Fleur recluse – ( RC )
photo perso – Chanac
C’est comme un coeur
qui garde sa couleur
encore quelque temps :
il parle doucement
de ses quelques printemps
vécus bien avant .
– C’est une fleur à l’abri de l’air,
qui, par quelque mystère
jamais ne fane,
mais ses teintes diaphanes
à defaut de mourir,
finissent toujours par pâlir .
Détachée de la terre ,
elle est prisonnière
d’une gangue en plastique,
un procédé bien pratique
pour que la fleur
donne l’illusion de fraîcheur .
– C’est comme un coeur
qui cache sa douleur ,
et sa mémoire,
dans un bocal de laboratoire,
( une sorte de symbole
conservé dans le formol ) .
Une fleur de souvenir ,
l’évocation d’un soupir :
celui de la dépouille
devant laquelle on s’agenouille :
les larmes que l’on a versées,
au milieu des pots renversés .
C’est comme s’il était interdit
à la fleur, d’être flétrie :
elle, immobilisée ,
figée, muséifiée,
( églantine sans épines,
au milieu de la résine ) .
A son tour de vieillir :
elle va lentement dépérir :
le plastique fendille, craque
ou devient opaque :
les vieux pétales
cachés derrière un voile
entament leur retrait :
d’un pâle reflet
où les couleurs se diffusent :
la rose recluse
se ferait virtuelle :
– elle en contredit l’éternel –
–
RC – nov 2017
Tout gravite sur l’immobile – ( RC )
voir article de « la montagne »
—-
Chaque ville a ses particularités..
Là, tout gravite sur l’immobile,
Derrière des rubans noirs et argentés,
Un échantillonnage complet d’urnes en file.
Ambiance propice à la concurrence entre deuils,
Chacun vante la qualité des cercueils,
juxtaposés sur les rayonnages,
quelquefois empilés, faute de place à l’étalage.
Leur confort capitonné, – bien tentant
Le choix des étoffes, allant du cru :
– des couleurs intenses pour ceux qui ont vécu ..
(- plus tendres pour les enfants)…
Et la place de s’y glisser,
sans être à l’étroit…
L’ergonomie étudiée:
Le tout doit être de choix :
Angles subtilement vernis ;
Des bois veinés, les meilleurs
Des poignées aux formes arrondies …
Un look confié aux meilleurs designers…
Certaines de ces boîtes allongées,
possèdent une fenêtre arrondie,telle
qu’au verre biseauté,
l’écho de la lueur des chandelles…
On peut y voir à travers
le visage du défunt ; vérifier sa présence
C’est un dernier témoin d’existence
avant qu’il n’occupe son dernier univers :
Un sombre caveau, bien ordonné
encadré d’allées gravillonnées,
et au dessus duquel prolifèrent
couronnes , bouquets et objets divers…:
Les plaques aux regrets sincères,
des signes affirmés d’appartenance religieuse
– ( cocher la version pieuse ) …
> Les boules de verre
où une rose en plastique
est maintenue prisonnière,
et brille sur la pierre,
à la gravure emphatique.
Ou bien ( selon les deniers ) ,
marquant la dernière volonté,
le granite luisant, où se reflètent,
des cyprès, les crètes…
Les boutiques rivalisant d’ingéniosité,
Proposent aussi des produits recyclés,
( ayant accompagné d’autres vies )
– avec un souci affiché d’écologie –
Les cercueils les plus innovants,
comportent toutes options pouvant,
joindre la fantaisie et l’imaginable
un peu comme les voitures ( climatisables) :
Les dispositifs d’aération
– télécommandés -,( mais sur option )
Le diffuseur « parfum subtil »;
Les roulettes rétractiles,
Les suspensions hydrauliques,
Le profil aérodynamique,
Avec parfois des tiroirs,
Pour les petits objets de la mémoire…
On peut y glisser des voeux,
Ou des piécettes, facilitant,
c’est sûr, le passage élégant
vers un au-delà heureux…
Toute métempsychose souhaitée,
Peut faire l’objet d’une médaille animalière,
Que l’on dispose sur la bière,
dans un emplacement réservé ,
généralement sur un côté vertical…
C’est dire que l’on n’oublie aucun détail,
chacun exerçant ses prières,
– et réservant son suaire…
Le décès est vécu comme une promesse,
Et on quitte la vie avec allégresse ;
et puis … pour ces circonstances;
On ne regarde pas à la dépense.
