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Un lumineux avril – (Susanne Derève)-


photomontage RC

.

Ce dont je m’émerveille, en ce lumineux Avril ,

c’est de m’émerveiller encore,

 

des papillons juvéniles du feuillage

et de la profusion des tulipes, une traîne vivace

dans l’herbe du jardin, brodée de rouges et d’ors

par une main ancienne.

 

Main inconnue, qui agenças habilement les formes

et les couleurs de ce jardin champêtre,

nous voici liées, à travers les années,   

par l’éphémère miracle du printemps.                                                                                                              

.


Poème champêtre – Susanne Derève –


Ernest QUOST – Fleurs de Pâques (1890)

Porte qui grince,
les gonds rouillés et le bois mort,
le bois vert du printemps,
cet onguent de la solitude.

La nature n’aime rien moins
que les âmes esseulées.

Au fil des ans dans la prairie,
les fleurs rendues à la nature essaiment
en légers troupeaux de corolles,
en cavalcade agreste dans l’herbe
du jardin – primevères, violettes
et les clairons d’or des jonquilles –

Telle opulence, est-ce fausse innocence ?
Bonheur, l’instant où nous pénètre à ce point la beauté
qu’elle nous possède tout entier ?

Sous-bois de l’éphémère, veille jalouse, en robe pâle
les jacinthes, que trahit leur parfum, dressent
sur leur hampe fragile une pure fleur étoilée.

Ce monde nous oblige, dans son intime perfection,
à lui rendre des comptes, de ce que nous avons trahi
de lui et de nous-mêmes.


Anniversaire – (Susanne Derève)


Robert Mapplethorpe – Tulip

.

à ma fille ,

*

Grand galop de printemps,

la course des jonquilles s’épuise

dans la prairie. 

Les jaunes passent,

et les rouges entrent en scène,

fragile passacaille qu’entament les tulipes

au vent d’Avril,

le pur ovale de leur globe m’évoque  

ton visage, 

Fleur  de 25 années ce matin. 

*


Ilarie Voronca – rien n’obscurcira la beauté du monde


Rien n’obscurcira la beauté de ce monde
Les pleurs peuvent inonder toute la vision. La souffrance
Peut enfoncer ses griffes dans ma gorge. Le regret,
L’amertume, peuvent élever leurs murailles de cendre,
La lâcheté, la haine, peuvent étendre leur nuit,
Rien n’obscurcira la beauté de ce monde.

Nulle défaite ne m’a été épargnée. J’ai connu
Le goût amer de la séparation. Et l’oubli de l’ami
Et les veilles auprès du mourant. Et le retour
Vide du cimetière. Et le terrible regard de l’épouse
Abandonnée. Et l’âme enténébrée de l’étranger,
Mais rien n’obscurcira la beauté de ce monde.

Ah ! On voulait me mettre à l’épreuve, détourner
Mes yeux d’ici-bas. On se demandait : « Résistera-t-il ? »
Ce qui m’était cher m’était arraché. Et des voiles
Sombres, recouvraient les jardins à mon approche
La femme aimée tournait de loin sa face aveugle
Mais rien n’obscurcira la beauté de ce monde.

Je savais qu’en dessous il y avait des contours tendres,
La charrue dans le champ comme un soleil levant,
Félicité, rivière glacée, qui au printemps
S’éveille et les voix chantent dans le marbre
En haut des promontoires flotte le pavillon du vent
Rien n’obscurcira la beauté de ce monde.

Allons ! Il faut tenir bon. Car on veut nous tromper,
Si l’on se donne au désarroi on est perdu.
Chaque tristesse est là pour couvrir un miracle.
Un rideau que l’on baisse sur le jour éclatant,
Rappelle-toi les douces rencontres, les serments,
Car rien n’obscurcira la beauté de ce monde.

