Dans la nuit, Couleur de ma peau, ciment des mystères, Silence du soleil, démence des despotes Un rêve instable murmure les hauts faits de l’histoire Déplisse les cicatrices habitées par le temps
Dans la nuit, Royaume des maudits, forteresse à jeun, Forêt de peurs et de pleurs Le goût de la lumière allumera-t-il la colère Brisera-t-il la tutelle de l’ignorance et de l’impudence ?
Dans la nuit, Baptistère et suaire des prières, Terreau et tombeau des songes, L’étreinte de la douleur vient froisser une tapisserie défaite Elle effrite une mosaïque déjà en miettes
Dans la nuit, Abri et prison du désir et des promesses Mon pays affamé, craquelé, se réveillera-t-il ? Mes frères bâillonnés, malmenés, se lèveront-ils ? Malgré la misère, malgré les chimères Malgré les convulsions des illusions Libéreront-ils des mots d’aurore et d’ambre ? Ils chanteront l’espoir, Sanctuaire de l’audace et de la foi, Demeure de la sagesse qui domine les hasards.
« Plus inquiétante, dit textuellement la presse, est l’inertie de l’hippopotame. »
J’adore l’hippopotame ; il est myope, il est triste, il a la peau trop longue et les dents mal plantées, il vit par couple, il sait marcher sous l’eau, il a l’air d’une grand-mère anglaise ; à quinze louis, à deux mois, c’est une charmante bestiole, il dévore une prairie pour son petit déjeuner.
Comme lui j’aime rêver dans les fleuves. Le découragement de l’hippopotame est une des choses les plus tristes qui soient.
écrire avant se taire rallumer son feu dès l’aube peler l’orange raccommoder sa langue et sa peau compter les gouttes de pluies glissées sous le rameau nu du pommier laisser venir offrir un toit au vent et si du dedans le papillon frappe au carreau de la fenêtre ou de la porte lui parler peu sans surtout forcer la voix le prendre dans le creux d’une main entrebâiller la fenêtre ou la porte et ouvrir après la main
ainsi des ocelles rouge et jaune à ras des crêtes et dans de la nuit bleue l’éventualité d’un poème à vingt jours du printemps offrir un nouvel air à la terre du jardin en ratissant les feuilles mortes puis allumer un feu de petits bois et vieux genêts les y jeter et voir partir en fumée (penser qu’on pourrait se pendre allez savoir pourquoi à ce moment-là) compter les premières jonquilles tel un enfant les pièces au fond de sa poche et avec huit être riche comme Crésus rentrer tandis que les pâquerettes hâtives se replient pour la nuit allumer sa lampe comme d’autres mettent à la voile faire le vide et tenter d’en tirer quelques bribes — gagnées sur la mélancolie
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L’herbe est l’apanage de ce pays, sa première peau. Elle s’immisce, elle confond par sa virulence. L’herbe en terre verte ne se sème pas, elle se donne. A la fin de mars, aux détours du changeant avril, elle pointe, timide, têtue.
En mai, en juin, elle devient insensée, elle ne connaît pas sa force, elle n’a plus de limites,
elle regorge, elle pavoise, elle frôle l’invraisemblable, elle se marquette de troupeaux repus et de pissenlits sémillants.
C’est la saison majuscule, le temps d’insolente jeunesse. Le vent la brasse, l’étreint, l’éreinte, la pluie la couche, elle se redresse, elle récidive, elle vient à bout de tout. Elle sent fort le neuf. Enfin elle s’émaille de fleurs vives et penchées, c’est son chant du cygne, elle sera fauchée pour excès de zèle, prolifique munificence.
Elle a été fauchée. Elle jonche, et encore, avant d’être enfournée dans la gueule chaude des machines qui tonitruent, avant la touffeur des granges et des hangars, avant les gaines de plastique drapé, encore, l’herbe se donne. Elle emplit l’air, les soirs, les nuits s’arrondissent d’elle, elle poursuit, elle happe, elle prend, se fait capiteuse, entête comme une chanson ancienne.
Ramassée, compressée, engrangée dûment, elle persiste, elle repousse, elle revient, elle recommence, elle est là, plus légère et non moins crue, à peine émaciée, en regain convoité, une ou deux fois par saison sur les terres les plus généreuses. Son royaume serait les montagnes d’été où les machines ne l’atteindront pas.
