Colette Daviles-Estinès – le poème de papier,

Le poète distribuait des poèmes de papier
avec des mots d’encre dessus
et de la joie, et de la peine
dedans les mots
du désespoir, des espoirs
des questions, de la colère
jamais de réponse mais des doutes
Il y avait du passé dedans
et des errances
et du vivant
Il voulait que ses mots ouvrent des chemins
que ses poèmes soient des clefs
dans la serrure des cerveaux
en faire des grenades de soleil
Dégoupiller le soleil
et BOUM sur les frontières
Mais c’est un poème de papier
qu’un passant a jeté par terre
après avoir froissé les mots
dans sa main
J’ai ramassé le poème de papier
l’encre, l’espoir
et le vivant
Défroisser les mots
Etre le cœur qui bat
dans la voix qui les porte
Colette Daviles Estines
Colombes – (Susanne Derève) –

Laisse une porte entr'ouverte sur le passé là où ma voix se brise je veux encore chanter J'ai remisé au grenier les lits les draps les vêtements d'enfants les mols édredons de percale les colombes ont pris leur envol oiseaux des terres lointaines cygnes cigognes aigrettes blanches leurs plumes ont l'étincelante pâleur des avalanches et leur voyage l'aridité des terres brûlées
extrait de : Suite malaise : voyage Malaisie- Singapour ( Septembre Octobre 2022)
(voir partage de Susanne)
Carl Norac – Chansons pour Robert Walser 2

J’écris sur des bandes de papier dit-il
je n’enfile pas les perles toute parole digitale
le passé rôde où on l’enterre il y a
des visages à compter des cibles à contenter
je viens gâcher mes yeux en signes minuscules qui me lira tombera
sur la paroi d’un grain de sable
( Walser ainsi va au clocher
au merle à l’arbre à la rivière
il a perdu cent noms cachés
sait comment peser sur la terre
les ailes sont pour les passants
et lui ne passant plus vraiment il écrit à défaut de vivre )
L’envers et l’oubli – ( RC )

Cet endroit ne se visite pas,
on n’a aucune raison de faire le détour,
car il ne nous verra ni naître, ni mourir.
Je ne l’ai entrevu que lors d’une exposition,
de photographies ternes, annotées
en mots d’allemand, rajoutés en blanc.
On devine que s’y est joué là quelque chose,
maintenant hors de portée du regard,
où celui qui a saisi ces portions de paysage,
se couche contre son passé enfoui,
les souvenirs gris ne suffisant pas
à le garder debout.
Les récits y sont peu abondants,
ceux qui pourraient témoigner
sont partis dans la vallée des larmes,
où le silence se referme sur eux.
Les absents ont toujours tort,
et que pourraient-ils dire d’un monde
dont la vie s’est effacée ?
Le ciel se ressoude, la mémoire s’en va … – ( RC )

Allons nous asseoir sur les dunes,
de là, nous verrons en rêve
se lever les rideaux de brume
déchirer des morceaux de ciel;
il y aura peut-être les colombes,
qui survoleront les palais,
pour se réfugier dans les tilleuls,
ou bien ce sera le soir,
à l’heure où le soleil tire sa révérence.
Rappelle-toi de ces oiseaux
courant, sautillant sur la plage,
ignorant les hommes
le vent, les herbes sauvages.
( Nous aurons contourné
ce bunker renversé,
qui lentement s’enfonce
dans le passé ),
comme ce château de sable…
Y aura-t-il des lendemains
à l’histoire enchantée
où tout passé s’efface ?
Le ciel se reforme,
se ressoude, la mémoire s’en va :
la ville ne laissera pas de trace.
Seuls, quelques gravats
seront poussés par le ressac
et la marée .
Vole la poussière des sentiers – (Susanne Derève)

