Ce corps n’a pas d’identité feinte, il n’a comme images que celles de légers creux laissés par l’empreinte des cailloux sur la plage qui parsèment les lieux.
Peut-être préfères tu pour confort les objets métalliques laissant leur marque de fer: les sommiers à ressorts sont particulièrement artistiques et devraient te plaire.
C’est dû à la position horizontale d’une sieste immobile pendant cette après-midi d’été où chaque sinuosité de métal laisse son creux fossile
– comme tu pouvais t’en douter -.
C’est à même la peau que c’est inscrit comme une signature sur la surface du dos qui provoque l’envie d’en évoquer l’écriture…
Car la chair est tendre et soumise aux lois physiques quel que soit notre âge : il fallait s’attendre à ce que cela soit la réplique d’un éphémère tatouage…
Il pourrait le dire, en haut-allemand, ou en noroît : Le vent souffle, la cendre dans les hangars, le bel orage oui Les morts déplacent des pierres des chantiers le H pour fenêtre d’hôpital Où la lumière fait une flaque au pied de personne avant de se retirer, Où les rideaux évoquent théâtre chauffé, lit, drame, jouent des scènes Furtives au toucher qu’est la main retrouvée. (La pourriture du coing propose une joue d’ombre à l’apprenti au pinceau Le trait de la lame écrit en sang sur la pulpe du doigt la dominante) etc. Les peaux de raisins de poires le jus des pommes épandus. Dans la galette, le pois cassé, le salsifis, l’iris troublé : le temps s’étire comme un chat, je jeûne au festin ô L’œil nid de palombes L’ombre, enfoncée, dans le mur signe une proximité – et une absence. Les thèmes de l’air et de l’eau sont les voisinages du vide
les fonds, le bleu du ciel, et dessous une maison qui penche, qui a faim. Un siècle qu’elle n’a pas bougé d’un ciel. On chiffrera plus tard mes études, on me verra copiste. L’ange attendra comme pierre, comme saule, et il y a pleurs dans peupliers Le temps efface les mains Une craie s’est brisée en écrivant le mot « père » sur le tableau noir de l’école L’écolier persiste sous le cœur.
Au teint de vieux noir et blanc. ( Oui j’ai de la chapelle de l’hôpital des poussières d’hosties encore dans la gorge.) On lavera au sang. On ouvrira nos écorchures. On se baignera en nous. Et l’ange frappera. Par sa nervosité. Son œil boira les couleurs. À peine recommencées. Esquives. Et coups bas. Oui, la folie reprisée. D’avoir a consumer d’êtres l’urne, lente, fourragée, d’éternité. (Oui j’étais la pierre la dune le sable le soleil)
Nicolas Jaen ( texte paru dans la revue « Décharge » )
page blanche du ciel sans pluie qui tranche
sur le noir des ardoises
et tout en bas la masse
des marguerites
voilà
la tête qui vague
pas de bruit
un samedi d’après-midi
là
on est dans la niche d’un temps
sans poids sur la bascule
d’une semaine faite à faire
on repose se
pose
peu importe où
dans la courbure du temps
mais calme
ce pourrait être encore
petits carreaux dunes
jeanlain baraques à frites nuits
ou acacias maison rouge et blanche
muscadet c’est de même tout
passe en avancée lente
vitesse de traîne
là c’est
un long buisson de fleurs jaunes
et du ciel blanc
(...)
Peau 2008
Ed.Tarabuste
sur Antoine Emaz , cf article de Marie Etienne (30/11/2022) dans la revue En attendant Nadeau
sur Jim Sévellec, peintre (breton) de la Marine voir Wikipedia
Qui serais-tu,
si dans tes cheveux le vent tressait soudain
des fils invisibles,
si le vent taquin sous ta jupe effleurait
le creux de tes cuisses de son souffle léger,
à l'endroit où la chair tressaille
du désir d'être aimée.
Qui serais-tu si le soleil
imprimait sur ta peau sa morsure brûlante
en un baiser sensuel,
si soudain délivrée de tes voiles
tu abandonnais à la mer,
à ses bras tièdes, à ses mains de corail
ton corps ondoyant de sirène,
ta jeune poitrine, tes hanches pleines, tes jambes
de tendre écume,
si les vagues resserrant
leur étreinte te jetaient nue,haletante,
comme une fleur marine
sur le sable palpitant de midi,
auréolée de mille paillettes
de lumière, d'eau et de sel.
Alors, qui serais-tu ?
Si je me rappelle mes cours de physique, ce seraient de ces forces opposées, qui s’affrontent comme des pensées contraires.
L’expérience renouvelée du couple de torsion engendre le mouvement inverse dès lors que les contraintes se relâchent.
