Michel Foissier – hombres dans l’ombre des révolutions

hombres dans l’ombre des révolutions
il construit une échelle de bois blanc
une volée de marches pour voler à nouveau
escalier qui porte à la porte des femmes
chambre où se découvre le pot aux roses de la mémoire
aveugle écossant des images de papier glacé
ses doigts révèlent des héroïsmes de soldats de plomb
il rêve de ce miroir obscur où se reflète une étoile
araignée d’argent dans la gourmandise de sa toile
chapeau de feutre visage de plomb
il est cousu dans un linceul de silence
et puis dans la douleur d’un petit lit de fer
chemise tachée de sang
avec lui nous tombons la face contre le mur
dans le pressentiment du petit jour
Femme de vent – ( RC )

Femme de vent à l’âme secrète,
l’orage est ta chevelure,
je verrai presque ta tête
dans l’œil de l’ouragan
pendant un court instant de répit.
Bascule dans la saumure
l’errance de mon pays tropical.
Je t’entendrai hurler dans la nuit,
et pour me retenir de ta furie,
quand se déchaînent les éclairs,
mon corps se crispe sur les rochers coupants
mes pieds lestés de plomb :
Les vagues projetées
s’en sont prises aux navires
dans l’étau de tempête.
Autant de dents
qui les déchiquettent
dans la tourmente :
spirale géante
d’une gueule béante
où l’horizon s’est dissout
le ciel éclaté
comme pulvérisé
de fragments de verre,
sifflements stridents de ta colère
qu’avons nous fait
pour la provoquer,
et qui invoquer dorénavant
pour t’apaiser,
… femme de vent ?
Paul Vincensini – Le poids de la vie
-montage RC
Le poids de la vie en somme
C’est l’absence
Le silence
La solitude
Ce poids ne compte pas
N’a pas de poids
Et son symbole n’est pas le plomb
Mais le flocon de neige.
« Toujours et jamais », 1982.
U pesu di a vita
U pesu di a vita in calchi manera
Hè a mancanza
U silenziu
A sulitùdina
Issu pesu ùn conta
Un hà micca pesu
È u so sìmbulu ùn hè piombu
Ma u fioccu di nevi
–
Jean Tardieu – au conditionnel

Si je savais écrire je saurais dessiner
Si j’avais un verre d’eau je le ferais geler
et je le conserverais sous verre
Si on me donnait une motte de beurre je
la ferais couler en bronze
Si j’avais trois mains je ne saurais où
donner de la tête
Si les plumes s’envolaient si la neige fondait
si les regards se perdaient, je
leur mettrais du plomb dans l’aile
Si je marchais toujours tout droit devant
moi, au lieu de faire le tour du
globe j’irais jusqu’à Sirius et
au-delà
Si je mangeais trop de pommes de terre je
les ferais germer sur mon cadavre
Si je sortais par la porte je rentrerais
par la fenêtre
Si j’avalais un sabre je demanderais
un grand bol de Rouge
Si j’avais une poignée de clous je les
enfoncerais dans ma main
gauche avec ma main
droite et vice versa.
Si je partais sans me retourner, je
me perdrais bientôt de vue.
Valeriù Stancu – Autoportrait avec blasphème

dessin : Hom Nguyen
autoportrait avec abîme, rêve et exil
La poésie,
je la vis, je ne l’écris pas.
Des vagues de poussière, concentriques,
embrassent ma fenêtre.
A travers le voile de leur silence
je vois
je vois la destruction
la destruction des maisons
des maisons qui s’écroulent
qui s’écroulent dans un néant tardif.
Sur les lèvres de l’abîme
je frissonne
et j’hésite
rongé par la peur
de l’exil intérieur.
Coquille de plomb, le silence.
Je vis ma propre confession.
Extrait de Autoportrait avec blasphème
L’arbre à paroles – Collection Monde Latin.
Mon corps lourd de la nuit – ( RC )

J’ai le corps lourd de la nuit
qui pèse à plat sur moi,
– ma doublure effacée par le sommeil-.
