Le ménage au palais – ( RC )

On a fait le ménage dans le palais,
remisé les figures de cire
dans le placard à balais,
même celui qu’on appelait Sire,
et qui , en restant discret
regardait sa progéniture
déformée par les reflets
dans le cadre à moulures.
La porte s’est refermée
sur l’escalier d’honneur
apparaissant dans la seule ouverture:
on pourrait jouer,
si ça vous rassure,
aux sept erreurs ,
en reproduisant la peinture :
mais — on la connaît par cœur.
On a fait place nette,
arrêté la valse lente
des servantes et les courbettes
pour célébrer l’infante,
On pourra faire du patin à roulettes
dans la grande salle,
car même Vélasquez
s’est fait la malle :
on ne voit plus aucune chaise
mais seulement le grand tableau
toujours vu de dos
au geste artistique énigmatique.
Quelques uns demeurent,
mais ce sont les plus moches…
il faudra bien qu’on les décroche,
car les spectateurs
comme les acteurs, se font des plus rares :
on va vendre l’hôtel particulier
ou plutôt le transformer
en centre d’art
Mais enlevez moi ces œuvres baroques !
il est temps qu’on les range
( nous avons changé d’époque
et maintenant— ils dérangent )
Je verrais bien, à la place des tableaux,
d’autres formes d’expression
> de l’art vidéo
> des installations,
enfin … quelque chose de branché,
de la fantaisie, de la nouveauté
des couleurs joyeuses pour ce musée,
sans glisser sur le parquet ciré !
Chair de bitume – ( RC )

La pâte ,
chair de bitume,
lave solidifiée,
la route
sous le feu de l’été
liquéfiée.
Toi tu étales,
moi je racle,
mais rien ne s’en va
sinon quelques graviers
rebelles.
Pieds englués.
La pâte toujours,
chair de peinture,
poussée par la brosse,
sera peut-être un jour
lumière,
un visage, un regard.
Elle maintient le nôtre
prisonnier,
avec des caprices de geste,
figés.
Quelques poils de pinceau
collés, rebelles.
Ils pourraient être nôtres
ces poils, sitôt enlisés
dans le silence.
Monochrome.
Noir de bitume.
Racles plus fort !
et tu me trouveras.
RC
Retirer son nez de la rose – ( RC )

Celui qui plonge son nez dans une rose
ne s’attend pas à ce qu’elle se referme sur lui.
Quand je me mets à la peinture,
il en est un peu ainsi:
je n’ose les couleurs franches
que pour précipiter les autres
à leur rencontre .
Il m’est difficile de laisser les choses en l’état.
Car tout semble s’organiser
en combat de brosses
et caresses de pinceaux .
Chaque geste veut donner de la voix,
mais conserver son quant à soi,
sa part d’élégance,
son enclos préservé,
même s’il s’aventure
dans une lourdeur faussement maladroite.
En fait j’assiste au lever d’un jour,
qui a sa part d’ombre,
et ne me lâche plus d’un pouce.
On se demande encore
s’il me reste quelque choix conscient,
car même si c’est par mon intermédiaire,
il semble que la main ne fait qu’obéir
à la montée naturelle des formes
et des contrastes.
Que proposer alors ?
Un dilemme entre le flou et le net,
l’affirmatif et l’hésitant,
la réserve ou la superposition ?
La décision est délicate,
elle ne dépend pas de ma seule volonté,
car les éléments ont leur vie propre,
et se laissent difficilement convaincre….
Le seul moment crucial arrive
à l’instant où tout semble en suspension.
L’équilibre est précaire,
il menace à tout instant de se rompre,
et comme dans l’écriture,
je dois faire attention aux parenthèses,
aux répétitions, et à la ponctuation…
C’est le moment de retirer son nez de la rose…
J’en conserve le parfum…
Le baiser de la femme araignée – ( RC )

C’est une femme aux mille ressources,
qui vit au sein de la peinture,
sous les couches de couleur…
Nous prend-elle dans sa toile,
nous enrobant de caresses drues,
où virevoltent les pinceaux ?
De la plage, la sérénité
des jours d’été semble s’éloigner.
Nous serons à notre tour
ce corps fragmenté
se débattant sous les vernis
et les baisers
de la femme araignée…
( réponse à un écrit de Louba Astoria sur Wilhem DeKooning )
la saveur des fruits – ( RC )

De quel endroit viens-tu,
toi qui me regardes à travers le tableau,
à côté d’une coupe pleine de fruits ?
La peinture n’est pas encore sèche.
Elle joue sur les nuances et la lumière,
presque à ton insu, se pose sur leur galbe.
Bientôt tu pourras m’en décrire la saveur…
Yang Ermin – Ma rose –