Vole la poussière des sentiers,
la mer est au bout du voyage
battant et rebattant les cartes du temps,
offerte aux pluies d’été
au crépitement de l’averse,
à son frileux masque de brume.
Dans la soudaine échappée de lumière,
l’ombre s’altère,
le fil des pierres heurte le pas,
et le pas cherche en vain
l’empreinte d’autrefois …
Seule la mer sait rebrousser chemin,
ciseler le temps avec une précision
de métronome,
imprimer à l’estran le va et vient du flot,
épouser chaque pierre
de son baiser de sel
Vole la poussière des sentiers,
les mots modèlent en vain
la pâte du silence,
l’argile grise des jours enfuis .
La mer seule dit l’absence
Le jour passe sa ronde – ( RC )

montage RC
Le jour passe sa ronde,
et cherche sa géographie
sans l’écrire .
Une bulle viendrait crever
à la surface de la vie,
et voilà que ton sourire m’inonde.
Ce serait le clair-obscur des nuits,
où l’attente finit par trouver une issue.
C’est ainsi que je suis né
pour toi,
toi, qui portais le monde sur ton dos,.
Tu as délaissé ton passé,
la grisaille de l’enfance,
pour m’entraîner sur les chemins de l’avenir.
Ces chemins qui se sont ouverts,
avec nos pas,
précédant nos ombres.
Le jour passe sa ronde,
et nous l’avons suivi.
( un écho au texte de S Derève « géographie du silence » )
Ne compte pas ce qu’il reste d’étés (Susanne Derève)

Ne compte pas ce qu’il reste d’étés
N’en resterait qu’un seul, nous saurions l’épuiser
comme le condamné convoite l’aube recluse,
l’égaré la première étoile
N’en reste qu’une trace furtive au creux des blés
un pépiement d’oiseau
la lueur du couchant sur les pierres
un ricochet sur l’eau
et pour peu que le vent le ramène au rivage
le sillage blanc d’un bateau
regagnant lentement le port ,
blanc et sonore du vol agglutiné des mouettes
Le croirait-il, celui qui tient la barre,
qu’il croise pour la dernière fois le phare
et la bouée du dernier corps-mort
Il pense juste à demain
et demain est plein de l’ombre du vent
sur la mer
et de la fraicheur des risées
du parfum d’iode
et des soubresauts de la pêche
brillante en ses filets
Demain est dans ses rets ,
et dans nos mains peut-être le dernier été
Julian Tuwim – Simplement

Ad Reinhardt – Number 6
Tout était si simple : cet instant, la forêt,
Ce matin-là, il y a déjà douze ans.
Par-dessus les buissons le monde s’ouvrait
A celui que j’étais : jeune, gai, chantant.
Ce qu’il faisait frais ! Après le déjeuner,
Je partis dans la forêt tremblante de pleurs
Je m’assis avec les maths sous les genêts,
Car il y avait un examen dans deux jours.
Comme il faisait triste et gai sous ce ciel !
Un oiseau piaillait avec paresse ;
Je pensai : oiseau… forêt… école… elle…
Sans joie et sans tristesse.
Je me pris à rêver — juste un instant,
Comme ça, simplement, à tout, à tout…
Et voici que passent les choses et les ans
Et je ne suis toujours pas de retour.
Traduit du Polonais par Jacques Burko
Paroles en sang
Pour tous les hommes de la terre
Orphée La Différence
Hélène Dorion – Comme résonne étrangement la vie

Photographie Aline Smithson
Comme résonne étrangement la vie
que tu vois se lever, au milieu du brouillard
de l’enfant que tu étais, hier encore
à la table où ton père, où ta mère
fouillaient le quotidien, sarclaient
la terre, arrachaient les herbes égarées
parmi les tulipes hautes
qui flottent encore dans le jardin comme
des étoffes, et mesurent les vents à venir.
Alors, comme résonne étrangement la vie
derrière la tempête qui broie ton corps
d’enfant, jette des marées de solitude
sur tes rêves, crois-tu, un mouvement
de lumière gagne sur la brume
peu à peu tu défriches la forêt
du passé, vois le chemin
où naissent et glissent
dans la terre les fragiles espérances.
Tu entends soudain la pulsation du monde
déjà tu touches sa beauté inattendue.
Dans ta bouche fondent les nuages
des ans de lutte et de nuées noires
où tu cherchais le passage
vers l’autre saison
et comme résonne étrangement l’aube
à l’horizon, enfin résonne ta vie.
Comme résonne la vie
Editions Bruno Doucey
Brouillard – (Susanne Derève)