Si l’art est sujet à ces contraintes, que deviendrait-il si celles-ci disparaissent ? Les paysages tourmentés reviendraient-ils au calme,
Van Gogh ou Ensor, échangerait-ils leur style pour des autoportraits qui pactisent avec ceux de Rembrandt ?
Leur visage, dans la réalité qu’ils traversent est-il parcouru par le temps qui leur impose leur marque ,
comme la tension d’une corde trop serrée laissant son empreinte en creux, dans la peau ?
Relâchons la tension, annulons ces forces … le visage représenté deviendrait-il aussi lisse qu’un masque neutre, n’ayant rien à confier à notre propre regard ?
masque traditionnel mexicain: photo Bruno Grandjean
Là regarde elle elle a l’air fragile si fragile la regarde voudrait la toucher savoir si elle est de chair et de sang comme lui ou d’une autre matière voudrait la toucher ne cesse de la regarder toucher son cou son pied son ventre ses seins ses lèvres la toucher rien que la toucher pour voir pour être sûr sûr de ce quelle est être sûr que ça vaut le coup de penser à elle la regarder sans peur de la détruire ou même d’altérer simplement altérer l’équilibre subtil des teintes de sa peau depuis les si légers cernes violines qui soulignent la profondeur de son regard jusqu’à l’incarnat purpurin qui ferme les plis amplifie le relief de ses lèvres la regarde ne peut faire autrement la regarde se dit que le rose transparent peut-être transparent diaphane translucide oui translucide de ses joues comme celui plus ferme qui courbe ses épaules ne peut pas ne peut pas être réel qu’il y a quelque chose qui lui échappe sûrement quelque chose qui lui échappe que ça ne peut pas être vrai tout ça pas longtemps
Combien de mots n’existent plus. Le présent repas n’est pas la soupe. L’eau qui reste ici n’est pas la mer. Une aide c’est trop demander. Il n’y a rien à vivre et il n’y a plus rien, sauf mourir, quand on m’enlève les mots . Et pas de sauts à la corde, de mains qui ensemble se tiennent , sourires, caresses, baisers. Le lit de la maison est une lande imprononçable :le repos des mourants, dans les spasmes agités, quand on sent que l’on vit encore. Province d’Udine, Codroipo, le malade des deux poumons, le pantalon trop large, le visage avec la peau sur les os, le nez effilé , ce n’est pas quelque chose à raconter, ni les souvenirs. Se savoir aride, se sentir aride… Et je me dis, réalisez donc, n’ayez pas seulement vingt ans, et une vie comme éternelle, pour juste me faire du mal.
( traduction « improbable de Google trad, » au mot à mot modifiée pour que cela soit plus compréhensible. )
S’habiller en marcel, pour faire circuler l’air au creux des aisselles… voila qui devrait plaire à tous les âges ( les adeptes du bronzage se retrouvent sur la plage , comme les roberts )… car les seins nus ne sont plus tenus: la poitrine prisonnière reconnaît la température saisonnière… Il faudra se faire à cette tenue légère…
Nous serons les pieds dans le sable qui tient lieu de sol sous le soleil ardent ( un plus serait le parasol, mais le plus petit coup de vent le rend instable ) —–Vue sur les étendues de peau rôtie que l’on admire ici avec toutes nuances d’ocre et de rose dûes aux longues poses, générant ici , ma prose…
Les deux prénoms font des envieux niant ceux qui mal y pensent… question maillot on ôte le haut pour profiter au mieux, car Marcel et Robert sont en vacances ou bien au vert ( ce qui revient au même… c’est pourquoi je leur dédie ce poème dans ces endroits bénis des dieux).
Dans la nuit, Couleur de ma peau, ciment des mystères, Silence du soleil, démence des despotes Un rêve instable murmure les hauts faits de l’histoire Déplisse les cicatrices habitées par le temps
Dans la nuit, Royaume des maudits, forteresse à jeun, Forêt de peurs et de pleurs Le goût de la lumière allumera-t-il la colère Brisera-t-il la tutelle de l’ignorance et de l’impudence ?
Dans la nuit, Baptistère et suaire des prières, Terreau et tombeau des songes, L’étreinte de la douleur vient froisser une tapisserie défaite Elle effrite une mosaïque déjà en miettes
Dans la nuit, Abri et prison du désir et des promesses Mon pays affamé, craquelé, se réveillera-t-il ? Mes frères bâillonnés, malmenés, se lèveront-ils ? Malgré la misère, malgré les chimères Malgré les convulsions des illusions Libéreront-ils des mots d’aurore et d’ambre ? Ils chanteront l’espoir, Sanctuaire de l’audace et de la foi, Demeure de la sagesse qui domine les hasards.
