Rabindranath Tagore – cette enfant
photo Ayashok
Ce n’est encore qu’une enfant, Seigneur.
Elle court autour de ton palais , s’amuse, elle essaie de faire de toi aussi un joujou.
Elle ne prend pas garde ses cheveux décoiffés, ou à ses vêtements négligés
qui traînent dans la poussière.
Mlle s’endort sans répondre quand tu lui parles — la fleur que tu lui donnes le matin,
lui glissant des mains, tombe dans la poussière.
Lorsque la tempête éclate et que le ciel est plongé dans l’obscurité, elle ne dort plus;
ses poupées éparpillées sur le sol, elle s’accroche à toi, de terreur.
Elle craint de ne pas bien te servir.
Mais tu la regardes jouer en souriant.
Tu la connais.
Cette enfant assise dans la poussière est l’épouse qui t’est destinée;
ses jeux s’apaiseront, se feront plus graves, deviendront amour.
Tourner les vents en sa faveur – ( RC )
Tu voyages
au pays des croyances,
et, tu constates,
qu’à chaque imprévu de l’existence,
on a trouvé une parade,
une carte maîtresse, une antidote…
Dans leur distribution ,
réparties au petit bonheur,
il y a le catalogue complet
des corps célestes et des oracles funestes,
qu’on peut trouver,
dispersés aux quatre vents,
comme des graines de pissenlit .
Même inégalement répartis,
il est tout à fait possible
d’y trouver son compte,
de se vouer à son saint patron,
comme pour les muses,
et les dieux antiques :
Quel augure permettra
de franchir les obstacles;
de tourner les vents en sa faveur
combattre les maladies,
favoriser la fertilité
et même prévenir de la morsure
des chiens enragés
– à chaque chose malheur est bon – dit-on..
Il y a aussi ceux qui représentent
la musique, l’architecture,
la corporation des chapeliers,
des orfèvres, etc .
Les églises sont un florilège
où se multiplient les représentations
en statues de bois ou de plâtre,
tel Saint Tugen
( qui guérirait des maux de dents ),
ou ceux – les plus courants –
qu’on reconnaît à leurs attributs.
Ils répondent « présent ! « ,
au garde-à-vous,
à la façon d’une bible sculptée.
Certains – comme saint Evénec,
bien connu des bretons,
ne représentent qu’eux-mêmes –
( à moins qu’on ait oublié
quels étaient leurs bienfaits ) …
Protecteurs ou indifférents,
montrés sur les tympans romans
ou les peintures gothiques,
leur regard est vide,
mais sans doute plein
de bonnes intentions….
( quoiqu’on connaisse aussi
ces poupées, où on peut planter
des aiguilles ) ;
ou ces fétiches bardés de clous
pour conjurer le sort,
ou au contraire
le provoquer…
Ce sont aussi des objets
crées pour repousser les mauvais esprits,
ou représentés par des masques
sereins ou grimaçants ,
dans lesquels s’incarnent
la puissance des ancêtres.
Mais on peut penser
à ces chouettes crucifiées,
beaucoup plus proches de chez nous,
clouées sur les portes,
pour avoir eu le malheur
de naître emplumées,
et porteuses – parait- il – de mauvais présages.
–
RC mai 2017
Michel Onfray – La tentation de Démocrite

photo: Stanko Abadzic
La tentation de Démocrite
Photo Stanko Abadzic
Je veux retrouver le goût des mûres des chemins de mon enfance
Écraser des fraises dans ma bouche
Avaler le jus des framboises et le sentir descendre chaud dans ma gorge
Respirer la fleur de sureau
Mâcher le brin d’herbe
Mettre le bouton-d’or sous le menton d’une femme en robe d’été
Lui apprendre à faire des poupées avec des coquelicots
Manger des groseilles
S’arracher la peau aux épines des groseilles à maquereau
Cueillir des noisettes
Croquer dans le ventre d’une pomme
Augmenter ma salive avec son jus
Devenir moi-même pomme puis pommier
M’allonger dans l’herbe
Voir le ciel derrière la danse des brins
Cligner des yeux et les fermer à cause de la clarté du soleil
M’endormir le dos épousant la terre de mon destin.
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Michel Onfray, La recours aux forêts, Traité des consolations
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Un petit voyage sur le blog d’où j’ai déniché ce texte.. mais sans doute peut-on le trouver ailleurs, par contre l’association avec les photos choisies sur ce blog, est un régal pour les yeux, c’est pour cette raison que je vous le recommande.
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