Perhentians – ( Susanne Derève)

Iles Perhentians – Malaisie
A l’heure où résonne l’appel à la prière
tu te fais fantôme,
épousant frileusement la mer de tes sombres foulards,
elle, que j’embrasse à pleine poitrine,
et qui me rend au centuple sa monnaie de lumière,
ses ors, ses turquoises, ses poissons chamarrés
et ses doigts de corail, son sable de fine farine,
la chape étincelante du ciel à midi.
.
Quand sonne le muezzin du couchant,
les dernières barques gagnent le port pour y jeter l’amarre.
Les pourpres noient la mer de Chine,
de fins nuages blancs étêtent les montagnes
et la nuit tend ses voiles , la nuit
est ta compagne.
.
.
.
extrait de Suite malaise : voyage Malaisie- Singapour ( Septembre Octobre 2022) ( voir partage de Susanne)
Tsadur Berberian – au cimetière du quartier arménien

Quand je mourrai un jour, emmenez-moi dans le cimetière du quartier arménien
et en silence, rendez-moi à la patrie.
Car elle est sainte, pure, comme mon sel et le sang
Elle le gardera dans son sein jusqu’à sa mort.
Quand le cercueil descendra dans le trou glacial,
Semez de la terre sur le côté et laissez-la telle quelle.
Pas d’oraison, pas de prière, pas de cris d’angoisse,
mais mettez seulement une rose sur ma tombe pour me sourire en silence.
Parce que je n’ai jamais vu un sourire ou un mot ,
qu’il soit important, pour eux d’essayer d’apaiser ma douleur en silence.
Mais malgré ma bonté, j’ai reçu des flèches acérées.
Des flèches pointues, des agrafes, qui m’ont transpercé sans pitié.
Je ne veux pas qu’ils s’approchent de mon monticule,
Et avec des mots maquillés , me transpercent à nouveau.
Qu’ils me laissent partager ma douleur avec nos saints,
Qui sont tombés menottés pendant les jours sombres d’avril.
–
voir le site de poésie arménienne
Thomas Vinau – de ce côté-ci du ciel
photo Bruno Daversin ( Cévennes )
De ce côté-ci du ciel ne perdure qu’une miette, une impression rosâtre, un soupçon de nuage qui disparaît avant d’y accrocher un seul mot.
De ce côté-ci du ciel, le crépuscule est venu me chuchoter que le temps nous rattrape comme un ogre affamé, que dès que je m’assoie il a les dents qui poussent, que la poussière attend, patiente, que chacun lui revienne.
De ce côté-ci du ciel, le vent a battu la cadence pour que l’obscurité avance jusqu’à me piétiner la tête de ses chaussons brillants et laisser dans mes cheveux des paillettes embrumées, des sentiments d’étoiles.
De ce côté-ci du ciel, les parfums se mélangent dans le grouillement du monde. L’air se frotte à la terre. Les arbres s’enlacent entre eux et l’eau creuse des lits sombres pour l’amour des poissons.
De ce côté-ci du ciel, la lune gomme le fracas des hommes, elle efface tendrement les vestiges du vacarme et la terre se repose un peu pendant qu’une poussière explore le monde sur le dos sombre de la lumière.
De ce côté-ci du ciel, les ailes des chauve-souris qui lui chatouillent le ventre font frissonner la nuit et son rire délicat est comme une prière, une chanson lancinante qui nous dit que le vide est le seigneur du monde.
Alda Merini – née le vingt-et-un au printemps
peinture D Rossetti – détail – Proserpine
Je suis née le vingt-et-un au printemps
mais je ne savais pas que naître folle,
ouvrir les mottes
pouvait déchaîner la tempête.
Ainsi Proserpine légère
voit pleuvoir sur les herbes,
sur les gros épis gentils
et pleure toujours le soir.
C’est peut-être sa prière.
(de Vuoto d’amore, Il volume del canto)
Bernat Manciet – Braises ma peau
XVI
Braises ma peau —mais une âme de gel
forte ma foi —- je n’ai plus rien à croire
bon œil — ma vue se refroidit
l’hiver me brûle et le printemps m’est fade
coffre solide — mais ne soit plus de brise
de chêne cœur — je suis las du certain
aimer me tient — l’amour me reste tiède
prière suis — mais demander me déplaît
Partir je veux — mais je sais tous sentiers
j’ai soif de pluie —et toute pluie m’est cendres
faim de mouton —toute chair me répugne
le soir s’éteint —pouvoir n’être personne!
l’aube va naître —et je cherche l’obscur
la nuit rayonne et ta lumière est morte
Henry Bauchau – Matines
Matines
Que l’homme dans le temps utile
Soit l’impatience d’exister
Et l’âme dans les eaux nubiles
Ouverte à l’immobilité
Peu de précèptes, la clarté
Peu de paroles de prière
Et cette sobre ébriété
Dans l’abondance de lumière.