Un nuage m’entoure
me coupe le souffle.
Il est de plomb.
Entraîné par son poids
je décroche de mes rêves
pour chuter d’un coup
dans le présent,
éteignant
mes étoiles d’argent.
Francesca-Yvonne Caroutch – espace du désir
peinture: Patrice Giorda
Espace idéal
espace du désir qui
au-delà de l’assouvissement
demeure pur désir
c’est-à-dire volonté des étoiles
Jubilation de la graine sur le point de germer
Ascèse des voyages dans l’énergie à l’état brut
L’esprit et le cœur pris dans les glaces
enfin tressaillent de concert
Voici alors le prince
ni ours ni dieu
qui saura éveiller la belle au plomb dormant
Car notre mercure est terre humide et torride
le verger notre corps
et notre corps un cosmos .
Un jupon d’un buisson de ronces – ( RC )
Pripiat – Ukraine – provenance photo: http://machbio.blogspot.fr
–
J’ai fait un jupon d’un buisson de ronces,
Pour aller avec la robe de plomb,
Habillant si bien les bois morts,
Et la langue affligée ( celle qu’on ne peut plus traduire ).
Une cérémonie où les statues sont de sortie,
Alignées, immobiles,
Conformément au protocole ,
Attendant un signe qui ne viendra pas.
Un premier plan de givre, un alphabet en désordre,
Et les arbres, libérés des contraintes ordinaires
ont commencé à crever le ciment de la place du Champ de Mars .
Tous les habitants ont fui une menace qui ne dit pas son nom .
–
RC- juin 2015
–
–
En rapport avec la ville Pripiat ( à 3km de la centrale de Tchernobyl ).
A voir au sujet des conséquences de l’explosion
de la centrale nucléaire, sur la ville de Pripiat,
le film » la terre outragée »
–
Petit commentaire perso: Daugavpils, est une ville de Lettonie, proche de la frontière de la Russie . Elle comporte une citadelle militaire qui a été laissée complètement à l’abandon, et dont l’enceinte abritait en 2004 également une série de hlm vétustes.
L’abandon n’a pas ici de cause consécutive à un accident nucléaire, mais on observe le même phénomène, à savoir que les places d’armes ( où trônent encore des canons) sont envahies progressivement par la végétation: par exemple des arbres qui masquent presque totalement de hauts lampadaires destinés à éclairer la place.
A noter qu’au côté sinistre de l’abandon, se joint le côté historique, puisque cette ville a servi de ghetto concentrationnaire pour les juifs… lire cet article corrrespondant…..
Tomas Tranströmer – Cartes postales noires
Ziney – destruction
Dans les textes de Ziney, visibles ici,
j’ai sélectionné
« destruction », pour en proposer une traduction perso…
–
destruction
le plus pur albâtre, un bâton de cire
assis dans une flaque d’une piquante
odeur nauséabonde qui retournerait votre estomac
ou vous faire remplir les fenêtres peintes de plomb
et les fissures du mur sec
qui se consume de plus en plus bas
et l’espace saigne de façon de plus en plus brillante
jusqu’à ce que les murs soient déchirés par un blanc angélique
et la charpente résonne comme un coup de feu
et le chant funèbre commence
et la chanson de lamentations de l’orgue
détruit le lieu où tout réside .
–
Destruction
the purest alabaster stick of wax
sitting in a puddle of pungency
a sickening smell that would turn your stomach
or get you high
fills the lead painted windows and cracking dry wall
as it burns lower and lower
and the room bleeds brighter and brighter
till the walls are ripped by angelic white
and the timbers sound like a gunshot
and the funeral dirge begins
and the wailing organ song destroys the place
where everything resides
La figure de proue , interroge les siècles – ( RC )
–
Quelque part dans le manteau d’eau
Se rencontrent des formes,
– elles n’ont rien de géométriques –
Assouplies aux contacts des courants,
Elles glissent, parfois l’une à côté de l’autre,
Se regardent avec curiosité,
Des cousins lointains,
Dont on aurait oublié la langue…
Et puis ces hommes carapaces,
Se risquant à quitter la terre ferme,
Et reliés d’un tuyau à l’atmosphère
Du sable meuble sous les semelles de plomb,
Communiquant par signes,
Intrus en scaphandriers,
Frôlés par des raies manta,
Aux lentes évolutions sombres.