« Plus inquiétante, dit textuellement la presse, est l’inertie de l’hippopotame. »
J’adore l’hippopotame ; il est myope, il est triste, il a la peau trop longue et les dents mal plantées, il vit par couple, il sait marcher sous l’eau, il a l’air d’une grand-mère anglaise ; à quinze louis, à deux mois, c’est une charmante bestiole, il dévore une prairie pour son petit déjeuner.
Comme lui j’aime rêver dans les fleuves. Le découragement de l’hippopotame est une des choses les plus tristes qui soient.
écrire avant se taire rallumer son feu dès l’aube peler l’orange raccommoder sa langue et sa peau compter les gouttes de pluies glissées sous le rameau nu du pommier laisser venir offrir un toit au vent et si du dedans le papillon frappe au carreau de la fenêtre ou de la porte lui parler peu sans surtout forcer la voix le prendre dans le creux d’une main entrebâiller la fenêtre ou la porte et ouvrir après la main
ainsi des ocelles rouge et jaune à ras des crêtes et dans de la nuit bleue l’éventualité d’un poème à vingt jours du printemps offrir un nouvel air à la terre du jardin en ratissant les feuilles mortes puis allumer un feu de petits bois et vieux genêts les y jeter et voir partir en fumée (penser qu’on pourrait se pendre allez savoir pourquoi à ce moment-là) compter les premières jonquilles tel un enfant les pièces au fond de sa poche et avec huit être riche comme Crésus rentrer tandis que les pâquerettes hâtives se replient pour la nuit allumer sa lampe comme d’autres mettent à la voile faire le vide et tenter d’en tirer quelques bribes — gagnées sur la mélancolie
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L’herbe est l’apanage de ce pays, sa première peau. Elle s’immisce, elle confond par sa virulence. L’herbe en terre verte ne se sème pas, elle se donne. A la fin de mars, aux détours du changeant avril, elle pointe, timide, têtue.
En mai, en juin, elle devient insensée, elle ne connaît pas sa force, elle n’a plus de limites,
elle regorge, elle pavoise, elle frôle l’invraisemblable, elle se marquette de troupeaux repus et de pissenlits sémillants.
C’est la saison majuscule, le temps d’insolente jeunesse. Le vent la brasse, l’étreint, l’éreinte, la pluie la couche, elle se redresse, elle récidive, elle vient à bout de tout. Elle sent fort le neuf. Enfin elle s’émaille de fleurs vives et penchées, c’est son chant du cygne, elle sera fauchée pour excès de zèle, prolifique munificence.
Elle a été fauchée. Elle jonche, et encore, avant d’être enfournée dans la gueule chaude des machines qui tonitruent, avant la touffeur des granges et des hangars, avant les gaines de plastique drapé, encore, l’herbe se donne. Elle emplit l’air, les soirs, les nuits s’arrondissent d’elle, elle poursuit, elle happe, elle prend, se fait capiteuse, entête comme une chanson ancienne.
Ramassée, compressée, engrangée dûment, elle persiste, elle repousse, elle revient, elle recommence, elle est là, plus légère et non moins crue, à peine émaciée, en regain convoité, une ou deux fois par saison sur les terres les plus généreuses. Son royaume serait les montagnes d’été où les machines ne l’atteindront pas.
Sur les plateaux de pleine lune, Limon, Cézallier, Aubrac et autres steppes, juin, juillet, août sont le grand temps de l’herbe en gloire, sertie de fleurs aux prénoms précieux. Les bêtes lentes, répandues sous le ciel énorme, la paissent. Plus tard, au large des automnes, le fastueux navire cargue les voiles pour le voyage d’hiver, on le déserte;
tout est rare, troupeaux et gens, ce qui reste de l’herbe se tasse, tenace, indéfectible, jauni, mâchuré, roux et rêche à l’œil, souple cependant sous le pied. Les insectes crépitants n’y courent plus. L’herbe se fait pelisse, toison de la bête, tendue au ras des jours et des nuits, craquetante et enchantée de givre dans les aubes de décembre. Sous la neige l’herbe recommence.
je n’ai pas pu relire le livre problème de vue ou de langue l’enfance est illisible les pages indéchiffrables à force d’être mangées par des mains trop fébriles je n’ai pas pu le livre, relire, relier – adieu le cuir, la fibre, le cœur des souvenirs le temps passe, tout devient noir comme ma peau complexe et incompréhensible
De sorte évidemment qu’ils seraient là sans l’être sous la peau déchirée des murs où des lambeaux d’annonces dessineraient pour eux une carte inconnue peut-être un quartier comme un autre ces cafés agrandis par la résonance construits tout en longueur pour qu’on ne puisse pas compter les silhouettes ni trouver l’entrée
Un tel silence pourtant le samedi après-midi les guêpes s’énervaient tu le lui disais un peu plus quand on entendait l’hymne national qu’on se serait cru dans un studio après quoi dans des cours envahies d’herbes folles qui atteignent la poitrine ou bien quand tu t’arrêtes en plein milieu d’une phrase la lumière est si fausse que toute la ville est vide
C’est seulement quand ils tournaient la tête qu’on s’apercevait qu’ils n’avaient qu’un seul profil et pas de visage ou restée dans les yeux mais verts tu l’oubliais toujours comme à travers une vitre l’ombre sans vêtement une route sur la colline
Quitter le rivage de terre et de cailloux, s’avancer vers
les nuages. D’un pied tâter la matière, y entrer d’une
jambe, d’un corps, d’un coup. Plonger dans la mer,
s’en recouvrir, crèvent les gouttes contre la peau nue,
les jambes s’alourdissent, les cheveux, la bouche pleine
déchirer les nuages. Un ciel d’eau sur les épaules,
disparaître.