Caroline Dufour – L’écho d’un privilège
——– photo perso – Marseille 2016
–
ma ville est une forêt
ma vie aussi
j’y marche
dans l’une comme dans l’autre
une manière de promenade
dans les rues de mon âme
amoureuse que je suis
de l’errance
et de l’insondable cadence
du temps et des choses
chaque jour sans prière autre
que celle que j’entends
dans le souffle du vent.
visible sur le blog de Caroline D
La tombe de l’écrivain – ( RC )
provenance photo: philippocock.net
Il y aura un cube de grès rose,
dressé en lisière des bois,
une borne, à priori des plus banales,
( qui n’est pas kilométrique ).
En effet on s’y repose,
aussi bien on s’y assoit,
quoi de plus normal,
après la gymnastique.
Certains y laissent
quelques souvenirs,
de petits cailloux,
une canette de bière.
Les amoureux s’y pressent,
en mains et en soupirs .
C’est le lieu du rendez-vous,
plus que de la prière.
La mousse s’y incruste,
le lierre prolifère,
Pourtant ce volume ne porte
pas de date , mais des noms gravés.
Ce n’est pas un buste,
Mais une simple pierre,
posée de la sorte,
juste au bout de l’allée.
Entourée d’herbe verte,
et de pins qui penchent,
elle marquerait le dernier lit,
du célèbre écrivain :
une tombe offerte
comme une page blanche
qui attendrait encore des écrits,
confiés à d’autres mains .
Echappée de l’enclos
étroit du cimetière
on viendrait comme dans la supplique
de Brassens, y faire d’affectueuses révérences
Entre le ciel et l’eau
A moitié enfouie dans la terre
discrète et monolithique ,
prolongeant dans le temps, son acte de silence .
–
RC – fev 2016
Teresa Pascual – Il est venu désormais l’hiver, sans me surprendre
–
Il est venu désormais l’hiver, sans me surprendre .
Je suis avertie par l’obscurité du matin
et le silence obstiné dans les arbres,
la lumière maladive,
le début du crépuscule.
Et maintenant, je ne vais plus revenir au sanctuaire
des heures, que je trouvai une fois à mes pieds
et je ne sais quels sables fouler
ni encore offrir quelles prières .
Vient déjà l’hiver dans le miroir
d’un visage difficile à reconnaître,
d’un corps qui se lève et regarde les choses
Une personne inconnue les placées si loin de moi
que de les toucher ne peut jamais m’atteindre
et mes mains engourdis, abandonnent .
–
traduit du catalan
–
HA VINGUT JA L’HIVERN SENSE SORPRENDRE’M
Ha vingut ja l’hivern sense sorprendre’m.
M’avisaven la fosca dels matins
i l’obstinat silenci sobre els arbres,
la malaltissa llum,
la nit anticipada.
I ara ja no regresse al santuari
de les hores que m’he trobat als peus
ni sé per quina arena caminar
ni sé quines pregàries demane.
Ha vingut ja l’hivern sobre l’espill
d’una cara que costa reconèixer,
d’un cos espectador entre les coses
que no sé qui ha posat tan lluny de mi
que al tacte sobre elles no m’arriba
i adormides les mans abandona.