Le ciel mélancolique a bonne mine Une apsara dotée de tous les pouvoirs Vole sous la bruine et le vent Son regard obstiné perce la brume rouge Colombe grise sur le plateau du Golan Dans la frénésie de l’été Elle déploie ses ailes nues à sa guise Elle regarde fixement tes yeux Me voilà confus et triste Je cherche les ailes qui s’envolent Et c’est ma rose que j’aperçois
La poésie des couleurs chez Yang Ermin PDF
Marie Laureillard –
Lionel Ray – Ni rides ni raison –

Ni rides ni raison . c’est la foudre aux yeux bleus
qui éclaire les seuils.
fragile est son secret : ce nœud léger du souffle
ces traces de naissance nouvelle ce cri brisé. –
nous serrons contre nous une cage pareille
à la fumée – distance qui déchire.
et nous marchons dans son obscur empire
vers cette vitre innommable, notre voisine sèche.
ainsi nous habitons le mouvement des jours :
l’ombre dans l’ombre va, envol de nul oiseau.
Poésie 84
Janvier Février 1984
Revue dirigée par Pierre SEGHERS
Repeindre Saint-Sébastien – ( RC )

Une surface, mais une profondeur,
comme celle de l’eau,
différente et pourtant semblable ,
dissimulée sous les reflets.
Est-ce l’enveloppe,
la fragilité de la peau
qui nous maintient
de chair ?
Cible des flèches
mon corps sera mon âme
que rien ne distingue,
cachée sous son manteau clair.
J’effacerai les cicatrices
et la peau, comme l’eau
se refermera sur elle-même
sans laisser de traces.
Les flèches tomberont toutes seules :
je repeindrai les blessures
avec un peu de peinture
j’enlèverai la douleur
détachant Saint-Sébastien
du poids de son corps
et de l’attraction terrestre
en trouvant la juste couleur.
Voilà que les pinceaux annulent
la trace des blessures,
la peau refermée
sous ton regard incrédule.
La torsion de son être
échappe aux passions,
du moins, celles que l’on connaît
et sous sa surface, le corps renaît.
RC
voir d’autres reproductions des encres de Françoise Petrovitch, sur des sites,
et ici même, avec ce choix , que j’ai voulu représentatif…
De poésie et d’eau fraiche – (Susanne Derève)

.
De poésie d’eau fraiche
et d’une tache sur le mur peinte
aux couleurs du jour
– de rouge automne –
on vivait
là où le soleil nous débusquait parfois
au coin d’une table de bois
oublieux des heures
mariant les rimes
soudain pressés de nous frotter
à la douce chaleur de midi,
à sa tiède torpeur sur la peau
et de les remettre à plus tard
de se faire chantre de la nuit
car le soleil griot du jour
se passait bien des mots
.
Le peintre oublie les étoiles – (Susanne Derève)

.
Ce n’est pas la nuit
Ce n’est que la profondeur du temps
à grands coups de pinceaux sur la toile
Le peintre oublie les étoiles
et puis il les ajoute une à une
patiemment
On craint un grand chambardement
mais ce n’est qu’un peu de blanc titane
d’ocre ou de rouge magenta
qui reste collé sur les doigts
Je vous regarde sans vous voir – (Susanne Derève)-

Euan Uglow – Nude –
Je vous regarde sans vous voir
Je vous regarde sans désir
Sur la toile je veux saisir
le galbe nu de votre dos
et la pâleur de votre peau
Je ne suis pas de ceux
dont le pinceau caresse
Je voudrais vous peindre au couteau
traquer vos failles vos faiblesses
cette intime fêlure que d’autres
habillent de tendresse
.
Je vous veux immobile
immortelle prêtresse
et coudée comme l’arc
pour débusquer l’instant
où la corde se tend
stopper la course de la flèche

