en moi,
Poudre cristalline d’amants enlacés.
–
Conheço o sal
Conheço o sal da tua pele seca
Depois que o estio se volveu inverno
De carne repousada em suor nocturno.
Conheço o sal do leite que bebemos
Quando das bocas se estreitavam lábios
E o coração no sexo palpitava.
Conheço o sal dos teus cabelos negros
Os louros ou cinzentos que se enrolam
Neste dormir de brilhos azulados.
Conheço o sal que resta em minhas mãos
Como nas praias o perfume fica
Quando a maré desceu e se retrai.
Conheço o sal da tua boca, o sal
Da tua língua, o sal de teus mamilos,
E o da cintura se encurvando de ancas.
A todo o sal conheço que é só teu,
Ou é de mim em ti, ou é de ti em mim,
Um cristalino pó de amantes enlaçados.
–
Jorge de Sena
– quelques uns de ses poèmes
–
Céleste N .Snowber – traces de la terre
Photo of Celeste Snowber by Gary Bandzmer
Elle est marquée de cicatrices
identitaires , d’où les contes
sont nés: une terre à la fois de
beauté et de génocide.
En fait, ni
l’histoire par l’oralité
ni l’histoire vécue
qu’elle entendit comme un
enfant de la diaspora.
Elle souffre pour
l’odeur de la terre
les textures des montagnes
les couleurs de peau
du vieux pays,
natal de sa mère.
La géographie détient
sa propre histoire –
un récit de savoir
caché dans le parfum
de boue et de ciel
du pain et les plantes
des fruits, à moitié mûrs
sur le sol arménien.
Une douleur, pour la terre
d’où on venait,
un désir plus profond qu’étant
Moins de / Plus debout
L’appel viscéral
du toucher et sentir
d’entendre la chanson
de la terre
et se lamenter.
( essai de traduction personnelle du texte visible en langue anglaise sur le site de la poésie arménienne, et particulièrement des textes de l’auteure:)
She’s compelled with traces
of identity where the tales
were born: a land of both
beauty and genocide.
Not for facts,
the orality of story
the lived history
she heard as a
child of diaspora.
She aches for
the smell of earth
textures of mountains
colors of skin
the old country,
birthland of her mother.
Geography holds
its own story –
a narrative of knowing
hidden in the scent
of mud and sky
bread and plants
fruit, half-ripened
on Armenian soil.
An ache for land
from whence one came,
a longing deeper than
under/over standing
visceral call
to touch and feel
hear the earth’s
song and lament.
La Sainte-Victoire d’une blancheur plissée ( RC )

peinture: Jan Jansz van de Velde III – nature morte avec verre de bière
–
Le parfum,
confident de la lumière,
S’attache aux volumes des objets,
Et ceux-ci résonnent d’accords particuliers,
Posés de touches de couleur,
Frottées et qui se recouvrent,
Selon l’aube de nos regards,
Et d’abord celui du peintre.
…. une présence extraite à leur mystère,
Par un rayon de lumière,
Posée sur les cuivres,
Et les transparences des verres,
Jouant discrètement leurs feux d’artifice,
Parmi les fruits disposés là,
Presque par hasard,
Offerts au sanctuaire de leur fraîcheur,
L’écho des pommes et des oranges,
Juxtaposant leurs courbes,
A la Sainte-Victoire d’une blancheur plissée,
Crayeuse et silencieuse,
Nappe soumise
Aux ombres ovales du compotier.
–
RC – 28 juin 2013

peinture: P Cezanne , nature morte aux pommes et compotier 1899. Musée du Jeu de Paume Paris
–
Passage de l’ange ( RC )

peinture P Gauguin, – détail – » D’où venons-nous, que sommes nous, où allons nous ? »
peinture – partie centrale » D’où venons-nous,que sommes nous, où allons nous ? » 1897
–
Comme on dit, sur terre,
– Au creux d’un silence,
passe l’ange ( un mystère),
Lui, sans bruit, danse..
On ne le voit pas,
Seuls ses cheveux ( d’ange ),
S’agitent ici-bas,
Si ma tête penche,
Je sens, assis sur le vent,
Ses ailes qui me dépassent,
Et l’ange, ( ou ce revenant ),
– Grand bien me fasse –
Semblait chercher son chemin,
> Ce qui me fait marrer…
Que ces êtres de lieux lointains,
Puissent ainsi s’égarer —–
Si loin des dieux et déesses,
Au terme d’un long voyage,
Seul ( panne de GPS ) ,
descendu de son nuage.
C’est parce que c’était dimanche,
Et, que, poursuivant un diable fourchu,
Au long cours d’une météo peu étanche,
Vit aussi cette sorcière aux doigts crochus,
Perforant d’un coup de roulette russe,
A cheval sur son vieux balai,
Un vieux cumulo-nimbus
Ce qui ne fut pas sans effets…
Perdant l’appui de l’arc-en-ciel,
… pour le pique-nique ( c’était fichu),
Notre ange en oublie de fixer ses ailes,
Et se trouve à errer parmi nous, ainsi déchu…
Ou, peut-être objet d’un malaise,
> C’est une supposition,
Une possibilité, une hypothèse…
Mais , qui pose question…
Ou alors, c’est mon ange gardien,
< Qui veut mieux me connaître,
Me parler, dialogue ouvert, établir des liens,
Lui, qui m’a vu naître…
Ou encore, ange égaré, peut-être
Cherches tu la bonne adresse,
La bonne porte, la bonne fenêtre,
D’une âme en détresse ?
> Quelqu’un d’un peu fou,
lui demandant « D’où venons-nous ?
– Qui sommes-nous ?
– Où allons-nous ? »
Mais – que prend-t-il donc aux humains,
De poser des questions embarrassantes,
S’il ne leur suffit pas de lire les lignes de la main ?
Et , sans réponse satisfaisante…
Peut-être la raison de sa présence,
Ici, dans les odeurs de poisson frit,
Dans ce bas monde, le don de sa confiance,
Apparaît , aussi, sous un ciel chargé ,et gris…
Déposant sur la terre,
Un parfum subtil qui l’entoure
D’une traînée d’étoiles, de lumières
Et de l’ombre, redit un peu le jour.
–
RC – 24 juin 2013
–

peinture: Paul Gauguin: lutte de Jacob avec l’ange 1888