Sur les plateaux de pleine lune, Limon, Cézallier, Aubrac et autres steppes, juin, juillet, août sont le grand temps de l’herbe en gloire, sertie de fleurs aux prénoms précieux. Les bêtes lentes, répandues sous le ciel énorme, la paissent. Plus tard, au large des automnes, le fastueux navire cargue les voiles pour le voyage d’hiver, on le déserte;
tout est rare, troupeaux et gens, ce qui reste de l’herbe se tasse, tenace, indéfectible, jauni, mâchuré, roux et rêche à l’œil, souple cependant sous le pied. Les insectes crépitants n’y courent plus. L’herbe se fait pelisse, toison de la bête, tendue au ras des jours et des nuits, craquetante et enchantée de givre dans les aubes de décembre. Sous la neige l’herbe recommence.
je n’ai pas pu relire le livre problème de vue ou de langue l’enfance est illisible les pages indéchiffrables à force d’être mangées par des mains trop fébriles je n’ai pas pu le livre, relire, relier – adieu le cuir, la fibre, le cœur des souvenirs le temps passe, tout devient noir comme ma peau complexe et incompréhensible
De sorte évidemment qu’ils seraient là sans l’être sous la peau déchirée des murs où des lambeaux d’annonces dessineraient pour eux une carte inconnue peut-être un quartier comme un autre ces cafés agrandis par la résonance construits tout en longueur pour qu’on ne puisse pas compter les silhouettes ni trouver l’entrée
Un tel silence pourtant le samedi après-midi les guêpes s’énervaient tu le lui disais un peu plus quand on entendait l’hymne national qu’on se serait cru dans un studio après quoi dans des cours envahies d’herbes folles qui atteignent la poitrine ou bien quand tu t’arrêtes en plein milieu d’une phrase la lumière est si fausse que toute la ville est vide
C’est seulement quand ils tournaient la tête qu’on s’apercevait qu’ils n’avaient qu’un seul profil et pas de visage ou restée dans les yeux mais verts tu l’oubliais toujours comme à travers une vitre l’ombre sans vêtement une route sur la colline
Quitter le rivage de terre et de cailloux, s’avancer vers
les nuages. D’un pied tâter la matière, y entrer d’une
jambe, d’un corps, d’un coup. Plonger dans la mer,
s’en recouvrir, crèvent les gouttes contre la peau nue,
les jambes s’alourdissent, les cheveux, la bouche pleine
déchirer les nuages. Un ciel d’eau sur les épaules,
disparaître.
La chambre, notre grand lit plat. En face, l’armoire avec le miroir rigide.
Reflet.
Je suis avec lui, sous l’édredon. L’édredon est épais, à plumes, il ne pèse rien.
Carreaux multicolores, on est dessous, vivants.
Il est à côté de moi. Je vois la peau élastique, les yeux qui cherchent.
Il est là, allongé.
Par la fenêtre, le ciel humide, ses trous et ses volumes.
L’édredon est léger, envahissant comme une déchirure.
Debout dans le vent Tronc contre tronc, Deux arbres — Marient leurs branches, Echangent sans doute, Un dialogue que l’on n’entend pas, Ecorce lisse, Contre peau rugueuse Deux espèces, deux langages cohabitent, Par leur sève Racines imbriquées, Les unes dans les autres.
Ou bien s’agit-il D’une lutte silencieuse, A longueur de siècle, Un seul sortira vainqueur, Se nourrissant de sa mémoire, Laissant ce qu’il en demeure, Aux insectes, Découpe d’une silhouette Libre de ses feuilles, Sculpture éphémère, Dans un ciel, Ou l’orage succède à l’azur, Le jour, à la nuit ( comme il se doit ).