dans son élan
Jules Supervielle – Anges de marbre et de peinture
Anges de marbre et de peinture
Au vol roman ou renaissant,
Vierge au sourire diligent
Qui cherche l’âme sous la bure.
Jean- Claude Pinson – le nom des bateaux
Je vais au port pour le drôle de plaisir
de lire les noms des bateaux
ils font comme un poème grandeur nature :
korrigan annaïg scrabic eldorado
canaille ajax cathy jabadao gavroche
liphidy malamok piano-piano
vers l’aventure…
poème écrit en couleurs très criardes
en croyant fermement à la magie du verbe
peut-être la même foi qu’avaient ceux
qui gravaient des signes énigmatiques
sur le granit des tumulus
poème tous les ans refait
d’une couche de peinture marine
il faut bien ça pour résister au temps
qu’on ne voit pas bien sûr
mais sans cesse il racle en sourdine
creusant comme la drague qui geint dans le bassin
poème guttural bercé le long des quais
à la fois d’avant-garde et naïf
à lire sans risquer le haut-le-cœur
ce n’est pas un poème où l’on pleure
sur son sort ou celui des travailleurs de la mer
poème endurci au contraire
par le sel des tempêtes…
Chevalet triste – ( RC )
peinture: Alice Rotival – Chinghetti 2012
C’est cet endroit
suspendu dans le temps
qui semble se refermer dans le sommeil ,
où la poussière se dépose
lentement
et finit par tout recouvrir .
L’atelier est désert
depuis la mort du peintre.
Il y a encore des tubes
aux couleurs incertaines .
Ils voisinent une palette éteinte,
quelques pinceaux raides,
et une ébauche qui attend depuis longtemps
sur ce chevalet triste .
Les odeurs de térébenthine
ne sont qu’un lointain soupir .
Vernis fossilisés,
essences évaporées,
tout est déserté ,
sauf les toiles d’araignées
ayant occulté complètement
les fenêtres de l’atelier .
Le deuil se pare d’un voile épais,
juste propice à l’attente .
Le silence même
est à l’image de ces insectes ,
desséché, vide de sa substance
prisonnier de l’immobilité .
Le sommeil de la peinture
aux gestes arrêtés, voué à l’éternité .
–
RC- juin 2019
voir aussi une parmi les nombreuses aquarelles de David Chauvin
Morris Louis – couleur – (Susanne Derève)
Est-ce un fantasme
de couleur
ou d’écriture
un spectre
une soie sauvage
une éclaboussure
un geyser
le vagissement
d’un ciel d’orage
derrière un
rideau de tulle
un feu de joie
dans la vallée
un crêpe voilant le crépuscule
un drap qu’on n’a pas défait
la tige d’une fleur incertaine
corolles rouges d’un sang caillé
calice carnivore
aux pétales froissés
arc en ciel éthéré
(et le ciel près des Météores un jour d’été)
Suis-je tombée des nues
(aveuglée)
(Peinture : MORRIS Louis)
Yves Bonnefoy (La chambre, le jardin I)
Chuta Kimura, Midi Provence, 1975
Cette chambre, fermée
Depuis avant le temps. Les meubles, le sommeil
Se parlent à voix basse. La lumière
Tend sa main à travers les vitres. D’un bleu éteint
Le vase qui s’éveille sur la table.
Peintre, tu es le seul, ayant souvenir,
A pouvoir aujourd’hui entrer ici.
Tu sais qui a lissé, dans l’éternel,
Le désordre des draps, les recouvrant
D’étoffes dont se fanent les images.
Entre,
Te souffle le silence que tu es,
Entre avec ce rouge vineux, cet ocre jaune,
Ce bleu d’autres années,
Fais qu’ils prennent la main de la lumière,
Qu’ils la guident ! Ils lui montrent les quelques fleurs
Dans l’or des feuilles sèches.
A son doigt, comme sa mémoire, cet anneau.
Tu vas rester ici, jusqu’à ce soir. C’est plus,
Peindre, que rendre vie, c’est donner être,
Même si impalpable, presque invisible
Cette main qui dans l’ombre prend la tienne.
Ensemble encore (Poèmes pour Truphémus)
MERCVRE DE FRANCE
Vous ne vous imaginiez pas modèle – ( RC )
peinture : D Velasquez
Bien sûr, c’est un mystère
qui se construit petit à petit,
sous mes yeux ébahis.
Je vois la peinture se faire
L’ange poser ses ailes :
Vous êtes ainsi alanguie
Sommeillant sur le lit
Vous êtes celle
qui lentement se révèle
à la caresse des pinceaux :
suivent la courbe de votre dos
(vous ne vous imaginiez pas modèle )…
Du voyage au long cours,
le vent dans les voiles,
vous apparaissez sur la toile,
peinte avec amour.
Négligemment déposés,
vos habits en tas,
à côté de votre bras …
Dans une lumière bien dosée