Alexandre Hollan – Arbres, vies silencieuses
Brouillard juste sentir
ne pas écarter le rideau
ne pas voir
ou c’est un abîme
qui s’ouvre
comme si les mots avaient pris chair
que devant la chair tout s’efface
la vie un puzzle
une nasse
Qui pourrait croire qu’on raconte
une histoire linéaire
qu’on tait les fausses routes
les impasses
avec ce qu’elle ont pesé de leur poids
de pierre
d’amours déchues
de guerres lasses
de celles qu’on a perdues
sans même porter le fer
sans combattre
qu’on panse comme des plaies
vivaces
Brouillard amère ritournelle
huis clos d’une pluie d’été
les notes virent sur elles-mêmes
avant de s’effondrer
dans un dernier sanglot
d’où renaîtrait le rire
un accord qui s’éteint
un rideau que l’on tire
Evadé de l’enfance – (Susanne Derève)

FX Lalanne Oiseau bleu
On voudrait encore en démêler l’écheveau
quand il faut simplement s’en défaire
de ces visages aux yeux fermés
qu’on abandonne qu’on remise
aux champs clos du passé
des portes qu’on referme
et de ces puits murés
secs
– le sont-ils tout à fait –
Il y a un seau jeté
dans l’herbe
qui tinte contre mon pied
et l’éclat du fer blanc
un sourire évadé
de l’enfance
la courbe d’un bras nu
le halètement d’une gorge,
ténu
le chemin de la corde usée
le treuil grince je l’entends
gémir au-delà des années
Il y a ce matin un bouvreuil perché
sur la margelle
à pépier s’ébrouer d’un œil vif
et sitôt envolé
moi qui ne savais plus hier
que ce verbe éculé, ces mots blancs
je me surprends à fredonner
l’instant
comme l’éveil se déleste des rêves
comme fondent les neiges
au printemps
visages
que j’abandonne aux étoffes du temps
Franchi le seuil – (Susanne Dereve)
Assunta Genovesio – Atelier – 2009
Pousser la porte la main tremble
Franchi le seuil
le pas hésite enjambe l’unique marche usée
On ne sait rien des années
de ces heures érodées
comme les sédiments d’une très ancienne histoire
muets
enténébrés d’absence
La pièce respire encore de la pénombre
du silence
à peine un souffle serpentin ondoyant dans les filets
de la mémoire
les housses blanches et la lumière blonde
sur le chevet terni révélant la poussière
un éternel Dimanche
le dernier grain de vie
Dans la frêle réverbération du miroir
discerne-t-on encore l’écho d’une présence
moins qu’une étincelle
un voile masquant la brume lumineuse d’été
– et lorsqu’ elle se déchire on est presque étonné
d’y voir percer le ciel
d’un doux bleu de faïence
d’un vide de dentelle ou de pierre
un chapiteau roman
un cimetière champêtre dormant
à flanc de crête
embrassant la vallée indolente d’un œil aveugle
compassé –
Alors on referme la porte doucement
– on prend soin de ne pas soulever la poussière –
Peut-être les vieilles souffrances implorent-elles
seulement une prière
pour mourir au matin on les couche
comme on irait le faire d’un enfant chagrin
on n’est venu chercher ce que la vie porte de deuil
que pour aller en paix suivre d’autres chemins
Oubli (Susanne Derève)
André Marchand, 1907-1997, Paysage de neige, 1940,
Cendres légères
rêveries désarmées
mémoire.
Cendres du passé
De l’innocence aveugle.
Richesses
vous ai-je crues dans un autre autrefois
solaires
inépuisables
et de vie à trépas
vous voilà à mains nues
tristement balayées
effacées abolies
Sel blanc sel entre les doigts flutés
sable sec des larmes inutiles.
Spoliés
dépossédés nous sommes
des ivresses de l’amour
des tendresses égarées de l’âme
enfouies dans ces images monochromes
du souvenir
liquéfiées dissoutes.
Nuits du sommeil intolérable
nuits d’insomnie
où le vertige
de ce que nous avons vécu
ce que nous avons laissé échapper
s’enfuir
ce que nous avons cédé à l’oubli
pamoison inutile vaine
nous laisse agonisant
de l’irréparable douleur de la perte.
Comme le noyé sur la grève
échoué à la frange des vagues
entre deux eaux
entre deux mondes
entre veille et sommeil.
Que l’emportent que nous emportent les voiles
du passé
s’il faut finir
alors n’attendons plus vivons
Paul-Jean Toulet (Le tremble est blanc)
Pierre Bonnard Jeune fille jouant avec un chien
Le temps irrévocable a fui. L’heure s’achève.
Mais toi, quand tu reviens, et traverses mon rêve,
Tes bras sont plus frais que le jour qui se lève,
Tes yeux plus clairs.
A travers le passé ma mémoire t’embrasse.
Te voici. Tu descends en courant la terrasse
Odorante, et tes faibles pas s’embarrassent
Parmi les fleurs.
Par un après-midi de l’automne, au mirage
De ce tremble inconstant que varient les nuages,
Ah ! verrai-je encor se farder ton visage
D’ombre et de soleil ?
.
Les Contrerimes Poésie / Gallimard
Philipp Larkin – à propos de l’album de photos d’une jeune femme
Enfin vous m’avez laissé voir cet album qui,
Une fois ouvert, m’affola. Tous vos âges
En mat et en brillant sur les épaisses pages !
Trop riches, trop abondantes, ces sucreries
Je me gave de si nourrissantes images.
Mon œil pivote et dévore pose après pose –
Cheveux nattés, serrant un chat pas très content,
Ou vêtue de fourrure, étudiante charmante,
Ou soulevant un lourd bouton de rosé
Sous un treillage, ou portant chapeau mou
(Un peu gênant, cela, pour diverses raisons) –
De toutes parts, vous m’assaillez, les moindres coups
Ne venant pas de ces types troublants qui sont
Vautrés à l’aise autour de vos jours révolus :
Dans l’ensemble, ma chère, un peu indignes de vous.
Mais ô photographie semblable à nul autre art,
Fidèle et décevante, toi qui nous fais voir
Morne un jour morne et faux un sourire forcé,
Qui ne censures pas les imperfections
– Cordes à linge et panneaux de publicité –
Mais montres que le chat n’est pas content, soulignes
Qu’un menton est double quand il l’est, quelle grâce
Ta candeur confère ainsi à son visage ,