Rien n’obscurcira la beauté de ce monde.
Il faudra jeter bas le masque de la douleur,
Et annoncer le temps de l’homme, la bonté,
Et les contrées du rire et de la quiétude.
Joyeux, nous .marcherons vers la dernière épreuve
Le front dans la clarté, libation de l’espoir.
Rien n’obscurcira la beauté de ce monde.


photo Renaud Camus


Ne cherche pas à m’appeler, je suis déjà ailleurs… – ( RC )


photo R Koudelka

Dans les courbes de la nuit se cachent les pensées
les plus secrètes, là où je ne peux avoir accès,
car les lendemains ne connaissent pas de parole :
celles ci ne sont pas nées et le discours reste bouche bée,
n’émettant que des sons muets.
Si j’écris le chant, chacun y lit sa propre histoire,
les raisons de croire, et les chemins où ils s’égarent,
alors que déjà les lumières s’éteignent sur les jours passés,
brûlées par le sel, ensevelies sous les marches d’un temps,
où l’on n’espère plus de printemps .
Ne cherche pas à m’appeler, je suis déjà ailleurs.

RC – dec 2022


le vieux manteau, au square du jardin de ville – ( RC )


Je suis resté immobile
avec mon vieux manteau
couvert de feuilles mortes
au square du jardin de ville :
je suis venu chaque jour d’hiver,
j’attendais ta chanson:
le froid fut sévère,
mais n’eut pas raison de ma passion….


Ce ne fut qu’au printemps
que le gel libérant les sèves,
fit que toi, ma fontaine,
retrouvas tes eaux…
Ta sculpture au regard fier,
tes jupes de pierre
retrouvant leur souplesse
alors j’ai quitté mon banc
et laissé mon manteau,
qui, de détresse,
partait en lambeaux…


La chance de l’avoir rencontré – ( RC )


photo RC – jardins de l’abbaye de Daoulas

On ne dérange pas
l’éclosion des fleurs.

Elles éclatent en silence
et se jouent des vieux bois
gémissant sous le vent.

On ne dérange pas
les lèvres du jour

Tu sais que la couleur
joue avec l’éphémère,
lutte contre le vent.

Tu ne couperas les les fleurs
dans leur élan

Elles ont moins de temps à vivre,
mais se répandent par milliers
à travers les champs.

On ne dérange pas
le printemps qui triomphe de l’hiver

Sa vulnérabilité n’est qu’apparence ;
tu as déjà beaucoup de chance
de l’avoir rencontré !


Cathy Garcia – printemps païen – végétal


peinture Georg Sabin

Graines de désir,
Germées à l’ombre,
Au cœur du cœur.

Noyaux de vie,
Toute concentrée
Appelée à croître.

Pousses victorieuses
Et jaillissantes
Dans un premier
Éblouissement!

Feuilles enfants
Déployées,
La tendresse
Du fin duvet.

Rencontre avec l’eau,
Plaisir de la croissance,
Élévation.

Tige vivante,
Souple et caressante,
Tendue, dressée,

Portant ses fruits,
Sa fleur
En bouton secret.

Sortilège de la lumière
Conjuguée au vent
Et à l’amour!

Mystère éclos…
La fraîche merveille
D’un rouge délicat.

Robes de soie et de velours
Aux teintes les plus pures,
Parfums étranges et lourds.

Une corolle épanouie,
Un sexe frémissant,
Totalement offert!

Plénitude éphémère,
Le printemps
Pour lune de miel !


Wang Wei – vague de saules


en rangées distinctes

    se succèdent les arbres

            magnifiques

leurs ombres inversées

         traversent 

les ondes cristallines

pas comme dans les canaux du Palais impérial

où le vent du printemps

      attriste toutes les séparations

Wang Wei est un poète chinois du 8è siècle


Charles Reznikoff – Te deum


gravure M Gromaire -orage sur la mer – 1957

Ce ne sont des victoires
que je chante,
je n’en ai pas,
mais le soleil qui brille pour tous,
la brise,
les largesses du printemps.
Non la victoire,
mais le travail quotidien accompli
du mieux que je pouvais :
non un siège sur l’estrade,
mais à la table commune.


