Francesca-Yvonne Caroutch – espace du désir
peinture: Patrice Giorda
Espace idéal
espace du désir qui
au-delà de l’assouvissement
demeure pur désir
c’est-à-dire volonté des étoiles
Jubilation de la graine sur le point de germer
Ascèse des voyages dans l’énergie à l’état brut
L’esprit et le cœur pris dans les glaces
enfin tressaillent de concert
Voici alors le prince
ni ours ni dieu
qui saura éveiller la belle au plomb dormant
Car notre mercure est terre humide et torride
le verger notre corps
et notre corps un cosmos .
Un prince au froid – ( RC )
C’est une promenade infinie,
où l’on prend toutes précautions,
pour que l’être se conserve
en l’état :
Il n’a pas été nécessaire,
comme le faisaient les Egyptiens,
de prévoir le voyage dans l’au-delà
par un subtil embaumement.
Il suffit de promener ton cadavre
avec ce siège à roulettes
dans une galerie climatisée,
quelques degrés en-dessous de zéro.
( Tu parcours donc un circuit
– variations forcément limitées –
propice à ton ennui,
prévu pour l’éternité ).
Notons l’élégance
un peu raide de la mise,
mais sans les épaisses fourrures
que l’on revêt par grand froid …
Ton regard quelque peu absent:
on pourrait le dire « glacé »,
et les pensées immobiles,
figées, comme tes membres ,
dans une position définitive .
D’aucuns la disent hautaine.
> Mais une certaine raideur ,
assortie à tes fonctions .
–
RC – sept 2016
Dylan Thomas – La colline des fougères
Fernhill
(la colline des fougères)
Insouciant sous les pommiers en fleurs
Jadis, Je fus un enfant
Heureux car l’herbe était verte
Auprès de la maison joyeuse
Et la nuit recouvrait le vallon étoilé…
Ô temps, laisse-moi regrimper pour saluer toutes choses
Et recouvrer, glorieux, l’âge d’or de mon regard
Quand les chariots étaient carrosses
Et les pommeraies villes dont j’étais prince
Et que jadis, avant le commencement du temps,
Je gouvernais les arbres et les feuilles
Et suivais, dans les rivières de la clarté,
Le sillage des épis et des marguerites.
Jeune pousse verdoyante, célèbre dans les granges,
M’approchant de ma ferme et de ma cour joyeuse,
je chantais.
j’allais dans le soleil qui n’est jeune qu’une fois.
Ô temps, que je rayonne sur le chemin de grâce,
Chasseur et puis berger, vêtu d’or et de vert.
Les veaux me répondaient quand je sonnais du cor,
Les clairs aboiements frais des renards des collines
Et tintaient lentement comme les cloches du dimanche
Tous les galets des saints ruisseaux.
Merveilleuse mélodie des jours,
les foins hauts comme la maison,
Le chant des cheminées,
le vent adorable dansant avec le pluie
Le feu, vert comme l’herbe
Et la nuit sous les simples étoiles,
Comme je glissais dans le sommeil
Les chouettes transportaient la ferme au loin
Et j’entendais voler sous la lune
Bénies par les bêtes des étables
Les engoulevents avec les meules de foin
Et devinais l’éclair des chevaux dans la nuit.
Et puis me réveiller et retrouver la ferme
Comme un errant dans la blancheur de l’aube
Qui regagne enfin son pays,
Un coq perché sur son épaule.
Le monde était alors comme le jardin d’Eden,
le ciel venait d’éclore,
Le soleil de jaillir, tout comme au premier jour,
La pure lumière d’être tissée.
Les chevaux ensorcelés
Quittaient la chaleur hénnissante des étables
Pour la gloire des prairies.
Et honoré parmi les renards et les faisans,
Près de la maison joyeuse,
Sous les nuages nouveaux nés,
Et heureux tant que le coeur était fort,
Dans le soleil renouvelé,
je courais parmi les chemins insouciants,
Mes voeux lancés dans le foin
Aussi hauts que la maison,
Et je me moquais bien dans mon commerce avec le bleu du ciel
Que le temps n’accorde, dans son cycle mélodieux,
Que si peu de ces chants matinaux
Avant que les enfants verdoyants et dorés
Ne le suivent hors de la grâce.
J’ignorais en ces jours candides comme des agneaux
Que le temps m’emporterait bientôt dans ce grenier
Rempli d’hirondelles à l’ombre de ma main,
Dans la lune toujours montante
Et que, galopant vers le sommeil
Je l’entendrais voler par les moissons
Et m’éveillerais dans la ferme
Chassé à jamais du paradis de l’enfance
Oh ! Je fus un enfant rayonnant sur le chemin de grâce
Et le temps me retenait verdoyant loin de la mort
Tandis que je chantais dans mes chaînes
Comme la mer.
N’entre pas sans violence dans cette bonne nuit
N’entre pas sans violence dans cette bonne nuit,
Le vieil âge devrait brûler et s’emporter à la chute du jour ;
Rager, s’enrager contre la mort de la lumière.
Bien que les hommes sages à leur fin sachent que l’obscur
est mérité,
Parce que leurs paroles n’ont fourché nul éclair ils
N’entrent pas sans violence dans cette bonne nuit.
Les hommes bons, passés la dernière vague, criant combien
clairs
Leurs actes frêles auraient pu danser en une verte baie
ragent, s’enragent contre la mort de la lumière.
Les hommes violents qui prirent et chantèrent le soleil
en plein vol,
Et apprennent, trop tard, qu’ils l’ont affligé dans sa
course,
N’entrent pas sans violence dans cette bonne nuit.