Abdallah Zrika – J’ai apporté le vin … les dattes
–
J’ai apporté le vin
sans la peau du verre
J’ai apporté les dattes
fraîchement cueillies d’un mamelon
Je suis venu à vous
Je ne suis pas venu
Et vous n’êtes pas venus à moi
Je suis ainsi
vif-argent
comme le courant de la volupté
Je vous ai apporté
le minaret
pour appeler d’en-bas à la prière
Puissent les morts m’entendre
Je suis venu à vous mort
pour que vous m’aimiez davantage
et que vous disiez de moi
tout ce qui m’agrée
J’ai apporté des fleurs
pour ceux d’entre vous
qui ont proclamé leur folie
Je suis venu fou
pour comprendre le fou
tordre ce qui est droit
comprendre le fleuve
le serpent
Fou
pour aimer les échelles
devenir sage
comme chacun voudrait que je sois
Je vous apporté des choses inestimables
Les petits cailloux avec lesquels je joue
Des formes
qui ne ressemblent qu’aux animaux imaginés
dans la volupté
Du parfum
pour ouvrir vos narines
à la sauvagerie du plaisir
De l’or
que je répands
chaque fois que j’atteins la jouissance
Et vous ô femmes
je vous ai apporté un bâton d’or
qui ravit la lumière de la vulve
J’ai apporté
plusieurs copies de moi-même
Aucune
ne ressemble à l’autre
J’ai apporté
des nombres impressionnants de moi-même
Aucun nombre ne ressemble à l’autre
J’ai apporté
la soif
pour les lèvres humides
…
extrait de « Bougies Noires « aux Éditions de la Différence
traduit de l’arabe par Abdellatif Laâbi
Ticket pour un monde meilleur – ( RC )
–
Il faut entrer à pas feutrés,
Ne pas faire craquer
Les marches d’escalier,
Nous n’avons pas de ticket …
L’entrée est surveillée
Par des hommes aux aguets.
Dans ce monde meilleur,
Pas de resquilleurs !
On les dit , de confiance,
Des sortes de cerbères,
Marqués d’arrogance.
On y voit Saint-Pierre,
C’est le gars musclé,
Une sorte de magicien,
Celui qui a les clefs,
( c’est lui le gardien),
Voyez comme qu’il se morfond !
Il prend racine comme l’arbre,
Les yeux au plafond,
Dans sa robe de marbre,
Dressé contre une colonne,
Pour y prendre appui,
Faut dire qu’il n’a vu personne,
Et cultive son ennui.
Et il y a Saint Paul,
Posé tout de guingois,
Dressé sur ses guiboles,
A lire le mode d’emploi,
Du parfait prieur,
Réglant les destinées,
( à apprendre par coeur),
Cà, vous l’aviez deviné…
N’étant pas très concentrés,
Sur leur mission,
On voit au fond, l’entrée,
– ce qu’on appelle une omission –
Et personne pour donner l’alerte,
…..Je vous assure
Que la porte est grande ouverte,
Les clefs ne rentrent pas dans la serrure,
Entre la foi et le doute,
Il y a si longtemps,
Que nous sommes en route,
Personne ne nous attend,
Après ce long voyage,
Qui nous aurait dit,
Qu’après ce carrelage,
S’ouvrait le paradis ?
C’est peut-être bizarre,
Mais, au terme de notre mission,
– c’est sans doute dû à notre retard –
J’ai une drôle d’impression…
Non mais sans déconner,
On ne voit pas de nonnes,
Cet endroit est-il abandonné ?
On ne voit personne …
Nous sommes les heureux élus,
…. Pas de remords…
On entre ici, et on ne sort plus,
Ce qui se passe dehors,
Maintenant, on s’en fiche !
Vois donc les statufiés,
Collés dans leur niche,
( Que leur nom soit sanctifié !).
Bon, ça manque de confort….
Je verrais bien un peu d’rénovation,
Le ménage n’est pas leur fort..
Les saints manquent d’ambition.
Faut dire que les prières,
Les ont un peu éloignés,
Des choses de la terre,
Ce qui plaît bien aux araignées.
Ou, je sais, c’est un détail,
Il faut pas trop s’en faire,
Les pieds en éventail…
Déjà nous avons évité l’enfer,
Et nos gardiens, même avec des habits mités,
Ou vieux comme ceux d’Hérode,
On voit qu’ils sont ici, pour l’éternité,
Avec leur tenue passée de mode.
Maintenant, dans ce lieu,
Qui ressemble à un couvent,
On dit …..que c’est la maison de Dieu,
On va le croiser – c’est pas si souvent …!
Nous en sommes déjà fiers,
Cela nous conviendrait
Même à se laisser couvrir de poussière,
Dans le file d’attente, s’il faut un ticket .
–
RC- sept 2014
Cristina Campo – que la poésie comme prière
–
Moi je n’ai, vraiment, que la poésie comme prière – […]
Et quand la sentirai-je assez vraie (je ne dis pas pure, mais est-ce différent ?)
pour pouvoir la déposer sur cet autel
– dont je ne vois et ne verrai peut-être jamais les marches –
comme un panier de pignes vertes, un coquillage, une grappe ?