Mario Benedetti – seul comme ce porte-manteau


Moi aussi seul comme ce porte-manteau,
comme sont les tables, comme est la planche à repasser.
Murs et rambardes, le fauteuil, la cheminée.
Brûle le feu incendiant le jardin tout entier,
tout le pré, les bois, tous les printemps.

Tersa morte, (extraits)

Milan, Mondadori, 2010


Elégie – (Susanne Derève)


Piet Mondrian – pommier en fleurs –
Arbre
dressé vers le ciel 
élégie de bourgeons tremblants 
dans la lumière du soir
 
Chez nous tout arrive tard
la promesse de vie est si longue à venir
qu'on la croirait perdue 
à la dérive
 
dans les glacis de l'hiver
comme ces longs nuages à la remorque  
des oiseaux de passage
 
Soubresauts
L'hiver chez nous est si long à mourir
grêle pluie vent
pâles brouillards de givre et de lune froissée
 
Mais un arbre dressé vers le ciel 
élégie de bourgeons tremblants 
d'un vert si tendre
un arbre
annonce le printemps
 

poème lu par Nicolas Granier -7/06/2022

Plume – (Susanne Derève) –


Joan Mitchell – Yellow river –
          Gratte, gratte 
          le papier 
          plume bavarde
          tandis que je griffe  la terre                                                                    
          froide
          pour y enfouir la promesse 
          de vie.
          Sève,
          qui cheminera vers le soleil 
          tandis que tes mots candélabres 
          s’abimeront  dans l’encre noire
          du poème.


Appelle-moi encore – (Susanne Derève) –


Théodore Brenson, 1893-1959, Chevaux sauvages
Contre un tas de bois mort, 
brise indolente, abri silencieux, voix. 
Voix qui m’appelle a fait fuir le lézard
et la mésange.
N’épelle pas mon nom usé.

La terre porte un mirage d’eaux neuves, 
de printemps.
Des chevaux captifs renversent le fil acéré 
des enclos.
Les drailles à l’horizon cheminent vers le ciel, 
et franchi le ciel vers l’échine argentée du vent, 
le pelage ras des Causses hérissé de lavandes,
l’étrangeté des pierres dressées.

Déjà, le soir s’enferre au creux des combes,
l’ombre violette des futaies se déploie 
et s’allonge, 
tout ce que le jour portait de douceur et de fièvre 
bascule puis se fige
dans le premier battement d’aile de la nuit.

Appelle-moi encore, et je te rejoindrai.


poème lu par Nicolas Granier 7/06/2022

Mars guerrier – Susanne Derève –


– Photo RC –
Ne me dis rien des pierres froides 
ourlées de l'herbe neuve du printemps,                                                                      
de  la coulée d’or des jonquilles, 
ni des violettes du matin tout juste écloses, 
de leur parfum à ta narine.      
 
Le jardin est une chambre close 
où n’ont droit de cité que la trille du merle 
et les amours bruyantes d’un couple 
de colombes.
Un fallacieux parfum de paix. 

L’arbre qu’éreintait l’hiver
déploie hardiment ses têtières, 
étire ses branches nues, 
pénètre, sève ardente, par la fenêtre ouverte,
entame sa tendre mue, 

Mais n’en dis rien 
Mars guerrier martèle de ses tambours  
les greniers du monde

Ne va pas nouer dans le poème  
les tresses d’un printemps barbare
d’une sanglante ronde
où les fleurs de ta bohème 
ne sont qu’un voile obscène
jeté sur les décombres 
de la haine. 

Pier Paolo Pasolini – Sans manteau , dans l’odeur de jasmin –


Pasolini- Accattone (1961) –
Sans manteau, dans l’odeur de jasmin 
je me perds dans ma promenade vespérale, 
respirant — avide et prostré, jusqu’à

ne plus exister, à être fièvre dans l’air,
la pluie qui germe et le ciel bleu
qui plombe aride sur les chaussées, signaux,

chantiers, troupeaux de gratte-ciel, amas 
de déblais et d’usines, pénétrés 
d’obscurité et de misère...

