Une sculpture fragile ,une chemise de nuit, et un nuage de dentelles – ( RC )
peinture: Anselm Kiefer
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Sur le socle, une sculpture fragile ,
une chemise de nuit, et un nuage de dentelles.
Elle protège ton corps, hautement inflammable .
Ceci a à voir avec la magie :
tu repousses la pénombre,
celle des fumées, qui ont fini – autodafés –
par fermer le monde d’un couvercle.
Le bitume se fendille, la terre ouvre des crevasses.
Elle a soif.
Les gens ont des robes de béton,
et des voiles noirs
qui pèsent autant que s’effacent les couleurs.
Ils essaient de sauver quelques objets,
ce qu’ils ont pu emporter
sur une charette.
Ils m’ont pris pour l’un des leurs,
car j’avais sous le bras
ton portrait inventé,
dans une chemise de nuit,
et un nuage de dentelles.
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RC – mai 2017
Musique en aube – (RC )
Quelques marques sur le sol,
C’est en pénombre, où le temps suspendu,
Joue les accessoiristes, et
Attend pour rentrer en scène.
Les fauteuils se remplissent,
Les murmures circulent, encore
Avant que les lumières
Ne reviennent,
Et que surgisse des coulisses,
Le trompettiste.
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RC – avril 2014
François Cheng – À l’écoute de l’ocre de Sienne

peinture: Antoni Tapiès
Ivre de clarté terrestre,
L’ange du visible est passé.
L’étranger, lui, venu des sources
Et des nuages, a nostalgie
Du vallon irrévélé ;
Assis au creux de la pénombre,
À l’écoute de l’ocre de Sienne.
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Retrouver le chemin ( RC )
Même s’il fait jour, quelque part, c’est une fête nocturne
Un frôlement de gestes, des bonds discrets, et des yeux habitués à l’obscurité.
On a laissé au loin , le bruit et la fureur, le crépitement du soleil sur les chaumes
Pour la cathédrale de pénombre,
Où se glissent de temps à autre les bourdonnements têtus d’avions, bien au-delà.
Il faut s’habituer au rideau des bois, à la chevelure mouvante, qui ondule au moindre vent, et
… retrouver ses repères.
Quand tout se ressemble un peu, qu’il faut contourner les corps couchés d’ancêtres écroulés,
Ecarter des rideaux de fougères, s’extraire des pièges de ronces, la progression est lente.
Personne n’a jalonné le terrain, n’a semé de temps en temps des cailloux blancs, qui guideraient les pas.
Celui-ci et le suivant. La distance ( dont on ne peut dire qu’elle s’étire ), ne connaît pas la ligne droite.
Le pied prend appui sur ce qui n’est pas, le terrain s’accidente et se heurte de temps à autre à des rochers instables,
suivis de pentes glissantes.
En attendant me voila progresser dans la fange, les mousses cédant du terrain vers l’humide.,sous les caquetages faciles
des oiseaux exotiques, dont on ne distingue qu’un passage furtif,
La voûte de la forêt est une explosion que l’on suppose verte,
Une cloche végétale, fourmillant d’insectes, où chacun travaille à sa survie.
Je dois agiter les bras en tous sens, pour tenter d’échapper aux moustiques, intéressés par ma présence insolite.
…en d’autres lieux j’aurais pu croiser les corps écailleux de reptiles en attente…
Mais , – je vois une éclaircie soudaine, un sillon clair partage la futaie….
j’ai retrouvé le chemin.
RC – 7 octobre 2012
Ceiba_pentandra le kapokier fromager
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Que je complète avec l’article de Lambert Savigneux: visible dans « les vents de l’inspire «
ploie le temps ce qu’il en reste (remnants)
si l’ ours et l’humus des hêtraies
grise face de pierre polie et vingt sentiers font une taïga d’hiver
vers une douce pas trop rude quand pas de plume
cree grogne ni rend shoshone
dans la huitième nuit blême bleue de loutre et mer
pluie que trois pour une soupe
j’outre
ni crire ni rire même des crocs moins que d’accrocs un clos de cache à l’eau des brins d’ilots
mais ronger une branche sèche si bois sec l’eau crisse fendue une coulée loir pousse de sève perce dans le sens oblique
longue robe libidinale
orignal ou nihil à ni male ni feu mêle ne leurre
et secoue s’en pour sang au coude à coude comme si pioche mais nickel dans les rockeuse bluese
une tête d’ourse s’entête à lever le paw à
l’émergence du soleil
car hiboux n’est pas putois ni castor une peau de daim affamée court pâmée
le poing levé au sol hérisse de poils pour luire
je dis tranquillement s’ébrouer à la voix tachetée
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Jean Daive – ce que voient les yeux tout autour de l’ampoule

photo: portrait de Francis Bacon
L’ampoule
………..au-dessous du plafond
si je suis l’enfant qui la regarde
plutôt qu’au-dessus de la table
comment
………….ne pas obliger la mémoire
à la remplacer par un horizon
plus inaugural ?
.
L’ampoule allumée
éclaire aussi faiblement qu’un pain
posé dans la pièce.
Le réel des yeux est là
dans une pénombre qui se dissout
pleine de gaz et pleine de perles
éblouies d’éclats très chauds.
les choses apparaissent
négligemment
comme de la respiration assistée.
Une chaise près de la table, une femme
avec un homme
et un homme très seul, une enfant
dans le lit
.
Parce que les lèvres bleuies, glacées sont une contagion
ce que voient les yeux
tout autour de l’ampoule
presque
contre le ciel éclairé
l’air inégalement occupe des volumes de peur
entre les meubles
les ombres et les étoiles
comment soudain
la même ampoule les remplit-elle de camphre
remplit-elle
………….une seringue
de son horizon
plus inaugural ?
.
Une survie est comptée
pulse
le dernier monde terrestre
dans les veines
jusqu’au cœur
.
Jean Daive, « Les Pavés inégaux », Onde Générale, Flammarion, 2011
Vesna Parun -La pluie
La pluie
Je n’entends plus la pluie.
La fenêtre nénuphar vert
dans la pénombre respire.
Les voix des garçons partent ver le quai
où blancs et noirs accostent les bateaux.
Dans les miroirs bas repose la couleur du ciel
paisible et sombre.
Les promeneurs solitaires cherchent encore l’été dans les vignobles.
Le chasseur attend dans le crépuscule.
L’imagination est dorée comme la plaine au loin.
J’ouvre la porte aux pins et à la lune.
Adossée à la fenêtre, je pressens la réponse lointaine.
Vesna Parun, La pluie maudite et autres poèmes,