Carl Norac – Chansons pour Robert Walser 2

J’écris sur des bandes de papier dit-il
je n’enfile pas les perles toute parole digitale
le passé rôde où on l’enterre il y a
des visages à compter des cibles à contenter
je viens gâcher mes yeux en signes minuscules qui me lira tombera
sur la paroi d’un grain de sable
( Walser ainsi va au clocher
au merle à l’arbre à la rivière
il a perdu cent noms cachés
sait comment peser sur la terre
les ailes sont pour les passants
et lui ne passant plus vraiment il écrit à défaut de vivre )
les perles de lumières que ta main aura semées – ( RC )

Je ne sais plus où se sont égarées,
les perles de lumières
que ta main aura semées.
Personne ne parlera du gazon bleu
des lucioles,
et du frottement des élytres
d’insectes invisibles
dans le bruissement de la nuit.
Je les reverrai soudain
dans l’heure de gloire du matin,
flottant sur la rivière
entre les arbres immobiles :
miettes scintillantes du cœur
parcourant encore
l’espace ouvert qui nous réunit
dans le partage de nos songes….
Herta Müller – tous les chats sautent à leur façon

J’ai toujours cherché, en tout, la juste mesure. Je me disais que si je mangeais mon poids de trèfle, le trèfle allait m’aimer – sans savoir si c’était une bonne chose ou non.
Ou encore, je me voyais manger tout un carré de plantain lancéolé, de la taille d’un lit, histoire d’y faire un petit somme quand les vaches se coucheraient paresseusement sur l’herbe. Je pensais aussi que tous nos souffles étaient comptés, enfilés comme des perles de verre pour former un collier. Quand ce collier de souffles allait de la bouche jusqu’au cimetière, on mourait.
La respiration était invisible, personne ne connaissait la longueur de son collier de souffles.
extrait de » tous les chats sautent à leur façon »
Bruno Ruiz – pour la pensée qui cherche votre étoile

Je n’ai de grâce que pour la pensée qui cherche votre étoile
Et mon métier n’énonce que le rêve perdu de vos raisons
Qu’ils soient reconnus ceux qui se perdent en eux–mêmes
Qu’on les inonde de lumière à la ferveur de leur corps
Pour qu’ils chantent le temps d’une vie enfouie
Ce temps joignant le geste à la parole
Ils sont mes chers passants du silence restés dans le noir pour le partage des perles
Demain je serai avec vous sur l’horizon
J’aurai laissé le temps clair se poser sur l’absence du monde
Ce temps d’éternité dans l’esprit et son apparence
L’arbitre aura disparu et personne ne cherchera sa présence
Ibn Zaydùn – fidélité

photo Roland Michaud 1967 – l’homme à la rose- Afghanistan
Je t’ai évoqué à Az-Zahrâ avec ardeur,
Le ciel était bleu, et la terre
Toute de splendeur vêtue.
Au crépuscule le zéphyr était doux,
Et s’accordait à l’âme,
Comme si, par compassion,
Il s’apitoyait sur mon sort.
Le verger de rosée souriait
Comme s’il portait des perles
Un jour comme tant d’autres de nos jours de plaisirs écoulés,
Nous veillâmes comme des voleurs,
Quand le temps s’assoupit,
Nous jouissions de ce qui séduit l’œil dans les fleurs,
La rosée les inondait jusqu’à les faire frémir sur leurs tiges.
Si ses yeux savaient mon insomnie,
Ils pleureraient sur ce qui m’affecte,
Et les larmes auraient brillé et se seraient écoulées.
Fleurs qui étincelèrent au temps de l’éclosion,
Accordant au matin la radieuse clarté des yeux.
Dans la nuit s’exhalent les senteurs du nénuphar assoupi
Qui dessillent, de l’aube, les paupières.
Tout dans la nature éveille
Le souvenir de notre passion
Au point que le cœur en est oppressé.
Que Dieu fasse que votre souvenir ne s’absente
Ni ne s’envole sur les ailes palpitantes des passions.
Si la brise de l’aube voulait porter mon fardeau,
Quand elle répand son souffle
Elle aurait conduit à vous un jeune homme
Que les coups du malheur ont fait dépérir.
Si un jour exauçait le désir de nos retrouvailles,
Il serait de tous le plus généreux.
Ô femme précieuse, sublime,
Toute pétrie de lumière,
L’aimée de mon âme tu serais
Si je te cueillais comme les amants la rose.
La tendresse était l’aire d’intimité
Que, librement, nous avons longtemps parcourue.
Aujourd’hui je chante, de votre règne, le passé révolu.
Dans l’oubli vous avez enfoui mon souvenir,
Mais l’amour de vous ne m’a pas déserté.
extrait du recueil paru chez » Orphée » ed la Différence.
c’est un auteur qui a vécu au 10 è siècle
Christian Hubin – L’auréole veuve
De l’horizon arrive la division en perles, l’intelligence inhumée.
L’auréole veuve, le glas dans la base opaque du soleil.
A ceux que son rivage éveille, l’eau de la nuit rappelle que rien n’est achevé.
Au bord de la mer, elle-même face à elle, à sa fin réfléchie.
Qu’est-ce qui revient avec les vagues ?
Qu’avons-nous fait pour à ce point avoir oublié, n’être plus ?
Bulles blanches qui s’envolent de la roche tabulaire.
L’éponge de l’air, les stries dans la lumière totalisante.
M2L – L’absence
photographe non identifié
Absence
Jardin fermé
Sur la terre inclinée
une amie suit
le mouvement de l’air.
Seul l’oiseau chante
le retour du jasmin
à l’horizon
du Soleil sur la terre.
Absence
senteur d’Orient
Au matin qui s’enfuit
les fleurs fanées
épousent le chagrin
d’un jardin oublié.
Le ciel ruisselle
mais les perles de pluie
ne valent pas
la douceur d’une main.
Jean Daive – La consolation, lorsqu’elle agrafe son collier
.
.
«
.
La consolation
.
Lorsqu’elle agrafe
son collier
le dimanche
de toutes les perles
qu’elle a portées
vient
la consolation.
.
(Jean Daive)
–
Paul Valery – tais-toi
–
Voilà un excellent titre..
un excellent Tout..
Mieux qu’une « oeuvre »..
Et pourtant – une oeuvre- « car »
si tu énumères – chacun des cas
où la forme ou le mouvement
d’une parole, comme une onde,
se soulèvent, se dessinent –
–
A partir d’une sensation,
d’une surprise, d’un souvenir,
d’une présence ou d’une lacune, ..
d’un bien, d’un mal – d’un rien et de Tout,
Et que tu observes, et que tu cherches,
que tu ressentes; que tu mesures
l’obstacle à mettre à cette puissance,
le poids du poids à mettre sur ta langue
et l’effort du frein de ta volonté,
Tu connaitras sagesse et puissance
et Te Taire sera plus beau
que l’armée de souris et que les ruisseaux de perles
dont prodigue est la bouche des hommes
–
Paul Valéry (1871-1945) – Mélange (1939)
–
Mobile ( RC )
–
Il y a des perles rouges
Que l’on suit à distance
Et des étoiles de lumière
Filant de l’autre côté
Avec leur traînée blanche
Qui balaie un instant la route
En courbes pointillées,
Du contour des collines.
La nuit est tombée doucement,
Enveloppant le parcours,
L’habitacle, une bulle bercée
Du ronronnement du moteur…
Les kilomètres s’alignent,
Les villages lentement bougent
De l’autre côté de la vallée,
Et défilent en nombre.
Les maisons alignées,
Les tours illuminées,
Les avenues orange, et
Les néons des enseignes,
Bataillent contre le sombre,
Et disparaissent soudain
Au détour de la route,
Ou derrière un rocher,
Avalés par la distance
Et le sillon goudronné
Qui, lentement se déroule
En suivant le fil du temps,
Frêle ruban de la nuit
Se déplaçant, parallèle,
Aux efforts mesurés
De mon automobile.
–
RC – 9 novembre 2012
–
Ps : « au fil du temps », est un film ancien de Wim Wenders