La mort ainsi mise en scène,
En vaut toujours la peine:
pour ces actions souterraines,
c’est pour l’éternité ( quand même ! )…
On ne va pas se faire prier
Pour se faire enterrer…
quel est votre avis ?
( ça n’arrive qu’une fois dans sa vie ! )
– enfin justement quand elle n’est plus là –
ce que l’on nomme le trépas
après une durée assassine…
ce qu’il faut pour alimenter les racines
et laisser le temps,
faire que les petits enfants,
n’aient plus qu’en tête,
de devenir un jour squelette…
( se rappelant un jour les ancêtres,
dont l’âme flottante, peut-être ,
veille sur le petit quadrilatère,
de location, au cimetière ).
–
RC
( si ça vous inspire )…
je n’ai pas dit vous expire, notez bien…
Un volcan au Havre – ( RC )
–
L’esplanade aurait pu continuer,
Indéfiniment.
Il suffisait d’aligner les plaques de béton.
Tant que l’espace le permet ,
Entre les barres d’immeubles ,
Sans accroc.
Propice aux courses folles,
Où viennent voleter
des sacs en plastique .
Il y a encore les traces de peinture renversée,
Puis les arcs sombres
laissés par les pneus des voitures.
C’est un espace sec, infertile,
De plaques préfabriquées,
Où la ville a chassé ses arbres.
On s’étonne de voir une frêle silhouette le traverser.
Incongrue.
Comme un scarabée sur une plaque de cuisson.
Et encore davantage
lorsque le gris uniforme,
Est stoppé net,
Par les pentes blanches, abruptes,
D’un Fuji-Yama,
Surgi, là où on l’attendait pas.
Une envolée de l’esprit,
Prenant ses racines au sein même du banal,
Décisive.
–
RC – dec 2014
Sous les spots électriques ( RC)

photo : Andreas Gursky
–
Sous les spots électriques,
Trône, quelque part, invisible,
Le gardien des lieux,
Veillant au parcours fléché,
Du trajet sans surprise,
Des consommateurs,
–
Où les seules idoles,
Parées de pancartes voyantes,
Indiquent les arrivages massifs,
Les nouveaux produits,
Bonnes affaires et promotions,
En tête de gondoles.
–
De ces gondoles aux flots tristes,
En allées rectilignes,
Rien de rappelle Venise,
Ses fastes et ses misères,
Ni les eaux des canaux,
Se mirant dans les cristaux.
–
On trouve bien parfois , reconstituées,
Des images, qui parlent voyages,
Et autre rivages,
Des colonnes en béton,
Et quelques statues copiées,
Evoquant l’antique.
–
Mais c’est pour le décor…
Créer une ambiance sympa,
Mettant au second plan,
Les cliquetis des caisses enregistreuses,
( D’ailleurs, on va le changer bientôt,
On s’approche des fêtes de fin d’année ) .
–
C’est juste à côté d’un espace
Où un vendeur, micro à la main,
Vante les mérites d’une auto,
La voiture est blanche ,
Et montée sur une estrade,
Elle tourne lentement, sous des banderoles jaunes.
–
Des palmiers dans leurs pots,
Sous la coupole en verre,
De la galerie marchande,
Voisinent la succursale d’une banque,
Une enseigne de chaussures,
Et une pharmacie.
–
Sur le sol de marbre,
Et aux allées larges,
Des personnes pressées,
Poussent leurs emplettes
Dans des chariots identiques,
Vers le grand parking.
–
Les gens doivent trouver bizarre,
Que je sois assis là,
Sur un banc en plastique,
Le stylo qui bave, à écrire tout ça,
Au moins je suis à l’abri,
Dans l’hypermarché.
–
Je n’ai pas assez d’argent sur moi,
Pour m’acheter, un papapluie.
