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Pier Paolo Pasolini – Les feuilles des sureaux –


Paul Cézanne – Côte du Galet à Pontoise –
Les feuilles des sureaux, qui sur les canaux 
sortent de leurs tièdes et rondes branches, 
parmi les filets rouge sang, parmi les balcons

jaunâtres et orangés que forment les joncs 
du Frioul, alignés en perspectives dépouillées 
sur le fond des crêtes dépouillées

ou en douces courbes le long des joyeuses 
pentes des berges... Les feuilles 
des peupliers arachnéens, amassés

sans un frisson en foules silencieuses
au fond des champs déserts de luzerne;
les feuilles des humbles aulnes, le long des mottes

asséchées où le froment lève ses ardentes petites plantes 
avec des tremblements déjà de bonheur; 
les feuilles de la mâche qui couvre, tiède,

]a levée de terre sur les tapisseries d’or des vignobles.

Poésie

1943-1970

nrf Gallimard


Montreur de l’ombre – ( RC )


peinture: A Böcklin  :  l’île des morts

                Montreur de l’ombre,
un soleil bleu s’éteint ,
mes rêves se sont repliés
        dans le soir …
Imagines-tu une île solitaire,
léchée de vaguelettes sombres,

y verrais-tu des peupliers
palpitant dans le grand air ,
semblables à ceux que l’artiste a peints,
frémissant de toutes leurs feuilles d’or,
contre un ciel moribond
et la couronne de cyprès noirs… ?

Seule présence, sur la gauche , cette embarcation,
qui se dirige vers l’île des morts.
Le passeur a un spectre pour compagnon;
               Par son entremise
il le mène à sa dernière demeure,
               Là où le temps s’immobilise.

Les peupliers ont cessé de frémir,
cernés par les cyprès.
On entendrait presque leurs murmures
            alors que la lumière disparaît :
Tout est figé ,         comme dans cette peinture
              où tout semble s’endormir…


Patrick Aspe – Les rires sont des oiseaux de passage


Image associée

 

Les rires sont des oiseaux de passage
la mémoire une éponge
la nuit une dissidente
tangue la vie des fuites lentes
mascarades sans limites
comme un filin d’acier au dessus du vide
je revois l’olivier des allées
la maison rose sous les cyprès
les grands peupliers jaunes d’octobre
précipice sans fond
sabordage des illusions
danse macabre aux sons des tamtams
le cri vient du ventre friable et déchiqueté
attirances des bleus voilés d’or sur la mer qui balance
la forêt d’endort aux silences des pins
chagrin parfumé d’oranges
imaginons cette vague sur le sable doré
lancinante passion des mains qui passent sur ton dos l’huile frémissante
la colline des horizons
sables mouvants de l’enfance
mon chevalier foudroyé d’ignorance
dragon frissonnant de flammes
la lune échappe aux brouillards
élève toi élève toi vers les neiges des cimes mon cœur brisé
l’azur pur tourmente l’épée qui s’agite …


Un fil tendu dans le silence – ( RC )


Environnement plat,  ( à peu près  ),…
…brume,
–       peupliers.
Le tout  défile.

S’il fallait prendre la photo,
D’abord descendre la glace,
L’air humide  tout à coup engouffré,
Et le flou de mouvement.

Une vallée          paresseuse,
Bien pâle en ce novembre,
Et juste        les ailes coassantes
des corbeaux.

La voiture progresse,
mange les kilomètres,
pour un paysage         semblable
ou presque .

Une musique pulse,
C’est une chanson
à la radio
qui rape

La caisse fonce,
Du son plein la tête
Sur le ruban de la route,
luisante.   Flaques.

A la façon d’un coin
Dans l’horizontale  :
– Traversière,
Phares devant

Yeux fixés,
Droit devant,
Etrangement  étrange
– Trait bruyant        ( un fil tendu

Dans le silence . )
La plaine tolère juste
De ses champs gorgés  d’eau
Son passage  éphémère

Se refermant sur elle-même,
Lentement,
Le bruit   s’efface          comme il est venu.
Les corbeaux reprennent leur vol.

RC – sept  2015


Michael E Stone – Hiver en Arménie


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photo  Bradford Washburn

 

 

La terre s’est habillée d’ hiver.
Les peupliers sont nus.
Les sommets des montagnes arrondis
Blancs de neige,
un regard au-dessus
de noirs champs labourés
sur des collines roulantes.

D’ épars reflets  d’obsidienne
Attrapent le soleil bas par l’ouest,
brillant comme des lumières de Noël,
dessus et en-dehors,  dessus et en- dehors,
comme des vents de la route.

L’esprit de la brume
descend
de très loin .

 

 

photo du site « enrouesverslest »


Philippe Delaveau – Leçon d’automne


LEÇON D’AUTOMNE

 

photo: John

                      photo:         John Finnan

 

« Les oiseaux sur les peupliers de la plaine des notes dispersées, liquides, vagabondes.

Pourtant la symphonie d’un bel après-midi sous les violons des feuilles

qui tigrent d’ombre leurs arpèges. Pont de pierre bombé, contrebasse.

Altiers violons de verts. La partition repose

Avec la longue élévation de ses sillons jusqu’au sommet de la colline.

Les blanches s’envolent en lançant leurs cris de mer au retour du tracteur puis s’agglutinent, fouillant la terre avec la même obstination. Venues de l’océan, remontant les rivières.

«Semailles» serait le titre du morceau, avec les trilles d’un clavecin sous les doigts de Rameau.

Leçon d’automne et vieil ivoire rouillé, sombre.

