
peinture Simon Hantaï – 1959
Imagine ta vie
comme une oeuvre d’art ...
Elle serait plutôt bizarre :
– L’enquête a établi
Qu’en tant qu’artiste
c’était une activité louche
( de brouiller les pistes
en rajoutant des couches…)
On n’y voit que du feu :
C’est un drôle de calcul ;
On trouvera bien ( en grattant un peu ),
ce que cela dissimule… :
Les gens sont pleins de malice
et plutôt que dans l’écriture,
ils arrivent à trouver des interstices
même dans la peinture…
Si on prend bien soin,
de regarder les coups de pinceaux,
on trouvera bien ce qu’il faut
( même une aiguille dans une botte de foin ) :
Il suffit de patience
pour lire ton destin ,
savoir à quoi tu penses …
…. Tu veux qu’j’te fasse un dessin ?
Avec les meilleures intentions,
sans que ça soit ma tasse de thé,
je sais tenir un crayon,
même si c’est ta spécialité.
Il se pourrait que j’efface
la toile pour retrouver le blanc
– il n’y a pas de place
pour les faux semblants –
Maintenant: ce tableau est lisse,
on a raclé les épaisseurs,
selon les instructions de la police,
pour que de la couleur
plus rien n’émerge :
plus de message caché
On peut dire que la surface vierge
est devenue sans danger.
Imagine ta vie
ainsi épurée !
les marques de sympathie
d’oeuvres censurées :
Plus aucun problème
avec les choses prohibées ! .
Ce que les gens aiment
c’est être rassurés.
–
RC – juin 2016
( dans les tableaux « neutralisés », je pense à ce dessin de W De Kooning , confié à ,Robert Rauschenberg afin qu’il l’efface )
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12/25/2016 | Catégories: d'images, peinture, self creation | Tags: art, artiste, épaisseurs, blanc, censure, chabriere, couches, couleurs, crayon, dessin, destin, foin, message, oeuvre, peinture, pinceaux, police, vierge | Poster un commentaire

J’étais un disciple de Confucius.
Je brûlais pour lui des bâtons de cire parfumée
J’aidai à la construction de la grande muraille
Et vis flamber le brasier dans lequel l’empereur Huang-Ti fit brûler les livres sacrés
Il persécuta les poètes et les lettrés… Poète
Je fus contraint de fuir
Et me fis pêcheur avec corbeaux marins sur le fleuve de Canton
Puis je devins droguiste dans une rue étroite et sale
Tapis lanternes et écriteaux
Tablettes peintes en rouge et noir…
Je vendais de l’opium sans craindre la police…
Sur leurs couches
Des momies avec des pipes en bambou jouaient de la flûte
La tresse de cheveux s’enroulant sur leur corps
La fumée empestait l’atmosphère…
Heureux sans craindre la police !
Stupeur !
Le canal de la monotonie éclate !
Les Boxers me tombent dessus…
Visages dilatés par la haine
Pas d’innovations !
Ils ont dans les mains des dictionnaires de rimes et des mètres de bambou de douze syllabes Vers creux et sonores
La chinoiserie de l’immuabilité
Les nœuds du bambou marquent la césure…
Je dus fuir avec mes poèmes pour ne pas subir la torture du ling-chi
Et ouvrir une droguerie avec l’autorisation de la police…
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11/25/2016 | Catégories: auteurs étrangers, photography, self creation | Tags: bambou, Chine, Confucius, dictionnaires, droguiste, grande muraille, lanternes, Luis Aranha, pêcheur, poète, police | Poster un commentaire

