Nuit somnambule – ( RC )
Je vois la nuit somnambule…
Elle progresse sans rien voir,
l’obscurité l’accompagne,
frôlant les arbres, puis déversant son encre.
La nuit noie tout, et se confond en portes secrètes,
ouvertes à travers un décor qui transforme
celui de l’espace diurne .
Les hommes , pour ne pas la voir,
utilisent d’artifices,
en disposant le long des routes
de petites lumières,
ou bien des enseignes publicitaires
qui clignotent, histoire de détourner
l’attention de la nuit.
Celle-ci enveloppe les immeubles,
comme les pierres du chemin ;
Les précipices de la montagne,
ont devancé l’appel du sombre.
Peut-être se heurte-t-elle à eux,
et ne retrouve pas elle-même son chemin.
Elle pourrait rester sur place,
ou tourner en rond,
toujours somnambule
si un jour le soleil ne venait pas :
on ne sait pas si elle l’attend avec impatience,
ou s’enfuit , effrayée, à l’autre bout de la terre .
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RC – nov 2017
Confrontés à la matière, même… – ( RC )

photo Martin Pierre – falaises du Vercors
Confronté à la matière même,
il y a toujours cette opposition,
ce défi qu’elle nous propose,
en particulier quand les dimensions font,
qu’il s’agit d’un obstacle.
Comment traverser l’obstacle,
comment s’y appuyer,
le palper, en jouer , comment en tirer parti,
pour essayer de surpasser ses propres limites
( les nôtres et les siennes ).
Mais la matière est.
Elle s’impose.
Elle n’est jamais vaincue,
De par sa continuité, son existence,
de son inertie même.
Qui , des navigateurs, se sont risqués sur la mer ,
en tablant sur des vents calmes,
des oracles favorables,
n’ont pas oublié les dangers qu’elle recèle,
et leur sillage n’a pas laissé d’empreinte .
Quand je vois le trapèze hautain de la montagne,
sa face bleutée parcourue d’ombres,
striée de troncs d’arbres,
la pente est toujours là . Elle s’oppose de le même façon,
même si je l’ai franchie hier .
Quand j’établis un itinéraire sur la carte,
je sais que des détours s’imposent,
qu’il me faudra contourner les précipices,
et emprunter obligatoirement, les quelques ponts
jetés au-dessus de la rivière.
Supposons que je doive franchir un désert,
c’est toute une stratégie à mettre en place,
pour qu’on puisse s’assurer de subsister
matériellement, pas seulement question climat,
mais en anticipant sur l’imprévisible…
Quelles que soient les heures et moments,
ce qui a été hier, est encore là aujourd’hui.
Ce n’est pas une vue de l’esprit,
Et justement, par son essence même,
la matière impose sa masse par rapport à l’abstraction.
C’est un corps, un vrai corps,…. sur lequel on habite.
Il se manifeste de toutes façons,
Même de la façon la moins perceptible
Comme s’il déguisait, selon les circonstances,
Sa façon d’être…
Il affirme obstinément sa présence.
Ce corps est matière, et se rappelle à nous.
C’est en quelque sorte une partie de notre existence .
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RC- juin 2015
( texte né de la confrontation avec des écrits de Claude Dourguin, dont voici deux courts extraits ).
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Les pins reviennent, clairsemés, avec leurs branches irrégulières, mal fournies, leur port un peu bancal qui
témoigne assez de ce qu’ils endurent. Nul tragique, pourtant, ne marque le paysage, entre conte et épopée
plutôt la singularité des lieux soumis à des lois moins communes que les nôtres, obligés à un autre ordre.
Chaque arbre tient à son pied, qui s’allonge démesurée et filiforme son ombre claire, grise sur la neige. Ces grands peuplements muets et fragiles d’ombres légères comme des esprits, le voyageur septentrional les connaît bien, une affection le lie à eux. Il traverse sans bruit leur lignes immatérielles dans le souvenir vague, qui les fait éprouver importunes, grossières, de la densité, de la fraîcheur, de l’odeur terrestre ailleurs, sur quelque planète perdue.
