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A ceux qui s’enivrent des vapeurs d’essence – ( RC )


photo perso – Singapour nocturne

A ceux qui s’enivrent des vapeurs d’essence,
je dédie un murmure
qui s’élève au-dessus des buildings.

Dans les replis de la ville, on ne compte plus les étages,
et ceux qui montent vers les sommets
se désaltèrent d’illusions.
Ils pensent ainsi dominer une partie de la planète,
jouissent d’un capharnaüm de luxe, ponctué de dentelles de néons,
du trafic des automobiles sur les bretelles d’autoroute,
de leur grondement continu ,
qui passerait pour la pulsation du monde.

Sans doute aimeront ils voir s’allumer une à une, les lumières des façades,
plain-chant d’un anonymat qui se voudrait feu d’artifice.
Mais c’est parce que la nuit favorise les contrastes,
le jour enlève les fards, révèle la laideur du béton,
les puits d’ombre entre les bâtiments où végètent d’insalubres masures.

Dans les grandes métropoles, on perd toute mesure :
l’empilement vertical s’étire avec prétention ;
vertige de puissance des multinationales jusqu’à l’outrance
des écrans géants et lettres lumineuses .
( on nous ferait croire qu’on se nourrit de parfums et de billets de banque ).

La voiture y est maître, rutilants cafards errant dans les avenues.
Le piéton paraît incongru dans un monde qui n’est pensé que pour elle,
à moins de sortir du centre, et de retrouver peut-être
une vie à dimension plus humaine,
moins saturée d’imagerie consumériste tapageuse…

A ceux qui s’enivrent des vapeurs d’essence,
je dédie ce murmure…


Repères , sans repères ( RC )


Hop, c’est un signe. Il faut avoir l’oeil attentif pour le voir.

Sur un poteau banal, une petite pancarte jaune, autocollante.

On n’y fait pas attention.

Et quelques jours après, c’est la même chose le même signe, à un autre endroit.

Puis un autre, et, cela semble se multiplier, au hasard des parcours.

Sans explication.

Un jeu de pistes , un clin d’oeil jaune, oui, mais vers quel but ?

Peut-être observe-t-on mes parcours, et quelqu’un marquerait mes étapes, indiquerait sur le plan mes allées venues, mes haltes obligées : au carrefour, au passage piéton, à la papeterie, au magasin de fruits et légumes, à la station service, que sais-je ?

Ce serait un réseau indiqué sur la carte, on relierait les points et ça dessinerait quelque chose. Une géométrie, une figure dont je dessinerais le contour, en remarquant ces étapes. Ou bien des signes de reconnaissance, entre initiés, s’affirmant, toujours plus nombreux, jouant sur l’effet de foule, ….un complot qui se trame.

Une toile d’araignée qui s’étend,…

Et ces signes…  dissimulés derrière leur banalité…

Sans itinéraire défini, un peu comme des yeux,

Qui scrutent, posent des questions de leurs yeux jaunes , mais sans les poser.

Peut-être suis-je le seul à les voir ? 

Mon esprit abandonné à la pénombre, sans repères.

RC – 11 octobre 2013


Garous Abdolmalekian – Chaque mot n’est qu’un piéton qui passe


vue à travers un vitrail - cathédrale de Maguelone, Hérault , oeuvre de Robert Morris - photo perso

vue à travers un vitrail – cathédrale de Maguelone, Hérault ,        oeuvre de Robert Morris –      photo perso


 

Chaque mot 
n’est qu’un piéton qui passe

Peu importe lequel
Nous écrivons seulement sur les vitres embuées
Pour faire apparaître
La forêt par-delà la fenêtre.


extrait de « Nos poings sous la table »,       ed Bruno Doucet