Les rubans d’algues pendantes,
Les lumières feutrées d’un soleil
Remué de vagues, – plus haut –
Les bancs de poissons argentés,
Jouent, furtifs ,
Dans le gîte de l’épave d’un voyage arrêté
Dans le silence liquide,
Il y a trois cent années.
Les humains d’aujourd’hui, inspectent sans scrupule,
Le vieux navire , de coquillages incrustés ,
Et ces longues années , au sens propre , écoulées,
Eléments étrangers, venus crever la surface lisse
Du secret des eaux… réunis…un peu comme la rencontre ,
Sur la table de dissection – de Lautréamont
D’une machine à coudre et d’un parapuie.
Le regard vide de la figure de proue , interroge les siècles.
_
RC – février 2014
Blas de Otero – frondaisons de fronts troublés

Peinture Delacroix: Lutte de Jacob avec l’ange
Frondaison de fronts troublés
Ceci à l’immense majorité, frondaison
de fronts troublés et de cœurs souffrants,
à ceux qui luttent contre Dieu, défaits
d’un seul coup en leur profonde ténèbre.
À toi, et à toi, mur rond
D’un soleil assoiffé, jachères faméliques,
à tous, oh oui, ils vont à tous, et tout droit,
ces poèmes faits chairs et chansons.
Entendez-les pareils à la mer. Ils mordent la main
de qui la passe sur leur échine bouillante.
Éclate à l’écart leur mugissement tout proche
Et ils s’écroulent comme une mer de plomb.
Hélas, cet ange cruellement humain
accourt pour vous sauver, et il ne sait comment
–
Es a la inmensa mayoría, fronda
de turbias frentes y sufrientes pechos,
a los que luchan contra Dios, deshechos
de un solo golpe en su tiniebla honda.
A ti, y a ti, tapia redonda
de un sol con sed, famélicos barbechos,
a todos, oh sí, a todos van, derechos,
estos poemas hechos carne y ronda.
Oídlos cual el mar. Muerden la mano
De quien la pasa por su hirviente lomo.
Restalla al margen su bramar cercano
Y se derrumban como un mar de plomo.
¡ Ay, ese ángel fieramente humano
corre a salvaros, y no sabe cómo !
–
Blas de Otero
extraits des recueils ÀNGEL FIERAMENTE HUMANO et REDOBLE DE CONCIENCIA, – Buenos Aires,
rsaupoeme.fr/chroniques/le-scalp-en-feu-2/michel-host#sthash.Mc9IsUyt.dpuf
Annie Lafrenière – Le triomphe de la colère
–
Leurs poings
chargés de plomb
peuplés de sang
éparpillés
dans l’étroitesse des amours absents
s’exhibent
avides d’éclat, défaits
cloués à la paroi
des limbes qui me bardent
un sourire pour toute lumière
chargée à blanc
je me tue pour leur survivre
et la pointe du jour m’emporte
plus neuve qu’aucune naissance
la colère liée au poing
le vertige du déclin
délestés comme des corps qui éclatent
avalés par l’asphalte qui les remet au monde
La lumière a ton regard ( RC )
–
–
À quoi ressembleront tes yeux ,
S’ils reflètent les flaques du ciel,
A travers vents et colère,
Traversant l’amer… ?
–
Se précipite la déchirure du ciel,
Le roulis des nuées grises,
Le plomb du poids des vagues,
S’écrasant sur la coque.
–
Sillage de solitude,
Je suis l’oiseau des îles,
Aux ailes immobiles,
Parcours, inattendu,
–
Sérénité repoussant l’orage,
Dépliant ses pages,
Hors du chaos du monde,
Guidant le voilier à bon port.
