Miquel Marti I Pol – Un jour, je serai mort …
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Un jour, je serai mort
et encore dans l’après-midi
dans la paix des routes,
dans les champs verts,
parmi les oiseaux et au milieu de l’air
tranquillement en ami
et de passage parmi ces hommes
Je ne sais pas et je t’aime.
Un jour, je serai mort
et encore dans l’après-midi
dans les yeux des femmes
qui viennent et qui m’embrassent,
dans la musique ancienne
toute mise au point,
ou même dans un objet,
le plus intime et le plus clair
ou peut-être dans mes vers.
Dites-moi quel prodige
rend le soir si doux
et si intense à la fois,
et à quel champ ou à quel nuage
dois-je attribuer ma joie;
parce que je sais supporter
tout de mon entourage,
et que je sais que quelqu’un, plus tard,
saura préserver ma mémoire.
Les paroles au vent
Miquel Marti I Pol
Kenneth White – que personne n’aille dire que tu as eu peur du silence
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Nourris le feu allume ta lampe
Sans te soucier du froid ni du noir qui s’en vient
Prends tes bouquins continue tes études
Et que personne n’aille dire que tu as eu peur du silence
Ou qu’à t’apitoyer sur toi-même tu t’es pourri
Les bêtes hurlent à la lune elle les fascine
Mais toi prends-lui sa force et tourne-lui le dos
Et puis écris dans ta propre blancheur
Trace ton propre parcours
Toutes les mues cachées de l’hiver
Laisse la vieille buse jeter sa morve et faire des siennes
De la neige tisse-toi une chemise de flanelle
Avec un pan épais pour te couvrir les fesses
Fais usage de la pluie pour fabriquer ton grog
Et du vent pour tourner les pages de ton livre
La force personnelle peut faire des prodiges
Sans elle le talent n’est rien
Augmente ta vie
Trempe-toi le caractère
Et tire profit à plein de cet hiver
In « En toute candeur »
Jorge Luis Borges -Voir.
Voir que la veille est un autre sommeil
Qui se croit veille, et savoir que la mort
Que notre chair redoute est cette mort
De chaque nuit, que nous nommons sommeil.
Voir dans le jour, dans l’année, un symbole
De l’homme, avec ses jours et ses années ;
Et convertir l’outrage des années
En harmonie, en rumeur, en symbole.
Faire de la mort sommeil, du crépuscule
Un or plaintif, voilà la poésie
Pauvre et sans fin. Tu reviens, poésie,
Comme chaque aube et chaque crépuscule.
La nuit, parfois, j’aperçois un visage
Qui me regarde au fond de son miroir ;
L’art a pour but d’imiter ce miroir
Qui nous apprend notre propre visage.
On dit qu’Ulysse, assouvi de prodiges,
Pleura d’amour en voyant son Ithaque
Verte et modeste ; et l’art est cette Ithaque
De verte éternité, non de prodiges.
Il est aussi le fleuve interminable
Qui passe et reste, et reflète le même
Contradictoire Héraclite, le même
Mais autre, tel le fleuve interminable.
…
L’autre, le même.