Chaque jour je suis de plus en plus persuadée que je n’ai pas d’autre rosaire,
d’autre épée, d’autre livre, d’autre cilice que cela.
Et je ne pars pas de l’amour de Dieu
– je suis dans le noir; pourtant je voudrais faire une chose
qui pour les autres semblera née dans la lumière.
Mais je dois me purifier,
vous n’avez aucune idée de mes péchés, je veux dire de mes crimes
–
En savoir plus sur http://www.paperblog.fr/3455248/cristina-campo-la-perfection-de-l-ange-par-zoe-balthus/#8Au7HJqyU63RXss6.99
–
Adonis – la plume du corbeau
LA PLUME DU CORBEAU
1.
Je viens sans fleurs et sans champs
Je viens sans saisons
Rien ne m’appartient dans le sable
dans les vents
dans la splendeur du matin
qu’un sang jeune courant avec le ciel
La terre sur mon front prophétique
est vol d’oiseau sans fin
Je viens sans saisons
sans fleurs, sans champs
Une source de poussière jaillit dans mon sang
et je vis dans mes yeux
je me nourris de mes yeux
Je vis, menant mon existence
dans l’attente d’un navire qui enlacerait l’univers
plongerait jusqu’aux tréfonds
comme un rêve
ou dans l’incertitude
comme s’il partait pour ne jamais revenir
2.
Dans le cancer du silence, dans l’encerclement
j’écris mes poèmes sur l’argile
avec la plume du corbeau
Je le sais: pas de clarté sur mes paupières
plus rien que la sagesse de la poussière
Je m’assieds au café avec le jour
avec le bois de la chaise
et les mégots jetés
Je m’assieds dans l’attente
d’une rencontre oubliée
3.
Je veux m’agenouiller
Je veux prier le hibou aux ailes brisées
les braises, les vents
Je veux prier l’astre dérouté dans le ciel
la mort, la peste
Je veux brûler dans l’encens
mes jours blancs et mes chants
mes cahiers, l’encre et l’encrier
Je veux prier n’importe quelle chose
ignorante de la prière
4.
Beyrouth n’est pas apparue sur mon chemin
Beyrouth n’a pas fleuri – voyez mes champs
Beyrouth n’a pas donné de fruits
Et voici un printemps de sauterelles
et de sable sur mes labours
Je suis seul, sans fleurs et sans saisons
seul avec les fruits
Du coucher du soleil jusqu’à son lever
je traverse Beyrouth sans la voir
J’habite Beyrouth mais je ne la vois pas
L’amour les fruits et moi
nous partons en compagnie du jour
Nous partons pour un autre horizon
–
traduit de l’arabe ( auteur libanais ) – par Anne Wade Minkowski
Chants de Mihyar le Damascène Sindbad
La Bibliothèque arabe 1983
–
Vahagn Davtian – De pierre ici tout un pays
–
De pierre ici tout un pays…
De pierre ici tout un pays, d’eau en furie
Murmure d’herbe ici dans la teinte du bleu
Corne des rocs dans les hauts monts hissés vers Dieu
Dans l’abîme jeté, pénitence de pierre.
Tout un pays où blanche et de glace est la plainte
Dans le fond des ravins, question des tempêtes
Vers le bas de la rive une clochette d’eau
Le chagrin du pétale et le pleur de la mousse.
Cri de cuivre et soupir de granit, le pays
À la beauté en croix sur la pierre de croix
Tout un pays face au soleil à l’infini
Toi prière à genoux et toi élan du rite.
Je suis de toi pays des longs siècles sans fin
Et je vais avec toi, hauteurs et précipices,
Furieux par la pierre et dans le vent de neige
Toi, chagrin du pétale et larme de la mousse.
–
Vahagn Davtian , » De pierre ici tout un pays », extrait..
Traduction Rouben Mélik.