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La contemplation de la montagne implique une intériorité plus grande que celle de la mer…. /…
C’est toute une trame narrative, avec ses anecdotes en sus, le passage d’un bateau de pêche, l’apparition d’une voile là-bas, le train des nuages au ciel, qui se met en place. La montagne, elle, souvent déserte, immobile ne connaît que les modifications de la lumière, beaucoup moins rapides sous les climats qui sont les siens.
Suspendu à ton regard ( RC )

photo: Lewis Wickes Hine (1931)
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Suspendu dans le vide,
Quelque part sur les hauteurs,
J’entends crier la voix du vent,
Sous le regard étonné des nuages
— Ne reconnaissent pas mes mots
Au delà des précipices…
Ravins obscurs d’où monte une brume
Qui déjà m’enveloppe .
Ce n’est pas une corde
Qui serait le fil me reliant à la vie
Entre deux rochers
Mais juste ton cou que j’entoure,
Suspendu à ton regard,
Au-delà du vertige.
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RC – 18 avril 2013
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photo Lewis Wickes Hine – Icare
Vahagn Davtian – De pierre ici tout un pays
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De pierre ici tout un pays…
De pierre ici tout un pays, d’eau en furie
Murmure d’herbe ici dans la teinte du bleu
Corne des rocs dans les hauts monts hissés vers Dieu
Dans l’abîme jeté, pénitence de pierre.
Tout un pays où blanche et de glace est la plainte
Dans le fond des ravins, question des tempêtes
Vers le bas de la rive une clochette d’eau
Le chagrin du pétale et le pleur de la mousse.
Cri de cuivre et soupir de granit, le pays
À la beauté en croix sur la pierre de croix
Tout un pays face au soleil à l’infini
Toi prière à genoux et toi élan du rite.
Je suis de toi pays des longs siècles sans fin
Et je vais avec toi, hauteurs et précipices,
Furieux par la pierre et dans le vent de neige
Toi, chagrin du pétale et larme de la mousse.
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Vahagn Davtian , » De pierre ici tout un pays », extrait..
Traduction Rouben Mélik.
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Traces du futur en plans lointains (RC)
Si la forêt semble s’épaissir, le sentier s’étrécir
Au détour du trajet, les lieux semblent s’évanouir
La certitude tremble, et fait place aux suppositions
Les repères ,effacés par les ans, autant de questions
Qui émergent, et traquent, ce pas et le suivant
Au point de nous laisser , refrain obsédant
Une saveur trépassée, d’un mouvement sur place
Que des rubans de brume, enlacent
A la mesure du temps, aux promesses du futur
La suite des collines, semble nous offrir un mur
De perspectives basculées en escalades indécises
Qu’il faudrait qu’un grand-œuvre précise
Et nous guide, comme Ariane, sur l’étroit chemin
Ou le petit Poucet, des cailloux de sa main
Pour accomplir le destin, encore à concevoir
Qu’en partant, on n’a fait qu’entre-voir.
En parvenant malgré tout au premier sommet
Le paysage s’étale en tapis d’autres forêts
Espaces, lacs, dunes, et précipices
Se faisant suite, sans artifices
Le sommet, une colline bien basse
Au regard des horizons qu’on embrasse
Portant sur des distances insoupçonnées
Montagnes et plateaux moutonnés
Seront les futures étapes à franchir
Et peut-être laisser, pour l’avenir
Au delà d’autres monts, l’espace
Garder, provisoirement une légère trace.
RC 14- 01-2012
( variation sur « un homme sachant omettre » ) voir le blog de « les idées heureuses »
texte de R. L. Stevenson à Will H.Low…
R. L. Stevenson étant l’auteur, justement dans le contexte du voyage, de Voyage avec un âne dans les Cévennes
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A titre d’information » Ce pas et le suivant » est le titre d’un roman superbe, ne serait-ce que par sa science des mots et des phrases, de Pierre Bergounioux, cité deux fois dans mes publications précédentes. Livre au souffle fort, édité chez Gallimard.
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