Histoire de rangement – ( RC )
brookenshaden favorites : Homunculus Stock
Parfois, je ne sais plus vraiment où je suis rangé.
On me retrouve dans les endroits les plus divers
( dernièrement sur une étagère ),
…y pendait un tissu frangé .
Autrement, ce fut une fois avec les assiettes,
dans le buffet de la salle à manger :
mais ma vie devait être en danger,
car voisinaient les verres aux multiples facettes.
La bibliothèque m’accueille dans les rayonnages,
généralement c’est en été,
les portes restent fermées,
et j’ai mon lit de pages.
Mais mon corps est en plusieurs parties ,
car tout cela manque de place
( certainement pas assez d’espace
pour y installer un lit ).
Cette histoire de rangement
n’est pas le premier de mon souci ,
je me découpe, je me déplie
tout à fait naturellement .
Des fois il n’y a qu’un pied, qu’une main
qui s’égare par erreur.
Je n’ai pas essayé le congélateur :
ce n’est pas un endroit très sain
on y côtoie de la viande en sachets
des légumes et du pain durci :
je ne fréquente pas ces lieux ci ;
on dira que je ne suis pas prêt….
Il me faut un minimum d’air
pour que je subsiste quand même :
c’est ça le petit problème
de ma présence sur terre.
J’ai égaré mes poumons , mais je respire:
et même tiré en multiples exemplaires,
je sais qu’il ne faut pas trop s’en faire :
……. comme situation, il y a pire…
–
RC – aout 2018
Anna Niarakis – Une minute
photo: image extraite du film « Henri », de Yolande Moreau
Heure 20:37.
Je ripe mes chairs, la mémoire
l’innocence oubliée.
Seul, nue , j’erre
A six dimensions
avec les six sens.
Je regarde le labyrinthe de côté
formé par ton oreille.
Puis je plonge et disparais.
Je subis l’électrocution,
par les neurones
de ton cerveau.
Electrochoc.
Je me réveille pleine de sang
sur le ventricule gauche de ton cœur.
Je respire et vibre à un rythme étranger.
Ta pulsation.
Quelque chose te dérange.
Je deviens une glaire qui se plante dans tes poumons.
Tu tousses et tu me craches sur le tapis
Je me lève, je fais mes cheveux et je m’assieds.
Tu m’offres du café et me demandes ce que c’ était
J’allume une cigarette, la fumée m’enroule
Et je disparais.
Aimé Césaire – Cahier d’un retour au pays natal
Cahier d’un retour au pays natal,
—
(texte: Éd. Présence Africaine)
Trésor, comptons :
la folie qui se souvient
la folie qui hurle
la folie qui voit
la folie qui se déchaîne
Et vous savez le reste
Que 2 et 2 font 5
que la forêt miaule
que l’arbre tire les marrons du feu
que le ciel se lisse la barbe
et caetera et caetera…
Qui et quels nous sommes ? Admirable question !
À force de regarder les arbres je suis devenu arbre et mes longs pieds d’arbre
ont creusé dans le sol de larges sacs à venin de hautes villes d’ossements
à force de penser au Congo
je suis devenu un Congo bruissant de forêts et de fleuves
où le fouet claque comme un grand étendard
l’étendard du prophète
où l’eau fait
likouala-likouala
où l’éclair de la colère lance sa hache verdâtre et force les sangliers de la
putréfaction dans la belle orée violente des narines.
Au bout du petit matin le soleil qui toussote et crache ses poumons
Aimé Césaire,