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Marina Tsvetaïeva – une fleur épinglée à la poitrine


Une fleur épinglée à la poitrine.
Je ne sais déjà plus qui l’a épinglée.
Inassouvie, ma soif de passion,
De tristesse et de mort.

Par le violoncelle et par les portes
Qui grincent, par les verres qui tintent
Et le cliquetis des éperons, par le signal
Des trains du soir,

Par le coup de fusil de chasse
Et par le grelot des troïkas –
Vous m’appelez, vous m’appelez,
Vous – que je n’aime pas !

Mais il est encore une joie :
J’attends celui qui, le premier,
Me comprendra, comme il le faut – 
Et tirera à bout portant

( poème écrit le 22 octobre 1915 )


Jorge Carrera Andrade – Les amitiés quotidiennes


Fenêtres, portes, lucarnes : amies intimes,
complices de mon évasion quotidienne,
messagères d’un monde clair et agile
qui pose sur les meubles son éclatant reflet.

La fenêtre est invitation incessante au voyage :
son fleuve d’air et de lumière débouche dans le ciel.
Dans ses profondeurs transparentes
plus d’un rêve a naufragé.

La porte évite ma présence et me laisse passer
dans l’éternelle attitude roide du soldat.
Ne déjouent sa consigne
que le jour et l’air.

Avec sa corde de lumière
la lucarne me hisse jusqu’au bord du ciel.
Les nuages et les pigeons domestiques
s’approchent en leur voyage de sa bouche de puits.

extrait de l’anthologie « poètes d’aujourd’hui ( Seghers )


Yehuda Amichai – ton corps a gardé sa chaleur pendant longtemps


Montage Viki Olner

Les cheveux étaient les derniers à sécher.
Quand nous étions déjà loin de la mer, quand les mots et le sel, qui s’étaient mêlés sur nous, se séparèrent les uns des autres avec un soupir,
et que ton corps ne montrait
plus les signes d’une terrible ancienneté.
Et en vain nous avions oublié quelques choses sur la plage,
afin d’avoir une excuse pour revenir.

Nous ne sommes pas revenus.
Et ces jours-ci, je me souviens des jours
qui portent ton nom, comme un nom sur un navire, et comment nous avons vu à travers deux portes ouvertes un homme qui pensait,
et comment nous avons regardé les nuages avec l’ancien regard que nous avons hérité de nos pères ,
qui attendaient la pluie, et comment la nuit,
quand le monde s’est refroidi,
ton corps a gardé sa chaleur pendant longtemps, comme la mer.

extrait ( avec traduction automatique du site…)


à skis vers Helsinki – ( RC )


photo Kulkijain

Celui qui se rend
dans la banlieue d’Helsinki
peut chausser ses skis.


Nous allons suivre notre homme
progressant lentement
de porte en porte.


Choisira-t-il la ligne droite
ou le slalom,
la voie la plus pratique
dans son esprit l’emporte
car franchir les portiques
reste une opération délicate :


même s’ils restent ouverts
à tous les vents
et aux étoiles

– ce qui libère les courants d’airs –
et comme par enchantement
— apparaît la cathédrale
sertie d’une brume matinale
à la sortie du labyrinthe :


il reste à prendre une photographie,
pouvant faire office de carte postale,
remplaçant la toile déjà peinte
au dos on trouvera inscrit


bons baisers d’Helsinki !

RC

voir le site de photos


Personnages – ( RC )


Anna Malina    anim perso  livre  PERSONNAGE.gif

animation: Anna Malina

Ici, le récit prend une autre tournure:
il y a des êtres qui prennent consistance,
quand les pages se tournent .
L’auteur sait faire s’agiter
les lignes imprimées,
et, au fil des chapitres,
les personnages apparaissent.

Ils commencent à vivre, répondent aux situations.
Leur caractère se dessine,
se précise,
et on ne serait pas surpris de les reconnaître,
si un film s’emparait du scénario.
Ils seraient animés  » pour de vrai »,
mais nous seraient déjà familiers .

Nous les avons déjà rencontrés.
            Ils dessinent leur contour flou
            à l’intérieur même du livre
et peut-être ne demandent-ils
qu’à en sortir.
                                         Le font-ils ?
                  et à l’insu de l’auteur ?

Il est difficile de le savoir,
car, s’ils le font,
c’est quand nous dormons,
et ils s’emparent de nos rêves
pour les transformer à leur guise.
                         C’est pour cela qu’à notre réveil
l’oubli passant au-dessus,  nous ne remarquons rien.

