Pierre Mhanna – Le désir de l’hiver est de glace
Le désir de l’hiver est de glace,
comme tes lèvres en lame de rasoir
courant sur mon corps
et avec des baisers en flocons de neige
infligeant leur pouvoir.
–
trad RC
–
Winter’s lust is ice,
like your razor blade lips
coursing my body
and with snowflake-kisses
inflicting their might.
Moins que des natures mortes – ( RC )
–
Un jour, – que je m’aventurais
A visiter les salles des musées,
Suivant les galeries des portraits,
Les enfilades de parquets cirés,
Princes et généraux,
Ducs et cardinaux,
Chacun en habits d’époque,
Qui de sa toque,
Qui de son manteau de renard,
Ou de son pourpoint,
Toisant l’assistance d’un regard,
Pour la postérité – avec dédain…
–
Pourtant l’histoire oscille,
Au rythme des années,
…. Ce sont des objets futiles,
Que l’on a conservés.
C’est une triste cohorte,
Figée derrière son vernis
Ce sont moins que des natures mortes,
Leur vie s’est évanouie…
… – Et recroquevillée…
Ils ne représentent plus rien,
Ils ont été oubliés,
( on a perdu le lien )
–
Un peu comme ces papillons,
Du musée d’histoire naturelle,
Faisant partie de la collection,
– couleurs , élégance des ailes –
Epinglés sur leur support ,
Avec dessous un nom latin ,
Ce n’est que celui d’un mort…
En habits de satin .
Les natures mortes, elles,
» Still living » , in english,
D’où la lumière ruisselle,
Associent aux fruits, une fraîche miche.
–
Au bal des coquilles vides,
Les musées fourmillent,
De portraits insipides,
De vieilles familles,
Il fallait orner les demeures,
Attester de l’origine, de la lignée,
La comtesse et sa belle-soeur,
Leurs descendants, tous alignés,
Sous les perruques poudrées …
Le peintre ayant posé une lumière,
Subtilement cendrée …
Maintenant avalée par la poussière.

portraits au château de Bussy-Rabutin
–
Ces familles satisfaites ,
A l’attitude altière,
En habits de fête,
Ruban à la boutonnière
Chapeaux de plume , ou armures…
– Les couches de peinture jaunie,
Enfermées sous cadres et dorures,
Sont maintenant ternies.
Des symboles de pouvoir,
Ces objets désuets,
Ne sauraient nous émouvoir….
– Ils sont maintenant muets .
–
RC – février 2014
Les momies d’Egypte ( RC )
–
–
Les rives de l’ hier
Déménagent dans la crypte
Le sable se désespère
Aux temples de l’Egypte
Aux amateurs avertis
Ceux qui hantent les musées—
– La statue de Nefertiti
Qui contemple d’un oeil amusé
Les siècles qui passent
Gravés dans la pierre…..
Suivre, d’une histoire, la trace
Perdue dans le désert
Gardé par les sphinx
Et les pyramides
Et l’oeil de lynx
Des regards humides
Des statues en granit ,
Veillant, sous la poussière
Les momies qui ressuscitent,
– Autre stratosphère
Tombent alors, bandelettes
Témoignant du sauvetage
Des chairs défaites
Dans le sarcophage.
Se soulève avec effort, le couvercle
Au coeur du tumulus
Les gardiens de bois, font cercle
En décor de papyrus…
Tous ces objets précieux
Que l’obscurité plombe
A l’abri des cieux
Sous les pierres catacombes
Echappent au présent
Du monde instantané
Avec le calme cicatrisant
Des longueurs d’années.
L’esprit contemplatif
( ou celui qui s’entête)
Lira , dans les hiéroglyphes
De la pierre de Rosette
Comment voyagent les morts
– Gravures indélébiles -,
Apparemment sans effort ,
Glissant sur le Nil
– Au delà des dynasties
Tandis qu’au-delà du noir
Se poursuit, sans modestie
La conquête du pouvoir
–
RC – 4 février 2013
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Robert Piccamiglio – Midlands – 06 – Plus tard ( 02 )
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L’argile du cœur broyé par l’indifférence. La peur. La haine.
Aux pieds des frénésies du pouvoir toujours en marche.
Ce pouvoir je l’ai senti
sur les scènes du monde entier.
Je n’étais alors ni le troupeau
ni l’infime sillon. ni le berger anonyme.
J’étais comme cette terre riche de feu. Fusion éternelle. Longue course vers l’infini.
J’étais le ciel heurtant les saisons. L’amant.
La maîtresse habillée de gestes vifs. Insoumise.
J’étais ce fils
que je n’ai pas connu.
Ce Cavalier maintenant égaré.
J’étais cette tille que je n’ai pas eu. Cette Reine oubliée. Cette Fée d’éternité.
Le pouvoir je l’ai senti comme la rivière charriant le sang.
Puis le fleuve emportant les cadavres d’où venait le sang.
Je restais immobile.
Triomphant.
A l’image de ces volatiles
qui Jamais ne se posent.
Qu’importe la saison. .
L’odeur de l’herbe ou de la pluie.
Jamais ils ne suspendent leur vol.
Même les blés accueillant. Ou l’arbre tendant ses bras aux douceurs zénithales ne leur font refermer leurs ailes.
–
Midlands est publié aux éditions Jacques Bremond, qui utilisent très souvent du papier recyclé « artisanal »….
–
Françoise Delcarte – Pouvoirs
Pouvoirs
je parle d’une ville, à présent, pour nous deux.
Je parle ma présence parmi tes yeux de plaine.
Je parle d’une allée de trembles, au fond des mains.
J’oublie mes propres mots.
J’éclipse ma mémoire.
Une phrase est ton corps.
J’apprends à me nommer.
J’apprends battre les ailes au fond de chaque nuit.
Je parle vivre ici, sans promesse de temps.
–
DELCARTE Françoise
–
Ezra Pound – l’aiguille
THE NEEDLE
come, or the stellar tide will slip
away. Eastward avoid the hour of its
Now! for the needle trembles in my soul!
Here have we had our vantage, the good
hour. Here we have had our day, your day and mine.
Come now, before this power
That bears us up, shall turn against the
Mock not the flood of stars, the things to be.
O Love, come now, this land turns evil
The waves bore in, soon will they bear away.
The treasure is ours, make we fast land with it.
Move we and take the tide, with its next flavour,
Abide Under some neutral force
Until this course turneth aside.
L’AIGUILLE
Viens, ou la marée stellaire s’évanouira.
A l’est, fuis l’heure de son déclin,
Dès maintenant, car l’aiguille tremble dans mon âme!
N’avons-nous pas vécu de bons moments ici?
N’avons-nous pas eu notre jour, le tien et le mien?
Viens dès maintenant, avant que le pouvoir
Qui nous a portés ne se détourne de nous.
Ne ris pas de l’influence des étoiles,
Les choses. doivent être ainsi.
Mon amour, viens dès maintenant, cette terre
devient funeste.
Les vagues approchent avant de fuir à nouveau.
Ce trésor est le nôtre, emportons-le.
Vite, profitons des saveurs de la marée,
Restons comme tels,
Sous quelque force neutre
Jusqu’à ce que le cours des choses tourne autrement..
(Ezra Pound)
Ce texte est proposé par arbrealettres, dans une traduction que j’ai légèrement modifiée, en fonction du texte d’origine.