Amina Saïd – Tous les présages sont faux

Tous les présages sont faux
ni les traces des oiseaux
ni la direction de leur vol
ne traduiront jamais la pensée des dieux
et sur l’autel de leur propre démesure
de longs couteaux de silence sacrifient nos passions
croyant partager le pain du monde
c’est ton corps que tu rompais
il s’en écoulait un peu de cendre
dont jalonner les sentiers orphelins
la vie est un voyage avec une mort à chaque escale
Le logis de la cartomancienne – ( RC )

Tout en haut de l’escalier
d’une maison délabrée
à façade grise
c’est le logis
de la cartomancienne…
–
Un chat blanc
à la tête couleur de suie,
veille, avec indifférence
sur une boîte en osier
devant l’entrée
qui reste ouverte
en permanence:
jamais il ne sommeille;
–
C’est à cet animal
qu’on pose les questions
sur le palier
comme c’est l’usage:
-petit sphynx, petit lion-
–
Le consulter,
est comme regarder
dans une boule de cristal…
Dans son oeil
se reflètent d’étranges lueurs
où dansent les présages.
–
Si tu vas chez la cartomancienne,
tu n’y accèdes qu’à pied :
tu repéreras l’escalier:
il est peint de deux couleurs
en rouge et en bleu,
ce qui égaie un peu les lieux:
–
Quand le chat est à l’intérieur,
c’est elle qui t’accueille
en habits de deuil,
assise, comme toujours
dans le fauteuil de velours .
–
Il faut suivre le protocole :
elle a les phrases lentes
et peut s’endormir
après quelques paroles
décisives sur l’avenir,
car elle est un peu voyante.
–
En fin de journée
ses mains sont transparentes.
Tu devras la laisser
méditer sur ton cas
ou bien c’est avec le chat
qu’il faudra dialoguer.
.
Les couleurs se cachent, par-devers moi – ( RC )
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Les couleurs se cachent, par-devers moi…
Il faut que je les révèle, que je plaide en leur faveur.
Elles ont besoin de se déposer, d’un peu de temps,
Et d’une volonté qui trace à ma place,
Sur la toile, les plus grands desseins.
Il n’ a que les yeux d’aveugle, pour ne pas voir ;
Les images y seraient présages,
Et le silence une cage où se recueillent,
Les idées qui m’emportent ailleurs ,
( sont-elles encore les miennes ? )
Une torture douce, délivrée de blessures,
Où j’y murmure seul, les cris,
Et l’amour des vivants, un pinceau à la main,
Là , où se confrontent les recoins d’ombre,
Et révélations de lumière .
Je les absorbe et les restitue.
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RC – nov 2014
Murmures et clapotis ( RC )

photo » l’oeil du courlis »
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Comme le lac et la pluie
le monde attend, et l’autour
est haché d’obliques,
Rebondissent sur la barque
et dessinent, des yeux,
En surface.
Qui s’ajoutent, se recouvrent,
et pleurent des paroles légères.
Murmures et clapotis…
Il y a dessous, des êtres vivants,
Des ombres, furtives
Rôdant sous les nénufars.
– Comment voient-ils,
ces cercles posés là,
comme phylactères,
qui se croisent,
et comment lisent-ils
les messages des nuées ?
Les ajoncs penchés sur la berge,
Ont perdu leur reflet,
La piste est de boue,
Les escargots s’enhardissent,
Et un gris dense
s’est étendu sur le ciel,
des mots libres flottent….
Autant de présages,
Déchiffrés par les grenouilles.
RC – 5 juillet 2013
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