vous apparaissez, rêveuse,
les mains sur vos hanches,
votre poitrine est blanche,
et comme lumineuse….
Vous êtes la lumière du soir .
Surgie dans le décor
( et l’or de votre corps
se reflète aussi dans un miroir ).
On ne vous imagine pas blonde ,
car la seule ombre au tableau
porte le flambeau
de l’origine du monde .
Il n’y a pas besoin d’être Courbet,
pour que le monde vous contemple :
la première entrée du temple
est sur la toile, posée sur le chevalet.
–
RC
– juill 2017
Le tout orchestré, dans quelques centimètres carrés – ( RC )
peinture : détail de peinture 1992 RC
–
Un peu de peinture frottée,
quelques touches posées,
et que sourde la lumière
inventée par la mer,
et les ors se répandent
jusque dans les lavandes :
tu as rêvé d’un soleil
traversant le sommeil
de la toile :
le chuchotement des étoiles
émergeant peu à peu
de tout ce bleu :
la grande épure
des blés mûrs :
Le grand accord
donné à leurs ors .
La mer jaune des mimosas
et des champs de colza ,
la chanson secrète
– les couleurs de la palette –
qui, sous l’été, crépitent
– un espace sans limite –
( le tout orchestré
dans quelques centimètres carrés )
–
RC – mai 2017
Imaginons les Ménines – ( RC )
Peinture: D Velasquez – las Meninas – partie gauche
C’est une salle assez obscure,
qui sert d’atelier ;
en tout cas, on n’identifie pas
la source de lumière,
ni ce que le peintre esquisse,
puisqu’il est de face.
De la toile, juste le chassis,
de dos, posée sur un lourd chevalet.
Autour de lui, gravitent ses modèles,
assemblés comme pour la parade .
L’infante Marie- Thérèse ,
en robe bouffante .
Elle est entourée de ses serviteurs
aussi en habits d’époque
dans un ballet immobile.
Le chien allongé ne semble pas concerné.
Ils nous font face,
étonnés de notre regard,
entrant comme par effraction,
alors qu’au même moment,
une échappée se dessine,
un personnage ouvre une porte,
et franchit quelques marches,
au fond de la salle…,
Parallèlement à cette ouverture,
si on observe bien,
un léger reflet,
renvoie , avec le miroir,
l’image du couple royal,
comme si la vision que l’on a
de cette scène était celle,
captée par leurs yeux.
L’artiste poursuit son travail .
Il est masqué en partie
par la peinture,
et rajoute un détail.
C’est peut-être nous,
qu’il inclut dans la scène,
traversant les siècles
pour y entrer de plein pied !
De celle-ci, on ne saura jamais rien,
car il faudrait un autre miroir,
pour jouer la mise en abîme…
….. et Vélasquez ne l’a pas encore peint…
–
RC – mai 2017
Un commentaire de Rubens – ( RC )
peinture : Rubens: le jugement dernier
–
Il se passe beaucoup de choses, dans le cadre doré
Un entremêlement de gens, grandeur nature
Sont le prétexte de la peinture
accrochée, un peu au-dessus du parquet ciré.
C’est une oeuvre de Rubens,
peuplée d’êtres qui s’entassent,
des dames toujours assez grasses,
que lui commande un prince…
Ces personnages forment une pyramide
dans une mêlée quelque peu confuse
on distingue même, si je ne m’abuse
au plus haut niveau, ceux qui décident.
On a fixé l’instant le plus tragique :
celui où on fait grand tri
( ne pas surpeupler le paradis ,
vous diront les nostalgiques ).
Ceux-ci n’en sont pas revenus, mais ont évité le pire
a ce qu’il paraît ; on nous rapporte beaucoup d’histoires
que l’on voudrait nous faire croire ;
on peut prendre le parti d’en rire.
Devant le tableau, quelques visiteurs
se sont arrêtés pour parfaire leur culture :
C’est toujours de bon augure
d’écouter le commentateur .
Va-t-il décrire l’étape suivante
Et sans aucun doute,
comme pour les matches de foot,
nous faire une analyse savante ?
Nous livrer des statistiques,
révéler des choses intraduisibles
contenues dans la Bible
d’un point de vue artistique ?
Bien qu’il se soit écoulé pas mal d’années
depuis qu’elle a été peinte
on pense toujours entendre les plaintes
des âmes damnées .
C’est une oeuvre baroque :
On n’y entre pas de plain pied
sans y être convié
( et surtout sans habits d’époque ) .
Nos amateurs d’art voudraient peut-être
participer à la mêlée,
voir de plus près les êtres ailés
et assister à la fête…
Ils peuvent toujours tenter l’escalade
Se faire greffer des ailes,