Comme tu me convaincs irrésistiblement
Que cette jeune fille et ce lieu sont réels !
Dans tous les sens empiriquement vrais ! Ou bien
N’est-ce que le passé ? Cette grille, ces fleurs,
Ces parcs brumeux et ces autos sont déchirants
Simplement parce qu’ils sont loin ;
En semblant démodée, vous me serrez le cœur,
C’est vrai ; mais à la fin, sans doute, nous pleurons
D’être exclus, mais aussi parce que nous pouvons
Pleurer à notre aise, sachant que ce qui fut
Ne nous priera pas de justifier notre peine,
Même si nous hurlons très fort en traversant
Ce vide entre l’œil et la page. Ainsi, je reste
A regretter (sans nul risque de conséquences)
Vous, appuyée contre une barrière, à vélo,
A me demander si vous noteriez l’absence
De celle-ci où vous vous baignez ; en un mot,
A condenser un passé que nul ne peut partager,
A qui que ce soit votre avenir; au calme, au sec,
II vous contient, paradis où vous reposez
Belle invariablement,
Plus petite et plus pâle année après année.
Philipp LARKIN
« The Less Deceived »
(The Marvel Press, 1955) Traduction in « Poésie 1 » n° » 69-70
Patti Smith – M Train – ( le temps réel )
J’ai refermé mon carnet et suis restée assise dans le café en réfléchissant au temps réel.
S’agit-il d’un temps ininterrompu ? Juste le présent ?
Nos pensées ne sont-elles rien d’autre que des trains qui passent, sans arrêts, sans épaisseur, fonçant à grande vitesse devant des affiches dont les images se répètent ?
On saisit un fragment depuis son siège près de la vitre, puis un autre fragment du cadre suivant strictement identique.
Si j’écris au présent, mais que je digresse, est-ce encore du temps réel ?
Le temps réel, me disais-je, ne peut être divisé en sections, comme les chiffres sur une horloge. Si j’écris à propos du passé tout en demeurant simultanément dans le présent, suis-je encore dans le temps réel ?
Peut-être n’y a-t-il ni passé ni futur, mais seulement un perpétuel présent qui contient cette trinité du souvenir.
J’ai regardé dans la rue et remarqué le changement de lumière. Le soleil était peut-être passé derrière un nuage. Peut-être le temps s’était-il enfui ?
Patti Smith « M Train «
Thomas Duranteau – Pierre lourde
–
Pierre lourde
emmaillotée de nos doutes
jetée là
pour mesurer les profondeurs
pour faire vomir le passé
*
Nous sommes sans doute sortis de leur esprit – ( RC )
–
Une existence tourbillonne,
Et se tourne sur elle même,
En trajectoires,
Elles semblent diverger,
Mais restent parallèles,
Si habiter son propre corps,
Renvoit à plusieurs,
Et qu’il est difficile
De s’y retrouver,
De s’y réfléchir, même,
Comme penché sur un miroir,
Donnant un tout autre aspect,
Selon l’éclairage,
Le lieu,
Et le temps, habités.
Le défilé des images,
Penchées sur le passé,
Peut revenir sans cesse,
Si on le souhaite.
Il suffit de revenir
Quelques séquences en arrière,
Ou montrer le film à l’envers.
Les trajectoires parallèles,
Sont-elles les mêmes,
A travers des personnes semblables
Habitées par leur rôle ?
Chacun s’habille de la peau
De l’être qu’il incarne,
Conduit son propre fil,
Et arrive à se confondre,
Au coeur même de sa vie,
Avec le jeu, qui le poursuit.
Courts-circuits des apparences,
Echanges des existences,
Comédie et faux-semblants
A l’aspect changeant, caméléon,
Selon les habits,
Que l’acteur aura revêtus,
Le récit est mené,
Et s’interprète,
Tortueux, et modifié,
Avec la passion,
Elle-même mise en scène…
Superposant la fiction,
Et le drame,
Auquel on aura survécu…
Comme la vie traversière,
Parcourue de réminiscences,
Avec le part des choses,
Où se superposent,
Le jeu du comédien,
Grandiloquent,
Et celui de l’histoire personnelle,
Que l’on perçoit, translucide,
Du corps, et des années ,
Reconduites,
Où – le présent est aussi le passé.
Les cartes se rebattent,
Et apparaissent dans un ordre différent,
Mais ce sont les mêmes.
Si les frontières s’abolissent,
Entre le vécu et l’imaginaire,
Quand l’aujourd’hui,
Se dilue dans les transparences,
De ce qui fut…
Si ce qui a été n’est pas le pur produit,
De ce qu’on a rêvé,
Partageant encore, divers rôles.
Inventés par d’autres.
Les auteurs inventant constamment,
De nouvelles créatures,
Pour les besoins du récit.
Nous sommes sans doute,
Sortis de leur esprit
– encore que
Nous n’en soyons pas si sûrs,
Et on se croise soi-même
Aux détours de leur mémoire…
Et de la nôtre
–
RC – 10 décembre 2013
.
( en pensant à la pièce de Pirandello » six personnages en quête d’auteur «
… et au film de David Lynch » Inland Empire »
—
Ara Babaian – Les visages apparaissent dans la nuit comme des prières
–
Les visages apparaissent dans la nuit comme des prières,
avec des hymnes gravés sur leur front,
et comme les rivières l’ont fait, la terre l’a fait,
ce siècle est de les noyer,
les plier dans des pages non lues de l’histoire.
Avril est rempli de sons du printemps
et la voix des duduks sur le sable.
Je ne peux pas enterrer le passé tranquille,
Ainsi, chaque année j’écris au printemps,
lorsque le sang saigne des fleurs.
–
Ara Babaian: [Faces appear at night like prayers]
Click to hear the audio clip of Faces appear at night like prayers
read by Lola Koundakjian.
Faces appear at night like prayers,
with hymns etched upon their foreheads,
and as rivers did, as land did,
this century is drowning them,
folding them into history’s unread pages.
April is full of the sounds of spring
and the voice of duduks on the sand.
I can’t bury the quieted past,
so every year I write in spring,
when blood bleeds from flowers.
–
du site de la poésie arménienne, traduction perso.
–
Le goût des cendres a toujours la même saveur ( RC )

