Martine Cheval – marches

Les marches sur les routes du soleil,
la lumière qui penche elle aussi,
vers les cailloux de contes à ramasser
avant que de les raconter.
Les marches en montagne, dans les bois, les vallées,
celle de l’Ourika et Oulmès,
Oukaimeden, Besse, l’Atlas et tant d’autres…
Les haltes des cabanes à construire
et les fleurs en couronnes à la manière des Russes :
les filles en princesses des contes qu’elles lisaient,
les garçons en « homme fleurs » de l’Arabie du Sud.
–
extrait de « Jardins d’enfants »
Paul Gravillon – la tristesse et le jour se ressemblent

Un visage accroché à des algues
un balcon troué par une bombe
des paupières de violettes
des Joues de crépuscule
des yeux d’orient
perles noires dans un jour glauque
tournées vers le futur
illisibles
tous les genres se mélangent
les classes les races
les femmes se donnent et restent vierges
tout le monde est pardonné
la tristesse et la joie se ressemblent
tout se poursuit
plus rien n’importe
la femme cancéreuse se caresse le sein
les grands hommes ne meurent plus
ils remplissent les rues
faire l’amour c’est faire son salut
la main de parkinson
sème l’or à tous vents
les tigresses ont la caresse facile
et les biches sont sanglées comme des femmes
leur tresse comme une loutre endormie sur l’épaule
fatiguée de tant de pays
leur nudité ne se vend plus
elles entrent à l’académie des beaux-arts
les rois hydrocéphales
se couvrent le front d’une feuille d’or
et les princesses aztèques
les yeux brouillés de sable
sont à genoux et prient entre leurs cuisses
déjà la nuit
a mis ses doigts sur leur joue gauche
déjà se cambre leur jeunesse ‘
et le vieil homme a revêtu
son pyjama d’agonisant
près de sa main s’arrête
la fille aux yeux de lit
aux cuisses aspirantes
ou bien selon les jours
la viergeronnette en madras bleu
dont le pied effleure l’ordure
et dont la chair
sent le pain chaud
mais l’homme se meurt et d’autres baisent
voici la fin et le commencement
les sphinx dans le vent
ont perdu leurs cheveux
II y a aussi des combats dans le ciel
souvent volent des débris d’anges
lumineux ou funèbres
tandis que le vent crie en silence
et que brillent
les cuirasses du soleil
les cavaleries de dentelles fuient
au ralenti
sur le silex du ciel
croisées par les corbeaux qu’attire
l’immense tache rousse
qui sourd à l’horizon
alors les éventails verts
constellés de cris d’oiseaux
éventent les colombes
échauffées par le sang
il pleut tant de lumière
sur les coffrets de bijoux de l,a terre
que toutes les portes
restent closes
Vesna Parun – la vague
J’écoute la rumeur basse de la mer
Qui surgit de la vague et se répercute,
Masquée par un agave antique, j’épie
Sa gorge qui se change en une mouette
Pour s’envoler avec un gémissement
Vers l’or des nuages. Et de l’airain du ventre
Somptueux s’érige sombrement le roc
En fleur qui porte un cortège de princesses
Fascinantes, de fées surgies des légendes.