peinture: Andy Warhol – electric chairs
Question d’électri-cité
voilà qu’une nuit éructe
haut voltage
des plumes et des néons.
Ils se confondent avec obstination
avec le brouillard des âmes.
Et ce sont des encres,
les plus indélébiles,
imprimant sarabande :
la ville obtuse
fait la sourde oreille
à la moiteur des nuées.
Aussi éveillées que peuvent l’être
les avenues désertes
jusqu’à ce que la lumière artificielle
soit dissoute dans l’ aube violette.
Je vois les indociles
qui pensent que le jour
n’est qu’un détour
accrochés aux barreaux :
la prison les ronge
dans quelques mètres carrés.
Ils n’ont que les murs grisâtres,
et la peau décolorée.
La langue fourbue,
la parole féroce,
une cuvette en émail
la lueur alternative
de la publicité lumineuse,
les maillons du mensonge,
le macadam des rues
marqué d’ombres vertes
comme de fer rouge.
Le reprise du trafic,
le grondement des rames,
les sirènes de police
pour lancer des conjectures.
Le sol est en verre pilé.
Qui ose s’y risquer pieds nus ?
Tu vas deviner l’heure..
( on éxécute mieux à l’aube) –
quand on viendra te chercher
pour te conduire
selon le protocole officiel
à la chaise électrique .
–
RC – avr 2016
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10/23/2016 | Catégories: actualités, Art, english translation, peinture, self creation | Tags: aube, électricité, barreaux, chabriere, cuvette, encres, féroce, macadam, mensonge, néon, nuit, peau, pieds, police, prison, protocole, publicité, verre, voltage | Poster un commentaire

Le cœur à l’étroit
mes amis sommeillent
ils ont froid et les abeilles
feront un miel amer
Mon pays sourit aux touristes
Alger la Blanche dort en paix
vont et viennent les cars de police
la lèpre au cœur est bien gardée
Qui donc ira dénoncer
la grande amertume des ruches
le corps à l’étroit
les pauvres trichent avec le froid
Belle peau de douce orange
et ces dents de matin frais
la misère donne le change
ne vous fiez pas à tant de beauté
Ici on meurt en silence
sans trace au soleil épais
mais demain le soleil amer
qui voudra le goûter
Sous les jasmins le mur chante
la mosquée est calme et blanche
ô flâneur des longs dimanches
il y a grande merci
À la surface de la nuit
tas d’ordures sac et pluie
In Œuvres poétiques, Actes Sud, 1999
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08/23/2016 | Catégories: auteurs étrangers, self creation | Tags: abeilles, Alger, amer, blanche, coeur, dimanche, jasmin, Jean Sénac, lèpre, misère, mosquée, ordures, pauvres, police, ruches, silence, soleil | Poster un commentaire

peinture: Gérard Lattier: la bête du Gévaudan
Dans ces lieux, que je vous décris
Il y a toujours de ces champignons
Que l’on prend pour des lumignons
Des brumes, de l’encre et des cris..
Il n’y a plus grand monde, avant l’hiver
Quelques boeufs, pas de tracteurs
Mais seulement quelques cultivateurs
Et les environs sont déserts
Dans les labours, ils jettent le blé au vent
Comme elle est bête , du Gévaudan…
dans la forêt sombre, luisent des dents
C’était il y a longtemps, c’était avant…
Il y a des chemins qui vont au hasard
Et des bandits de grand chemin
Qui hantent les routes du destin
Lorsque le jour se fait hagard
Si le sombre se pose là, menaçant
Tous les jours ne sont pas dimanche,
Envers l’inconnu un désir de revanche
Mêle de l’inconnu des désirs de feu et sang
Car on raconte beaucoup de choses
Difficiles à vérifier
Et dont il faut quand même, se méfier
Qui font beaucoup de littérature, – et de prose.
On ne sait plus, avant que pierres se fendent
Ce qui est du vrai ou du fantastique,
Le fil du temps, délite l’historique
Et les traces se diluent en légendes…
A trier du grain de l’ivraie,
Les contes, enjolivés par l’âge
Ne sont plus, au reportage
Qu’évènements, où chercher le vrai
Est comme chercher , quelques indices
Ou l’aiguille dans la botte de foin
De ces échos lointains
Qui ont intéressé la police…
Mais provoquent l’imaginaire
D’un esprit élastique
A voir des bêtes fantastiques
Un peu partout sur terre…
Si une bête s’est échappée
C’est toute un affaire
— On parle d’une panthère
Et toutes les calanques sont bloquées…
Il faut verser de l’encre en litres
Le lecteur des gazettes est poussé à l’achat…
Finalement …… ce n’était qu’un gros chat
Dont on fit les gros titres…
Les nouvelles d’ailleurs ne sont jamais pareilles
La Sardine – ( cétait un record )
Avait bouché le vieux port…
C’est vrai qu’on était à Marseille…
On dit bien avec » l’acssent », » Bonne Mère »
– Tu vois pas qu’ils exagèrent…. ?
Mais dans le sombre Gévaudan
… on en fait tout autant….
Et si la « Bête » — ce phénomène
– Dont on fit affaire d’état
N’était qu’une suite d’assassinats
Qui aurait sa forme humaine…. ?
Dont on fit une « Une »
— faute de trouver un coupable
Ce fut la « bête » », le responsable
… les loups hurlant à la lune….
RC – 20 octobre 2012
( voir -entre autres la description détaillée qu’on en a fait, ici… )
–
–
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10/20/2012 | Catégories: Art, d'images, peinture, self creation | Tags: assassinat, calanques, chabriere, chat, coupable, cris, déserts, dents, dimanche, encre, G Lattier, gazettes, Gévaudan, hasard, hiver, humaine, imaginaire, indices, ivraie, légendes, loups, lune, Marseille, panthère, police, police champignons, sang, Sardine | Poster un commentaire