Affiche secondaire du film « La route » ( d’après le roman de Cormac McCarthy)
–
S’il y a des tempêtes,
Des cataclysmes, secouent la planète,
Des failles soudaines s’ouvrent sous les villes,
La journée de la colère – ( il y a bien la fête des pères ) –
Où tout bascule
Un monde qui s’anéantit
Des îles rayées de la carte,
Les rues de Pompeï sous la cendre,
L’Atlantide s’enfonce, même dans le souvenir des hommes
Les civilisations éteintes, les régions désertées…
- par quel événement soudain – ?
Caprices météorologiques, gel brutal..
( la main du divin , sur le soleil),
celui qui appuie par erreur sur le bouton rouge,
pensant appeler son domestique…,
Brusque montée des eaux, et voilà Noé à l’aventure,
gardien d’une diversité biologique en péril…
Au vaste coup de torchon, le calme plat qui suit l’orage,
Restent les graines têtues qui germent quand même ,
Un jour, même lointain, et qui percent le sol mutilé,
Dévasté sous la lave , ou les poisons des chimistes,
Emportant dans leur floraison future, toutes les erreurs
D’un monde à reconstruire, penché sur les larmes d’un passé.
— Prodiges d’énergie et de reconstruction,
Sur les fondations anciennes, la ville neuve s’érige,
Au pays qui s’affirme, le langage s’élabore, les lois se multiplient…
Des propriétés qui s’étendent, et avec , les spéculations immobilières,
Les cupidités, qui vont avec, et les guerres les plus cruelles.
A travers l’histoire recommencée,
Le goût des cendres a toujours la même saveur.
–
RC- 27 avril 2013
–
Ara Babaian – des visages apparaissent dans la nuit comme une prière
–
poésie arménienne: Ara Babaian: dont j’ai légèrement modifié la traduction pour mieux l’adapter – selon moi – au sens
Cliquer pour écouter le clip audio de visages apparaissent dans la nuit comme une prière lue par Lola Koundakjian.
La nuit des visages viennent
Témoins discrets et obstinés ( RC )