–
Si la mer, s’ouvre soudain,
Comme dans la légende,
Et laisse ses murs de verre,
Comme en suspension,
–
Et si tes yeux ainsi,
Retrouvent leur lumière,
Alors, je pourrai peut-être
Croiser à nouveau ton regard.
–
RC – 17 septembre 2013
–
Nuno Judice – Remords
–
Ce sont des choses infimes :
Les fenêtres qui battent au vent,
Des suspensions de phrases
Dans le souvenir d’un désir,
Les cheveux dénoués
Quand l’interrupteur rétablit la lumière.
Mais c’est cela dont tu te souviens
Quand il semble qu’il n’y ait plus rien
Alentour de toi ; et la nuit
Qui pouvait t’envelopper
Dans le linceul froid du silence ultime
Oublie que tu existes.
Alors tu déroules les images à l’intérieur de toi
Comme si tu pouvais encore vivre
Chacune d’elles.
Tu ne dors pas :
Mais ce n’est que lorsque la lumière de l’aube
Te rappellera qu’il fait jour
Et que tes paupières seront lourdes comme du plomb
Que tu pleureras les heures blanches
Le goût acide du ressac
Et l’amour que tu as perdu
Dans l’hésitation d’une étreinte.
–
voir cet article de François Weigel sur Nuno Judice.
–
Je ne te vois pluie ( RC )

photo Electroluminescence [Cee]
Contre le mur, tu as tourné la tête
Une lourdeur tropicale,
Et les nuages s’écrasent
Aux éclats des ardoises
De la ville
On dirait qu’aux assauts du temps
Elle jouerait -rebelle-
Opposant la pierre et le bitume
Aux rideaux d’argent,
Le fluide.
Rebondit, aux fleurs noires
Les parapluies qui se hâtent,
Et la rue qui tangue
Sous un ciel plomb
Et l’horizon qui s’échappe.
Même les bruits courants,
Sont bus en cascade,
Et les paroles se sont tues
Derrière un rideau translucide
—-C’est l’eau me dis-tu.
Sans les paroles, enfin, ce que je lis
De la forme de tes lèvres.
–
Oui l’eau —-( bien sûr, quand il pleut )
Mais aucun son ne me vient
Tu me parles, et je n’entends rien.
Et même, tu rétrécis
Et te fonds dans le mur gris
Les vêtements humides
Et sous le parapluie.
Tu as tourné la tête….
—
Je ne t’entends plus
Je ne te vois pluie…
–
RC – 27 février 2013
Traces frottées ( RC )
( Traces frottées , sont en rapport avec l’art de Larry Rivers )
—
L’arc même
Des traces frottées
L’ombre d’un regard
Evoqué,
L’empreinte passagère
Mine de plomb.
Il y a ce souvenir
Des tableaux des musées,
Et les peintres qui déposent,
Disposent , de la mémoire
Les maîtres hollandais se retrouvent
Sur les boîtes à cigares,
Comme Olympia
Alanguie
Surprise peut-être,
Avec sa servante noire,
Et un chat
Qui passait par là…
Ou Washington
Extrait de l’histoire – la grande –
Juxtaposé aussi
Aux portraits de modèles anonymes
Et leur présence,
En traces frottées…
RC- 10 novembre 2012
–
Je viens aussi de publier, sur Larry Rivers, cité ici, cet article dans « art-encore »
peinture-volume: Larry Rivers: I LIKE OLYMPIA IN BLACK FACE, 1970.
–
Else Lasker- Schüler – Fin du monde

peinture: William Blake : le cercle de la luxure ( amants damnés) Francesca Da-Rimini et Paolo Malatesta, d’après la Divine Comédie de Dante
Il est des larmes dans le monde
Comme si le bon dieu était mort
Et l’ombre de plomb qui tombe
Pèse du poids du tombeau.
Viens, cachons-nous plus près…
La vie gît dans tous les coeurs
Comme en des cercueils.
