Qui a saisi ce sourire doux-amer ? – ( RC )

Les trains du soir
se sont enfuis dans la nuit,
et ton sourire a ces lèvres absentes
de la beauté fanée
d’une photographie
qui a mal vieilli.
Une pellicule dans un album photo
oublié au fond d’une armoire.
Je ne sais plus qui a saisi cet instant,
ce sourire doux-amer
qui rappelle celui de la Joconde,
derrière son épaisse armure de verre
– le mystère d’une perspective
difficile à saisir – ,
une fleur épinglée sur la poitrine
laissant échapper son parfum.
Qui se souvient des fêtes et de la joie,
des portes qui grincent,
des fenêtres ouvertes sur l’azur ,
des verres qui tintent,
de la guerre tendre des regards ?
une guerre qui pâlit
comme s’effacent les voix
de ceux qui t’ont connue.
L’or des cheveux
retrouverait-il son feu,
ton oeil, son incandescence
le vent , son insolence ,
si le sort était levé,
tu reviennes à la vie,
extraite comme par magie
de la photographie ?
Rabih- El Atat – 3 textes courts
« Des restes de lumière
suspendus à ton balcon
– mes rêves »

-« Au bout du gant rapprécié
un fil me relie
à ma mère »-
« Au loin
la vision se rétrécit
les passants se ressemblent »
voir aussi, sur « terres de femmes »
la musique a été transportée ailleurs – ( RC )
peinture: Paul Delvaux
J’entends le silence,
comme un souffle en négatif,
.. et c’est la nuit.
Evidemment la musique est toujours là.
Mais elle a été prélevée, et se trouve ailleurs
en-dehors de la ville,
dans une petite pièce
où deux femmes en miroir lisent un petit livre,
accompagnées dans leur pensée
par la mélodie du chalumeau.
( vous savez, cette toute petit flûte
qui a accompagné
la traversée de l’eau
dans l’histoire du musicien d’Hamelin
entraînant avec lui rongeurs, et enfants ) .
Ici c’est un homme
en grand manteau rouge
comme sorti
d’une peinture allemande.
Une étrange lueur nimbe les lectrices .
Une fausse perspective,
au sol en damiers rigides
curieusement ouverte
permet pourtant aux roses
de s’épanouir, malgré l’obscur .
–
RC – oct 2017
( d’après une peinture de Paul Delvaux )
Une géométrie modifiée – ( RC )
photo: Rodney Smith
Tu peux tirer le rideau sur le théâtre du jour,
> cela coïncide avec la géométrie des lieux :
chaque chose est à sa place,
dans un repère orthogonal.
La plage est silencieuse,
la mer grise, d’un calme sournois.
Effectivement le plancher de la maison
reste parallèle à l’horizon ,
comme si c’était fait exprès:
C’est compter sans le ciel endormi,
qui joue avec le vent,
une partition,
où souvent, les choses basculent
dans leur sommeil.
Bois et charpentes gémissant,
supportent les éléments,
qui parfois
pèsent plus lourd qu’on ne pense :
le drap des nuées secoué en tous sens,
ne modifie pas la perspective,
mais introduit des obliques ,
toutes dans le même direction,
mais sans qu’on puisse désormais
les corriger .
( sur une photo de Rodney Smith )
–
RC – dec 2017
Le matin se déhanche – ( RC )
photographe non – identifié..
–
Comme il fait encore sombre, ce matin,
La rue s’illumine de points.
Les réverbères sur la perspective de l’avenue.
Et puis quelques fenêtres.
Dans l’une d’elles, l’image d’une femme qui se coiffe,
Ses bras sont en l’air,
Elle découpe sa silhouette,
Une danse en S,
Rayée des lames du store,
Le matin se déhanche,
En promesses de jour….
–
RC – nov 2014
Le défilé des images ( RC )
–
En suivant les traces du temps
Comme des empreintes laissées dans la boue,
Il y a, sur ce fil,
Le défilé des images
De celles qui marquent un instant
Et finissent par pâlir,
Cartes postales oubliées au fond des tiroirs,
Restes d’affiches de campagnes électorales,
Catalogues fournis pour produits d’antan,
Et aussi les albums épais,
Des photos de famille.
Je parcours le tout,
Où se transforme,
En épisodes chronologiques,
L’univers, même réduit au dehors,
Bordé de maisons proches,
Qui s’enhardissent de grues,
Et deviennent immeubles.