Je me rappelle toutefois,
qu’un jour des personnages
que l’on croyait fictifs,
soumis au rang modeste
de créatures de papier
ont réellement demandé à être reçus
par l’auteur les ayant négligés.

C’étaient des gens bien ordinaires,
certes au profil un peu plat
( pouvant rentrer sans dommage dans les livres),
mais qui étaient parvenus à grignoter ceux-ci
de l’intérieur…
survivant , en se nourrissant du récit même
                  qui n’avait pas trouvé de conclusion.

Bien entendu, c’est une affaire qui a fait grand bruit,
et un dramaturge assez connu
a exploité ce fait divers
pour prétendre leur trouver un autre auteur,
et, par là même les intégrer dans sa pièce
( une pièce qui était toujours en construction…
–    ou plutôt qu’il n’arrivait pas à terminer )…

On peut imaginer le décor classique d’une pièce
de théâtre de boulevard:             un buffet,
      un canapé,           une bibliothèque
une table            où l’on a disposé des assiettes,
                                              et surtout des portes
où les comédiens peuvent passer selon les scènes
de côté cour à jardin ( et inversement ).

Ce qu’on sait moins,
c’est qu’une fois nos personnages
« concrétisés » pour jouer leur propre rôle
dans la pièce –    qui n’était pas encore faite  –
n’ont pas tardé à se trouver
dans la même situation
que celle du livre           dont ils étaient sortis.

                     A la première:
beaucoup de monde voulut assister ,
cette représentation des « six personnages en quête d’auteur »
                ( on allait enfin savoir le fin mot de l’histoire ! ).
Au lever de rideau on ne s’attendait tout de même pas
à ce que le décor soit entièrement grignoté
par les personnages.

Eux-même avaient disparu
                          dans un grand trou
qu’ils sont arrivés à creuser dans le plateau.
                   On ne les a jamais retrouvés.
Peut-être hantent-ils les rues,
les gares ou les ministères
ou sont-ils aller habiter jusque dans nos esprits ?

RC – nov 2019


Bassam Hajjar – maisons pas encore achevées


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Maisons improvisées dans l’étendue vide
pas encore achevées
et vides encore
d’ habitants.

Mais elles sont, depuis le commencement, habitées par le personnage
des souvenirs.

(  Comme s’il n’y avait pas de mur et qu’avec cela, malgré cela,
on y ouvrait une porte.        Comme s’il n’y avait pas de père, de
mère, d’enfants, et qu’avec cela, malgré cela, il y avait des
lits, des vases, des livres et une table.            Comme s’il n’y avait pas
de salle de séjour et qu’avec cela, malgré cela, il y avait des
canapés, une table basse, une lampe, une télévision, des tiroirs
pour le papier à lettres, les journaux intimes,

les numéros de téléphone, les adresses postales, la note de l’épicier, la facture d’électricité, la boîte d’aspirine, les stylos à encre, les crayons à papier, le livret de famille, le vieux passeport, la boîte de dragées et la vieille montre, la boucle d’oreille qui reste en
attendant de retrouver l’autre, le carnet, beaucoup de clés,
dispersées ou reliées par un anneau et personne ne se souvient
maintenant si elles ouvraient des portes et où sont ces
portes…)

 

extrait de  «  Tu me survivras – « 


Benjamin Fondane – des pays qui fondaient comme un fruit dans la bouche


graffiti Mona-Lisa cf site
II y eut autrefois des choses sans musique
des pays qui fondaient comme un fruit dans la bouche
des étés haletants
des silences plus frais que neige
des êtres qui entraient en nous et qui sortaient
sans qu’on s’en rendît compte,
nourritures, paresses savantes, jus d’oiseaux
idiomes heureux, échanges,
de sorte qu’on était ce qui entrait en nous
parfois un cil, parfois un ange
parfois un baobab où la hache faisait
des blessures délicieuses
et quand, souvent, des femmes ou des sangsues roses
se collaient à nos corps
on éprouvait soudain la joie d’être mangé
et le délice affreux de devenir un autre.

Ces choses n’avaient ni commencement ni fin
cela ne finissait pas d’être
pas un trou, pas la moindre fissure
pas un visage lézardé !
les hommes se tenaient coude à coude, serrés,
comme pour empêcher qu’on y passe
pas une absence entre deux vagues
pas un ravin entre deux mots
pas un passage entre deux seins
lourds, gras,
et pourtant au travers de la muraille lisse
quelque chose suintait
l’écho ranci d’une fête étrange, une sueur de musique,
les gouttes d’un sang frais qui caillait aussitôt
sur la peau morte du monde.

