Tristan Klingsor – La flûte ,cette jolie bergère à paniers
La flûte est cette jolie bergère à paniers,
qui s’avance par un pas de menuet
et lance de sa petite voix fine un:
air impertinent
Aussitôt le cor, en soupirant langoureux et docile,
reprend la phrase charmante
et la répète
ainsi qu’un perroquet apprivoisé.
Mais le basson, ce vieillard comique
à perruque poudrée, toussote,
et à son tour commence un compliment
embrouillé en faisant des révérences
de droite et de gauche.
Alors se met de la partie,
comme un docteur bavard
habitué surtout à jouer de la seringue
dans des derrières rosés et joufflus,
le trombone aux éclats grossiers et bruyants.
Et cependant, le fifre, petit arlequin coquet,
prend à ton bras la jolie bergère émue,
et tous deux se content fleurette
sur une rapide suite de tierces,
s’enfuient en laissant là
les trois amoureux bernés
qui se chamaillent furieusement,
jusqu’à ce que le cymbalier réveillé
leur envoie brusquement ses casseroles à la tête,
pour rétablir enfin le silence troublé.
Tristan Klingsor
Moins que des natures mortes – ( RC )
–
Un jour, – que je m’aventurais
A visiter les salles des musées,
Suivant les galeries des portraits,
Les enfilades de parquets cirés,
Princes et généraux,
Ducs et cardinaux,
Chacun en habits d’époque,
Qui de sa toque,
Qui de son manteau de renard,
Ou de son pourpoint,
Toisant l’assistance d’un regard,
Pour la postérité – avec dédain…
–
Pourtant l’histoire oscille,
Au rythme des années,
…. Ce sont des objets futiles,
Que l’on a conservés.
C’est une triste cohorte,
Figée derrière son vernis
Ce sont moins que des natures mortes,
Leur vie s’est évanouie…
… – Et recroquevillée…
Ils ne représentent plus rien,
Ils ont été oubliés,
( on a perdu le lien )
–
Un peu comme ces papillons,
Du musée d’histoire naturelle,
Faisant partie de la collection,
– couleurs , élégance des ailes –
Epinglés sur leur support ,
Avec dessous un nom latin ,
Ce n’est que celui d’un mort…
En habits de satin .
Les natures mortes, elles,
» Still living » , in english,
D’où la lumière ruisselle,
Associent aux fruits, une fraîche miche.
–
Au bal des coquilles vides,
Les musées fourmillent,
De portraits insipides,
De vieilles familles,
Il fallait orner les demeures,
Attester de l’origine, de la lignée,
La comtesse et sa belle-soeur,
Leurs descendants, tous alignés,
Sous les perruques poudrées …
Le peintre ayant posé une lumière,
Subtilement cendrée …
Maintenant avalée par la poussière.

portraits au château de Bussy-Rabutin
–
Ces familles satisfaites ,
A l’attitude altière,
En habits de fête,
Ruban à la boutonnière
Chapeaux de plume , ou armures…
– Les couches de peinture jaunie,
Enfermées sous cadres et dorures,
Sont maintenant ternies.
Des symboles de pouvoir,
Ces objets désuets,
Ne sauraient nous émouvoir….
– Ils sont maintenant muets .
–
RC – février 2014