Jacques Borel – la trace
LA TRACE
À qui veux-tu parler ?
Les trottoirs sont déserts,
Un petit soleil mort
Ou le crachat d’hier
Se sèche sur le mur.
O veine de mica,
Tesson, mucus, paupière,
Trace d’une lueur
Absorbée par la pierre,
Ne t’éteins pas encore,
Reste d’un geste humain
Ou souvenir du jour,
Illumine ce peu
D’espace consolable
Où ma vie comme un poing
Serre ses derniers rêves .
–
extrait de « sur les murs du temps »
François Corvol – Quelque chose – VIII -Métro St Paul
VIII
Toujours le même clochard à enjamber
à l’entrée du métro saint-paul
toujours la même masse
dans laquelle déambuler se frayer un chemin
dans le néant comme dans la vie, dense et hystérique
cette masse a tous les jours la même tête
chacun colérique de ne pas valoir un clou
jungle compliquée fiévreuse caduque
l’esprit de la foule fait naître
à la fois la fuite et l’amour dans mon cœur
je ferme parfois le poing dans ma poche
position de combat absolument ridicule
je fais finalement comme les autres
j’erre je dense je pense je travaille j’attends
Le poing crispé sur les cartes – ( RC )
–
Tu tiens dans tes mains
Les cartes des jours,
Et disposes des atouts,
Des as et des figures.
Je ne sais encore aujourd’hui,
Ce qui compose ton jeu.
Nous n’avons pas voyagé ensemble
Assez longtemps pour que je devine,
Quelles étaient ces cartes.
Serrées dans tes mains closes.
On y lisait peut-être mon destin.
Tu t’es endormie des années,
Et, mon bateau abordant d’autres rivages,
Tu t’es réveillée sans ton image,
Oubliée quelque part,
Par inadvertance.
C’est alors que , desserrant ton poing,
Toujours crispé sur les cartes,
Tu t’es aperçue
Qu’elles étaient blanches,
Et qu’elles ne parlaient plus d’avenir.
–
RC – sept 2014

peinture: Lukas Van Leyden
Annie Lafrenière – Le triomphe de la colère
–
Leurs poings
chargés de plomb
peuplés de sang
éparpillés
dans l’étroitesse des amours absents
s’exhibent
avides d’éclat, défaits
cloués à la paroi
des limbes qui me bardent
un sourire pour toute lumière
chargée à blanc
je me tue pour leur survivre
et la pointe du jour m’emporte
plus neuve qu’aucune naissance
la colère liée au poing
le vertige du déclin
délestés comme des corps qui éclatent
avalés par l’asphalte qui les remet au monde