Vies minuscules ( RC )

Deux êtres se frôlent,
du regard , se caressent
- sans doute se reconnaissent- ,
il ont, comme de coutume
endossé le même costume
oh comme c’est drôle
l
les voilà qui tiennent conciliabule
au bord d’une pelle !
avec leur habit mordoré
leurs pattes grêles :
ce sont deux scarabées
qui continuent à petits pas, leur vie minuscule .
Susanne Dereve – Offrande
nécropole rupestre – Abbaye de St Roman – Gard
De charogne ou de cendre le jour où Elle viendra
choisissez un bon bois de chêne, lisse au toucher, robuste et clair,
gardez-moi des vaines offrandes,
ces urnes que les us épandent en sombres paraboles abandonnées au vent,
aux rumeurs infécondes et sourdes du levant
et qu’un bras malhabile se devrait de répandre au-delà du silence
comme on boit le calice âcre de la souffrance
De charogne ou de cendre le jour où Elle viendra
choisissez un carré de terre,
de ce terreau qu’égrainera la pelle d’un ton clair
il faut du temps il faut des fleurs pour oublier
il faut ce marbre uni où poser des œillets
l’herme aux lueurs du soir est plus doux au malheur que ces brumes d’errance le vent a-t-il jamais séché les larmes de douleur
De cendre ou de poussière lorsque le temps viendra
choisissez un bon bois de chêne lisse au toucher, robuste et clair
et dans ce vieux pays de Rance enterrez-moi près de mon père.
–
suivi de ma « réponse »
Quel que soit le carré de terre,
que des pelles viendront blesser
la pierre ou le marbre,
l’ombre des cyprès,
les noeuds de leurs racines,
auprès de toi,
Quel que soit le vent,
qui répandra les cendres,
comme autant de paroles vaines,
et aussi les fleurs
qui meurent, de même,
dans leur vase,
Il y aura un temps pour oublier,
lorsque les mousses
auront reconquis la pierre gravée,
les pluies effacé les lettres :
– même la douleur
ne peut prétendre à l’éternité .
Que l’on enterre une princesse
avec ses bijoux,
et toutes ses parures,
ne la fait pas voyager plus vite
sur le bateau
de l’au-delà…
Ce qu’il en reste
après quelques siècles :
> quelques offrandes,
et des os blanchis
ne nous rendent pas sa parole
et le ton de sa voix.
A se dissoudre complètement
dans l’infini,
c’est encore modestie :
– On pourra dire « elle a été » -,
mais le temps du souvenir,
se porte seulement dans le coeur des vivants .
–
RC
:
Thomas Vinau – Manoeuvre
( dédié à Thierry Metz )
La lumière va à la pelle
manoeuvre de nos yeux
de nos creux de nos bosses
la lumière tient la pelle
je creuse
Témoins discrets et obstinés ( RC )

objets abandonnés: photo images d’Yci
Restés en patience dans les greniers,
Soustraits au jour, et aux regards
Et tissés de toiles d’araignées
Et qu’on retrouve un jour, par hasard.
Les objets désuets stockés dans un coin
Gardent quelque part un message,
De leur voix venue de loin,
Leurs formes étranges, dont on ne sait plus l’usage.
Manches en bois et parties en fer,
Et l’éclat rouge des cuivres
Ce dont nous parlent les livres,
L’encyclopédie de Diderot et d’Alembert.
Les cabinets de curiosité
Les outils anciens du musée
Dont nous portons l’hérédité
A l’époque des fusées.
Le passé n’est pas éliminé
En traversant l’histoire
Les témoins discrets, se sont obstinés
En nous le donnant à voir
Et portent tout leur sens
Attendant que la mémoire nous revienne
Lorsque nous sommes en présence
Des époques anciennes…
–
Tout ce qu’on trouve enfoui
Au fond de nos tiroirs,
Petit à petit recouvert, du voile de l’oubli,
reste cependant en mémoire.
En dehors de la nôtre, pour agir ainsi
Elle voyage au-delà de l’absence,
Ou plutôt reste déposée, dans le lit de l’ici,
Lorsque la vie accumule, ses sédiments denses
Si lentement, qu’on n’a pas l’esprit d’y penser,
Cachant peu à peu , ce qui fait sa magie
En strates compactes et compressées,
Révélées par les sondages d’archéologie .
Je retrouve les traces,
De ce qui est resté tel quel
Et qui patientent, tenaces
Attendant l’action de la pelle…
Sous le manteau de la terre
On a caché ce qui fâche
Tout ce qui fallait taire
Que soigneusement, on cache
Sous le côté lisse
Et les parterres de fleurs
L’enquête têtue, peut trouver indices
Des drames et mal-heurts.
Sous les tombes muettes ,
Traces révélées de l’ADN
Ou bien , dans les éprouvettes
A remonter le temps qui s’égrène.
–
RC – 17 février 2013
Manteau de terre ( RC )
photo: Edward Weston 1939
J’ai retourné la terre
Et extirpé le chiendent
Qui pousse comme il résiste
Aux paroles les plus aimables ;
J’ai trouvé dans le sol, le canon d’un fusil rouillé,
Il était caché là, comme un vieux témoin,
Taiseux de son histoire
Et de celle des hommes
J’ai senti le poids
De la terre tendre mes bras,
Comme elle peut recouvrir
Les plus lourds secrets
Et préserver dans son ventre,
Un centre qui ne dit rien
Jusqu’à ce que le jour,
Pose son regard inquisiteur
Si un jour arrive
Où de lointains descendants
Joueront de la pelle,
Pour savoir ce qu’il fut
De l’histoire des hommes
Sur laquelle l’ombre s’est posée,
En grand manteau de terre.
–
RC – 24 août 2012
—
texte auquel je joindrai cet extrait de « Mensonges en couleur » de Emanuel Carnevali ( auteur italien du début du XXè siècle):
Sommeil
Au fond des abysses du sommeil se balance un berceau noir. Légèrement le chagrin le pousse de ses doigts évanescents. Sous le berceau gît la terre, qui t’étouffe et te recouvre.
–
–