objets abandonnés: photo images d’Yci
Restés en patience dans les greniers,
Soustraits au jour, et aux regards
Et tissés de toiles d’araignées
Et qu’on retrouve un jour, par hasard.
Les objets désuets stockés dans un coin
Gardent quelque part un message,
De leur voix venue de loin,
Leurs formes étranges, dont on ne sait plus l’usage.
Manches en bois et parties en fer,
Et l’éclat rouge des cuivres
Ce dont nous parlent les livres,
L’encyclopédie de Diderot et d’Alembert.
Les cabinets de curiosité
Les outils anciens du musée
Dont nous portons l’hérédité
A l’époque des fusées.
Le passé n’est pas éliminé
En traversant l’histoire
Les témoins discrets, se sont obstinés
En nous le donnant à voir
Et portent tout leur sens
Attendant que la mémoire nous revienne
Lorsque nous sommes en présence
Des époques anciennes…
–
Tout ce qu’on trouve enfoui
Au fond de nos tiroirs,
Petit à petit recouvert, du voile de l’oubli,
reste cependant en mémoire.
En dehors de la nôtre, pour agir ainsi
Elle voyage au-delà de l’absence,
Ou plutôt reste déposée, dans le lit de l’ici,
Lorsque la vie accumule, ses sédiments denses
Si lentement, qu’on n’a pas l’esprit d’y penser,
Cachant peu à peu , ce qui fait sa magie
En strates compactes et compressées,
Révélées par les sondages d’archéologie .
Je retrouve les traces,
De ce qui est resté tel quel
Et qui patientent, tenaces
Attendant l’action de la pelle…
Sous le manteau de la terre
On a caché ce qui fâche
Tout ce qui fallait taire
Que soigneusement, on cache
Sous le côté lisse
Et les parterres de fleurs
L’enquête têtue, peut trouver indices
Des drames et mal-heurts.
Sous les tombes muettes ,
Traces révélées de l’ADN
Ou bien , dans les éprouvettes
A remonter le temps qui s’égrène.
–
RC – 17 février 2013
L’interrogation du soleil ( RC )