Je n’ai jamais rien compris à ces mélanges
j’entrais et d’autres sortaient,
puis d’autres qui tournaient autour du crépuscule
ou se penchaient sur les saisons
et nul ne se doutait que ce n’était pas là
la terre ferme,
que l’océan n’était pas un jardin suspendu
j’entrais à tout instant dans la vie des autres
et j’oubliais de fermer les portes après moi
chacun portait en lui un monde doux et tendre
des coins où l’on était surpris par la douceur
je n’avais pas de nom, comment s’appelaient-ils ?

C’était si bon de ne pas avoir de figure,
si bon d’être poreux, ouvert,
qu’à l’heure de dormir chacun
se disait en rêvant : – que sera-t-elle encore
cette grande journée, sans dieu, du lendemain ?

*Benjamin Fondane


Mario Luzi – Nature


peinture: J Dubuffet

peinture: J Dubuffet

 

La terre et à elle accordée la mer
et partout au-dessus, une mer plus joyeuse
à cause de la rapide flamme des moineaux
et du trajet
de la lune reposante, et du sommeil
des doux corps entrouverts à la vie
et à la mort dans un champ ;
à cause aussi de ces voix qui descendent
s’échappant de mystérieuses portes, et bondissent
au-dessus de nous comme des oiseaux fous de revenir
en chantant au-dessus des îles originelles :
ici, se préparent
un grabat de pourpre et un chant qui berce
pour celui qui n’a pu dormir,
si dure était la pierre,
et si tranchant l’amour.

Mario Luzi, La Barque in Prémices du désert, Gallimard, Collection Poésie, 2005, p. 69.


Mario Luzi – Nature


peinture: John Marin

                            peinture:          John Marin

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La terre et à elle accordée la mer
et partout au-dessus, une mer plus joyeuse
à cause de la rapide flamme des moineaux
et du trajet
de la lune reposante, et du sommeil
des doux corps entrouverts à la vie
et à la mort dans un champ ;
à cause aussi de ces voix qui descendent
s’échappant de mystérieuses portes, et bondissent
au-dessus de nous comme des oiseaux fous de revenir
en chantant au-dessus des îles originelles :
ici, se préparent
un grabat de pourpre et un chant qui berce
pour celui qui n’a pu dormir,
si dure était la pierre,
et si tranchant l’amour.

Mario Luzi, La Barque in Prémices du désert, Gallimard, Collection Poésie


Saïda Mnebhi – brûler les lourdes portes


effets  liquides  01

image:  volutes virtuelles  – capture  d’écran

 

 

-Saïda Mnebhi, opposante aux régimes  d’oppression qu’elle  vécut au Maroc,  écrit,  > une année avant qu’elle ne succombe, en 1978, à une longue grève de la faim :

 

 


«          Je veux rompre ce silence, humaniser ma solitude
Ils m’ont désœuvrée pour que rouille ma pensée
et que gèle mon esprit.
Mais tu sais toi que je chéris,          que tel un volcan qui est en vie
Tout en moi est feu…                           pour brûler les lourdes portes
Tout en moi est force…pour casser les ignobles serrures… et courir près de toi… me jeter dans tes bras             ».

 

d’autres poèmes  de cette  auteure peuvent  être  consultés ici:  A

——————->      et là;   B

 


Patrick Laupin – Portes infinies du regret


peinture- pastel – Odilon Redon

 

.

Portes infinies du regret

 

 

portes infinies du regret
portes minuscules
aimées parcourues
jamais connues
.


Edith Södergran – je vis un arbre


Terre a ciel, présente  des auteurs  peu connus , mais  de qualité,  dont  je fais  l’écho ici avec Edith Södergran  auteure  finlandaise  du début  du XXè siècle.

 

(Finlande, 1892-1923)


 

Source


Jag såg ett träd…
Jag såg ett träd som var större än alla
andra
och hängde fullt av oåtkomliga kottar ;
jag såg en stor kyrka med öppna
dörrar
och alla som kommo ut voro bleka och
starka
och färdiga att dö ;
jag såg en kvinna som leende och
sminkad
kastade tärning om sin lycka
och såg att hon förlorade.
En krets var dragen kring dessa ting
den ingen överträder.


Je vis un arbre…
Je vis un arbre qui était plus haut que
tous les autres
et qui était lourd de fruits inaccessibles ;
je vis une cathédrale aux portes ouvertes
et tous ceux qui sortaient étaient pâles
et forts
et prêts à mourir ;
je vis une femme qui, souriante
et maquillée
jouait son bonheur aux dés
et je vis qu’elle perdait.
Un cercle était tracé autour de ces choses
que personne ne franchit.