O! Embrassons-nous profondément.
Au monde frappe une nostalgie
Dont il nous faudra mourir.
(Weltende, 1917)
–
Laissés pour compte ( RC )

peinture: R Magritte – pluie de personnages ( le généreux donateur)
–
Il pleut des personnages, en habit de ville
Raides comme des soldats de plomb
En contre-jour de lampes d’un destin immobile
Ne traçant que vers le plus long
Les hommes s’étalent dans l’alcool
Et ne cessent de revenir en arrière
A même la dure surface de béton, du sol
Tatouages bleutés de leur mémoire de chair.
L’humanité a la gueule de bois,
La parole creuse, mais prolifique
… elle nous revient de guingois,
Au lent bal des années pathétiques.
Il pleut des personnages, clones de camarades
Egalité, éternité, fraternité
Et fête en marmelade
C’est ce qui fait la liberté
De tous les laissés pour compte
Ceux aux habits raidis
Au rendez-vous de la honte
De leur vie, le taudis
Au bal de la soupe populaire
Qui n’ a , au goût de paradis
Que l’amer de l’en- terre
Cercle de misère, et des maudits.
RC 10 juin 2012
–
Georg Heym – Les Démons des villes

peinture: Gorge Grosz la grande ville – 1917
–
Georg Heym – Les Démons des villes (Die Dämonen der Stadt, 1911)
À travers la nuit ils parcourent les villes
Qui se tapissent, noires, sous leur pied.
Comme des barbes de marin, à leurs mentons
Se pressent les nuages, charbonneux de fumée et de suie.
Leur ombre longue tangue sur l’océan des toits
Et étouffe les lumières en enfilade dans les rues.
Elle rampe comme un brouillard pesant sur le pavé
Et, léchant maison après maison, lentement progresse.
Plantés d’une jambe sur une place
De l’autre agenouillés sur une tour,
Ils se dressent là où la pluie tombe noire, soufflent,
Sous la tourmente des nuages, dans leur flûte de Pan.
À leurs pieds tournoie la rengaine
De l’océan des villes à la musique triste,
Vaste chant de mort. Tantôt sourde, tantôt perçante
La tonalité change, s’élève dans le ciel obscur.
Ils progressent sur le courant qui noir et large
Comme un reptile au dos tacheté de jaune
Par les réverbères, dans l’obscurité de noir
Couvrant le ciel se faufile tristement.
Ils s’appuient lourdement au mur d’un pont
Et ils plongent leurs mains dans la chaleur
Aux hommes puisée, comme les faunes sur la rive
Des marais enfouissent le bras dans la vase.
L’un se lève. À la lune blanche il accroche
De noires mandibules. La nuit
Qui comme du plomb tombe du ciel ténébreux
Enfonce les maisons dans le puits de l’obscurité.
Les épaules des villes craquent. Et un toit
Éclate, un feu rouge en fait son lit.
Ils sont assis à califourchon sur sa cime
Et hurlent comme des chats au firmament.
Dans une chambre emplie de ténèbres
Hurle une femme grosse, dans les douleurs.
Son corps puissant se dresse haut hors des coussins,
Autour de lui se tiennent les grands diables.
Elle s’agrippe tremblante à son lit de douleur.
La pièce autour d’elle tangue sous son cri,
Voici son rejeton. Son giron se déchire, rouge et béant,
Sanglant il s’ouvre et livre passage au rejeton.
Les cous des démons s’allongent comme ceux de girafes.
L’enfant n’a pas de tête. Sa mère le tient
Devant elle. Son dos est déchiré sous la terreur
Aux doigts de crapauds, quand elle retombe étendue.
Or les démons grandissent, monstrueux.
Leur corne déchire le ciel rougi.
Le tonnerre d’un séisme parcourt le giron des villes
Sous leur sabot d’où jaillit l’étincelle.