A la cérémonie du temps perdu
Il y a si peu de nuages à vivre
Et désormais le soleil
Est dans l’instant *
–
–
* ces 4 lignes extraites de L’exigence du feu, d’Antoine Carrot,
RC- septembre 2013
–
Une « Marianne » de Lichtenstein- ( RC )
–
Tes yeux se posent sur moi,
Mais ne regardent pas,
Ou alors loin, si loin,
….. Tête de mannequin,
–
Avec blonde tignasse, et ta trombine,
Tu fais une nouvelle Marylin…
Mythe entêté,
Statue de la Liberté,
–
Attendre que le temps passe,
Et faire du sur-place…
Ne reste pas seule ….Pénélope
Aurait pu être l’icône du « pop »
–
En un coup d’avion,
Tu sauras, (belle comme un camion ),
Te faire encore plus belle,
Que les tours jumelles …
–
Produits exportés,
Ambassadrice de beauté,
A franchir les douanes,
C’est pour nous, bientôt , Marianne
–
Figure que berce,
Le génie du commerce,
Fée des filles, sortie de BD,
Icône de musée,
–
Parée, cosmétiques,
D’airs d’outre-Atlantique,
Figure héroïque
Moulée en plastique
–
Cette statue en résine,
J’en sais l ‘origine,
De la peinture, l’emphase,
Et elle, de ses cases,
–
D’un art devenu académique,
Qu’est devenue sa critique ?
D’une société, vantant sans passion,
Les objets de consommation.
–
Même sans phylactères,
Elle ne fait pas mystère,
De l’art d’Amérique…
> Qui sent aussi le fric .
–
RC – 26 aout 2013

peinture: Roy Lichtenstein, coup de brosse jaune. Metropolitan Art Mus NYC 1965
–
Le défilé des images ( RC )
–
En suivant les traces du temps
Comme des empreintes laissées dans la boue,
Il y a, sur ce fil,
Le défilé des images
De celles qui marquent un instant
Et finissent par pâlir,
Cartes postales oubliées au fond des tiroirs,
Restes d’affiches de campagnes électorales,
Catalogues fournis pour produits d’antan,
Et aussi les albums épais,
Des photos de famille.
Je parcours le tout,
Où se transforme,
En épisodes chronologiques,
L’univers, même réduit au dehors,
Bordé de maisons proches,
Qui s’enhardissent de grues,
Et deviennent immeubles.
La famille rassemblée,
Au pied de l’escalier,
S’est agrandie d’un nourrisson,
Maintenant debout sous un chapeau de paille,
Puis, regardant sur la droite,
Le chat gris faisant sa toilette,
Que l’on retrouve seul, enroulé sur lui-même.
Ensuite, c’est une tante de passage,
Dans ses bras, une petite soeur arrivée…
> Tout le monde est gauche,
Dans ses habits du dimanche,
Après le repas,
Peut-être suivant le baptême;
…. Il fait très beau dehors.
Ce sont donc des photos du jardin,
Les enfants jouent au ballon,
. Le tilleul a étiré son ombre,
Au-delà de la grille voisine.
Plus tard, toujours sur l’escalier,
Les habits suivent une autre mode,
….Dix ans se sont écoulés.
Le grand-père n’est plus,
Les allées sont cimentées,
La perspective est close,
D’un nouveau garage,
Occupé d’une voiture,
Brillant de ses chromes,
Elle apparaît sombre,
Peut-être verte…
Un autre album,
Tourne la page d’une génération,
Le format des images a changé,
Issues d’un nouvel appareil.
C’est maintenant la couleur,
Témoignant des années soixante.
L’extravagance des coiffures,
Et des motifs géométriques,
S’étalant sur les murs,
Le règne du plastique,
Et du formica, qui jalonne encore,
Les meubles rustiques en bois.
Quelques pages plus loin,
Les teintes sucrées,
De photos polaroïd,
Donnent dans la fantaisie,
Des portraits déformés,
Pris de trop près,
Et surtout le voyage à Venise.
Gondoles et palais,
Trattorias et reflets…
Les lieux soigneusement mentionnés,
Au stylo à bille ….