Le retour O ma Terre O Terre mienne, baignée de sang Mes entrailles pétries Dans les profondeurs de ton sol Respirent de ton pardon. O ma Terre O Terre mienne, Enfantée de mon ventre Lieu des innocentes douleurs, Que pleures-tu, que pleures-tu sur l’âme Qui est en moi ? Ô ma Terre O Terre mienne Tandis que le bras de mon bien-aimé Enserre mon ventre, Repoussant de ses doigts A même ma peau, Les hautes limites du sang, Te voilà qui tonnes. O ma Terre O Terre mienne, Matrice de mon être intime Tu respires De ta propre boue, Mes membres gagnent Dans ton ventre la force de la pierre. Ô ma Terre O Terre mienne, Regarde, La condamnation ne m’enchaîne plus, Et Toi Ô ma Terre,
Tu respires au diapason De mon ventre, Dans les profonds réveils, Au seuil d’un nouvel enfantement. O ma Terre, O mon Ventre.
Shqipe Malushi est une auteure de langue alabanaise – ( Kosovo )
Tu as laissé glisser sur moi L’amitié d’un rayon de lune. Et tu m’as souri doucement, Plage au matin éclose en galets blancs. Elle règne sur mon souvenir, ta peau olive
Où Soleil et Terre se fiancent. Et ta démarche mélodie Et tes finesses de bijou sénégalais, Et ton altière majesté de pyramide, Princesse ! Dont les yeux chantent la nostalgie Des splendeurs du Mali sous ses tables ensevelies.
Question d’électri-cité
voilà qu’une nuit éructe
haut voltage
des plumes et des néons.
Ils se confondent avec obstination
avec le brouillard des âmes.
Et ce sont des encres,
les plus indélébiles,
imprimant sarabande :
la ville obtuse
fait la sourde oreille
à la moiteur des nuées.
Aussi éveillées que peuvent l’être
les avenues désertes
jusqu’à ce que la lumière artificielle
soit dissoute dans l’ aube violette.
Je vois les indociles
qui pensent que le jour
n’est qu’un détour
accrochés aux barreaux :
la prison les ronge
dans quelques mètres carrés.
Ils n’ont que les murs grisâtres,
et la peau décolorée.
La langue fourbue,
la parole féroce,
une cuvette en émail
la lueur alternative
de la publicité lumineuse,
les maillons du mensonge,
le macadam des rues
marqué d’ombres vertes
comme de fer rouge.
Le reprise du trafic,
le grondement des rames,
les sirènes de police
pour lancer des conjectures.
Le sol est en verre pilé.
Qui ose s’y risquer pieds nus ?
Tu vas deviner l’heure..
( on éxécute mieux à l’aube) –
quand on viendra te chercher
pour te conduire
selon le protocole officiel
à la chaise électrique .
Ma vie entière est une lettre écrite pour vous dans une langue que seul l’amour peut comprendre. My whole life is a letter for you written in a language only love can understand.
~
By the candlelight I loved to read her poems and gaze, every now and then, into her eyes, at the way the flame flickered and danced upon the page of her face, the poem of my life.
À la lueur des bougies
J’aimais lire ses poèmes
et le regard, à chaque instant et puis,
dans ses yeux,
à la façon dont la flamme vacillait
et dansait sur
la page de son visage,
le poème de ma vie.
~
With the patience of the river dissolving rocks and carrying them to the sea my touch will have her skin dissolved in poetry.
~
Avec la patience
de la rivière
dissolvant les roches
et les transportant vers la mer
mon contact verra sa peau
dissoute dans la poésie.
Ainsi court le vent : Ce n’est pas encore la tempête. Il me dépasse d’une courte tête, Que je marche doucement Ou en courant.
J’ai peur de mon ombre Celle-ci m’encombre Et passe devant. C’est un peu comme l’oiseau Effrayé par son reflet . Le poète ouvre son carnet Aurait-il peur des mots Dès que se présente une idée ?: Il se dépêche de les écrire, Il craint de les voir s’évanouir Il va les emprisonner .
Mais ceux-ci toujours chantent : et disent la pluie salée, la douceur de la peau effleurée . Ils sont en attente . Sous la main qui tremble ils vont ressurgir, crier ou bien rire : vois comme ils s’assemblent au moindre prétexte un mariage illégitime, associant des rimes tout au long d’un texte.
On dirait qu’ils s’arrangent pour vivre leur propre vie, sans demander mon avis , quand la main me démange . Ils débordent de l’esprit ; je ne fais rien pour les contenir ; juste les écrire sans que je les aie appris. Quelqu’un parle par ma main : c’est une sorte de phénomène, par lequel je me promène : Je n’en connais pas le chemin.
