Revenue – ( RC )
Au delà,
des rues du carrefour,
des voitures immobiles,
et des arbres qui attendent.
un banc
au milieu d’une place,
peut-être un jardin,
qu’on ne distingue pas bien:
il y a un mur
aux écritures blanches.
puis une lumière dorée
comme si on voyait au travers
alors, laissant tomber les pinceaux ,
j’irai dessiner sur la muraille une porte ,
je l’ouvrirai sans bruit
et saurai que tu es revenue…
–
RC – fev 2018
Les plantes trichent, pendant mon absence ( RC )

photo terre d’aventure
–
Si c’est le retour,
Qui ramène au seuil du familier
En oubliant les distances, pliées,
Et tous les carrefours
de la chance
Je ramène du fond de mes poches
Des souvenirs qui ricochent
La lumière de mon jardin d’enfance
–
Mais que s’est-il passé ?
Est-ce mon passé qui me hante,
La poussée des plantes
Et les troncs enlacés ?
Tout est devenu gris,
Et je ne vois plus ici,
Qu’un domaine rétréci,
Hostile et rabougri…
–
J’ai dû sûrement m’endormir
Quelques instants
Et quitter mon regard d’enfant,
Parti pour ne plus revenir.
Il s’est formé un toit végétal,
Qui , toujours , prolifère,
Et dont la crinière,
Sûrement, s’étale .
–
Les plantes trichent,
Pendant mon absence,
Et confisquent sans décence,
Une lumière, déjà chiche.
Des pousses qu’elles croisent,
Inquisitrices.
Elles envahissent tout, et tissent
Et s’ étendent, sournoises,
Une rangée d’acacias agressifs
Se sont étalés,
Et barre l’accès de l’allée,
Alignement combattif –
Les amas de feuilles,
Cachant les épines
Intentions assassines,
Devant la pergola, au seuil.
Devant tous ces branchages,
Où se multiplient leurs élans,
Il me faut élaborer un plan,
Passant par l’arrachage,
Déclarer la guerre ouverte
Affûter les couteaux,
Enfin, tout ce qu’il faut,
Contre la marée verte,
–
Tirant le moindre parti
De l’humidité,
Nocturnes festivités,
Pour le bénéfice des orties.
Ainsi se resserre,
La chaîne ombreuse
Aux menées doucereuses,
Qui s’accélèrent.
–
Tels du python les anneaux
Etouffant la victime
D’une étreinte intime
Menant au tombeau ;
Lente agonie
De l’espace,
N’ayant plus de place,
Et plus d’harmonie.
–
S’envahissant elle-même, la nature
Se rit du malheur des autres
Lorsqu’elle se vautre
Dans la luxure :
L’arbre se développe plus,
Lorsqu’on sacrifie celui
Duquel il est voisin, et lui nuit.
Si ses racines le sucent.
–
Il a fallu couper et trancher,
Et qu’ainsi l’on amasse
Des bosquets les plus coriaces
Pour constituer le bûcher,
Eliminer les plantes vivaces,
De celles qui poussent
Comme brousse
Pour qu’enfin l’on passe…
–
Si je ratisse les clairières,
En créant de grands tas,
De feuilles, les amas,
Traces de bataille après la guerre,
… Joue de l’allumette,
Après les lames
Et donne de la flamme
Avant la retraite…
–
> Plus tard, étant revenu
Et me suis fait surprendre
Par des pousses tendres
Paraissant saugrenues ,
Encore toutes timides
Au milieu des cendres
Et semblant m’attendre :
> La nature a horreur du vide…
–
Avoir joué au pyromane,
Livré combat à la nature,
Permis les échancrures
Arraché les lianes
Le parfum vénéneux des heures,
Et la sève répandue,
A été rendue,
Remontant sans heurts
–
Il n’y a pas de victoire
Que celle éphémère,
Et, le goût amer,
La potion du ciboire,
Victorieuses de certitudes,
Les tiges m’auront dépassé,
Tout sera à recommencer,
Foisonnement et plénitude…
–
Si je me détourne du jardin d’enfance,
– Et que ma mémoire affaiblie,
La porte en oubli,
> J’aurai cette béance,
Unie à ces années,
Des décennies bercées
Que l’on a traversées
…… Et qui se sont fanées.
