Jacques Dupin – Grand vent
–
Nous n’appartenons qu’au sentier de montagne
Qui serpente au soleil entre la sauge et le lichen
Et s’élance à la nuit, chemin de crête,
À la rencontre des constellations.
Nous avons rapproché des sommets
La limite des terres arables.
Les graines éclatent dans nos poings.
Les flammes rentrent dans nos os.
Que le fumier monte à dos d’hommes jusqu’à nous !
Que la vigne et le seigle répliquent
À la vieillesse du volcan !
Les fruits de l’orgueil, les fruits du basalte
Mûriront sous les coups
Qui nous rendent visibles.
La chair endurera ce que l’œil a souffert,
Ce que les loups n’ont pas rêvé
Avant de descendre à la mer.
–
du recueil » le corps clairvoyant » –
Les veilles, les poings serrés – ( RC )
–
Tu tournes la tête, vers des espaces si éloignés, encore ,
Qu’on ne peut les sentir, les toucher.
Ce sont des veilles de pensées, comme on veillerait le défunt.
Tout s’est tu, et même les coups de fouet des éclairs,
Dans le ciel chaviré, n’atteignent plus ce théâtre.
… Les lumières se sont éteintes.
Un courant d’air sournois est arrivé .
Un éteignoir, où les chandelles n’ont plus pu respirer .
La parole est emportée.
– Elle ne peut plus t’atteindre .
Même l’espace des rêves semble inaccessible .
Pour que tu entendes, il faudrait que nous retournions,
jusqu’aux marges de l’enfance… desserrions les poings,
Pour que l’ombre, peu à peu, s’en échappe …
–
RC – nov 2014
( texte créé à partir d’une lecture de Ile Eniger )
–