Je marche sur une sordide boue durcie, et je rase 
des taudis récents et délabrés, à la lisière 
de chauds terrains herbeux... Souvent l’expérience

répand autour d’elle plus de gaieté, plus de vie, 
que l’innocence; mais ce vent muet 
remonte de la région ensoleillée

de l’innocence…L’odeur précoce et fragile 
de printemps qu’il répand, dissout 
toute défense dans ce coeur que j’ai racheté

par la seule clarté : je reconnais d’anciens désirs, 
délires, tendresses éperdues, 
dans ce monde agité de feuilles.

                 *

Poésie

1943-1970

nrf Gallimard

.

Pasolini – Accatonne –


Robert DESNOS – Printemps –


Marcel Duchamp – Jeune homme et jeune fille dans le printemps – 1911

.
Tu, Rrose Sélavy, hors de ces bornes erres
Dans un printemps en proie aux sueurs de l’amour,
Aux parfums de la rose éclose aux murs des tours,
à la fermentation des eaux et de la terre.

Sanglant, la rose au flanc, le danseur, corps de pierre
Paraît sur le théâtre au milieu des labours.
Un peuple de muets d’aveugles et de sourds applaudira
sa danse et sa mort printanière.

C’est dit. Mais la parole inscrite dans la suie
S’efface au gré des vents sous les doigts de la pluie
Pourtant nous l’entendons et lui obéissons.

Au lavoir où l’eau coule un nuage simule
À la fois le savon, la tempête et recule l’instant
où le soleil fleurira les buissons.


6.4.44 19,
rue Mazarine
Paris VI

Desnos Oeuvres

Quarto Gallimard 


Julien Bosc – écrire avant de se taire


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écrire
avant se taire
rallumer son feu dès l’aube peler l’orange
raccommoder sa langue et sa peau
compter les gouttes de pluies glissées sous le rameau nu du pommier
laisser venir
offrir un toit au vent  et
si du dedans le papillon frappe au carreau de la fenêtre ou de la porte
lui parler peu sans surtout forcer la voix
le prendre dans le creux d’une main
entrebâiller la fenêtre ou la porte et ouvrir après la main

ainsi
des ocelles rouge et jaune à ras des crêtes et
dans de la nuit bleue
l’éventualité d’un poème
à vingt jours du printemps
offrir un nouvel air à la terre du jardin en
ratissant les feuilles mortes puis
allumer un feu de petits bois et vieux genêts
les y jeter et voir partir en fumée
(penser qu’on pourrait se pendre
allez savoir pourquoi à ce moment-là)
compter les premières jonquilles tel un enfant les pièces au fond de sa poche
et avec huit être riche comme Crésus
rentrer tandis que les pâquerettes hâtives se replient pour la nuit
allumer sa lampe comme d’autres mettent à la voile
faire le vide et
tenter d’en tirer quelques bribes — gagnées sur la mélancolie
——————


Robert Vigneau – l’asperge



montage perso d’après « asperges de la une  » de Max Ernst

Dans le printemps en prière,
L’asperge prend son élan.

Dieu du Ciel, Dieu fait lumière
Qui brille au dessus des champs
Et dessous, autre prodige :
L’asperge dans son terreau
Sort ses griffes, ses rémiges,
Sort des instances d’oiseau,
Des espérances de plumes
Frisant au bec du turion.
La colombe du légume,
Notre asperge en dévotion !
Dans le sable elle voltige,
Tirée verticalement
Vers le ciel, vers ce vertige :
La lumière du printemps.
Fuis l’asperge en couleur d’ange
Sort des envols souterrains.
La clarté lui tend la main.
Alors qui se fait phalange?
Qui choisit Dieu pour arôme?
Qui se glisse dans la paume
Lumineuse du divin ?
Notre asperge du jardin.