Lier les mots qui se fabriquent dans la forge de notre
tête.
En faire vivre certains
commettre le meurtre d’autres.
Chauffer, taper, tordre au rouge le fer.
Chuchoter enfin ce qui nous habite
pour l’ultime tentative de la parole.
Des paroles données.
Silencieusement pointe la respiration.
Pulsation qui donne la vie.
Le soufflet active le feu
le mot juste jaillit
transforme nos corps et nos âmes
comme le travail acharné du forgeron
sur l’enclume transforme le métal.
Allongé sur le sol
sous le ciel bleu azur
beauté de l’oiseau dans les airs,
herbes folles dans le vent,
souveraineté des arbres.
Danse de l’univers présent
dans les vibrations lentes du jour qui passe.
Vols d’insectes éphémères,
parfums de fleurs,
odeurs d’humus,
chants de grillons,
craquements d’écorces.
Des forces de l’intérieur s’énervent.
Chasser les ombres du visage
pour s’enluminer-
Nouvelle peau.
La vague passe, se calme, s’anéantit.
Temps suspendu,
le corps flotte.
Soleil rouge,
sensation d’inachèvement
et caresse des ombres :
sa majesté la nuit approche.
Cortège d’étoiles,
respiration douce,
j’affronte l’inconnu,
clignements de cils,
goutte d’éther.
La figue éclate a force de mûrissement au soleil de l’été.
La terre grasse s »enfonce
sous les pas .l’automne est là, avec son humeur faite de rosée
de rafales de vent, de pluie froide.
Des hommes harassés, avinés, burinés, dépités, rendus sont là au coin de la rue,
attendent, rejetés du monde, comme de vieilles eaux usées auxquelles on aurait retiré toutes forces.
Dans ma tête un grand silence.
Tombés par terre, abandonnés,
résignés, abattus, esclaves.
Quels bourreaux? Comment faire?
L’alcool comme seul compagnon.
Idées vagues, brouillées,
délire, obsession, mensonges,
mal de tête,
perte de mémoire.
Oublier son histoire,
nier sa vie,
sacrifier son être.
Que faire avant l’hiver,
avant que le froid ne vous emporte?
Compagnon misère.
Le ciel est clair aujourd’hui, un vent frais se lève et fait
Frissonner les feuilles dans les arbres.
Quelques pensées me tapent le front, et s’évanouissent aussitôt.
Pour laisser le vide.
Le trou noir.
Ce noir si plein que l’on n’attend jamais.
Et pourtant, c’est le rien que l’on redoutait tant.
Il est là, accompagné de son malaise.
On ferme les yeux pour regarder à l’intérieur.
Dans un ultime effort encore.
Le noir toujours.
ça se dissipe.
Le rouge apparaît,
puis le jaune lumière
des éclats de blanc dans le rouge,
du bleu chartreuse,
du vert émeraude. qui coule de mes yeux ?
Serait-ce de la peinture
Les feuilles se remettent à tinter dans le vent et cette
musique douce emporte mes pensées.
– Qui connaît le milieu d’une mer ? : elle se referme sur mes yeux,
> Je n’en situe pas le centre, ni ce qui les hante… bien étanches à des sensations… autres que celle du glissement de l’eau.. C’est peut-être que ceux-ci deviennent poissons, et se cachent comme ils peuvent sous les flots, en fuyant mon visage, ( comme si j’écrivais : fuyant le rivage… ) La peau en serait la surface, Elle se ramollit et s’efface,
On n’en saisit plus les bords Les yeux fuient bien plus au nord : On voit bien qu’ils plongent à mesure que les jours s’allongent, et le regard se fait plus flou, en échappant aux remous, et aux mouvements de l’onde : > on dirait qu’ils fondent
ils se dissolvent dans le liquide en délaissant les rides accrochées aux paupières : il y a de moins en moins de lumière quand on s’écarte du soleil : > C’est la porte du sommeil : Plus rien ne les anime, au plus profond de l’abîme:
l’eau ruisselle et glisse, mais sur une face, désormais lisse : il n’est pas sûr qu’ils émergent de l’océan : désormais perdus dans le néant: Il n’y a plus d’ailleurs que pour le regard intérieur comme s’il s’en était allé dans une immensité d’eau salée…
C’est ainsi que du lointain se dilue ce que l’on imagine » à pertes de vues « .
