Federico Garcia-Lorca – Le vent et la belle
LE VENT ET LA BELLE
(Précieuse et le vent)
De sa lune en parchemin,
par un hybride sentier
de lauriers et de cristal,
Précieuse s’en vient jouer.
De sa lune en parchemin
Précieuse s’en vient jouer.
A sa vue le vent se lève,
car jamais il ne sommeille.
Dis, laisse-moi relever
ta robe pour voir ton corps.
Ouvre entre mes doigts anciens
la rose bleue de ton ventre.
Lâchant son tambour, Précieuse
prend la fuite à toutes jambes.
Le vent mâle la poursuit.
Avec une épée brûlante.
Précieuse, cours vite, vite.
Le vent va t’attraper !
Précieuse, cours vite, vite,
Regarde-le arriver,
Satyre d’étoile basses
aux mille langues lustrées !
Précieuse, morte de peur,
est allée se réfugier,
au-dessus de la pinède,
Et tandis qu’elle raconte
son aventure en pleurant,
le vent sur le toit d’ardoises
plante, furieux, les dents.
Vertiges – de fileuse de lune

- photo : H Cartier-Bresson Arbres en Brie
A voir sur le blog ( de fileuse de lune)
Vertiges
éclaboussures
traversées
J’habite ces parages
de peu de densité
où l’éclair d’un regard
chavire l’horizon
Membranes soulevées
sur le dos des fleuves
s’éparpillent en rémiges
en consonnes
brunes et vigoureuses
Se déversent les langues
dans une amphore
se délecte le ciel
d’être à nouveau
en crue
Pour apprivoiser les pinèdes
en maraude
les forêts de silex
il faut tailler son nom
dans le tronc le plus vieux,
habiter son élan
Dans les prairies de l’Homme
je sais un abreuvoir
où se rassemblent troupeaux
de hautes sèves
clameurs de laines
blanches et bouclées
J’y porte l’épaisseur
de mes murs
la lourdeur de mon sang.
Une odeur de suint
ocre et tenace
rassure les ancêtres
Claquante
comme une étreinte
la parole éperonne
les flancs fumants
de ce matin tout neuf
Tourbillon
ivresse pure
je virevolte, à cru,
sur des phrases de sel
m’accouple à leur écorce
et hurle
source vive !
J’ouvre,
dans ma poitrine,
des fenêtres
aux giboulées de grives,
de raisins et d’étoiles,
aux rafales d’ardoises,
aux foules écervelées
des déserts, des pierres
et des jardins
Là, dans cet espace
consenti à l’incandescence,
la bruine déploie
mon feuillage
gâche sa salive
à ma résine
Sur mes berges
calleuses
faseyent quelques saules
Guetter l’exubérance
étirer les limites
de son sang
de sa peau
pour être ampleur
luxuriance
et faire tomber de soi
jusqu’à la moindre
ténèbre
Et puis
se rencogner
dans l’angle juste
de la légèreté,
retrouver sa foulée
d’osier souple et de vent