La chambre, notre grand lit plat. En face, l’armoire avec le miroir rigide.
Reflet.
Je suis avec lui, sous l’édredon. L’édredon est épais, à plumes, il ne pèse rien.
Carreaux multicolores, on est dessous, vivants.
Il est à côté de moi. Je vois la peau élastique, les yeux qui cherchent.
Il est là, allongé.
Par la fenêtre, le ciel humide, ses trous et ses volumes.
L’édredon est léger, envahissant comme une déchirure.
Debout dans le vent Tronc contre tronc, Deux arbres — Marient leurs branches, Echangent sans doute, Un dialogue que l’on n’entend pas, Ecorce lisse, Contre peau rugueuse Deux espèces, deux langages cohabitent, Par leur sève Racines imbriquées, Les unes dans les autres.
Ou bien s’agit-il D’une lutte silencieuse, A longueur de siècle, Un seul sortira vainqueur, Se nourrissant de sa mémoire, Laissant ce qu’il en demeure, Aux insectes, Découpe d’une silhouette Libre de ses feuilles, Sculpture éphémère, Dans un ciel, Ou l’orage succède à l’azur, Le jour, à la nuit ( comme il se doit ).
Le retour O ma Terre O Terre mienne, baignée de sang Mes entrailles pétries Dans les profondeurs de ton sol Respirent de ton pardon. O ma Terre O Terre mienne, Enfantée de mon ventre Lieu des innocentes douleurs, Que pleures-tu, que pleures-tu sur l’âme Qui est en moi ? Ô ma Terre O Terre mienne Tandis que le bras de mon bien-aimé Enserre mon ventre, Repoussant de ses doigts A même ma peau, Les hautes limites du sang, Te voilà qui tonnes. O ma Terre O Terre mienne, Matrice de mon être intime Tu respires De ta propre boue, Mes membres gagnent Dans ton ventre la force de la pierre. Ô ma Terre O Terre mienne, Regarde, La condamnation ne m’enchaîne plus, Et Toi Ô ma Terre,
Tu respires au diapason De mon ventre, Dans les profonds réveils, Au seuil d’un nouvel enfantement. O ma Terre, O mon Ventre.
Shqipe Malushi est une auteure de langue alabanaise – ( Kosovo )
Tu as laissé glisser sur moi L’amitié d’un rayon de lune. Et tu m’as souri doucement, Plage au matin éclose en galets blancs. Elle règne sur mon souvenir, ta peau olive
Où Soleil et Terre se fiancent. Et ta démarche mélodie Et tes finesses de bijou sénégalais, Et ton altière majesté de pyramide, Princesse ! Dont les yeux chantent la nostalgie Des splendeurs du Mali sous ses tables ensevelies.
Question d’électri-cité
voilà qu’une nuit éructe
haut voltage
des plumes et des néons.
Ils se confondent avec obstination
avec le brouillard des âmes.
Et ce sont des encres,
les plus indélébiles,
imprimant sarabande :
la ville obtuse
fait la sourde oreille
à la moiteur des nuées.
Aussi éveillées que peuvent l’être
les avenues désertes
jusqu’à ce que la lumière artificielle
soit dissoute dans l’ aube violette.
Je vois les indociles
qui pensent que le jour
n’est qu’un détour
accrochés aux barreaux :
la prison les ronge
dans quelques mètres carrés.
Ils n’ont que les murs grisâtres,
et la peau décolorée.
La langue fourbue,
la parole féroce,
une cuvette en émail
la lueur alternative
de la publicité lumineuse,
les maillons du mensonge,
le macadam des rues
marqué d’ombres vertes
comme de fer rouge.
Le reprise du trafic,
le grondement des rames,
les sirènes de police
pour lancer des conjectures.
Le sol est en verre pilé.
Qui ose s’y risquer pieds nus ?
Tu vas deviner l’heure..
( on éxécute mieux à l’aube) –
quand on viendra te chercher
pour te conduire
selon le protocole officiel
à la chaise électrique .