Frisson d’Avril – (Susanne Derève)


 

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Photo – montage RC

 

 

J’ai confondu le printemps et l’hiver

Il neige si fort ce matin

une bourre de soie légère

J’y vois frissonner Avril

 

Sur la promenade pleurent les saules

et leurs cotillons graciles

moussent doucement à nos pieds

nos chevelures en sont poudrées                                             

 

Neige douce que porte le vent

mollement   gorgé de pollens

un duveteux tapis de graines

festonné d’écume blonde

 

comme une averse féconde

qu’un souffle disperserait

 

 

 

inspiré d’un poème de René Chabrière :  http://welovewords.com/documents/une-neige-qui-nen-est-pas

 

 

 


Magnolias – (Susanne Derève)


John La Farge - fleur de magnolia

John Lafarge – Magnolia 

Arbres grêlés  de l’hiver qui griffez l’horizon

de vos bras nus

Les magnolias fleurissent déjà

étoiles roses     étoiles claires

et les mouettes décrivent de grandes arabesques blanches

au-dessus des toits    épousant le vent d’une aile légère

Qui voudrait  croire que c’est aujourd’hui

le printemps ?

Les rues déroulent leur ruban de silence jusqu’à la mer

et la mer elle-même est silence

Les fenêtres sont closes   la ville muette

les parcs  les jardins   déserts

scilles, jonquilles, violettes

furtivement écloses

et leur parfum vivace

enfoui dans le lit des sous-bois

Tu tentes bien d’en ranimer l’émoi

mais son souvenir te trahit

il s’évanouit et se dérobe

comme un voile trop fin

une image tremblée qui file entre les doigts

Alors, tu restes assis vainement  à rêver

de chemins creux

du vert acide des futaies

Tu voudrais éprouver encore le fourmillement

de la marche, l’élan que tu imprimais à ton pas,

le chant des cailloux sous tes pieds

tu te souviens     et tu voudrais   et tu oublies :

tu ne peux pas.

 


Je me souviens du vent dans mes feuilles – ( RC )


Rain on Leaf 6372654231[K].jpg

Je reprends quelques paroles,
d’une chanson engloutie
par des années d’oubli,
mais moi je me souviens
du vent dans mes feuilles,
car l’arbre que je suis
a davantage de mémoire
que celle des hommes:

celles arrachées par l’automne .
même si elles sont ocrées,
recroquevillées, desséchées
puis tombées en poussière
me rappellent les hiers.

Mais il n’y a pas de deuil
puisque malgré l’hiver
le gel sévère
est encore teinté d’éphémère;

les feuilles, je les renouvelle,
de manière providentielle
car tu sais que mon bois
toujours verdoie
aux futurs printemps
et reste vigilant
pour ne pas laisser périr
les souvenirs.

  • RC – août 2019

Danielle Legros Georges – Pleasant street , printemps


 

JEAN mESSAGIER l'amour chez les noisettes

      Jean Messagier – L’amour chez les noisettes

 

 

Avec le printemps sur mon dos, autour de mon cou,

avec l’horloge tournée vers l’avant, s’ouvrant

doucement, sur un paysage de ciel voilé,

 

Dans l’envol du crépuscule, cornouiller, fleur

Tanguant dangereusement, l’éclat de chair

D’ une jambe marchant sur le trottoir,

Dans la fougère, la roche verte, l’herbe, l’arbre, un mot de plus

 

Et je nage dans un jardin. Et maintenant :

Vert-de-gris. Le voilà. Que dire, que dire

Sinon donne-moi le monde. Merveille aussi. Pousse-moi

 

A écrire un vers, pousse-moi à m’aligner avec ce qu’il y a

Autour de moi, hors de cette page. Abandonne l’espace

Entre ci et là. Là.

