
Le silence à travers les âges – ( RC )

peinture: Max Ernst » le silence à travers les âges » – 1968
Le silence à travers les âges
ne tourne pas sur lui même
à la manière d’une roue dentée:
personne ne l’enferme dans une cage.
On ne sait pas ce qu’il cache :
des oublis, les âmes des damnés,
des soleils éteints
au cœur même de la terre…
Le sol inconscient
recèle dans le charbon noir
des fragments de mémoire
qui parfois s’y attachent:
des insectes, une fleur de renoncule,
une branche de fougère
qui a connu d’autres instants
avant le carbonifère…
Le silence est l’absence de bruit
– ce que nous suggère à notre oreille
les limites de notre ouïe –
On ne perçoit pas des frottements minuscules :
…quelques instants de repos et la vie
reprend son souffle dans le sommeil
après une éclipse partielle :
l’ombre tourmentée de Sybille
n’est que la révélation
d’un langage énigmatique
des instruments de divination
enfermés dans des feuilles fossiles :
il échappe aux données synthétiques
consignées dans le sanctuaire
où on conserve à l’abri
l’encyclopédie sans paroles :
le silence somnole
mais se dissout par lui-même
sans avoir besoin d’un poème
qui le circonscrit…
–
Thomas Bernhard – avec moi avec mon pays
VII
Avec moi avec mon pays

peinture Alvaro Castagnet:HarbourBridge
Là ou je vivais, on ne peut échapper
à ta voix lubrique,
pas même le dispositif d’un seul jugement
me débusquer dans ton ombre..
Le lien qui m’unit aux fleuves
se dresse entre toi et moi,
je ne pense qu’à une chose :
dilapider
ce pays insensé,
ces rivières irrémédiables avec tous
les enfants et les enfants des enfants…
Ma science je l’ai tirée
des fosses à pommes de terre,
des ténèbres de la porcherie
j’ai tiré mon expérience de la terre et du ciel,
dans l’avalanche des pommes d’octobre, je suis
mon perpétuel psaume…
Sans que je te voie j’entends
tes paroles, sans cesse je suis
tes maisons,
dans les ténèbres de ta maison
je reconnais mon père
comme le concepteur de ma mort,
comme le géniteur de mon supplice,
comme l’instigateur,
le père de mes crimes…
Qui parle dans le buisson?
…le soir se tait.
Moi. ils m’ont trouvé en plein désarroi…
Je ne savais pas une seule strophe, un seul vers, moi,
pourtant tous contre tout s’insurgèrent…
comme si je n’apparaissais pas dans leurs villes :
vent glacial, malédiction des éléments…
Seul avec ce pays de deuil
ne pense pas…
ni fenêtres ouvertes, ni portes ouvertes,
rien que des épitaphes transparentes sur les pierres
tombales.
extrait de « Je te salue Virgile » 1959-1960
Cesare Pavese – la terre et la mort

photo RC – causse de Sauveterre ( 48 )
Tu es comme une terre
que nul n’a jamais dite.
Tu n’attends rien
que la parole
qui jaillira des tréfonds
comme un fruit parmi les branches.
Un vent vient, te gagne.
Ces choses, mortes et desséchées,
t’encombrent et s’en vont dans le vent
Membres et paroles anciennes
Tu trembles dans l’été.
Georges Jean – dans le désordre des choses

Les fruits sur la prairie pourrissent
Les sentiers mènent aux étangs
Où le ciel ouvre sa pulpe
Les dernières roses construisent
Le réseau profond de la mort
Les maisons prennent dans leurs mains
Les personnages de la brume
Nous sommes dans la chair du temps
Les arbres noirs de la nuit
Les oiseaux gris dans le matin
Il semble que le soleil
Va déchirer ces voiles blancs
Ainsi dans le matin du temps
Les paroles simples se lèvent
Alors éclatent les ailes
Se fendent les rameaux
Saigne l’Orient
Et quelques mots dans le silence
Permettent d’entendre la danse
Et rêver de l’Océan
Pour les regards du dedans
Les pierres sont en gésine
Au cœur de la forêt proche
Là dans les sentiers de silex
Le plaisir bat comme le cœur
Voici les traces les sillages
Les filles des longs retours
Et dans l’ombre d’alentour
Les absents se sont levés
Et le jour ouvre nos lèvres
Et les mots entrent dans les choses.
–
extrait de « parcours immobile »
Anna Jouy – Je n’oublie pas