Les deux claviers sous la dextérité de l’attaque joyeuse. »

 


Jean-Pierre Duprey – le plus beau jardin


peinture:            Gustave Klimt – grand peuplier

Le plus beau jardin cache un mensonge.
Qu’est-ce donc mon dieu ces peupliers vagues,
des morts peut-être ?
Ils déchirent leurs feuilles et les collent sur la rivière.

(Jean-Pierre Duprey)

The most beautiful garden conceals a lie.
What are they, , my god, these vague poplars
Maybe some deads ?
They tear their leaves,  and sticks them upon the river.


C’est dire, comme les fleurs fanent ( RC )


image 143

C’est dire, comme les fleurs fanent,

Elles jettent leur éclat d’or et de pourpre,

Abandonnent de suaves parfums,

Au vent et aux insectes,

> Mais qui se souvient d’elles,

Une fois leurs pétales flétris,

Et leurs vives couleurs, ternies ,

Si ce n’est la photographie ?

Laisse vivre les fleurs par myriades,

Comme elles peignent les champs,

En teintes insolentes,

Sous la tendresse grise

D’ondées de passage,

Et l’amitié traversière,

Des plus gros nuages,


Il y en a pour peu de temps.

Quelques semaines,

Ou quelques jours,

Et les corolles fines,

Perdent leurs couleurs vives….

Les souvenirs des coquelicots,

Sont feuilles bien légères,

Aux pieds des jeunes blés,

Il suffit d’un courant d’air.

Laisse vivre aussi la chenille,

En souvenir de sa métamorphose,

Et quelques jours vécus,

En pétales fantasques,

Papillonnant dans les champs,

Ou au-dessus des chemins,

Donnant le change aux feuilles

Tremblantes des peupliers.


Quelques jours de grâce accordée,

Somptueux motifs éparpillés….

> Te souviendras-tu de moi,

De mon front dans les brumes

Et de mes herbes folles,

Tremblant, juste avant le sol,

Et mes mains dans l’amour,

Quelques jours ou toujours… ?

RC – 8 septembre 2013

25695.tif


Anna Akhmatova – tromperie


 

TROMPERIE

1
Printemps. Le matin est ivre de soleil,
Plus net le parfum des roses sur la terrasse,
Le ciel a plus d’éclat qu’une faïence bleue.
Le cahier est relié en maroquin très souple,
J’y lis des stances et des élégies,
Qui furent écrites pour ma grand-mère.

Je vois le chemin jusqu’à la grille, les bornes
Se détachent en blanc sur l’émeraude du gazon.
Oh! ce coeur est plein d’un amour exquis, aveugle.
Et quelle joie! ces couleurs, dans les massifs,
Et dans le ciel le cri aigu du corbeau noir,
La voûte du cellier au profond de l’allée.

2
Le vent souffle chaud, étouffant.
Le soleil brûle les mains.
La voûte de l’air sur la tête,
On dirait un verre bleu.

Odeur sèche des immortelles
Dans ma tresse qui se défait.
Sur le tronc rugueux du sapin
Une route pour les fourmis.

Reflets paresseux sur l’étang.
Vie légère, comme jamais…
Aujourd’hui j’ai cru voir quelqu’un
(Mais qui?) dans le hamac léger.

3
Soir bleu. Les vents sont apaisés,
La lumière veut que je rentre.
Qui est là? Devine… un fiancé?
Et pourquoi pas mon fiancé ?…

Sur la terrasse une silhouette familière,
On parle, mais très doucement.
Oh, je n’avais jamais éprouvé jusqu’ici
Une langueur si séduisante.

Les peupliers frémissent d’inquiétude,
Visités par des rêves de tendresse
Le ciel est couleur d’acier bruni,
La pâleur des étoiles est mate.

Je tiens un bouquet de giroflées blanches.
Elles cachent un feu secret, pour brûler
Celui qui les prendra de mes mains timides,
En effleurant ma paume tiède.

4
J’ai écrit des mots
Que longtemps je n’ai pas osé dire.
Le mal de tête m’engourdit,
Mon corps est comme insensible.

Le cor au loin s’est tu, mon coeur
Ressasse les mêmes énigmes,
Une légère neige d’automne
A recouvert le terrain de croquet.

Les feuilles bientôt ne frémiront plus !
La pensée bientôt oubliera ses tourments.
Je ne voulais pas être une gêne
Pour ceux dont le devoir est de se divertir.

J’ai pardonné à ces lèvres rouges
Leur cruelle plaisanterie…
Vous viendrez nous voir demain
En foulant aux pieds la première neige.

On allumera des bougies,
De jour leur éclat est plus doux,
On apportera un bouquet
De roses cueillies dans l’orangerie.

(Anna Akhmatova)


Robert Piccamiglio – roman japonais


photographie : Steven Cook

 

 

 

Un autre  des  « poème-affiche » de l’écrivain et dramaturge Robert Piccamiglio

—————

Elle se baigne
avec dans les mains
un roman japonais
qui ressemble à un champ
de peupliers très haut
vers le ciel

Et quand sa tête
est sous la surface de l’eau
le roman japonais la suit
et s’inquiète de savoir
quand elle va remonter
pour continuer à caresser
ses pages

Ensuite le roman japonais
qui ressemble à un champ
de peupliers très haut
vers le ciel
lui passe sa sortie de bain
et essaye au passage
de toucher une partie
de son corps très blanc

Alors la jeune femme
une fois de plus déchire
une page de son roman japonais
qui s’en va rejoindre
dans la poubelle sous le lavabo
une de ses serviettes hygiéniques
parfumée à l’encre de chine
bleu comme le ciel

 

 

— à découvrir  aussi  ( lire ou relire), les  extraits  précédents  de  « Midlands »  et Smith & Wesson: