Roger Wallet – ça ressemble à une vie
photo: Willy Rizzo
Ca ressemble à une vie
bonjour tristesse
le titre qui lui a plu il ne connaît
pas l’auteur mis à part du passé
il ne connaît
pas d’auteur Saint-Ex bien sûr comme tout le monde
et puis l’aîné l’a offert à son frère…
il l’a dans un coin de l’atelier adieu tristesse / bonjour tristesse /
tu es inscrite dans les lignes du plafond / tu es inscrite dans les yeux que j’aime…
ému les yeux que j’aime cette voix…
c’est comme si c’était elle qui lui parlait
et il le relit le sait vite par cœur le poème de P.Eluard au début
je vous le rapporte je il se sent gauche. je l’ai lu.
un silence. c’est très…
il se tait
elle est debout elle le regarde
aurait pas dû venir c’est trop… compliqué ?
prenez-en un autre elle sourit. lui : le cœur qui
bat comme un fou là-dedans
la main tremble elle doit le voir [il pense]. s’approche de la bibliothèque
la dévisage les yeux le nez la bouche
– le mot rien que le mot le fait frissonner
–
vous…
rien d’autre.
tourne le dos s’excuse
il sent sa main sur sa nuque ses yeux sa bouche….
( extrait du site des éditions des Vanneaux )
Paul Eluard – Tu es venue
–
TU ES VENUE
Tu es venue le feu s’est alors ranimé
L’ombre a cédé le froid d’en bas s’est étoile
Et la terre s’est recouverte
De ta chair claire et je me suis senti léger
Tu es venue la solitude était vaincue
J’avais un guide sur la terre je savais
Me diriger je me savais démesuré
J’avançais je gagnais de l’espace et du temps
J’allais vers toi j’allais sans fin vers la lumière
Là vie avait un corps l’espoir tendait sa voile
Le sommeil ruisselait de rêves et la nuit
Promettait à l’aurore des regards confiants
Les rayons de tes bras entrouvraient le brouillard
Ta bouche était mouillée des premières rosées
Le repos ébloui remplaçait la fatigue
Et j’adorais l’amour comme à mes premiers jours.
Paul Eluard
La mort, l’amour, la vie
(1951)
–
Yvon Le Men – haut placé
« Son fils habite rue Paul Eluard/ quelqu’un de haut placé/ comme elle dit.
Plus haut que le maire ?/ Oui/ beaucoup plus.
il n’est pas d’ici
D’ici/ où les noms de rue/ résonnent encore des cris des résistants
D’ici/ d’où chaque jour elle cherche/ quelqu’un de pas trop haut placé/ pour chaque jour
Partager sa journée/ en deux/ et une partie cartes/ à quatre.
Elle vit/ avec elle/ depuis si longtemps
Elle vécut avec son amour/ il y a si longtemps/ du temps du passé/ simple.
Elle se souvient d’elle/ petite fille/ ne se souvient pas/ du nom des joueurs de carte/ d’avant-hier.
Elle ne connaît pas Paul Eluard/ ne sait pas qu’il a écrit une phrase/ qu’elle connaît
La mort est rentrée en moi comme dans un moulin
Et qu’on appelle un vers. »