photo; grandereveuse
Journée immobile ( RC )
–
La muse est malade
Conduit un astre ,pâle
Couleur de fiel
En coulures de miel
Une vague d’argent déferle
En un éclair, pareil
Confisque un soleil
D’or et de perles
La lune reste fade,
Une journée lointaine, râle
Laissée en rade
Aux couleurs sales
Les navires sont immobiles,
Se découpent en nombre
De coques sombres
Tout près de l’île.
Ma terre est encore si lointaine
Quand je revois son éclat
Malgré le soleil là;
Si las – et la route qui y mène.
–
RC – 30 septembre 2012
–
Czeslaw Milosz – Rien de plus

Jangarh Singh Shyam - Un paon
Rien de plus
…………
Si j’avais pu décrire comment les courtisanes vénitiennes
Avec un roseau taquinent un paon dans la cour
Et du brocart mordoré, des perles de leur ceinture,
Délivrent leurs seins lourds, si j’avais pu dépeindre
La trace rouge de la fermeture de la robe sur leur ventre
Tels que les voyait le timonier de la galère
Débarqué au matin avec son chargement d’or,
Et si, en même temps, j’avais pu trouver pour leurs os,
Au cimetière dont la mer huileuse lèche les portes,
Un mot les préservant mieux que l’unique peigne
Qui, dans la cendre sous une dalle, attend la lumière,
Alors je n’aurais jamais douté. De la matière friable
Que peut-on retenir ? Rien, si ce n’est la beauté.
Aussi doivent nous suffire les fleurs des cerisiers
Et les chrysanthèmes et la pleine lune.
Czeslaw Milosz
Voir aussi par rapport au texte de Milosz la belle création de Manouchka ( à la hauteur des mots)… voir ici
Quant à moi, sur la peinture de van Gogh j’ajoute ceci:
–
En chemin vers l’été
La voûte d’Azur de Vincent
Offre ses dons fleuris d’amandiers
RC 4- avril 2012

peinture: V Van Gogh, branches d'amandiers en fleurs
–
Else Lasker Schüler – Au prince Tristan (1912)
AU PRINCE TRISTAN
Sur ton âme bleue Les astres se posent pour la nuit.
Il convient de te parier tout bas, Oh toi, mon temple, Mes prières te font peur;
Par ma danse sacrée, Mes perles se ravivent.
Ce n’est ni le jour ni l’astre,
Le monde,je ne le connais plus,
Hormis toi – tout est ciel.
—
AN DEN PRINZEN TRISTAN
Au/deiner blauen Seele Setzen sich die Sterne zur Nacht.
Man muss leise mit dir sein,
0, du mein Tempel,
Meine Gebete erschrecken dich;
Meine Perlen werden wach Von meinem heiligen Tanz.
Es ist nicht Tag und nicht Stern, Ich kenne die Welt nicht mehr, Nur dich – alles ist Himmel.
1912