De mon aiguille patiente – (Susanne Derève) –

De mon aiguille patiente je reprise les plaies du temps plaies vives plaies rebelles À la fenêtre le blanc troupeau de nuages d’une aube grise vient enserrer le jour J’attends l’instant d’après - celui de la belle ouvrage - où renaît ton sourire un lever d’hirondelles dans l’azur pantelant d’un ciel d’été
Une route perdue – ( RC )
Au bord du son déjà lointain
De la cloche fêlée
J’ai cheminé sous les brumes
Au bord des étangs remplis de nuages,
Essuyant leur camouflage.
Ce qui avait été une route
Traçait sa voie au milieu des sables
Fougères et terrains instables,
Se morphondait en plaies,
Les dents de cailloux sous la surface.
Cette voie je l’ai suivie
Aussi loin que le regard porte.
Elle se déroule toute droite,
Et absente des cartes…
Censée mener quelque part,
Maintenant plongée dans la forêt :
Une échancrure fine et rectiligne,
Qui pourtant s’essouffle,
Lorsque les îlots d’asphalte
Burinés de sable noir, se font rares,
Mangés par les flaques,
Aux bouches opaques.
Elle se rétrécit encore,
Serpente et se tord,
Et puis se perd,
Bue par la densité du vert,
Comme un vieux langage,
Dont on aurait perdu l’usage.
Transformée en chemin,
Celui-ci s’éteint
Au milieu des pins,
Cédant la place à une impasse,
Un rideau clos,
Un fouillis de végétaux
a reconquis la place,
fermant peu à peu l’espace.
Habitée par les ombres,
Des arbres sans nombre ;
une cabane abandonnée,
Où le chemin m’a mené :
cette petite cabane,
dont les couleurs se fanent
perdant peu à peu ses planches,
Masquée par les branches ,
c’est vers le sol qu’elle s’incline…
le temps lui fait courber l’échine .
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juillet 2014 – fev 2018
Je marche dans l’inconnu – ( RC )
peinture: Ellsworth Kelly
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Là où le monde secret des inanimés perd de son mystère ,
en léchant ses plaies de lumière ,
on se tire difficilement du sommeil ,
dans le parcours des heures qu’interromp le réveil .
On a encore dans la tête , mille rêves .
Ils éclatent, comme une bulle crève ,
quand le jour s’élance
l’aube effaçant le silence
du coeur même de la nuit .
On doit reconquérir son esprit ,
ranger l’armoire à nuages ,
se préparer au voyage ,
- Aujourd’hui nous attend ;
il faut plonger dedans ,
endosser son costume ,
poser ses pieds sur le bitume .
Il n’est pas certain qu’il s’ajuste exactement :
ce matin , je ressens un flottement
entre hier et aujourd’hui :
> pas sûr que ma vie
me suive à la trace :
à mesure, elle s’efface
sans plus me correspondre :
les minutes et les secondes ,
les années anciennes
ne sont plus les miennes :
le temps est discontinu :
> je marche dans l’inconnu.
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RC – juill 2017
Armand Robin – XII
XII
Une femme pas vieille, Mais vieille communiste,
Étendit les bras, cria :
— Arrachez-moi du corps les haillons du dogme!
Revêtez-moi d’un manteau tout simple !
Elle s’est réveillée, couverte de plaies
Et comme stigmatisée :
Le sang que dans les geôles versent
Ceux qu’assassinent les messieurs des bureaux
Perlait sur ses tempes.
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( tiré des « poèmes pour adultes » )
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voir aussi « l’homme qui fit tous les tours »
Philippe Vallet – mes trop-pleins de mots
et mes trop pleins de mots dansent
le présent jeté au visage
déroule mère-envies
effleurer impossible raison
*
notre cage matière choc
drames de nos silences
épars le temps se compte
goutte à goutte poreux
*
tout un échafaudage porte mes bras désarmés
de bord à bord à l’outremer
la mémoire dénommée
plus qu’un poing
une lanière coup frappe
force éperdue où partir
*
est une ruelle étroite
rigole où nos yeux effarouchés guettent
une odeur où rouler
s’asseoir
*
nous léchons nos plaies longtemps
elles portent saveurs à nos parvis
*
peaux vous n’êtes plus anonymes
bourdonne veines visibles
au coeur offert alentour
Là-haut, ici bas – ( RC )
Là-haut, ici bas.
Sans limites, se poussent les nuages en épaisseurs grises
C’est un ciel d’étains, qui bascule à coups d’éclairs…
Une couverture dont on ne connaît pas la lisière
Tandis que, dans un mélange de clairs et de bruits, la terre s’enlise.
C’est une dispute de géants, à coups de cimeterres
Pour la conquête d’un territoire immense
Et l’on reçoit ici, les échos du combat, en pluie dense
Agrémentée des roulements du tonnerre.
Les fanfares d’Eole embouchent leurs trompettes
Les arbres se secouent en tout sens
Et mêlent leurs membres de toutes essences
Quand s’approche la tempête.
Voila que gifle une tornade de grêle…
Le sol accepte sans résistance
Que les dieux bataillent sans décence
Et s »envoient à la figure leur vaisselle .
Ceux qui connaissent l’endroit se demandent ce qu’il est advenu
Du paysage riant, de sa vallée large, maintenant déserte
Des routes emmêlées de troncs, une marée verte
De branches en tous sens, et du feuillage haché menu…
Il faudra une main large pour écarter les nuages
Et mettre une fin provisoire, aux hostilités
Déjà, s’amoncèlent les dégâts – une calamité
Pour les habitants d’en bas, comptant leurs dommages.
Une main puissante qu’on ne puisse pas mordre
Pour retrouver le chemin de l’entente, et l’esquisse
D’un début de paix et sérénité, une armistice
Que certains nommeront le retour à l’ordre.
Pour fuir la confusion, un peu d’autorité
Que le pays panse ses plaies
Il faut reconstruire, et sans délai
Après l’ouragan , de la fin de l’été.
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RC – 17 octobre 2012
( toute similitude avec les situations politiques ne serait pas complètement fortuite)
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