Les hommes graves, près de mourir, qui voient de vue
aveuglante
Que leurs yeux aveugles pouraient briller comme
météores et s’égayer,
Ragent, s’enragent contre la mort de la lumière.
Et toi, mon père, ici sur la triste élévation
Maudis, bénis-moi à présent avec tes larmes violentes,
Je t’en prie.
N’entre pas sans violence dans cette bonne nuit.
Rage, enrage contre la mort de la lumière.
(Dylan Thomas, « Vision et Prière » et autres poèmes, traduction et présentation d’Alain Suied, NRF, Poésie/Gallimard)
Fern Hill
Now as I was young and easy under the apple boughs
About the lilting house as the grass was green,
The night above the dingle starry,
Time let me hail and climb
Golden in the heydays of his eyes,
And honoured amoung wagons I was prince of the apple towns
And once below a time I lordly had the trees and leaves
Trail with the daisies and barley
Down the rivers of the windfall light.
And as I was green and carefree, famous amoung the barns
About the happy yard ans singing as the farm was home,
Il the sun that is young once only,
Time let me play and be
Golden in the mercy of his means,
And green and golden I was huntsman and herdsman, the calves
Sang to my horn, the foxes on the hills barked clear and cold,
And the sabbath rang slowly
In the pebbles of the holy streams.
All the sun long it was running, it was lovely, the hay
Fields high as the house, the tunes from the chimneys, it was air
And playing, lovely and watery
And fire green as grass.
And nightly under the simple stars
As I rode to sleep the owls were bearing the farm away,
All the moon long I heard, blessed amoung stables, the nightjars
Flying with the ricks, and the horses
Flashing into the dark.
And then to awake, and the farm, like a wanderer white
With the dew, come back, the cock on his shoulder : it was all
Shining, it was Adam and maiden,
The sky gathered again
And the sun grew round that very day.
So it must have been after the birth of the simple light
In the first, spinning place, the spellbound horses walking warm
Out of the whinnying green stable
On to the fields of praise.
And honoured among foxes and pheasants by the gay house
Under the new made clouds and happy as the heart was long,
In the sun born over et over,
I ran my heedless ways,
My wishes raced through the house high hay
And nothing I cared, at my sky blue trades, that time allows
In all his tuneful turning so few and such morning songs
Before the children green and golden
Follow him out of grace.
Nothing I cared, in the lamb white days, that time would take me
Up to the swallow thronged loft by the shadow of my hand,
In the moon that is always rising,
Nor that riding to sleep
I should hear him fly with the high fields
And wake to the farm forever fled from the childless land.
Oh as I was young and easy in the mercy of his means,
Time held me green and dying
Though I sang in my chains like the sea.
–
Conte d’élections, sur rimes en O ( RC )
Enluminure: la tempête apaisée
–
Roi et prince sont dans un château –
Autour du château – des douves remplies d’eau –
Des nuages éclatent – nous dit la météo –
Ce qui veut dire – il ne fait pas beau –
On pourra constater qu’il pleut à seaux –
Roi et prince tombent alors dans les flots –
Point de barque qui passe – ni de bateau –
Couronne roule par le fond – avec ses émaux –
Si un des deux survit ( ou sauvera sa peau ) –
Flotteront des plumes – celles d’un beau chapeau –
Canards ou canetons suivent – ou autres animaux –
Le vol des vautours , voire des corbeaux –
Sous l’oeil étonné , de nombreux badeaux –
…. Succession oblige – se présentent hobereaux –
Ducs, barons, – Sarko et généraux –
Chacun à brandir son propre drapeau –
Et même , la faucille et le marteau –
On a toujours besoin de nouveaux héros –
Pour repartir de zéro –
Ne se voient pas de la cuirasse, les défauts –
Nouveau roi, nouveau prince – portés haut –
– Tu parles d’un cadeau ! –
Du grain ou de l’ivraie, savoir le vrai du faux –
Peu importe qui revêt l’hermine à son manteau –
On peut toujours promettre l’eldorado
> Tout ça c’est du pipeau
Il y a des princes et des vassaux
Plutôt que d’être égaux, c’est la parade des égo
Petit peuple se contente d’une chemise, ou d’un maillot –
( car point trop n’en faut )
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RC – 26 décembre 2012 – juin 2016
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Le Petit Prince, et la musique du monde ( RC )
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C’est, extrait du livre de l’enfance,
Le Petit Prince, qui met le pied
Sur une frêle planète,
On y entend, si on écoute, une brise
Qui chante dans les arbres, la vie
loin de avions qui passent
Et la caresse chaude des jours de l’été.
Le Petit Prince progresse, il ne lui faut pas longtemps
Pour faire le tour de la terre, et passer le gué
Des îles aux continents, sans se mouiller les pieds.
Il s’interroge avec insistance, sur la forme des montagnes,
Le silence blanc des déserts, l’aventure des rivières
La succession des villes, et des maisons jouets
Sagement alignées, le long des routes,
Et les supermarchés,sont une grande attraction.
S’il veut dessiner des moutons, demander son chemin,
Il n’obtient pas de réponse, car on ne le comprend pas,
Déjà les hommes ne se comprennent pas d’une région à une autre
Et se barricadent chez eux, derrière des frontières,
Mais au-delà des murs on entend de la musique
Qui passe sans rien dire
Comme le vol des colombes
Sur la frêle planète
On entend, si on l’écoute,
Tout de l’amour, et des langages, sans paroles.
Elle ne disait rien, et finit par tout nous dire.
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RC- 18 octobre 2012
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