Je n’oublie pas. Pourquoi le ferais-je. Le souvenir est le petit oratoire de la mélancolie.
J’entasse le passé, les fanes d’hiers bien secs. Une odeur de soleil en fleur
Et parfois glisse sur l’image du jour, ce voile qui tombe sur les berceaux.
Je n’oublie pas comme on a bâti ma robe de mots, comme il a fallu y faire entrer le corps et l’âme engoncée.
Je n’oublie pas non plus la nudité des mains, le frêle tirage des rêves dans les cartes du futur. Tout ce qu’on a dit que j’allais devenir. Le pire, l’ordinaire et la sorcellerie.
Je suis sortie de vos dires et de vos mutismes, je suis issue de ces chemins ronceux qui jalonnaient vos vies, de vos bras implorant misère, de votre dernière larme.
J’ai traversé chacune de vos paroles, je les ai décousues de ma chair
parfois terribles parfois maudites et celles que vous avez prononcées de lumière comme une lampe torche remise en mes doigts pour poursuivre.
Je n’oublie pas que c’est des autres souffles que j’ai volé et que ce vent toujours fut l’ombre transparente de ma ligne de vie.
Paroles – (Susanne Derève)

Une romance aux doigts de fée Paroles celles que tu me soufflais ce matin au réveil sitôt enfouies pour aller les semer à midi dans un jardin de roses en sommeil Soleil Peut-être faut-il l’hiver pour éprouver ce qu’est un arbre sa grande ossature endormie ses plaies ses lézardes ses mains pâles et la tienne au poinçon gravant le bois tendre du tronc
Le logis de la cartomancienne – ( RC )

Tout en haut de l’escalier
d’une maison délabrée
à façade grise
c’est le logis
de la cartomancienne…
–
Un chat blanc
à la tête couleur de suie,
veille, avec indifférence
sur une boîte en osier
devant l’entrée
qui reste ouverte
en permanence:
jamais il ne sommeille;
–
C’est à cet animal
qu’on pose les questions
sur le palier
comme c’est l’usage:
-petit sphynx, petit lion-
–
Le consulter,
est comme regarder
dans une boule de cristal…
Dans son oeil
se reflètent d’étranges lueurs
où dansent les présages.
–
Si tu vas chez la cartomancienne,
tu n’y accèdes qu’à pied :
tu repéreras l’escalier:
il est peint de deux couleurs
en rouge et en bleu,
ce qui égaie un peu les lieux:
–
Quand le chat est à l’intérieur,
c’est elle qui t’accueille
en habits de deuil,
assise, comme toujours
dans le fauteuil de velours .
–
Il faut suivre le protocole :
elle a les phrases lentes
et peut s’endormir
après quelques paroles
décisives sur l’avenir,
car elle est un peu voyante.
–
En fin de journée
ses mains sont transparentes.
Tu devras la laisser
méditer sur ton cas
ou bien c’est avec le chat
qu’il faudra dialoguer.
.
Détourner la douleur vers un peu de sourire – (RC )

Tant d’années à se dire
à se lire , à déchirer les ténèbres
de tant d’heures,
pour que la lumière vienne,
et rebondisse sur les fleurs
dont la tête penche ;
Elles n’égarent pas leurs couleurs,
car elles restent vivantes
dans le tableau.
Je suis derrière,
je ne sais si tu me reconnaîtras,
car j’ai un peu changé,
et ma voix est chargée
de mes pas égarés
dont l’immobilité rejoint
celle la pierre
Le silence serait-il
de la même nuance qu’hier ?.
Je me suis exercé
avec le jeu des pinceaux,
pourtant , je ne façonne pas les heures,
je laisse passer les oiseaux,
je me retire dans des paroles
souvent vaines,
mais j’y loge un peu de soleil
pour détourner la douleur
vers un peu de sourire.
RC
Blancs muets – (Susanne Derève)