> Le beau temps tourne à l’orage,
—– On suppose une dispute,
Car l’album s’arrête là,
En mille-neuf-cent-quatre-vingt,
Sur la photo de l’amie,
Partie sous d’autres horizons,
Rageusement déchirée,
Puis, maladroitement recollée,
Les souvenirs ne sont plus de mise,
Et restent clos dans le tiroir.
Le défilé des images, lui, s ‘immobilise.
–
RC – 10 et 11 août 2013
–
Heures obliques à Prétoria ( RC )

photographe non identifié, bidonville à Wonderkop ( Afrique du Sud)
–
Rochers convexes, dédales tracés à travers
Les rêves , les champs d’orge, encore couchés,
Sous les doigts de l’orage.
La poussière de l’été s’étale, et recouvre
Aussi les abris d’autobus, et les sacs de plastique
Eparpillés de part et d’autre de la route,
Désertée, et ne menant nulle part,
Tant les banlieues se ressemblent,
Les panneaux publicitaires en décor,
Le soleil mouvant jouant
Avec les flèches sur la chaussée,
Aux heures fanées d’obliques,
Des cabanes aux tôles éventrées,
Se pressent à quelque distance,
De blanches villas cossues…
A Pretoria
–
RC – 6 août 2013
–

Une femme de mineur vivant dans les bidonvilles près de la mine de platine de Marikana, le 30 octobre 2012 en Afrique du Sud
Le ciel ne se remplit pas de couleurs, aux fêlures du quotidien – ( RC )
A oublier de respirer,
Celui qui poursuit son chemin tranquille,
Ne s’aperçoit pas que, sous ses pas,
Se déroule le vide
Et que la falaise a cédé.
L’apprenti soldat, confond la réalité avec les jeux vidéos,
Et l’arme entre ses mains, n’a de différence avec le fusil en plastique
Que son poids, et l’odeur de l’huile
Alors qu’il caresse la gâchette,
Large, froide – vraie
A oublier de respirer,
On en oublie de penser
Et le monde a tourné sur lui-même.
Les larmes ont séché sur les visages
Au soleil disparu derrière les collines.
Enrôlés de force, les enfants soldats
Qu’on mène au combat
Délaissent la famine,
Pour les champs de mines,
Ont le goût du sang, dans leurs bouches d’enfants.
Le ciel ne se remplit pas de couleurs
Aux fêlures du quotidien,
Mais colporte la haine
Dans leurs poings serrés
Sur des branches de douleur.
–
RC – 8 février 2013
–
En présence de l’inconnu ( RC )
Un quart de tour de terre
Suffit à bouleverser les critères,
Mettre en présence l’inconnu
Aux enfants marchant les pieds nus,
Dans la poussière…
C’est quand même un mystère
De voir arriver par les airs
Et au-delà des mers
Tous ces gens venus d’ailleurs
Et d’un monde pensé meilleur,
Sortant de leur carrosse
Qui se reflète dans les yeux des gosses.
Ils n’en croient pas leurs yeux
Quand viennent se poser devant eux
Brillant de chromes et courbures,
De grosses voitures
Que leurs mains , osent parcourir
Les toucher du doigt, en garder souvenir
Lors d’une courte pause, regards en miroir,
Les reflets du toucher, se jouent en noir…
C’est avoir à portée de mains, le mythe
de l’occident, – que les rêves habitent…
Il y a toujours des pensées avides,
Même pour les bouteilles en plastique, vides.
–
RC – 24 décembre 2012
–
Comme dans un tableau d’Edward Hopper ( RC )
–
Des chaises en plastique blanches, aux pieds chromés,
Banquettes rouges plaquées le long du mur,
Lumières froides suspendues
Et un personnage à table, lisant le journal
Caché en partie par un pilier de béton
Enveloppé malgré lui, du décor anonyme
Au bar de l’aéroport, … – comme dans un tableau
D’Edward Hopper
RC – 22 décembre 2012
–
Hareng ( RC )

peinture: James Ensor; deux squelettes se disputant un hareng
Rien ne prédestinait, je crois
A ce que ce poisson, quitte les fonds marins
Pour être présent, ( et sujet ) du festin
L’assiette posée sur la table en bois.