Te souviens-tu mon Lou de ce panier d’oranges Douces comme l’amour qu’en ce temps-là nous fîmes Tu me les envoyas un jour d’hiver à Nîmes Et je n’osai manger ces beaux fruits d’or des anges Je les gardai longtemps pour les manger ensemble Car tu devais venir me retrouver à Nîmes De mon amour vaincu les dépouilles opimes Pourrirent J’attendais Mon cœur la main me tremble ! Une petite orange était restée intacte Je la pris avec moi quand à six nous partîmes Et je l’ai retrouvée intacte comme à Nîmes Elle est toute petite et sa peau se contracte. Et tandis que les obus passent je la mange Elle est exquise ainsi que mon amour de Nîmes O soleil concentré riche comme mes rimes O savoureux amour ô ma petite orange ! Les souvenirs sont-ils un beau fruit qu’on savoure ? Le mangeant j’ai détruit mes souvenirs opimes Puissé-je t’oublier mon pauvre amour de Nîmes ! J’ai tout mangé l’orange et la peau qui l’entoure Mon Lou pense parfois à la petite orange Douce comme l’amour le pauvre amour de Nîmes Douce comme l’amour qu’en ce temps-là nous fîmes Il me reste une orange Un cœur un cœur étrange
Je suis en mesure de justifier ma longue existence dans ses mains y mourir sans doute plus volontiers que sous un drapeau une éternité de peines s’efface volontiers de ma mémoire sitôt que la féerie sitôt que ses bras et tant pis tant pis je cède cette peau chaque jour est plus neuve si parfois elle te semble vieillir c’est qu’elle fait semblant je ne comprends pas tous ces corps qui prennent feu mon feu à moi n’est pas tant visible et si j’ai dit que j’étais seul c’est que j’ai menti je suis au beau milieu des étoiles
De Del temps present /Du livre Du temps présent (Edicions Bromera, Alzira)
à J.V.P.
Je voudrais tant que tu sois tous ceux
Pour qui j’ai écrit une fois un poème,
Avoir vu avec toi des villes du Nord de l’Italie,
Des hivers, des automnes de l’Europe centrale,
Et lors des nuits rougies au feu, d’aube et de jasmin,
Avoir traversé avec toi d’anciennes routes
De palmes près de la mer,
D’oranges et de cyprès sur les lèvres.
Je voudrais tant que ce présent que tu es,
Plaisant et aimable aujourd’hui,
Vienne de très loin,
De ces années sans toi qui nous laissaient sur la peau
Des nuits d’écume et des étoiles,
Un perpétuel désir qui ne cessait jamais,
Une première jeunesse qui n’était pas consciente
D’être elle-même.
Mais je sais combien est inutile le désir qui m’habite
Dans cette nuit de pluie et de printemps
Qui fuira comme les autres.
D’autres amours étaient là, avant toi,
Et ont occupé la place que nous occupons maintenant,
Ainsi que nos pensées, nos bras,
Et notre bref présent.
Nous le savons sans le dire.
Nous n’avons besoin ni de faits ni de témoins.
–
Com voldria que fosses tots aquells
pels qui alguna vegada he escrit algun poema,
haver mirat amb tu ciutats del nord d’Itàlia,
hiverns, tardors a l’Europa central,
i, en nits de foc roent, d’albada i gessamí,
haver creuat amb tu antigues carreteres
amb palmes vora mar,
taronges i xiprers a frec de llavis.
Com voldria que el present que tu ets,
plaent i amable ara,
vingués de molt lluny,
d’uns altres anys sens tu que a la pell ens deixaven
nits d’escuma i estels,
un perpetu desig que no finia mai,
una joventut primera que no era conscient
de ser ella mateixa.
Mes sé com és d’inútil el desig que m’habita
en una nit de pluja i primavera
que haurà de passar com totes.
Altres amors t’han precedit
i han ocupat el lloc que ocupem ara nosaltres,
els nostres pensaments, els nostres braços,
el nostre breu present.
Ho sabem sense dir-ho.
No cal tenir dades ni testimonis.