Le Secret – Auguste Rodin (1910)
Blancs muets
L’espace de silence du ciel
du lever du jour jusqu’à sa longue descente
vers la nuit
le langage retenu
les non-dits
l’e dérobé de l’indicible
(la page blanche du souvenir)
****
Blanc virginal
Petites mains pressées
l’aiguille s’affaire sur les voiles gansés
tulles crêpes aubes
ourle faufile
ardente
sous la lampe
****
Blanc repentir
Cette autre main tachée de plâtre
épurant patiemment la matière
y traçant les lignes de vie
gommant le trait
pour en tirer obstinément
une poussière aveugle inanimée
****
Et d’elle au souvenir bien moins
qu’un voile de mariée,
l’épaisseur d’une plume au vent,
la transparence végétale
d’une fleur de printemps
l’aile ténue d’un soupir
S’échapper de la nuit – ( RC )
peinture: Anselm Kiefer
–
De vivants ici,
juste des corbeaux
au-dessus de fossés brûlants.
Des temps effacés,
s’entrouvrent des labours inutiles.
Comment se prolonge le monde
après la guerre ?
Des champs abandonnés,
aux tiges brisées,
faut-il reconstruire
et laisser les paroles se poser ?
la poésie est-elle possible,
pour s’échapper de la nuit,
et renaître quelque part ?
–
RC – mars 2020
Reflux dans le silence – ( RC )
Le vent n’est plus
entré dans la danse
des oiseaux.
Il est tombé
( tombé de haut )
et s’est laissé piétiner .
Immobile , ce reflux
dans le silence
ou le refus.
Il n’entoure plus
tes paroles
qui se sont tues.
Cause commune – ( RC )
Nous faisons cause commune,
en nous tenant juste
à la jointure des textes.
Chacun en prend sa part
et navigue comme il l’entend
dans les paroles.
Ce sont les unes et les autres
qui se rejoignent,
se superposent, et conversent.
Les pages pourraient se tourner,
se plier, et même se lire à l’envers,
tu le sais bien .
En étant de l’autre coté …
si nous tirons chacun du nôtre,
la page s’étend comme on le désire,
sans jamais se rompre.
Comme cette page,
pourrait-on dire que nos écrits
ont quelque chose d’élastique ?
–
RC – août 2018
————-
Je me souviens du vent dans mes feuilles – ( RC )
Je reprends quelques paroles,
d’une chanson engloutie
par des années d’oubli,
mais moi je me souviens
du vent dans mes feuilles,
car l’arbre que je suis
a davantage de mémoire
que celle des hommes:
celles arrachées par l’automne .
même si elles sont ocrées,
recroquevillées, desséchées
puis tombées en poussière
me rappellent les hiers.
Mais il n’y a pas de deuil
puisque malgré l’hiver
le gel sévère
est encore teinté d’éphémère;
les feuilles, je les renouvelle,
de manière providentielle
car tu sais que mon bois
toujours verdoie
aux futurs printemps
et reste vigilant
pour ne pas laisser périr
les souvenirs.
- RC – août 2019
un pont entre tes paroles – ( RC )
détail d’une peinture de Botticielli (Vénus et Mars )
J’ai entendu la mer
dans la conque marine.
Et dans le ressac,
m’est parvenue ta voix,
dans le silence qui se retire,
suivant la marée basse.
Il y a du silence en toute chose,
et c’est un pont entre tes paroles.
Elles se poursuivent dans le temps,
et l’émotion tinte de leur écho.
C’est une voix sereine
qui rend sa grâce
au sourire d’un enfant,
auquel tu redonnes le souffle.
Je t’ai écoutée,
comme le ressac,
dans la conque marine.
Comme se consument les heures – ( RC )
peinture: Paul Klee
—
S’il faut laisser passer les heures ;
ce sont des images fugitives,
elles se consument, comme du papier qui brûle,
et il n’en reste rien.
Même pas un peu de cendre.
Alors, justement , où est l’empreinte,
d’où peut naître la future lumière ?
Il faut que je la creuse,
que j’y dépose des paroles,
que je sème quelque chose
pour marquer ce qui passerait
pour un désert :
fertiliser le temps
d’un poème, avant que le jour ne s’éteigne .
Certains diront que je n’ai pas vécu pour rien.
–
RC avr 2017
Susanne Dereve – Offrande
nécropole rupestre – Abbaye de St Roman – Gard
De charogne ou de cendre le jour où Elle viendra
choisissez un bon bois de chêne, lisse au toucher, robuste et clair,
gardez-moi des vaines offrandes,
ces urnes que les us épandent en sombres paraboles abandonnées au vent,
aux rumeurs infécondes et sourdes du levant
et qu’un bras malhabile se devrait de répandre au-delà du silence
comme on boit le calice âcre de la souffrance