 

 

Poèmes choisis

rumeurs    Novembre 2018

Ed La rumeur libre


Gartempe – Susanne Derève


 

angles-sur-anglin-aux-bords-de-langlin-05.jpg

Photo RC

 

 

 

Printemps, me disais-tu,  

des lits de fleurs jetés sur l’eau

comme les voiles blancs d’une aube

adolescente

 

Je répondais  école buissonnière,  iris,

– pas ceux de Van Gogh –

 les iris jaunes des rives basses de la Gartempe

 jardins épanouis, fleurs de fruitiers,

ramées légères  sous le vent frais                        

 

Que disais-tu sinon que le printemps était là

ses fleurs dressées aux angles des fenêtres,

égayant  le pavé des cours, cernant le vide

à l’aplomb  des vieux murs,  églantiers,                          

valérianes, coquelicots  d’un jour

 

Printemps    voyais-tu ce que je ne voyais pas

Jetais-tu sous mes pas comme un semis  d’étoiles

Etaient-ce simplement les cailloux du chemin  

Ou sous les lunes d’eau  un reflet  cristallin  

 

l’éclat du ciel entre les pierres 

pans  de ciel   mêlés entremêlés de murs brisés

fendus d’étroites meurtrières 

 

Tu me disais printemps

et mon rêve brassait le temps

comme les pales du moulin   

 

C’était le battement régulier de la roue

l’orbe de l’eau  le lit d’argent de la rivière

 

et ses berges un écrin déclinant la palette

des verts           me disais-tu

comme on les peint

 

 

 

 

 


Pégase – (Susanne Derève)


 

1087px-Albert_Pinkham_Ryder_-_Pegasus_Departing_-_1929.6.105_-_Smithsonian_American_Art_Museum
Albert Pinkham Ryder – Pégasus

 

 

Gorgone aux yeux  de pierre

je  regardais s’enfuir  le temps exsangue


Pégase,   auréolé des nuits de gel    

qui déployais tes ailes blanches

en bordure des chemins grêlés de vent     

 
sur les rameaux légers du jour  naissant     

enrubannés de sève


Les nuages tendaient au ciel des bannières

d’argent

 
Les neiges de printemps sous ton sabot délié

fondaient en sources claires


Pégase

qui piétinais l’hiver et terrassais

la gangue bleue de  mes chimères

 

 




  

Claude Pélieu – Printemps rouge et noir


 

mage

  Mark Rothko

 

 

J’aime le silence de la forêt

et les paysages inachevés

(Il paraît que nous sommes assurés

de notre défaite et de notre désintégration)

nos peurs barbouillées du sang de la nuit

ruptures  brisures  transmissions

sur le mur d’écrans  les fournaises du monde

tout devient visible  et les fleurs du silence

incendient nos yeux de rumeurs

merles  rouge-gorge  mésanges  sont revenus

l’herbe du printemps imite le vol des mouettes

flammes bleues à travers les branches des érables

c’est la fin de l’hiver et par temps de pluie

les couleurs pleurent sans mémoire

 

 

 

Indigo Express

Paris – le livre à venir- 1986


James Sacré -Toit dans l’ombre (ou lampe) et le temps


 

Kandinsky The blue rider, 1903, Ernst Bührle Collection, Zür

Kandinsky – The blue rider

 

 

 

Un grand cheval emporte un pays , le village

( C’est au printemps , un arbre a grimpé son branchage

Au ciel )  ;  espace  : ah , oui les merveilleux nuages  !

Mais rien , que le vent , rien , le bleu du paysage .

Où bondir  ?  je ramasse un trèfle ,  des fourrages  ;

Ras de terre écorché , escargots , tussilages ,

Un cheval maigre y traîne un précaire attelage .

Où le printemps , les foins  ?  Où paraît quel visage  ?

Un arbre fait quel signe où rougit le village  ?

Je le regarde au loin , printemps fleuri , feuillages ,

Taupinière et chardons le soleil , cheval sage …

Et rien , que le vent rien , l’érosion d’un village .

 

 

 

 

 

Toit dans l’ombre (ou lampe) et le temps p 34

(à des poèmes d’Yves Bonnefoy)

ANCRITS  – Imprimeur Thierry Bouchard (Losne)

1982