***
Georg Heym (1887-1912) – Le Jour éternel (Der ewige Tag, 1911)
–
Marie Hurtrel – Parole recluse
–
Pourtant, tu avais un écho, et le silence baignait seulement une note plus bleue que le soleil des anciens décembres.
Sous la neige sans consistance où l’hiver s’était perdu… à jamais perdu. Il poussait des fleurs.
Quand de raison qui déraisonne, les notes se sont mises à tomber d’un ciel déchu, c’est comme si ce soleil s’était éteint.
S’est-il éteint…
S’éteint-il…
L’obscurité marque son armure[1] et la portée[2] tremble.
Quand les mots manquaient de lettres, dans l’avant et l’été attendu, les rêves buvaient la tasse d’encre, et se noyaient les pupilles du doute dans leur inconsistance.
Pourquoi ces jours brisés boivent-ils maintenant le plomb et la parole recluse scelle-t-elle nos tombes…
Pourquoi l’intransigeance du voyage ferme-t-elle la bouche sur un pardon exclu, une larme tue, et l’été qui s’en va avant la saison…
Faut-il au sang d’égorger les hirondelles pour parer de peines la porte déjà trop lourde des cimetières ?
© Marie Hurtrel
[1] Armure : en musique, altérations réunies à la clef
[2] Portée : les cinq lignes permettant de représenter les hauteurs des notes
–
Bricolage matinal – de Bleu pourpre
Bricolage matinal
L’ultime présence de l’instant est à portée de doigts , ainsi, fouiller l’intime et mettre à jour la palette de mon ample grondement.
Ciel de plomb et pourtant…un regard comme déversé vers l’horizon suffit pour avoir les entrailles épousées par une lasure fine de bleu lavé.
Puis,
La lueur qui s’entête à se défouler derrière les lourdeurs du temps …
Alors… permettre au tourbillon de devenir transparence.
Et défiger l’instant
Là
Il y a une fenêtre, tant que j’aurai des yeux derrière les tempes, il y aura une fenêtre et un soleil qui joue à taper à ma fenêtre…je l’ouvre ou l’entrouvre, ça dépend du choix du sable.
Il y a du vent , tant que j’aurai des joues offertes, il y aura du vent…avec à sa bouche des mélodies, des symphonies, des fados , des blues et les chorales du diable … ça dépend si je suis rouge ou si je suis bleue.
Du vent qui viendra me souffler les poumons et m’écarquiller devant des horizons à marée haute…
Puis, sûrement un navire , un trois-mâts aux voilures gigantesques, perçant la brume opalescente des sorties de nuit … je l’ai construit avec un vieux radeau qui traînait là, que j’ai trouvé dans un élevage de coquillages . C’est un bricolage d’entre deux heures, me le pardonnerez-vous ?
Fuir la perfection et s’adosser à l’inattendu…
J’ai la paume ouverte au présent .
Ne rien attendre est ma robe de papier de soie.
Ne rien attendre est le jasmin qui s’enroule à mes chevilles.
Une serrure au creux du ventre, l’image est vraie, et étonnante, une serrure, même deux, voyez-vous, j’ai deux serrures au creux du ventre . Je crois avoir cherché les clés, mais des clés qui n’existent pas ou plus…je crois qu’à force d’avoir essayé des clés non – adaptées, j’ai du forcer mes deux serrures, et les laisser béantes d’inaptitude .
Un flot de sang s’en est échappé à mon insu jusqu’à ce que ça m’allonge de force, là, sur une plage blanche et brûlante.
Je suis debout, avec ma robe de papier de soie et mon jasmin odorant autour des chevilles.
Je suis bien, là…
Parmi les fleurs oranges
Et les dunes de chévrefeuilles.
Je laisse mes serrures se recouvrir , je leur offre un tapis vierge qui deviendra un autre trésor intime.
La paume ouverte au présent et adossée à l’inattendu du parfum des vents autour, tout autour…
Nathalie 18 aout 2011
communiqué grâce à bleu-pourpre et sa « tentative de lumière » ( elle y parvient) , sur son article – je l’en remercie