Je suis allé le chercher
En hésitant longtemps
— de la morue ou du hareng ?
Au supermarché …
En ce qui me concerne
Je l’ai choisi au hasard
Sans considérer son regard
– qui était plutôt terne
Il était disposé
Comme le veut l’usage
Dans un bel emballage
– article non pesé…

reprise en cravate des harengs de Van Gogh
Celui-ci était vert
Ca donnait une touche de couleur
A côté du beurre
Ca devait rappelait la mer
Un emballage de plastique
Avec un film dessus
Qui est bien conçu
En matières synthétiques
Je me suis dit qu’un vin
Blanc, comme boisson,
En pensant au poisson
Irait bien pour demain
Bien qu’au naturel , il préfère
– ce que je comprends
– Comme tous les harengs –
Son bain d’eau de mer…
Je l’ai mis à l’aise
Pour pas qu’il ne s’enrhume
Avec des légumes
Et de la mayonnaise
Comme les poissons essaiment
J’ai pensé à leur nombre,évoluant par bans
Au coeur de l’océan
Et je lui dédie ce poème….
J’évoque aussi Ensor
Qui, dans ses peintures
– ( » Ouh là !! que de culture !! » )
Pense avec bonheur, aux harengs saurs…
Mais avant, qu’il participe à la fête,
Il faut que je vois, s’il n’a pas trop de sel
Et aussi que j’enlève
Toutes ses arêtes…
–
RC- 18 novembre 2012
Richard Brautigan -Il y a des vieilles folles dans le bus d’Amérique de nos jours
–
Richard Brautigan, « Il y a des vieilles folles dans le bus d’Amérique de nos jours »
À l’instant même, il y en a une, assise derrière moi. Elle porte un vieux chapeau décoré de fruits en plastique, et ses yeux zigzaguent à toute allure dans son visage comme des mouches sur des fruits.
L’homme qui est assis à côté d’elle fait semblant d’être mort.
La vieille femme lui parle et le souffle verbal ininterrompu qui sort de sa bouche évoque la frénésie des pistes de bowling, un samedi soir, avec des millions de quilles qui lui tombent des dents.
L’homme qui est assis près d’elle est un vieux Chinois tout petit, et qui porte des vêtements d’adolescent. Sa veste, son pantalon, ses chaussures et sa casquette son ceux d’un garçon de quinze ans. J’ai vu des tas de vieux chinois habillés comme des adolescents. Ça doit faire drôle quand ils vont s’acheter des vêtements dans les magasins.
Le Chinois s’est recroquevillé contre la fenêtre, et on ne peut même pas dire s’il respire. Elle s’en fiche pas mal de savoir s’il est mort ou vivant.
Il était vivant quand elle est venue s’asseoir à côté de lui et qu’elle s’est mise à lui parler de ses enfants qui sont devenus des bons à rien, son mari qui est alcoolique, et la fuite dans le toit de la foutue bagnole qu’il ne trouve même pas le moyen de réparer puisqu’il est toujours saoul – le salaud – et elle, elle est trop fatiguée pour faire quoi que ce soit parce qu ‘elle travaille toute la journée dans un café – et je dois être la serveuse la plus vieille du monde – et ses pieds ne le supportent plus, et son fils est en taule, et sa fille vit avec un chauffeur de camion alcoolique et ils ont trois mioches qui fichent la pagaille dans la maison, et elle aimerait avoir un poste de télévision parce qu’elle ne peut plus écouter la radio.
Elle a cessé d’écouter la radio il y a dix ans, parce qu’elle n’arrivait pas à trouver d’émissions. Il n’y a plus que de la musique et des informations maintenant – et je n’aime pas la musique, et je ne comprends pas les informations – et elle s’en fiche pas mal de savoir si ce putain de Chinetoque est mort ou vivant.
Elle a mangé de la cuisine chinoise il y a vingt-trois ans à Sacramento, et elle a eu la chiasse pendant cinq jours, et tout ce qu’elle voit, c’est une oreille en face de sa bouche.
L’oreille ressemble à un petit cornet jaune, mort.
–