–
Marie Bauthias – L’ombre des leurres ( extrait 02 )
au secret de l’écorce
nos prairies mangent d’orgueil
la couleur et l’attente
le vent qui cueille le rire dans les pleurs
la courbe des mots tendres assis
à notre oreille
l’avalanche des paumes
inscrite sous nos yeux
déjà le désordre furtif d’une peau
grandement amarré
la douce prière que le désir ne nous a pas rendue -…
Marie Bauthias
–
Rabah Belamri – Cette nuit
1
cette nuit
la mer manque de tendresse
horizon de roches
afflux de rouille dans les membres
le pêcheur s’épuise à capter son visage
si près de l’abîme
2
les terrasses du sommeil basculent
l’écume se fait banquise
je reviens néanmoins contre ta hanche
dénudé par la rumeur de l’aube
3
même le ciel des prophètes prend feu
à ta crinière
ô Boraq de désir
tes ailes bleuies d’audace
inversent l’oeil de la mort
4
ce matin
l’île penche sous son poids de lumière
une fillette court sur la dalle des prières
je reçois les embruns de son rire
Rabah BELAMRI
Jean-Marc La Frenière – Difficile
Après mon post « facile »… , voila l’inverse
Difficile
Difficile d’aimer l’homme en treillis de combat, la fillette en poupée, le môme qui fait l’homme. Difficile d’aimer l’homme quand il compte ses sous, tuant l’air qu’il respire, saccageant la forêt, affamant l’océan, mettant l’espace en carte et l’espérance en berne.
Difficile d’aimer l’homme quand il lance des pierres au lieu de caresser, transformant la terre des ancêtres en cimetière d’autos, l’œuf de Colomb en grippe aviaire, l’herbe folle en vache folle et les bonhommes de neige en oxyde de carbone.
Difficile d’aimer la femme grimpant l’échelle sociale sur la hauteur des talons et l’échelle d’un bas, transformant la caresse en argent, le cœur qui pique en château de cartes et le sexe en tirelire.
Difficile d’aimer l’acteur quand il renie Gauvreau pour jouer le bleuet dans un bol de céréales, le peintre quand il peint avec un signe de piastre. Difficile d’aimer Dieu transformant l’air en or, la prière en pétrole, la sourate en diktat, l’espérance en djihad, la caresse en enfer, le visage en burqua, le missel en mitraille et la marelle en roulette russe. Le temps se perd dans le zapping, l’espace dans le zoom.
La force de la poésie est dans sa liberté. Elle préfère les faux pas aux bêlements des foules. Enfant impitoyable, sa rectitude se tient debout entre ses lignes, loin des lignes de parti, des lignes éditoriales, des lignes de montage, des lignes blanches et des colonnes de chiffres. L’âme est trop grande pour le corps. Le ciel doit descendre manger les pissenlits par la racine.
–
Raôul Duguay- l’île

Christo & Jeanne-Claude Ile entourée... projet dessiné
L’île
Il y a si longtemps que j’ai bu à l’amour
Coulent et coulent les jours
En attendant sur l’île de ma vie
je vide la mer dans un grand verre
Je la bois je pense que c’est toi
qui pleut de mes yeux une peine infinie
sur l’île de ma vie
Il y a si longtemps que je t’écris sur le sable
les mots les plus aimables et qu’efface le vent
Graverai dans la pierre la forme de ton corps
M’endormirai encore en chantant la prière
que tu reviennes un jour sur l’île de ma vie
On aura tout le temps de devenir des enfants
des amants de l’amour à tout moment
sur l’île de la vie
Nous réapprendrons la magie
le pouvoir de vivre transparents
dans la vérité et dans la liberté
sur l’île de l’amour
– voir le site du compositeur chanteur , écrivain, québécois Raôul Duguay
( qui m’a précisé que ce texte était celui d’une chanson, avec la musique de Guy Richer).

Christo & Jeanne-Claude: île entourée, réalisation: photo National Geographic
Else Lasker Schüler – Au prince Tristan (1912)
AU PRINCE TRISTAN
Sur ton âme bleue Les astres se posent pour la nuit.
Il convient de te parier tout bas, Oh toi, mon temple, Mes prières te font peur;
Par ma danse sacrée, Mes perles se ravivent.
Ce n’est ni le jour ni l’astre,
Le monde,je ne le connais plus,
Hormis toi – tout est ciel.
—
AN DEN PRINZEN TRISTAN
Au/deiner blauen Seele Setzen sich die Sterne zur Nacht.
Man muss leise mit dir sein,
0, du mein Tempel,
Meine Gebete erschrecken dich;
Meine Perlen werden wach Von meinem heiligen Tanz.
Es ist nicht Tag und nicht Stern, Ich kenne die Welt nicht mehr, Nur dich – alles ist Himmel.
1912