photo rgbstock
En lissant, du dos de la main,
Un sable blond, – l’interrogation du soleil
Qui s’étale, en grains
Par millions, ni semblables, ni pareils
Et si ceux ci, recouvrent
L’haleine de mon corps
Qui fait racine, puis s’ouvre
En profondeur, de toutes ses pores
C’est un flux de la mémoire
En fouillant dans son ombre
A chercher dans le noir
Qu’aucune lumière n’encombre
Quand tu te penches, elle ressurgit soudain
Aux rayons de tes cheveux dénoués
Et qu’ au dessus de moi, planent tes mains
Porteuses du soleil, d’un désir avoué.
C’est ton regard, que le ciel achemine
Qui réchauffe le mien
Je n’en sais pas l’origine
Mais j’en connais les liens.
Vivre est une aventure,
On s’écarte des chemins tracés
Vers des sentiers peu sûrs
Mais où tu me fais me lancer
Et c’est encore un peu ivre
Encore en titubant
Que je vais te suivre
Emporté vers l’avant
Mes lèvres ont le goût des tiennes
J »ai laissé derrière, l’hiver des pensées
Un nouveau jour m’entraîne
………….. Et je n’ai plus de passé.
–
RC -21 octobre 2012
–
photo Jose Chiyah
Miguel Veyrat – Sans le souvenir du passé
Sans le souvenir du passé, notre avenir restera dans la boue. ( réflexion du matin)
REFLEXIONES MATINALES.
Sin la memoria del pasado nuestro futuro seguirá en el lodo.
M Veyrat
Tahar Ben Jelloun – Quel oiseau ivre naîtra de ton absence ? — l’interrogation du soleil ( RC )
Quel oiseau ivre naîtra de ton absence
toi la main du couchant mêlée à mon rire
et la larme devenue diamant
monte sur la paupière du jour
c’est ton front que je dessine
dans le vol de la lumière
et ton regard
s’en va
sur la vague retournée
sur un soir de sable
mon corps n’est plus ce miroir qui danse
alors je me souviens
tu te rappelles
toi l’enfant née d’une gazelle
le rêve balbutiait en nous
son chant éphémère
le vent et l’automne dans une petite solitude
je te disais
laisse tes pieds nus sur la terre mouillée
une rue blanche
et un arbre
seront ma mémoire
donne tes yeux à l’horizon qui chante
ma main
suspend la chevelure de la mer
et frôle ta nuque
mais tu trembles dans le miroir de mon corps
nuage
ma voix
te porte vers le jardin d’arbres argentés
c’était un printemps ouvert sur le ciel
il m’a donné une enfant
une enfant qui pleure
une étoile scindée
et mon désir se sépare du jour
je le ramasse dans une feuille de papier
et m’en vais cacher la folie
dans un roc de solitude
–
.
Tahar BEN JELLOUN
–
Auquel j’ajoute mon « interrogation du soleil » – qui a été composée sans que je connaisse le texte ci-dessus,
En lissant, du dos de la main,
Un sable blond, – l’interrogation du soleil
Qui s’étale, en grains
Par millions, ni semblables, ni pareils
Et si ceux ci, recouvrent
L’haleine de mon corps
Qui fait racine, puis s’ouvre
En profondeur, de toutes ses pores
C’est un flux de la mémoire
En fouillant dans son ombre
A chercher dans le noir
Qu’aucune lumière n’encombre
Quand tu te penches, elle ressurgit soudain
Aux rayons de tes cheveux dénoués
Et qu’ au dessus de moi, planent tes mains
Porteuses du soleil, d’un désir avoué.
C’est ton regard, que le ciel achemine
Qui réchauffe le mien
Je n’en sais pas l’origine
Mais j’en connais les liens.
Vivre est une aventure,
On s’écarte des chemins tracés
Vers des sentiers peu sûrs
Mais où tu me fais me lancer
Et c’est encore un peu ivre
Encore en titubant
Que je vais te suivre
Emporté vers l’avant
Mes lèvres ont le goût des tiennes
J »ai laissé derrière, l’hiver des pensées
Un nouveau jour m’entraîne
………….. Et je n’ai plus de passé.
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RC -21 octobre 2012
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