Un long chemin depuis les Landes – ( RC )

Un long chemin serpente entre les arbres,
irrégulier, parsemé d’ornières et de flaques.
semé de pierres ,
comme le fit le Petit Poucet,
et depuis le temps,
couvertes de mousse.
Loin est le pays auquel j’appartiens;
il monte insensiblement
depuis les Landes :
je le sais en allant vers l’amont,
suivant ruisseaux et cascades,
sous l’arche du vent.
Je quitte les fougères
pour des herbes plus maigres,
des buissons de ronce,
des asphodèles,
et marche sous le regard immobile
des champignons.
C’est comme dans un livre de Pierre Bergounioux,
ajouter mon pas au précédent,
mettre peut-être mes traces
dans celles que je laissais ,
cheminant dans l’autre sens
- un retour imprévu pour d’autres saisons _.
Des années se sont écoulées;
je tiens ma vie en équilibre
sur deux jambes
qui remontent le courant,
les pentes arides
les rochers éboulés.
Je ne devrais pas penser
au temps qui trépasse ,
aux murs lézardés de la maison rose,
trop longtemps abandonnée,
que j’irai retrouver,
après cette trop longue pause.
note: il est fait référence ici à deux ouvrages de Pierre Bergounioux;
» Ce pas et le suivant« , et « la Maison Rose«
C’était si doux de croire – (Susanne Derève)

Albert Houthuesen – Walk to the Moon, (Childhood Command)
C’était si doux de croire
qu’on aurait pu courir sur l’échine de la nuit
avec des doigts de fée
y broder des étoiles, des galons d’or
tirer le fil d’opale d’un blanc rayon de lune
pour se laisse glisser de la frange des cimes
jusqu’à la cotte de velours des prairies d’été
Mais la nuit a secoué l’échine
la nuit n’aime pas sentir sur son dos nu
les doigts légers des fées
Mon chariot a versé
de la fourche des cimes
sur la cotte de velours sombre des prairies d’été
et le croissant acéré de la lune
avec son fin poignard d’argent
a tranché un à un les fils célestes
m’a coupé le chemin du rêve
pour me jeter à terre comme un petit Poucet
les cailloux de sa poche
dispersés aux quatre coins du ciel
Aussi je vous le dis le jour pâlit et meurt
sans bruit sous les chandelles du soir
tandis que la nuit chante
Mais n’allez pas défaire le jour flétri pour habiller
la nuit de songes avec vos doigts de fée
Ne vous approchez pas
Écoutez là seulement chanter
Je ne sais rien du jour qui vient – ( RC )
Hier devait aussi être incertain pour nos pères .
Pour ne pas se perdre, comme le petit Poucet,
ils ont laissé des temples aux marches de pierre,
avant d’entrer dans la courbure de la terre.
Des forêts ont pris leur essor,
leur foisonnement s’est épris du vent,
leurs racines ont fouillé le temps,
jusque aux ossements de ceux qui ont vécu .
Mille vies ne changeraient rien :
ni aux soleils et à leurs éclipses,
ni à la rosée du matin,
déposée sur les herbes
Je ne sais rien du jour qui vient.
–
RC – avr 2017
Autochtone – ( RC )
Image :: création perso 2005
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On peut s’égarer dans la forêt,
Si tu ne connais pas bien le chemin,
et tourner jusqu’au lendemain,
– On n’en connait pas bien les secrets .
Tu peux te guider aux petits bruits
Les déplacements subtils
des yeux de la nuit
Le glissement des reptiles
qui te surveillent,
l’ombre taciturne,
éloignée du soleil,
les oiseaux nocturnes
cachés dans les frondaisons
mènent leur vie tranquille
comme sur une île
séparée de l’horizon.
Imagine-toi en Afrique
où les singes se répondent,
alors que tu vagabondes
dans un lieu typique
qui t’éloigne quelque peu
des sentiers balisés :
pas de Champs Elysées,
mais un autre milieu :
une jungle épaisse
qui s’auto-multiplie
et où jamais elle ne te laisse
faire un safari .
Tu vas tenter de te guider
avec ces bruits furtifs :
Voila ce que c’est de se balader
dans ce parcours évolutif.
Tu vas contourner de larges flaques d’eau,
des rochers de latérite
– des obstacles dans ta visite –
et toi, toujours sac à dos
Quand tout à coup, un bruit t’immobilise
et qui va grandissant :
C’est la démarche imprécise
d’un ce ces habitants :
On les nomme autochtones,
comparés à toi, l’étranger :
ce ne sont pas des hommes
qui portent le danger ,
mais de ces animaux
qui parcourent avec aisance
de grandes distances
par monts et par vaux :
En voila un à présent
qui écrase de grands végétaux
comme de vulgaires poireaux
en s’avançant nonchalament.
C’est un peu bizarre
cette rencontre inopinée ,
mais choisissant de se baigner
dans la première mare :
C’est une sorte de colosse gris
qui paraît immense
et tranquillement s’avance
sans forfanterie
Tu peux voir de trois-quart
l’animal et son curieux épiderme
maintenant au milieu des nénufars :
c’est un pachyderme
Un de ces géants
pas très discrets
mais qui connait bien la forêt :
tu pourras suivre en son temps
les traces qu’a laissées
négligeamment
le grand éléphant
dans son pas cadencé
pour retrouver en effet
avec les arbres aplatis,
rapidement la sortie
à la façon du petit Poucet
A la place des cailloux,
tu peux remercier ton baigneur
qui fut aussi ton sauveur
et tu rapportes une photo de lui, ( floue ).
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RC – oct 2016