–
RC – 21 août 2013
–
la juste place ( RC )
Toni Grand , Double colonne, 1982, bois et polyester stratifié, Ctre G. Pompidou, Paris
A sa place, à sa juste place.
C’est ce que nous nous disions, de ce grand corps silencieux, de ce grand corps exposé au vent..
Chacun à son tour, nous nous glissions, – pensant passer inaperçus – près de lui, sous son ombre dense, et nous l’étreignions,
– enfin, ce que nous pouvions, –
une portion de sa masse cylindrique dressée,
la tête contre l’écorce,
l’odeur du bruissement de la sève,
le murmure changeant du vent dans la ramée…
et la caresse lente des feuilles portées par l’automne,
Elle formait à nos pieds cet épais tapis d’ors et de bruns…
Ses membres puissants suspendus, bien au-dessus de nos têtes,
mais aussi à nos pieds, couverts de mousse.
A sa place, sa juste place..
Maintenant, après la tempête, témoin , pour ceux qui ont pu résister ,
le royaume du grand chêne, n’est plus le même…
A sa place, sa juste place, il y a un grand vide.
Mais le tronc seul , redressé sur place, se délitant peu à peu,
restant , en un signe, la sculpture d’un espace
règne , massif, sur la place, sa juste place…
RC – 26 septembre 2012
Venise déserte en sa nuit tiède ( RC )
–
D’anciennes façades décrépies, sont comme tachées,
Une végétation touffue croise ses bras verts pour cacher
Une grille que nul , depuis longtemps, n’a fréquentée,
Scellée par la rouille, – et dont personne n’a la clef
La fontaine est muette, l’eau ne chante plus sous le tilleul,
La vasque est presque remplie de feuilles en deuil,
Et de papiers, qui se soulèvent avec le vent
La place, désertée par l’été et les gens
On ne comprend pas où mènent ces escaliers
Qui s’élancent, puis, s’arrêtent par paliers
Vers une tour en partie détruite
Et que plus personne n’habite
La nuit est tombée, accompagnée par la lune
L’humidité s’étale, de la proche lagune
Le satellite, se double d’un halo
Qui se mire dans les flots
Du canal, aux reflets de vagues molles
Venant lécher de noires gondoles
Echouées, là, de biais, elles ont perdu leur emphase
Embarcations envahies par la vase…
De pâles lueurs tremblotent derrière les vitraux de l’église
Dans ce quartier un peu à l’écart, de Venise,
De briques et de marbres, les palais ont les pieds fourbus
Les murs qui s’écaillent, disent un prestige déchu.
La madone sculptée, au nez rongé, est toujours dans sa niche
Une fenêtre bouchée effeuille d’anciennes affiches
Indiquant des saisons passées les fêtes du Grand canal
Paillettes, danses et masques du carnaval…
Tout est silence à part une gerbe d’étincelles….
> D’une radio lointaine, parvient une tarentelle,
Et la brise déplace doucement ses voiles,
Dans un ciel de velours piqueté d’étoiles.
Où se traînent paresseusement quelques nuages
Dont le zodiaque ne prend pas ombrage
Même pas le verseau et Ganymède
– Toujours brillants dans la nuit tiède.
–
RC – 7 juillet 2012

photo Olimpo
–
le travers d’paradis Ophélie (RC)
Aux vérités de travers,
Il faut les remettre en place
Et au tain de la glace
Passer à travers
Sur les étendues gelées
C’est bien ce qui se passe
Lorsque la glace casse
Et se voit soulevée

Qui voit le paradis
Et nous en fait récit
Est sans doute rétréci
Parce que refroidi
C’est du plus bel effet
Même – traitement sévère
De passer derrière
L’image de ton reflet
Image concassée, brisures
Mais d’éclats boussures
En faire peinture,pâture,
C’est contre-nature
Et le calme revenu
J’nirai pas aboyer
Porter — face de noyé
Mais – — Qu’est-il devenu ?
J’le trouve un peu pâli
D’avoir séjourné dans l’eau
Et s’être renversé ( çà c’est pas d’pot)
Avoir conversé (avec Ophélie)
La d’moiselle est belle
Elle a une quinte de toux
Ses cheveux sont roux
Et d’mes jambes se mêlent
Ophélie -pâlie -a- dit
Tu r’viendras demain
Mais là est mon jardin
C’est pas l ‘paradis
C’est pas ton domaine
Toi, et tes mystères
Ils sont bien sur terre
— Quel bon vent t’amène ?