utiliser une échelle
Ils seront empêchés par le cadre …
Le tableau a beau être immense,
il a aussi des dimensions limitées
On ne vient pas à l’intérieur sans y être invité
et pour entrer dans la danse…
La réalité est ingrate :
elle nous ramène toujours à son illusion ;
on ne peut sauter dans cette dimension,
…. la peinture restant obstinément plate.
–
RC – sept 2016
Jean Creuze – écorces (1 )
Écorces
Lier les mots qui se fabriquent dans la forge de notre
tête.
En faire vivre certains
commettre le meurtre d’autres.
Chauffer, taper, tordre au rouge le fer.
Chuchoter enfin ce qui nous habite
pour l’ultime tentative de la parole.
Des paroles données.
Silencieusement pointe la respiration.
Pulsation qui donne la vie.
Le soufflet active le feu
le mot juste jaillit
transforme nos corps et nos âmes
comme le travail acharné du forgeron
sur l’enclume transforme le métal.
Allongé sur le sol
sous le ciel bleu azur
beauté de l’oiseau dans les airs,
herbes folles dans le vent,
souveraineté des arbres.
Danse de l’univers présent
dans les vibrations lentes du jour qui passe.
Vols d’insectes éphémères,
parfums de fleurs,
odeurs d’humus,
chants de grillons,
craquements d’écorces.
Des forces de l’intérieur s’énervent.
Chasser les ombres du visage
pour s’enluminer-
Nouvelle peau.
La vague passe, se calme, s’anéantit.
Temps suspendu,
le corps flotte.
Soleil rouge,
sensation d’inachèvement
et caresse des ombres :
sa majesté la nuit approche.
Cortège d’étoiles,
respiration douce,
j’affronte l’inconnu,
clignements de cils,
goutte d’éther.
La figue éclate a force de mûrissement au soleil de l’été.
La terre grasse s »enfonce
sous les pas .l’automne est là, avec son humeur faite de rosée
de rafales de vent, de pluie froide.
Des hommes harassés, avinés, burinés, dépités, rendus sont là au coin de la rue,
attendent, rejetés du monde, comme de vieilles eaux usées auxquelles on aurait retiré toutes forces.
Dans ma tête un grand silence.
Tombés par terre, abandonnés,
résignés, abattus, esclaves.
Quels bourreaux? Comment faire?
L’alcool comme seul compagnon.
Idées vagues, brouillées,
délire, obsession, mensonges,
mal de tête,
perte de mémoire.
Oublier son histoire,
nier sa vie,
sacrifier son être.
Que faire avant l’hiver,
avant que le froid ne vous emporte?
Compagnon misère.
Le ciel est clair aujourd’hui, un vent frais se lève et fait
Frissonner les feuilles dans les arbres.
Quelques pensées me tapent le front, et s’évanouissent aussitôt.
Pour laisser le vide.
Le trou noir.
Ce noir si plein que l’on n’attend jamais.
Et pourtant, c’est le rien que l’on redoutait tant.
Il est là, accompagné de son malaise.
On ferme les yeux pour regarder à l’intérieur.
Dans un ultime effort encore.
Le noir toujours.
ça se dissipe.
Le rouge apparaît,
puis le jaune lumière
des éclats de blanc dans le rouge,
du bleu chartreuse,
du vert émeraude. qui coule de mes yeux ?
Serait-ce de la peinture
Les feuilles se remettent à tinter dans le vent et cette
musique douce emporte mes pensées.
Rafales d’ailes, mains négatives – ( RC )
–
Rafales d’ailes, froissant les airs.
Aquarelle délavée où serpente une fumée…
Un instant fugitif, promis à l’oubli.
Une peinture dans l’obscur,
L’intimité close, de la grotte,
Des chevaux superposés, galopent .
Les millénaires s’entassent .
La mouvance des airs,
passe en surfaces.
Une peinture dans l’obscur,
Et le geste de l’homme, déposé ,
Celui marquant la présence.
Message des mains négatives,
Empreintes,
Charbons de bois.
–
RC – mai 2015
Jean-Gilles Badaire – L’atelier
–
L’Atelier
Bien d’autres y verraient la forge du vent, le ventre du chaudron, l’irréconciliable,
mais non plutôt l’odeur des roues dans la neige et les efforts calleux.
Je vis dans ce marécage aux accents roux et mauves d’un au-delà de magicien.
La peinture est collée contre les vitres, le ciel est d’araignée,
les pots attendent qu’un maelstrom interne les habite.
Et la pensée ravaude le moindre effet du réel.
J’absorbe jusqu’à l’étouffement les torpeurs des goudrons et des graisses
et les restitue ainsi mouillées sur la toile d’or et de lin.
La mort dort certainement ici.
Les ongles noircis.
J-G. BADAIRE