De charogne ou de cendre le jour où Elle viendra
choisissez un carré de terre,
de ce terreau qu’égrainera la pelle d’un ton clair
il faut du temps il faut des fleurs pour oublier
il faut ce marbre uni où poser des œillets
l’herme aux lueurs du soir est plus doux au malheur que ces brumes d’errance le vent a-t-il jamais séché les larmes de douleur
De cendre ou de poussière lorsque le temps viendra
choisissez un bon bois de chêne lisse au toucher, robuste et clair
et dans ce vieux pays de Rance enterrez-moi près de mon père.
–
suivi de ma « réponse »
Quel que soit le carré de terre,
que des pelles viendront blesser
la pierre ou le marbre,
l’ombre des cyprès,
les noeuds de leurs racines,
auprès de toi,
Quel que soit le vent,
qui répandra les cendres,
comme autant de paroles vaines,
et aussi les fleurs
qui meurent, de même,
dans leur vase,
Il y aura un temps pour oublier,
lorsque les mousses
auront reconquis la pierre gravée,
les pluies effacé les lettres :
– même la douleur
ne peut prétendre à l’éternité .
Que l’on enterre une princesse
avec ses bijoux,
et toutes ses parures,
ne la fait pas voyager plus vite
sur le bateau
de l’au-delà…
Ce qu’il en reste
après quelques siècles :
> quelques offrandes,
et des os blanchis
ne nous rendent pas sa parole
et le ton de sa voix.
A se dissoudre complètement
dans l’infini,
c’est encore modestie :
– On pourra dire « elle a été » -,
mais le temps du souvenir,
se porte seulement dans le coeur des vivants .
–
RC
:
Désintégration – un chant dans les hautes terres de Mongolie – ( RC )
Le soir devient un fait établi,
et s’étale, presque fluide,
sur les hautes plaines de Mongolie.
On perçoit dans la langueur des ombres,
un chant étrange, comme si les pierres,
en tapis, étaient le fruit de paroles sèches,
une métaphore du désert chantant :
le reste de l’explosion des roches,
répandu dans le désert de Gobi,
l’esprit des dunes,
une désintégration,
à échelle minuscule,
un fractionnement ( en tous petit morceaux ) ,
qui s’assemblent au gré du vent,
avec une fluidité lente .
> On n’en cerne pas les formes,
car les dunes se déplacent
et ondulent, dans le silence,
( ou presque, )
puisque ce chant ténu,
serait celui ,
produit par la friction
de quantités de grains de sable,
auquel l’horizon répond,
en un bourdonnement continu
qui semble de loin,
horizontal, justement,
mais recule,
de même que les distances
alors que l’on s’avance .
Les ondes s’étirant,
tant dans l’espace aérien , qu’au sol,
arrivant à fusionner.
–
RC – juill 2017
–
basé sur la musique de Tristan Murail » désintégration »,
composée précisément par rapport au désert de Gobi .
Anise Kolz – Somnambule du jour
Peinture Robert Motherwell
Et Dieu demanda au poète :
« Qu’as-tu fait de mes paroles
plus fertiles que les semences ? »
Le poète répondit :
« J’en ai fait des poèmes
ils ont explosé
Comme l’astrologue
je contemple les trous noirs »
j’ai traduit tes paroles en formant des cercles concentriques – ( RC )
–
Sans savoir que ton pied
marche sur l’eau sans s’y enfoncer,
c’était l’image du vent
agitant les saules
et les bras de la nuit
qui repoussent le jour.
Les pierres flottaient sur leur reflet
et c’était l’oeil de la lune,
soudain sorti du lac,
qui décrit ton contour,
sans pour autant
se répandre en mots.
Du récit du silence,
et des feuilles portées
par le mouvement :
un doux clapotis de vagues,
j’ai traduit tes paroles en
formant des cercles concentriques.
» On m’a dit que les mots
se déposent en cercle
autour des pierres » .
–
RC – janv 2016
- ( ces trois dernières lignes sont issues ( légèrement transformées), d’un poème de Paul Celan intitulé » On m’a dit « )
Thomas Pontillo – Dans la nuit ( extrait de Incantations )
–
Dans la nuit qu’aucun passant n’arraisonne,
vivre est déjà un chien errant,
parmi les roses de la colère
quelques visages s’ouvrent à l’éblouissant chaos.
Dans la nuit qu’aucun mot n’interroge,
j’entends mes jardins d’enfance écarter l’hiver de leurs branches,
mais où vont nos amis perdus,
vers quelles contrées, pour quel tourment ?
Dans la nuit qu’aucun arbre ne console
il y a un homme agenouillé dans ses paroles,
il mêle le passé au présent et c’est toujours
le même orage à ses tempes.
Aquarium – ( RC )
–