Mais tu vas (céans) partir
Et sans plus discuter
Rejoindre l’autre côté
Où tu vas revenir !
Là n’est pas ta place
Chez les trépassés
Il te faut r’passer
D’laut’côté dla glace
C’est ainsi Madame
Qu’ainsi m’ revoilà
Dans votre belle villa
Juste après le drame
Chaqu’chose à sa place
Aux vérités d’travers
J’ai brisé du vers
Ce qui toujours agace
Ophélie flottante
Qu’a peint Waterhouse
C’est pas Mickey Mouse
Aux eaux miroitantes
D’mes yeux figés, jvois encore
Son beau miroir d’eaux
Qu’était plus qu’un seau
Où flottait en fleur de corps
Belle au milieu des plantes
Et les assiettes nénufars
Son visage, si blafard
Qui souvent me hante.
RC 2 fev 2012
—
et que je complète avec ce texte de Claude Ber:
—
Flaire le risque
s’est fourvoyée à pas de loup
rebrousse chemin d’un seul coup.
Ne récolte plus son blé
n’a plus rien à rire.
Fait volte-face et s’esquive
Est sortie du champ de mines
peut s’allonger sans risques dans ses cheveux
tisser ses nerfs
déplier son corps
desserrer ses lèvres
et ouvrir sa vie.
Un temps…
Cesare Pavese – travailller fatigue
Travailler fatigue
Traverser une rue pour s’enfuir de chez soi
seul un enfant le fait, mais cet homme qui erre,
tout le jour, par les rues, ce n’est plus un enfant
et il ne s’enfuit pas de chez lui.
En été, il y a certains après-midi
où les places elles-mêmes sont vides, offertes
au soleil qui est près du déclin, et cet homme qui vient
le long d’une avenue aux arbres inutiles, s’arrête.
Est-ce la peine d’être seul pour être toujours plus seul ?
On a beau y errer, les places et les rues
sont désertes. Il faudrait arrêter une femme,
lui parler, la convaincre de vivre tous les deux.
Autrement, on se parle tout seul. C’est pour ça que parfois
Il y a des ivrognes nocturnes qui viennent vous aborder
et vous racontent les projets de toute une existence.
Ce n’est sans doute pas en attendant sur la place déserte
qu’on rencontre quelqu’un, mais si on erre dans les rues,
on s’arrête parfois. S’ils étaient deux,
et même pour marcher dans les rues, le foyer serait là
où serait cette femme et ça vaudrait la peine.
La place dans la nuit redevient déserte
et cet homme qui passe ne voit pas les maisons
entre les lumières inutiles, il ne lève pas les yeux :
il sent seulement le pavé qu’ont posé d’autres hommes
aux mains dures et calleuses comme les siennes.
Ce n’est pas juste de rester sur la place déserte.
Il y a certainement dans la rue une femme
Qui, si on l’en priait, donnerait volontiers un foyer.
Lavorare stanca
Traversare una strada per scappare di casa
Io fa solo un ragazzo, ma quest’uomo che gira
tutto il giorno le strade, non è piú ragazzo
e non scappa di casa.
Ci sono d’estate
pomeriggi che fino le piazze son vuote, distese
sotto il sole che sta per calare, e quest’uomo, che giunge
per un viale d’inutili piante, si ferma.
Val la pena esser solo, per essere sempre piú solo ?
Solamente girarle, le piazze e le strade
sono vuote. Bisogna fermare une donna
e parlarle e deciderla a vivere insieme.
Altrimenti, uno parla da solo. È per questo che a volte
c’è lo sbronzo notturno che attacca discorsi
e racconta i progetti di tutta la vita.
Non è certo attendendo nella piazza deserta
che s’incontra qualcuno, ma chi gira le strade
si sofferma ogni tanto. Se fossero in due,
anche andando per strada, la casa sarebbe
dove c’è quella donna e varrebbe la pena.
Nella notte la piazza ritorna deserta
e quest’uomo, che passa, non vede le case
tra le inutili luci, non leva piú gli occhi :
sente solo il selciato, che han fatto altri uomini
dalle mani indurite, come sono le sue.
Non è giusto restare sulla piazza deserta,
Ci sarà certamente quella donna per strada
che, pregata, vorrebbe dar mano alla casa.