La famille rassemblée,
Au pied de l’escalier,
S’est agrandie d’un nourrisson,
Maintenant debout sous un chapeau de paille,
Puis, regardant sur la droite,
Le chat gris faisant sa toilette,
Que l’on retrouve seul, enroulé sur lui-même.
Ensuite, c’est une tante de passage,
Dans ses bras, une petite soeur arrivée…
> Tout le monde est gauche,
Dans ses habits du dimanche,
Après le repas,
Peut-être suivant le baptême;
…. Il fait très beau dehors.
Ce sont donc des photos du jardin,
Les enfants jouent au ballon,
. Le tilleul a étiré son ombre,
Au-delà de la grille voisine.
Plus tard, toujours sur l’escalier,
Les habits suivent une autre mode,
….Dix ans se sont écoulés.
Le grand-père n’est plus,
Les allées sont cimentées,
La perspective est close,
D’un nouveau garage,
Occupé d’une voiture,
Brillant de ses chromes,
Elle apparaît sombre,
Peut-être verte…
Un autre album,
Tourne la page d’une génération,
Le format des images a changé,
Issues d’un nouvel appareil.
C’est maintenant la couleur,
Témoignant des années soixante.
L’extravagance des coiffures,
Et des motifs géométriques,
S’étalant sur les murs,
Le règne du plastique,
Et du formica, qui jalonne encore,
Les meubles rustiques en bois.
Quelques pages plus loin,
Les teintes sucrées,
De photos polaroïd,
Donnent dans la fantaisie,
Des portraits déformés,
Pris de trop près,
Et surtout le voyage à Venise.
Gondoles et palais,
Trattorias et reflets…
Les lieux soigneusement mentionnés,
Au stylo à bille ….
> Le beau temps tourne à l’orage,
—– On suppose une dispute,
Car l’album s’arrête là,
En mille-neuf-cent-quatre-vingt,
Sur la photo de l’amie,
Partie sous d’autres horizons,
Rageusement déchirée,
Puis, maladroitement recollée,
Les souvenirs ne sont plus de mise,
Et restent clos dans le tiroir.
Le défilé des images, lui, s ‘immobilise.
–
RC – 10 et 11 août 2013
–
Anna Niarakis – De nuit, peut-être
De nuit peut être
Lutine de la forêt urbaine
l’errance ressemble
quand elle est voyant par périscope.
À la profondeur, rideaux de gaz d’échappement
assombrissent la perspective.
Comme si le poids est partagé inégalement
sur les escaliers roulants et sur les caves.
Taches dépareillées reconstituent
Hologrammes la, où tu respirais.
Lignes que lévitent non-dessinées
et une pluie faible, incapable
pour lisser les frictions, stagne à côté de
ta pensée…
–
Bluma Finkelstein – Sous les voûtes d’une cathédrale
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Sous les voûtes d’une cathédrale, une étoile filante se laisse prendre aux fils d’une araignée :
de très bas on imagine l’histoire du ciel comme un conte de fées. Un défaut de perspective.
Les vitraux dessinent sur le plafond un paradis de lumières : ici, même en l’absence de Dieu,
on se mettrait à croire. On voudrait tellement…
Demain, le front couvert de cendres, tu iras tremper tes doigts dans le bénitier.
Comme si tout était vrai
Bluma Finkelstein – Mare Nostrum – édition en forêt – 2008
Combats de reflets et confusion du ciel ( RC)
Tu as découpé des morceaux de brume
Pour que je reçoive la confusion du ciel
Les ornières d’où la lumière
N’en sort que poussières
Aux après-midi lentes
Où tu élèves de néfastes serpents
De discours prolifiques
Se lovant à mes pieds
En nœuds maléfiques
Tu me parles encore tard, le soir
M’étirant jusqu’à la fuite du jour
Et au ombres de la nuit venue
Vient encore la mémoire.
A jouer des diagonales sur les cases
Découpage des silhouettes , et perspectives
Ce sera ton langage, mon image
Ton image, mes soirs , toujours
Au plateau lisse des contrastes
Où se promènent encore le cavalier et la reine
En combats de reflets.
Bien que Les pièces hautaines
Aient pourtant repris , depuis longtemps
leur place dans la boîte capitonnée de rouge.
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RC 23-04
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