photo aquarium de Barcelone
–
Tu entends des sons
Comme à travers une paroi de verre :
Ecoute bien … on dirait la mer .
Les branchies ouvertes des poissons,
Semblables à la conscience : palpitantes
A la surface glisse la lumière,
Là où l’eau s’appuie sur l’air.
Entre les nuées, un soleil dilettante…
Prisonnier de ta condition,
Regarde un peu plus haut, que ton univers,
Et même si c’est le monde à l’envers,
Attrape au passage, un rayon,
Porte les mains à tes oreilles,
Courbées comme des coquilles de noix.
Tu entendras peut-être ma voix ,
A nulle autre pareille .
On peut les boucher, à la cire
Et laisser s’échapper bien des paroles,
Qui poursuivent ailleurs, leur envol ,
Ou faire le choix de les saisir…
Ecoute bien… on dirait la mer .
Son ressac incessant sur la plage,
Cet aquarium est comme une cage,
Transparente, mais amère…
–
RC – dec 2014
–
François Corvol – Langue
–
Les paroles persistaient et mes yeux, certainement moins
dans le vague, s’étaient repositionnés dans les siens, semblables
aux oiseaux qui vont, pour une raison que j’ignore
se poser sur un fil électrique au-dessus de ma tête
puis observent, gazouillent, manifestent leur présence
avant que le désir de se mouvoir n’émerge à nouveau.
Ils sont pressés de retourner librement dans le ciel.
Décontraction du château intérieur, fluctuations sereines et solides
des joies du dedans, lesquelles, s’exilant du royaume
laissaient échapper un rire innocent et sincère
attiré à soi comme un enfant qu’on extrait de son instinct de fuite.
Ceci ne m’importait guère
étant son visage caché, le langage secret que seul j’honorais
par lequel je m’évadais, avec l’espoir qu’elle me suive
et se détache d’elle-même.
Pierre Bergounioux – L’orphelin ( petit extrait )
S’il manque quelques mots – ( RC )
S’il manque quelques mots,
Aux idées qui s’enfuient,
J’irai les repêcher plus loin…
Elle auront suivi leurs cours,
Arrêtées en chemin,
Par des branches qui dépassent,
Et, au contour des pierres,
Où ma parole s’est ralentie,
Malgré le courant,
Cette phrase est intacte,
Maintenue au frais.
Elle est juste un peu plus loin,
En aval.
Je la reprendrai telle quelle,
Et si tu n’es plus là,
Je te la garderai ,
… pour une prochaine fois….
–
RC – avril 2014
Ps posthume ( RC )
—
C’est un dialogue brisé,
D’un grand coup de hache,
Qui t’a jetée au sol.
…. Et ce dialogue continue dans l’absence.
Il y a toujours
Sur la table, tes paroles,
Prisonnières du papier,
Qui pourtant , s’envolent,
Aussi fraîches qu’elles sont écloses.
Et qui parlent encore,
Sitôt sorties de l’enveloppe.
Je pourrais presque
Encore te répondre,
Mais mes lettres envoyées
Tomberaient dans le vide,
Comme dans un puits sans fond,
Ne restituant aucun écho.
———- – plus aucun écho.
> (alors, je les pense )
Peut-être aussi, que tu te caches si bien,
Que tu te confonds
Avec la nuit,
Comme un jour elle , ( tu ) m’enveloppera (s).
–
RC – mars 2014
—–
– auquel je joindrai le beau poème de Pierre Dhainaut, qui va dans le même sens:
A la mort de M.