Lettre à un prisonnier
Léopold Sédar SENGHOR Recueil : « Hosties noires »
Ngom ! champion de Tyâné !
C’est moi qui te salue, moi ton voisin de village et de cœur.
Je te lance mon salut blanc comme le cri blanc de l’aurore, par dessus les barbelés
De la haine et de la sottise, et je nomme par ton nom et ton honneur.
Mon salut au Tamsir Dargui Ndyâye qui se nourrit de parchemins
Qui lui font la langue subtile et les doigts plus fins et plus longs
A Samba Dyouma le poète, et sa voix est couleur de flamme, et son front porte les marques du destin
A Nyaoutt Mbodye, à Koli Ngom ton frère de nom
A tous ceux qui, à l’heure où les grands bras sont tristes comme des branches battues de soleil
Le soir, se groupent frissonnants autour du plat de l’amitié.
Je t’écris dans la solitude de ma résidence surveillée – et chère – de ma peau noire.
Heureux amis, qui ignorez les murs de glace et les appartements trop clairs qui stérilisent
Toute graine sur les masques d’ancêtres et les souvenirs mêmes de l’amour.
Vous ignorez le bon pain blanc et le lait et le sel, et les mets substantiels qui ne nourrissent, qui divisent les civils
Et la foule des boulevards, les somnambules qui ont renié leur identité d’homme
Caméléons sourds de la métamorphose, et leur honte vous fixe dans votre cage de solitude.
Vous ignorez les restaurants et les piscines, et la noblesse au sang noir interdite
Et la Science et l’Humanité, dressant leurs cordons de police aux frontières de la négritude.
Faut-il crier plus fort ? ou m’entendez-vous, dites ?
Je ne reconnais plus les hommes blancs, mes frères
Comme ce soir au cinéma, perdus qu’ils étaient au-delà du vide fait autour de ma peau.
Je t’écris parce que mes livres sont blancs comme l’ennui, comme la misère et comme la mort.
Faites-moi place autour du poêle, que je reprenne ma place encore tiède.
Que nos mains se touchent en puisant dans le riz fumant de l’amitié
Que les vieux mots sérères de bouches en bouche passent comme une pipe amicale.
Que Dargui nous partage ses fruits succulents – foin de toute sécheresse parfumée !
Toi, sers-nous tes bons mots, énormes comme le nombril de l’Afrique prodigieuse.
Quel chanteur ce soir convoquera tous les ancêtres autour de nous
Autour de nous le troupeau pacifique des bêtes de la brousse ?
Qui logera nos rêves sous les paupières des étoiles ?
Ngom ! réponds-moi par le courrier de la lune nouvelle.
Au détour du chemin, j’irai au devant de tes mots nus qui hésitent. C’est l’oiselet au sortir de sa cage
Tes mots si naïvement assemblés ; et les doctes en rient, et ils ne restituent le surréel
Et le lait m’en rejaillit au visage.
J’attends ta lettre à l’heure ou le matin terrasse la mort.
Je la recevrai pieusement comme l’ablution matinale, comme la rosée de l’aurore.
—————
A lire aussi de L S Senghor; son élégie à Martin Luther-King
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05/26/2012 | Catégories: Afrique, auteurs étrangers, d'images, les arts nous parlent, poètes connus | Tags: Afrique, amour, ancêtres, étoiles, barbelés, brousse, caméléon, destin, flamme, haine, identité, Leopold Sédar Senghor, masques, misère, mort, négritude, paupières, police, sottise | 1 commentaire